Je lus la missive à voix haute. « Duc Paiberym, nous avons l’honneur de vous convier à une réunion des Archimages qui se tiendra au palais de Caelum afin de discuter des dernières actualités vous concernant. Vous trouverez sur le document annexe les précisions de date et de lieu. Avec tous mes hommages. Judicaël Halloy, Chancelier d’Ivoire, Achimage Sirigon. » Un rire s’échappa d’entre mes lèvres. Il semblait que mon comportement des derniers jours posât problème. Le fait que j’eusse trainé la Marquise Vaughan dans une salle bondée, que je l’eusse envoyée directement chez les Sorciers le lendemain de sa visite au Temple de Lyre sans même prévenir sa mère et que je me fusse marié de façon impromptue après avoir niqué ma future femme au pied d’un chêne était visiblement contraire aux bonnes mœurs. Cependant, Judicaël était très mal placé pour me parler du respect des us et coutumes. S’il tentait de me faire la morale sur mes activités sexuelles, il me faudrait lui rappeler que certains silences pouvaient être brisés. Outre ces considérations, je n’étais pas disponible. En effet, après le départ de Freyja, j’avais organisé mon emploi du temps de façon à arranger les affaires du Duc. Me convoquer sans me proposer plusieurs créneaux était aussi irrespectueux que la vue de leurs perruques grandiloquentes et des collants qui moulaient parfois leurs mollets de cabri. Durant la prétendue réunion, qui s'apparenterait bien plus à un procès qu'à une discussion selon moi, je serais en compagnie de certains enfants de Kaahl afin de tester leurs compétences. Le Mage ne l’avait jamais fait et je trouvais son approche laxiste de l’éducation préjudiciable à sa progéniture. La liberté était une belle notion mais je préférais de loin chercher les talents pour les exploiter au mieux. À force d’entraînements et de répétitions, n’importe quelle activité devenait agréable. La maîtrise apportait son lot de satisfaction. Je voulais donc me faire une idée des capacités de cette marmaille grouillante qu’il avait adoptée sans raison autre que celle de sortir des bambins de leur condition d’orphelins. Son amour des enfants ne s’accompagnait pas d’exigences. Contrairement à lui, je l’étais.

« Duc Halloy,

Malheureusement, je ne serai pas disponible le jour annoncé dans votre précédente lettre. Je vous convie donc à mon tour à une réunion des Archimages en Haute-Terre demain matin à quatre heures, au sein de l’ancien temple de Sympan. Je compte sur votre présence puisqu’il me sera difficile de me libérer après cette date. Je vous confie le soin de prévenir à qui de droit.

Kaahl Paiberym. »

Ils allaient devoir apprendre que je ne me pliais pas aux règles d’autrui. Autrui se pliait aux miennes. En attendant, il me fallait trouver Pauline pour qu'elle envoyât magiquement le parchemin.

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Le lendemain, j’arrivai à l’heure. Je n’aimais pas être ni en avance, ni en retard. Armé d’un dossier qui contenait des notes manuscrites, je pris place autour de la table. Les rangs des Archimages étaient clairsemés. Ils étaient quatre, dont un, le brun, qui semblait sur le point de se rendormir. À peine fus-je installé que le Sirigon tenta de prendre la direction de la réunion. Je le coupai avant même qu’un son ne sortît de sa gorge. « Bien. » annonçai-je, tout en me levant. Je posai mes mains sur la table et regardai les quatre têtes. Il y avait Alister Vaughan, le Chef des Armées, Judicaël Halloy, chargé de la politique et des relations diplomatiques, Lauranie Taiji, préposée à l’économie, et l’Archimage Vallen, en charge de la Justice. Une dernière silhouette de faufila jusqu’à la table. « Merci de nous faire grâce de votre présence, Chancelier Kirak. » dis-je, d’une voix autoritaire. Il était facilement impressionnable et était bien plus performant seul qu’entouré. « Je sais que vous êtes tous ici pour parler de mon comportement récent mais, très honnêtement, je n’ai pas le temps pour ce genre de broutilles. Vous non plus. Je vous propose donc de passer le sujet rapidement en revu. » Ce n’était pas une proposition. J’enchaînai. « Je me suis déshabillé en plein bal, ai effectivement violenté la Marquise Vaughan, ai consommé mon mariage avant sa conclusion et en public, et j’ai envoyé la fille de l’Iten directement à Amestris après notre entretien. Cela faisait longtemps qu’elle n’était plus une Magicienne et tentait de faire de ma vie un enfer. Il s’agit-là de Justice et son statut de fille d’une Chancelière d’Ivoire ne lui confère aucun passe-droit. Si vous n’êtes pas en accord avec ma décision, c’est votre droit mais j’ai la charge de ces questions et n’ai pas l'intention de souffrir d’ingérences dans les affaires que je gère. » Deux secondes de silence. « Je répondrai de mes délits volontiers si tel est votre désir mais aimerais autant ne pas avoir à écouter vos doléances à ce sujet. Nous sommes tous des adultes responsables et j'ai agi en connaissance de cause. » Une seconde de silence. J’ouvris le dossier. « Maintenant que le sujet est clos, je vais passer à ce qui nous intéresse : la Reine Blanche ou, plutôt, celle qui se fait passer pour elle. »

815 mots

Je tournai la tête vers Alister. Nos regards se croisèrent. La veille, après que j’eusse reçu la missive et que je l’eusse communiquée aux autres Chanceliers, nous avions eu une longue discussion sur les récents événements. Que ces derniers concernassent les frasques scandaleuses du Duc Paiberym ou son dernier séjour en Enfer, il nous paraissait clair que quelque chose n’allait pas. Quelques jours plus tôt, le Chef des Armées s’était d’ailleurs entretenu avec Résaire Monteverdi, le psychologue de Kaahl au sujet de l’Enfer. Il avait cherché à avoir une idée de l’état du principal concerné mais le blond s’était montré avare en détails. Le secret professionnel l’obligeait. Il avait simplement spécifié que, durant les dernières discussions qu’il avait eues avec l’Archimage, celui-ci avait été bien plus bavard au sujet de sa vie privée qu’au sujet du sauvetage du Yavinor. Il avait évoqué la possibilité d’une forme de déni, sans pour autant se montrer convaincu. Plus le temps avançait et plus Alister et moi-même nous posions des questions. L’Ange de Volatys était entouré de sombres mystères et ces derniers étaient trop grands pour nous laisser indifférents. Qu’il se comportât d’une façon outrageante en public était une chose, qu’il refusât une convocation du Conseil tout en proposant en retour une date et une heure si aberrantes qu’il devait savoir que la majorité ne serait pas présente, en était une autre. Il était entendable que l’Enfer l’avait marqué. Le Yavinor était toujours un Sorcier à l’heure actuelle. Néanmoins, à l’observer, la conclusion à en tirer était sans appel. Alister acquiesça silencieusement, afin de me faire savoir qu’il était d’accord avec moi.

Sans tenir compte de la teneur de sa dernière réplique, je me levai à mon tour et posai mes mains en miroir aux siennes, à plat sur la table. « Duc Paiberym, j’entends ce que vous dîtes mais, avant de commencer, je vais devoir vous poser une question. » Ses yeux se levèrent vers moi. À l’intérieur de ses prunelles, je vis naître une pointe d’irritation. Ce que son regard me disait était clair : pourquoi l’interrompre pour des broutilles ? « Cette question concerne-t-elle Seaghdha ? » demanda-t-il, à ma plus grande surprise. Si, jusqu’ici, je doutais qu’il fût le Duc, mes certitudes vacillèrent légèrement. Autour de la table, un homme était pourtant capable de savoir. Phédoras Vaughan n’avait probablement jamais croisé Kaahl Paiberym jusqu’ici. Je tournai la tête vers ce dernier. Son air sérieux n’avait d’égal que l’aura qui se dégageait de sa silhouette. Ses longs cheveux blancs tombaient de chaque côté de son visage. Rien ne semblait vouloir sortir d’entre ses lèvres. Si nous avions eu affaire à un imposteur, il l’aurait probablement fait remarquer. Xantipe et Lauranie ne seraient d’aucune aide. Au moins, avec le comportement de l’Ashiril, Alister n’était plus sur le point de se rendormir. « Non. Ma question concerne votre magie. » Avait-il usé d’Extinction avant de venir ? En temps normal, des volutes bleutées dansaient autour de lui. Seuls l’Archimage Darin et la Reine Blanche l’équivalaient. Actuellement, le néant semblait l’habiter.

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« Je n’en ai plus, en effet, mais je crains fort de vous choquer si je me lance dans une explication. Ma femme et moi, voyez-vous… » Nul besoin de regarder Xantipe pour mesurer la montée de la gêne. Le ton de l'orateur et la lueur lubrique de ses iris étaient assez explicites pour que tout le monde devinât qu'il s'agissait d'une histoire charnelle. « Nous nous passerons de vos histoires, Duc Paiberym. » intervins-je. Cet homme n’était pas le Duc. Dénué de toute magie, il m’était facile de lire en lui. Judas d’Uobmab. Je ne fis aucun lien avec le Conte que beaucoup s’arrachaient depuis peu. Mes fonctions occupaient tout mon temps. Mes seules lectures concernaient des écrits juridiques ou portant sur des sujets tels que le monde carcéral ou la criminologie. Mes doigts se lièrent sur la table. Je n’avais aucune raison de révéler à qui que ce fût ce que je savais pour l’instant. Comme il l’avait si bien souligné, il paierait pour les délits qu’il avait commis. Ce qui m’intéressait, en revanche, était la suite de son discours. « Je pense que cet élément étant réglé, nous pouvons nous recentrer sur les propos de l’Ashiril concernant la Reine Blanche. » Je m’étonnais que le Sirigon eût souhaité l’interrompre. Sans doute avait-il plus d’attachement pour le brun qu’il ne le montrait. Un attachement ou un secret. Ce n’était néanmoins pas le sujet. Nous avions tous remarqué l’absence de la Reine Blanche, son effacement et ses comportements étranges. Personne ici ne pouvait l’ignorer. La situation expliquait d’ailleurs en quoi nous prenions la plupart des décisions sans elle. Le fait que le faux Duc en parlât m’interrogeait. Surtout, bien qu’il fût Judas d’Uobmab, il y avait autre chose de plus nébuleux. Ma magie l’avait senti, sans pouvoir le comprendre. En observant son échange avec Judicaël, le même constat m’avait frappé. Si cet homme n’était pas Kaahl Paiberym, il semblait bien le connaître. « Qu’entendez-vous par la femme qui se fait passer pour elle ? »

819 mots

Je me mis à fixer l’Archimage Vallen. De tous ceux qui étaient présents dans la pièce, il semblait être le plus intelligent. Il ne perdait pas de temps et, tout comme moi, avait l’air de vouloir discuter du seul sujet qui en valût la peine. Les Magiciens avaient, malheureusement, la mauvaise habitude de se perdre dans les méandres de la superficialité. Parler du fait que j’eusse pénétrer ma femme en public ou du fait que je n’eusse plus de magie était d’un désintérêt manifeste en comparaison de ce qu’il se tramait actuellement sur le trône des Mages Blancs. Maintenant qu’ils semblaient tous prêts à écouter, nous allions pouvoir discuter et trouver un moyen de virer cette femme du sommet de l’échiquier bénéfique. Le trône vaquant, je m’en emparerais. Puis, une fois que ce serait fait, j’irais récupérer le trône des Sorciers. « Je vais tenter d’être clair. » La plupart d’entre eux n’avait pas la moindre idée de l’existence de l’Eorane. Heureusement, le seul Archimage au courant se trouvait dans la pièce. Il serait un avantage de poids. Il devrait, néanmoins, trahir ses serments afin d’appuyer ma déclaration. Il le ferait car il n’aurait pas le choix. « J’en ai déjà fait part à certains mais je suis un espion au service de Sa Majesté. » La version habituelle. Xantipe et Lauranie laissèrent transparaître leur étonnement. Phédoras demeura de marbre. « Alister confirmera mes dires. L’armée magicienne a deux têtes : lui-même et l’Archimage Eorane, tenue secrète, même au plus haut degré du gouvernement. Elle gère l’espionnage et est, en réalité, le Reflet de l’Ultimage. » Je marquai une pause, espérant que les ignorants quant à la race des Reflets se dénonçassent seuls. Comme le silence m’accueillit, j’en déduisis qu’ils étaient tous au courant. Je l’espérais car il existait une chose bien pire que l’inculture : le fait de ne pas poser de questions pour y remédier. « Tout se passait bien jusqu’à ce qu’Edwina devienne secrète envers l’Eorane. Un Reflet sans une parfaite coopération de son modèle dépérit vite. » Un sourire de circonstance fendit mes lèvres. « Et tout le monde sait ici à quel point l’Ultimage était attachée au Monarque Démoniaque fut un temps. » Ce fait était loin de faire rire Kaahl. Moi, il me rendait hilare. Il fallait être folle pour tenter de pactiser avec le Diable en personne. Il fallait être folle pour ne pas être capable de cacher certains secrets. Créer soi-même son propre opprobre relevait d’une forme d’art. « Suite à diverses disputes, la véritable Reine a fini par être tuée. » « Faîtes attention à ce que vous dîtes ! » s’indigna soudainement le diplomate. Mon regard eut le mérite de calmer son outrage. Dans mes prunelles devait se refléter parfaitement la vérité. Je l’avais tuée moi-même et ne mentais donc pas. Phédoras inspira et son index courut pour se poser sur son front soucieux. Il semblait comprendre l’ampleur du problème, sans remettre en doute mes propos une seule seconde. « Aujourd’hui, c’est l’Eorane qui porte la Couronne. Elle est aussi la Reine des Reflets. Je vous laisse donc le soin d’imaginer que les intérêts qui sont les siens, conjugués au fait qu’elle ait perdu son modèle, ne la rendent pas alliée des Magiciens. Qui sait ce qu’elle fomente ? » Les marques des mâchoires serrées d’Alister se voyaient depuis l’extérieur. « Pourquoi nous dire ça maintenant ? Vous avez l’air de le savoir depuis longtemps. » m’interrogea le Vallen. Il était factuel et ne se laissait pas aller à des émotions trop vives. Nous étions différents mais avions une méthode similaire. « Je risque de vous choquer. » « J’en doute. » « Je veux le trône et suis actuellement en position pour devenir Roi si l’Eorane tombe. » Il y eut un silence. Les sentiments du Sirigon et du Nylmord rendaient néanmoins l’air lourd. Les plus jeunes ne savaient plus où se mettre. Seul Phédoras arrivait à gérer la situation dignement. « Vous pourriez être condamné pour trahison. » « C’est un risque. » « Qui n’a pas l’air de vous inquiéter. » « J’ai des ressources. » Comme la totalité des Mages Noirs et une armée de Momies, par exemple. Kaahl était trop prudent. Il tremblait de peur face à la possibilité d’avouer. Je voyais les choses différemment. Il aurait eu le trône des Mages Blancs mais pas avant longtemps. Je lui proposais d’accélérer la cadence. Plus les minutes s’écoulaient et plus sa situation devenait périlleuse. Il risquait de se faire tuer ou emprisonner avant d’avoir vu ne serait-ce que la couleur de la Couronne Blanche. À présent, tout était sur la table. Si les Chanceliers d’Ivoire ne voulaient pas être raisonnables, alors ce serait la guerre entre les Mages. Il ne souhaitait pas les détruire mais la tentation de le faire ne m’était pas étrangère. Lorsqu’on ne me donnait pas, je prenais. Ça avait toujours été ainsi. « Nous allons discuter entre nous si cela ne vous dérange pas. Je vous prierais donc de vous retirer. » Je faillis les prier de bien vouloir se retirer eux-mêmes mais décidai stratégiquement de mettre de l’eau dans mon vin, acquiesçai et sortis de la pièce.

867 mots

Devant le début de la conversation, qui s’annonçait désordonnée, je pris les devants. Ma magie s’infiltra jusqu’aux lèvres remuantes et les stoppèrent le temps pour moi d’intervenir. « Si vous le voulez bien, procédons par ordre. » Le lieu de rendez-vous était atypique. Le fait que des Humains vécussent ici pouvait permettre au Duc Paiberym de se retirer facilement, tout en échappant à notre magie s'il agissait finement. Le Duc qui n’était pas le Duc. « Je vais conduire notre conversation. » affirmai-je. J’avais l’habitude de le faire en matière de Justice. « Archimage Nylmord. » Il valait mieux les interroger un par un. « Est-ce que les dires de Kaahl sont justes ? Existe-t-il une Archimage Eorane qui serait le Reflet de l’Impératrice Blanche et qui dirigerait une branche de l’armée consacrée à l’espionnage ? » L’inspiration qu’il prit fut assez parlante. Le silence enroba cette dernière du manteau du devoir qui devait peser sur ses épaules. Il s’agissait d’un secret que peu connaissaient. Il ouvrit la bouche, se ravisa, posa son poing sur la table et finit par répondre, en son âme et conscience. « Oui, je confirme que c’est exact. » Je le savais déjà. Les mensonges ne m’échappaient pas. Néanmoins, je préférais vérifier et, surtout, me faire une idée précise sur la confiance que je pouvais attribuer à chacun. « Comment le sait-il ? » « J’imagine que les espions les plus avancés sont au courant. » J’avais été gêné par sa phrase, celle qu’il avait prononcé en affirmant être un espion au service de Sa Majesté. Ce n’était pas un mensonge mais ce n’était pas une vérité pour autant. Cette phrase sonnait comme révolue. Peut-être était-ce à cause de sa trahison ? Il l’avait été, c’était une certitude. Je n’imaginais néanmoins pas qu’il eût pu servir une autre Majesté et que la raison pour laquelle cette phrase sonnait faux résidait dans le fait qu’il avait lui-même remplacé l’Empereur Noir pour le compte duquel il avait toujours espionné. Il s’était servi lui-même et, aujourd’hui, bien que volontairement déchu de ses fonctions, ne servait pas le Grand Chaos. « En savez-vous plus ? Sur l’étendue de ses missions ? Ou sur la possibilité de cumuler la fonction d’Ashiril avec celle d’espion ? » « L’Eorane est très discrète sur le fonctionnement du réseau d’espionnage. Je crains fort de n’être d’aucune utilité. » « Ce qu’il dit est donc hautement probable. » « Je ne crois pas en la mort de l’Ultimage ! » intervint le Sirigon. Alister le fixa un instant. Les deux hommes étaient amants. Ils discutaient beaucoup et tout le monde ici le savait. « Je pense qu’il dit la vérité. » articula-t-il difficilement. « Il dit la vérité. » coupai-je court à tout débat. « Edwina Nilsson est morte et son Reflet est actuellement à la tête de notre peuple, avec tous les risques que cela comporte. » Nous n’aurions jamais dû laisser passer les comportements étranges de la Reine. Certains d’entre nous avaient été trop permissifs. La longue vie de la Souveraine ne pouvait pas tout justifier et, en l’occurrence, elle ne justifiait rien. Nous avions cru en une forme de dépression ou à un refus d’assumer ses fonctions. Il n’en était rien. Le Chef des Armées faisait un effort important pour cacher sa peine. Le rouquin l'exprimait en une forme de colère. Les deux autres fixaient la table. Je me devais de sauvegarder les apparences.

« Il va nous falloir nous pencher sérieusement sur cette question. » dis-je, après un temps. « Est-ce que l’un de vous a déjà noté des comportements étranges chez le Duc ou aurait quelque chose à nous avouer ? » Le Sirigon soupira. « Nous nous sommes rendus ensemble à Seaghdha il y a quelques temps. Nous avons rejoint Adam Pendragon et quelques Vampires. La soirée a dégénéré et nous l'avons terminée à trois. Le Duc possède un artefact capable de le transformer en Déchu. C’est une femme qui ne semble pas savoir être lui. » Comme ce qu’il était à présent. « A-t-elle un autre nom ? » « Alya. » J’acquiesçai. Cet homme était décidément intriguant. Alya… Judas… « Euh… » Les interventions de Xantipe ressemblaient toujours à celles d’un enfant. Sa timidité frôlait la maladie. Triste, il paraissait d'autant plus fragile. Il était pourtant d’une intelligence redoutable. « Oui ? » « Je pense qu’il porte un artefact actuellement. Il n’y a pas de magie chez lui mais une magie est bien en œuvre autour de lui. De façon raisonnable, on peut penser qu’en tant qu’espion, il est capable de se transformer en plusieurs races. Ça expliquerait son habileté à ne pas faire peser de soupçons sur lui jusqu’ici. Il n'est pourtant ni Déchu ni Humain selon moi actuellement... » Lauranie demeurait silencieuse. Elle était gênée depuis le début de la conversation. Son sujet de prédilection n’étant pas à l’honneur, elle se sentait dépassée. Néanmoins, un éclair passa dans ses yeux humides. Elle renifla pour chasser les émotions. « Il existe des artefacts qui permettent de changer de race. Ils sont rares. Des copies peu fonctionnels ont fait leur entrée au marché noir il y a quelques années. J’ai lu que les vrais étaient simples d’utilisation mais comportaient souvent des effets secondaires. L’absence de magie pourrait en être un. » « Comment fonctionnent-ils ? » « Il suffit de les mettre pour activer les effets. Pour s’en débarrasser, il faut prononcer Je mets fin à mon règne. » « D’accord. Nous allons vérifier cette théorie. » « Quelqu’un va parler du fait qu’il veuille le trône ? » demanda le Nylmord. Je le regardai. La colère transparaissait également chez lui à présent. « Les Dieux seuls décident. » Un bruit peu convaincu s’échappa de ses lèvres. Vu la situation, j’avais conscience que ma phrase était peut-être douteuse. « Peu importe, Alister. Qu’il veuille le trône ou non ne change rien. Le plus urgent est de régler le problème qu’il y a avec l’Eorane. » « Comment ? » « Je ne sais pas. Nous allons y réfléchir car la confronter directement ne pourra pas être une solution. Si elle a réussi à tuer la Souveraine, ce sera difficile. Dans un premier temps, gardons la tête froide. » Je tournai les yeux vers Xantipe un moment puis regardai les autres Chanceliers. « Aidez-moi à mettre au point de quoi lui faire prononcer les mots qui mettent fin au sortilège. Nous le ferons revenir lorsque ce sera fait. »

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Fin