Partenaire : Solo [Erkan Jāmanī]
Objectif / Intrigue : Après avoir trouvé sur sa table de chevet une lettre qui ne lui était pas adressé, Erkan se met en quête de retrouver la vraie destinataire : Mancinia Leenhardt.

Ça ne va pas. Ça ne va pas du tout ! s’énerva Erkan.

Il n'avait toujours pas retrouver la lettre qu'il voulait envoyer à l'inconnue des Jardins de Jhēn et cela l’agaçait prodigieusement. Non seulement cette Ange n'aurait pas de réponse de la part de sa correspondante, la Matasif Mancinia Leenhardt, mais en plus elle ne saurait pas pourquoi puisque l'explication d'Erkan s’était perdue il ne savait où.

– Erkan, qu'est-ce que tu fais ?! s’inquiéta Eniss, un de ses camarades de chambrée, en entrant alors qu'Erkan était en train de grogner en jetant son oreiller et sa couverture au sol.

Cela le fit se ressaisir et il se composa un sourire de circonstance avant de se tourner vers le nouvel arrivant :

– Je range ! Ça ne se voit pas ?

Eniss bafouilla, sûrement prit de court par le décalage de la situation. C'est ce que voulait Erkan, en tout cas. Il aimait faire ce genre de pirouettes pour éviter de répondre à des questions qui lui semblaient embarrassantes, et Erkan n'avait absolument aucune envie d'expliquer à son camarade que s'il venait de retourner tout son espace personnel parce qu'il avait égaré la réponse à une lettre qui lui était mystérieusement apparue alors qu'elle était adressée à quelqu'un d'autre... il trouvait cela bien trop aberrant pour être raconté à n'importe qui.

– Je sors, annonça-t-il subitement en laissant tout son bazar en plan.

– Mais...

– Je serai à l'heure pour l'inspection du couvre-feu, ne t'en fait pas ! déclara Erkan en fermant la porte avec un sourire qui se voulait rassurant.

Il avait prit soin d'emporter avec lui l'enveloppe dans laquelle il avait glissé les mots de l'inconnue. Il ne voulait pas que les feuillets s’égarent. Et sur l'enveloppe il avait écrit en gros « Pour Mancinia Leenhardt ».

Avec un peu de chance cette fois-ci, ils arriveront au bon endroit ! songea le garçon en se dirigeant vers les aires d’entraînement des civiles.

Son plan était simple : recroiser Shapûr Esfan afin de lui demander si les informations qu'il avait collectés sur lui étaient bonnes, c'est-à-dire : s'il était bien ami avec la Matasif Mancinia Leenhardt. Auquel cas, il pourrait soit lui demander de lui remettre la lettre, soit – et c’était là l'option qu’espérait secrètement Erkan – demander à Shapûr Esfan de l'introduire auprès de la Matasif.

Et je pourrai enfin rencontrer cette légende ! s’émerveilla-t-il.

Il avait une plus grande fascination pour Maximilien Eraël, bien sûr, mais il ne pouvait tout de même pas passer à côté des exploits d'une civile reconnue dans le domaine militaire. Il aimerait bien savoir ce que ça lui faisait d’être appelée Iskandar. Ça ne devait pas être simple tous les jours d'avoir ce poids à porter, même si ce devait être extrêmement flatteur d'avoir été reconnue ainsi.

Moi aussi, un jour, j'aurai des titres et de la reconnaissance ! se jura une fois de plus le jeune Erkan en arrivant près des terrains d’entraînement.

Il se dirigea tout d'abord vers l'endroit approximatif où il s’était entraîné avec Dürdane il y avait quelques temps déjà et où ils avaient croisé Shapûr Esfan par hasard.

Quel homme extraordinaire, songea Erkan en repensant à l'heure que Shapûr Esfan avait passé à leur expliquer une seule parade. J'aimerai lui montrer mes progrès !

En effet, à présent il s'en sortait beaucoup mieux sur cet enchaînement. Il n’était pas parfait encore mais au moins il le réalisait avec fluidité, et Erkan était persuadé qu'il n'aurait pas pu s’améliorer ainsi aussi vite sans les précieux conseils et la patience de l'Issemssith Esfan, il souhaitait donc le remercier. C’était en partie pour cette raison que le jeune garçon avait commencer ses recherches par les terrains d’entraînement.

Néanmoins, au bout de plusieurs heures à en faire le tour, Erkan dû se rendre à l’évidence que Shapûr Esfan n’était pas là. Le soleil commençait à décliner dehors et à moins se refléter sur les miroirs, plongeant peu à peu Qaixopia dans la pénombre, alors Erkan partit en courant en direction des dortoirs.

Essoufflé et en sueur, il arriva cependant juste à temps pour tout remettre en ordre avant l'inspection du soir. Le Caporal Mokrani haussa un sourcil en voyant la mine débraillé d'Erkan au garde-à-vous mais ne dit rien. Le jeune garçon souffla intérieurement. Il n'aurait sûrement pas apprécié de devoir justifier une punition à sa mère.

– Tu étais où hier soir ? râla Dürdane le lendemain matin en croisant Erkan dans les couloirs. Tu m'as laissé manger toute seule !

– Désolé, désolé, je t'explique tout à la pause ! n'eut que le temps de répondre Erkan avant que leur professeur n'arrive et qu'ainsi commence leur matinée de cours.

– Et voilà, tu sais tout. C'est fou, n'est-ce pas ? annonça Erkan tandis que les deux amis étaient assis autour de leur table favorite à la cantine des Appelés.

En observant Dürdane, le jeune garçon ne parvint pas à dire si elle était sincèrement intriguée ou totalement dégoûtée.

– Tu crois que ça pourrai être de la magie angélique ? cracha-t-elle presque.

– Je ne pense pas, ça ne serait pas très efficace sinon, tu ne crois pas ! répondit immédiatement Erkan en riant afin de désamorcer la situation tendue.

C’était toujours complexe de parler de magie avec Dürdane, elle en avait peur et cela l'incitait régulièrement à montrer les dents lorsque cette dernière était évoquée. Erkan, qui ne souhaitait pas embarrasser son amie, orienta alors la conversation sur sa recherche de Shapûr Esfan.

– Tu devrais faire attention que ça ne remonte pas aux oreilles de ta mère, le mis en garde Dürdane. T'imagines si elle apprenait que tu as failli rater l'inspection du couvre-feu ? J'ose même pas imaginer la punition qu'elle te donnerait...

– Aucun risque, ne t'en fait pas ma chère amie !

– Je serai plus rassurée si tu abandonnais cette idée folle de vouloir entrer en contact avec des gens aussi haut placé dans la hiérarchie alors que tu n'es qu'un deuxième année... bougonna la jeune fille.

Mais les ronchonnements de Dürdane n'eurent aucun effet sur Erkan car le soir même il était de nouveau sur les terrains d’entraînement des civils, à la recherche de Shapûr Esfan. Ainsi que les soirs des six jours qui suivirent, malheureusement tous infructueux. Néanmoins, fort de son expérience du premier jour, Erkan prit ses précautions pour toujours rentrer à l'heure pour le dîner. Dürdane n’était pas dupe quant à ses sorties et elle le gratifiait systématiquement d'un regard désapprobateur mais au moins elle ne disait rien et ils passaient un bon moment ensuite, se divertissant l'un, l'autre de leurs pensées parasites.

– Dis moi, petit, ton visage me dit quelque chose, on se serait pas déjà croisé quelque part ? l'apostropha un inconnu alors qu'Erkan était sur le point de rentrer à la caserne le soir de sa huitième tentative.

Erkan, étonné, se tourna vers l'homme qui l'avait appelé. Il était on ne peut plus quelconque, sans aucun signe distinctif notable ce qui n'aidait pas le jeune garçon a savoir s'il l'avait déjà vu ou non. Il bafouilla donc une réponse négative mais l'homme renchérit :

– Mais si, je suis sûr... Oh ! Tu ne serais pas le petit que Shapûr a entraîné l'autre fois ? Il y avait une petiote aussi il me semble...

– Ah... heu, j'imagine que l'Issemssith Esfan doit entraîner beaucoup de jeunes mais il nous a bien aidé sur une parade mon amie et moi ! répondit Erkan bien que l'homme ne lui dise toujours rien.

Il devait se trouver en retrait, pensa le jeune garçon, conscient des faiblesses de sa mémoire et de son attention.

– Non, crois moi, il n’entraîne pas tant d'Appelés que ça. C'est pas faute de lui dire de devenir instructeur pourtant !

À ces mots, la bouche d'Erkan s'arrondit de stupeur.

– Mais ce n'est pas possible ! Un héro comme lui devrait en effet faire profiter les jeunes générations de tous ses inestimables conseils ! Il nous a tant appris en une heure de temps ! Même Dürdane serait prête à le reconnaître et pourtant ce n'est pas chose facile pour elle. C'est obligé, Issemssith Shapûr Esfan doit devenir instructeur !

Erkan s’était une fois de plus perdu dans le fil de ses pensées qu'il exprimait sans s'en rendre compte à voix haute. Ce n'est que le rire de l'homme face à lui qui le ramena à la réalité.

– C'est pas facile de te suivre toi ! Alors, dis moi, qu'est-ce qui t’amène sur les terrains d’entraînement depuis une semaine sans t’entraîner ?

Le jeune garçon se mit à rire lui aussi pour cacher son malaise avant de se demander ce qu'il pouvait révéler à cet inconnu.

– Eh bien... commença-t-il. Je cherche justement l'Issemssith Esfan afin de le remercier.

– Désolé de te décevoir, petit, Shapûr n'est pas disponible en ce moment, tu ne risques pas de le croiser ici.

– Zut, ça épaissit mon problème ça. Comment je vais bien pouvoir faire pour retrouver Mancinia Leenhardt maintenant... marmonna Erkan pour lui même.

Néanmoins, l'homme en face de lui dû l'entendre car il l'interrogea avec un air dubitatif :

– Tu cherchais Shapûr pour trouver Mancinia ? Pour quelle raison ?

– Oh, heu... eh bien pas pour de mauvaises raisons, je vous jure ! se défendit précipitamment le jeune garçon. En fait, pour tout vous dire, j'ai une lettre à lui remettre mais cette lettre ce n'est pas moi qui l'ai écrite... mais ne croyez surtout pas que je vole son courrier, ce n'est pas le cas, promis ! J’espérais que Shapûr Esfan pourrait m'aider à approcher la Matasif Mancinia Leenhardt afin que je lui remette sa lettre, enfin « approcher », vous voyez ce que je veux dire, n'est-ce pas ? C'est un peu compliqué en fait, conclu-t-il avec un sourire qui se voulait rassurant mais qui ne cachait absolument pas son embarras.

L'inconnu le regarda un court instant avant de répondre en haussant les épaules :

– J'ai pas tout suivi mais pourquoi tu n'es tout simplement pas aller toquer à la porte de sa demeure ? Ce n'est pas comme si son adresse était secrète, hein.

Erkan contempla l'homme bouché bée, la stupeur l'avait rendu muet l'espace d'un instant.

– Mais oui ! Srī, vous avez totalement raison, je vous remercie ! exulta Erkan en s’apprêtant déjà à partir, gonflé d'une nouvelle énergie pour accomplir sa quête.

Il entendit tout de même l'homme grogner un « drôle de gamin » dans son dos et cela le fit sourire. C'est vrai qu'il était drôle !

Tout son enthousiasme laissa subitement place à l’appréhension lorsqu'il arriva en vu de la demeure de la Matasif.

Et s'il n’était pas reçu ? Et si on ne prenait même pas le temps de l'écouter et qu'on le renvoyait chez lui ? Et s'il ne pouvait pas laisser sa lettre ? Que ferait cette Ange qui devait désespérément attendre la réponse de sa correspondante ?

Autant d'interrogations qui le firent faire les cent pas devant la porte d'entrée pendant un temps suffisamment long pour qu'une domestique vienne ouvrir.

– Je vous ai vu par la fenêtre, vous avez besoin de quelque chose, jeune Appelé ? lui demanda-t-elle d'une voix douce.

– Je... je suis désolé, je ne... ne voulais pas vous déranger, Srīmatī, bégaya Erkan.

Allez, c'est trop tard pour faire demi-tour ! s’encouragea le garçon en inspirant une grande goulée d'air.

– Je dois remettre cette lettre à la Matasif Mancinia Leenhardt, prononça-t-il d'une traite en tendant la missive devant lui.

– Très bien, je lui transmettrai, répondit sobrement la domestique en la prenant.

Elle lui sourit puis retourna dans la demeure. Erkan se tenait de nouveau devant la porte close.

J'ai... j'ai réussi ! Ce n’était pas si dur finalement et l'inconnue des Jardins de Jhēn aura sa réponse ! se réjouit le jeune garçon, heureux d'avoir accomplie sa mission.

Post I – 1992 mots [Terminé]