Èibhlin buvait les mots d'Andrea, prenant note de chacun de ses développements, chacune de ses explications, chacune de ses réflexions. Il offrait, de par ses éclaircissements, une preuve supplémentaire que le monde n'avait rien de simple. Que si des individus étaient foncièrement baignés d'ombre, comme sa propre race, ou de lumière comme leur antagoniste de Melohorë, ils n'étaient pas une justification suffisante pour donner au monde la dimension manichéenne que certains y trouvaient. Parmi tout cela, toutes les informations dont il lui faisait part, une remarque la toucha de façon familière. Celle d'un amour envisagé comme impossible. Elle était heureuse pour lui qu'il ait pu réussir à trouver la paix à ce sujet. Elle, n'avait pas encore trouvé de solution viable et qui ne fasse pas appel à la fatalité d'Ezechyel. Elle préféra conserver cela pour elle cependant, pour l'instant. Elle replaça une mèche derrière son oreille en réceptionnant le clin d'œil du blond. Oui, elle en avait elle aussi prit conscience un peu plus tôt, nue contre sa peau, abandonnée à ses mains.
« Ce n'est pas tout à fait de la réticence. » le contredit-elle en caressant du pouce la main de son amant. Après tout, n'importe qui ne pouvait pas se vanter d'être Aisuru. C'était un honneur même, et ce qu'importait la race.
« C'est plutôt de l'appréhension je dirais. ». Après avoir pu observer le mal qui avait touché Jämiel à la disparition de Bellone, elle se méfiait, même craignait, quelque peu de la force du Lien et son impact dans la vie de chacun des liés.
« Je suis plutôt d'accord, oui. Se précipiter pour une telle décision ne serait pas la meilleure idée qui soit. » confirma-t-elle ensuite.
« Eh puis, même si finalement ce Lien ne se fait pas, ça ne nous empêchera pas de nous revoir quand même. » ajouta-t-elle en se rapprochant un peu plus de lui.
La Nerethi leva le nez au ciel. Déjà le soleil entamait sa chute. Elle le sentait moins brûlant sur sa peau, plus discret derrière l'épais feuillage.
« Oui. Avec plaisir. Ce sera sûrement moins pesant que ma propre histoire. » rit-elle en même temps, quoique la blague n'en soit pas tout à fait une. Il ne put infirmer sa remarque d'ailleurs. Il y avait du monde autour de lui. Des personnes auxquelles il tenait et réciproquement. Wakiya, cette Orine qu'il n'avait que rapidement évoquée plus tôt sans la nommer. Ses joues rosirent à la proposition qu'il lui fit ensuite d'effectuer, ensemble, Neru. Était-elle prête à se laisser entraver de la sorte ? Entre les mains d'Andrea peut-être. Ce n'était pourtant pas une certitude. Le rêve qu'elle avait eu, il y a quelque temps maintenant, ne devait pas avoir aidé à lui faire tolérer facilement cette pratique. Ce n'avait été qu'un songe, et pourtant l'incapacité d'agir contre les morsures de Dorian l'avait profondément marqué. Elle s'y était sentie si impuissante. Trop. Elle ferma un instant les yeux, chassant ce souvenir de son esprit pour revenir à l'Orine.
« Oui. Profitons-en encore un peu. ». Elle tourna le visage pour porter son regard au-delà de la forêt. En tendant un peu l'oreille, on pouvait entendre les vagues calmes du lagon caresser le sable. Tout était si clair ici. Si calme. Le retour à la réalité serait rude.