Faits comme des rats

Partenaire : Otobis & Monsieur Spoutine
Intrigue/Objectif : Mademoiselle Tatouille est toujours à la recherche de l'amour de sa vie : Monsieur Spoutine. D'après Asra, le rat d'Otoris pourrait bien être l'âme sœur égaré de la rate. Elle l'emmène alors à Basphel pour organiser une rencontre. C'était sans compter sur Trofim Sourissenko et les ennemis de la couronne. Il fallait les arrêter à tout prix et réunir les tourtereaux une bonne fois pour toute.

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Musique

« Tu es sûre de toi, jeune humaine ? » La voix s’élevait de la sacoche que l’adolescente trimballait dans les couloirs de Basphel. « Je ne suis pas une humaine. Je suis une magicienne. » rétorqua Asra d’un ton blasé qui désignait cet échange comme récurrent, à son bon regret. Finalement, elle reprit avec un peu plus d’entrain : « Et oui, je suis sûre. Otoris me l’a montré la dernière fois. Je peux pas t’assurer que c’est bien lui, mais ça ne nous coûte rien d’essayer. Et puis si c’est pas lui, il saura peut-être où chercher ensuite. » La rate grimpa sur l’ouverture du sac pour se rapprocher de l’élève. « Était-il beau ? » Asra leva un sourcil. « Qui ? Otoris ou le rat ? » - « Le rat, voyons ! Je me fiche bien de la beauté de ton… ami. Même si… » Mademoiselle Tatouille sembla réfléchir un instant. « Il vous faudrait bien ça, oui. Vous n’avez pas grand-chose pour vous, après tout. » - « Nous ? C’est complètement faux, je… je… » Son regard s’était arrêté sur les petites billes noires qui servaient d’yeux à la rate. Elle soupira. « Il était mignon. Comme tous les rats. » Tatouille hocha la tête, à demi satisfaite de la réponse de la magicienne. « Mignon, hmm… Monsieur Spoutine est plus élégant que mignon, mais… J’imagine que pour les humains, c’est amplement suffisant. » Les épaules d’Asra s’affaissèrent. Cette rate avait vraiment une dent contre les humains.


En poussant la porte de sa chambre, les prunelles de l’adolescente s’étaient braquées sur les affaires de sa camarade de chambre, qui semblait déjà être arrivée, puis sur la petite horloge qui ornait sa table de nuit. « Il faut que je me dépêche. » souffla-t-elle en s’empressant de glisser sa valise sous son lit. « Oui, dépêchons-nous. Monsieur Spoutine nous attend sûrement. » renchérit la rate, se décomposant à mesure qu’elle voyait la main de la magicienne s’approcher. « Qu’est-ce que tu fais ? » l’interrogea-t-elle, après qu’elle l’ait déposée sur la couverture duveteuse qui recouvrait son lit. Mademoiselle Tatouille aurait sans aucun doute pu apprécier ce confort qui lui était offert si la situation n’était aussi scandaleuse. « Je dois aller en cours, je ne peux pas t’emmener. » Ses billes noires s’agrandirent d’indignation. « Et que fais-tu de Monsieur Spoutine ? Il ne peut pas attendre plus longtemps ! » - « On le cherchera ce soir ! » s’écria l’étudiante de l’étain, avant de refermer la porte derrière elle, abandonnant la pauvre rate esseulée. « Mais… Je… Je ne comprends pas. » Confusion, tristesse, et enfin, colère. « Je n’y crois pas ! Nous sommes venus jusqu’ici pour trouver mon amour perdu, et cette petite humaine a le culot de me laisser ici ! » Tatouille commença à faire les cents-pas sur le lit de la magicienne, puis s’arrêta soudainement, une lueur dans le regard. « Ça ne va pas se passer comme ça, je vous le dis ! » La rate descendit du lit d’un seul bond, avant de glisser sous la porte de la chambre. La cité-école était grande, massive même. Surtout pour un petit animal. Heureusement, Mademoiselle Tatouille et son peuple n’étaient pas ceux-là, non. Ils étaient des conquérants. En revanche, un rat restait un rat, peu importe sa provenance. Proposez-lui un bon fromage, et il vous mangera dans la main. Il y avait tout de même quelques différences notables dans ce cas, qui auraient dû alarmer la rate : Il n’y avait pas qu’un fromage, mais une bonne vingtaine, qui tous ensemble formaient une piste. Et enfin, la main qui lui offrait le morceau de choix n'en était pas une. Tatouille s’en était hélas rendue compte bien trop tard, lorsque la coupe s’était abattue sur sa frêle silhouette dans un bruit assourdissant. En rouvrant les yeux, Mademoiselle Tatouille s’attendait à ne rien voir d’autres que les ténèbres. Mais la lumière du jour l’atteignait encore, même ici. Elle fit un tour sur elle-même. Qui ? Qui avait osé la piéger ainsi ? En découvrant le visage de son ravisseur, la rate s’était fait la réflexion que, finalement, les ténèbres auraient été un sort plus enviable. De tous les pièges dans lesquels elle aurait pu tomber, il fallait que ce soit le sien. Tatouille déglutit péniblement, comme si les mots entravaient sa gorge. « Trofim Sourissenko. »

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Faits comme des rats

Un homme d’exception n’apprend les règles que pour s’y déroger. Il ne redoute ni la foule ni la solitude. Il résiste à la honte comme à l’opprobre, à l’épée comme à la plume. Il n’agit pas sans réfléchir, et ne réfléchit pas sans agir. Il pense comme un médiateur, capable de trouver l’équilibre entre les extrêmes, mais frappe comme un zélote. Il apparaît froid, mais sa volonté brûle ceux qui la défient. Il obtient des résultats et ne s’en vante pas. C’était, en tout cas, ce que Monsieur Spoutine avait compris de la culture locale. Il n’était pas un homme, mais, ce détail mis à part, la description lui correspondait exactement. Un homme d’exception, c’est bien. Un rat d’exception, c’est mieux. Et ce dernier avait un objectif : trouver une rate aussi exceptionnelle que lui. Il la connaissait déjà, en réalité. Quand lui et mademoiselle Tatouille seraient réunis, ils seraient le couple le plus charmant, influent, et… eh bien, le plus exceptionnel.

Son obstacle, c’était les humanoïdes qui portaient des vestes blanches. Dès qu’il sortait de la chambre, ils cherchaient à s’emparer du noble rat, pour l’enfermer dans ce qui ne pouvait être que des laboratoires lugubres. Otobis lui racontait que ces captures permettaient d’effectuer des expériences sur les rongeurs. Pire encore : parfois, les écoliers pratiquaient des vivisections. Ces histoires sordides ne faisaient que confirmer ce que Monsieur Spoutine pensait déjà : les humains étaient des créatures incivilisées, brutales et cruelles. Leur lenteur caractéristique ainsi que leurs ignobles mains non poilues donnaient de prime abord l’impression qu’ils n’étaient que de gros bébés sans cervelle, mais tout ceci n’était qu’une façade. Les humains étaient bien plus immondes qu’ils n’en avaient l’air.

L’avantage, c’est que les rats étaient rapides. Monsieur Spoutine se faufilait dans les couloirs. On le remarquait parfois, mais il disparaissait aussitôt. Il se vantait toujours de gagner les courses qu’ils faisaient dans les jardins, près de leur manoir. Ces souvenirs le rendaient nostalgique. La vue depuis les hauteurs de leur domaine était inégalée. On contemplait les chutes d’eau voisines, la vallée et les habitations ouvrières des souris, qui constellaient le panorama comme des petits points de civilisation dans un écrin de nature. Qui aurait pu prévoir qu’elles allaient se rebeller ? Pas lui, en tout cas. Il n’avait jamais pensé cela possible. Alors, peut-être qu’il n’était à cette époque pas un rat d’exception.

Malgré tout, il préférait songer au passé en des termes positifs. Il avait vécu beaucoup de bons moments, dans le domaine Spoutine. La plupart avaient été en compagnie de Tatouille. Parfois, lorsqu’il pensait à elle, il entendait encore sa voix. Le rat se glissait dans l’ouverture d’une porte, jetait un coup d’œil, et partait visiter la prochaine pièce. Lors de cette patrouille quotidienne dans Basphel, il se plaisait souvent à l’imaginer là, à l’attendre. Il pouvait la voir au détour de chaque salle inoccupée. Plus il se languissait d’elle, plus la chimère lui semblait réelle. Une porte après une autre, il franchissait chaque passage, motivé par le vain espoir de la retrouver. Parfois, l’image semblait si réelle que l’observer trop longtemps devenait douloureux. Cette fois-ci, cependant, elle était trop réelle pour qu’il puisse l’ignorer. Tatouille était là.

L’on aurait pu croire qu’il évitait un énième assaut des techniciens de laboratoires, mais non. Le rat exceptionnel filait en direction de sa dulcinée. Il ne sentait plus le sol sous ses pattes : tout ce qui comptait, c’était de l’atteindre, de lui toucher le museau et de lui déclarer sa flamme. En quelques foulées, il l’avait déjà rejointe, mais l’expression de mademoiselle Tatouille n’était pas aussi joyeuse que prévu. À peine eut-il fait cette observation qu’il se cognait déjà contre un mur invisible. Du verre. Sa fiancée était piégée par un dôme. Et, l’instant d’après, il le fut aussi. La tragique ironie de leur existence voulait que leurs retrouvailles se fassent en ces circonstances macabres. Et celui qui leur avait volé ce moment magique n’était autre que le terrible docteur Trofim Sourissenko. Il les regardait en hauteur, perché sur une cagette en bois.

« Vous n’êtes pas les premiers à tomber face à mon invention. Je l’appelle “le piège du fromage”. Ingénieux, n’est-ce pas ? » Ce scientifique était aussi cruel que brillant. Il avait travaillé pour la ratistocratie, mais avait désormais changé d’allégeance. « Encore des petits nobles déchus, en cavale chez les humanoïdes… oh, mais je vous connais, vous deux. Comment on se retrouve, mademoiselle Tatouille ? » Notre héros voulut hurler des insultes, mais le son se heurtait aux barrières du verre. « Je ne prête aucun intérêt aux ratés comme vous… » Le scientifique claqua des pattes, ordonnant à des dizaines de souris cachées de venir former un escalier pour qu’il puisse descendre. « Mais Mikhail Mouse, cet idéaliste, veut votre peau. Si je vous offre à lui vivant, il continuera à financer mes recherches. » Le docteur éclata de rire, laissant apparaître ses machiavéliques dents. Monsieur Spoutine voulait agir, mais se savait impuissant. « Ce n’est pas contre vous, mes petits. Vous allez pouvoir revoir votre pays. Souris, actionnez le levier de téléportation ! » Les rongeurs blancs se firent la courte échelle pour atteindre un mécanisme, dans un coin de la salle. Ce salaud avait tout prévu.

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