Un guerrier à l’armure d’azur
New Life - Thomas Bergersen

~ RP précédent : Le siège d’Arcadia ~

Partenaire : Solo.
Intrigue/Objectif : Après avoir éveillé sa Forme Angélique durant le siège à Arcadia, Isiode est convoqué par les Olori afin de passer un entretien sur ce qui s’est passé.

« Veuillez m’excuser. »

En toute courtoisie, l’Olori Amélie Miklan Galadhras se décala sur le côté pour laisser passer l’Immaculé qu’elle avait failli bousculé. Ils s’échangèrent une révérence, mais avant que celui-ci ne lui tourne complètement le dos, la Réincarnée nota le bouquet qu’il tenait en main. Des arums? Songea-t-elle, s’avançant dans une foulée silencieuse à l’intérieur de la pièce. Son regard, inévitablement, tomba sur les épaules de son collègue qui observait l’éclat rayonnant du Soleil au pied de la fenêtre. Debout, à proximité d’une table ronde et d’un ensemble à thé, il ne semblait pas encore l’avoir remarqué.

« Il s’agit des fleurs envoyées par la Marche Terne? »

L’Olori Clive Galathiel pivota la tête, ses grands yeux bruns observant la diplomate avant de lui adresser un sourire.

« Elles sont splendides, n’est-ce pas? J'ai demandé à ce qu'on les empote pour les placer à l'entrée du bâtiment. La jeune femme hocha du menton par réflexe. Un peu de thé? »

Charmant, il fit volte-face, invitant son homologue à s’asseoir à la table avec lui. Amélie s’approcha, ayant remarqué l’ensemble à thé qui trônait sur le petit meuble. Une odeur agréable et sucrée se faisait sentir dans toute la pièce et, de la théière, une vapeur délicate s’échappait. La Galadhras prit ainsi place aux côtés du Galathiel, qui lui servit la boisson chaude avec attention.

« Merci. »

Ce n’est qu’après avoir bu sa première gorgée qu’elle remarqua une absence, loin de l’étonner.

« L’Olori Vaughan sera légèrement en retard.

- Évidemment », soupira-t-elle, le manque de ponctualité de leur consœur étant reconnu à travers l’ensemble de la nation.

Il fallait dire que cela tenait du miracle si la Vaughan arrivait à une réunion à l’heure. C’était un trait de la personnalité de la Repentie qu’Amélie Miklan critiquait sans cesse, sans se voiler, elle qui était aussi bien régulée que les aiguilles d’une horloge et qui détestait la non-ponctualité. En jetant une œillade à la veine apparente qui venait de se dessiner à sa tempe, Clive ne pu s’empêcher d’expirer un rire, conscient que la Galadhras ne saurait retenir sa langue une fois en présence de la Grande Prêtresse. Même si les deux femmes travaillaient souvent de pair au sein du gouvernement – fonctions et responsabilités obligent, puisqu’elles étaient toutes deux consultées pour les dossiers concernant la religion – elles étaient pourtant bien différentes l’une de l’autre, ce qui entrainaient certaines frictions.

« Comment vont les rescapés angéliques? Sans subtilité, le chef militaire détourna le sujet de la conversation, l’Immaculée à ses côtés reportant rapidement son attention vers lui. S’acclimatent-ils convenablement?

- Heureusement, oui. La majorité a élu domicile ici même, au sein des Terres d’Iyora, tandis que les autres ont été transférés aux Jardins de Jhēn. Elle secoua la tête, découragée. Ils n’ont pas tout perdu et n’ont pas été blessés, merci à l’évacuation qui s’est déroulée sans grand tracas. Pourtant, malgré tout le support et l’assistance qu’on peut leur fournir, il leur est encore demandé de se reconstruire. Momentanément, ses doigts vinrent pincer l’arête de son nez, le timbre de sa voix s’ourlant d’un accent plus dramatique. C’est la dernière fois qu’ils seront confrontés à une situation pareille. »

Sur leurs territoires, entre leurs murs fortifiés, les Olori s’accordaient sur ce point en une œillade discrète : tous ces gens qu’ils avaient failli à secourir et sauvegarder au cours du Rimkalàri (La Guerre) seraient désormais défendus et protégés sous leurs ailes. Leur peuple avait été exploité et maltraité par leurs ennemis; aujourd’hui, il avait été trahi par leurs alliés… Il était hors de question qu’ils subissent plus encore. Ils méritaient de vivre paisiblement, auprès des leurs, et non pas enchaînés ou réduit au silence par la peur. Les deux Archanges continuèrent ainsi leur conversation en attendant leur troisième collègue, traitant, pour passer le temps, des dépenses liées à cette nouvelle exode de civils, au budget qui ne cessait de fluctuer et au travail qui, en parallèle, se voyait doubler pour le pauvre Olori Allen Adrestian, Trésorier angélique. Après avoir bu une nouvelle gorgée de son thé, le commandant de la Nith-Haiah écarta ses lippes pour renchérir, mais brusquement, il suspendit sa parole, tendant l’oreille.

« Je crois que notre retardataire est arrivée. »

Une seconde seulement après que ces mots sortissent de sa bouche, le battant de la porte s’ouvrit soudainement sur la silhouette de la jeune Olori Hazel Vaughan. L’or de ses prunelles s’arrêta sur ses collègues avant qu’elle se penche en signe de pardon.

« Désolée, je suis en retard. Une affaire urgente m’a retenu au monastère.

- Aucun problème », sourit tranquillement Clive en terminant son thé, habitué aux excuses de la religieuse.

Même le stratagème qu’il entretenait depuis un certain temps – celui d’inviter la Vaughan à leur conférence dix à quinze minutes plus tôt que l’heure prévue – avait échoué cette fois-ci. Sur cette réflexion, il songea alors que, peut-être, il s’agissait véritablement d’une affaire importante qui l’avait empêché de se présenter à l’heure. Toutefois, la réaction d’Amélie Miklan ne manquât pas de se faire entendre, la jeune femme reprochant à haute voix la mauvaise habitude de son homologue. Cette dernière s’excusa une nouvelle fois, sincèrement désolée.

« Quoi qu’il en soit, se rasséréna la diplomate après une profonde inspiration. Nous pouvons finalement traiter du sujet pour lequel vous nous avez appelé ici, Consul Galathiel. »

Le Général des Armées angéliques acquiesça sous le poids de leurs regards et s’élança dans un long monologue afin d’expliquer l'un des événements survenus au cours du siège d’Arcadia : l’éveil de ma Forme Angélique.


◆ 935 mots | Post I

Un guerrier à l’armure d’azur
A Beauty in Black - Suikoden V

Quelques heures plus tard, sur l’Île d’Orhmior…

Je m’étendis au sommet de mon lit. Les couvertures s’égaraient sous mon poids et l’oreiller soutenait soigneusement ma tête dans son confort moelleux. Malgré la fatigue que je sentais me ronger jusqu’aux os, je n’arrivais pas à trouver le sommeil, un sommeil qui avait su s’éclipser depuis huit jours déjà, en raison de ma particulière condition. J’étais exténué et savais qu’il me fallait dormir pour être en forme ces prochains jours, mais entre mes deux oreilles, une multitude de réflexions voyageaient alors que mes pupilles, attentives, fixaient le curieux pendentif que je serrais dans mon poing. Il s’agissait du médaillon qui m’avait été offert par Dame Fëanturi Vairë et, de surcroît, celui qui s’était mis à briller lorsque j’avais subi cette soudaine transformation à Arcadia. Si ce qui m’était arrivé n’était pas une première, elle restait surprenante dans le contexte où elle n’aurait jamais dû se manifester de prime à bord. Depuis des siècles et des décennies, des recueils avaient retranscrit comment les Anges auraient, à des temps immémoriaux, possédé une Forme aussi surnaturelle que surhumaine : une Forme qui leur avait été graciée par les Sept Vertueux afin de rivaliser avec la puissance des Démons de l’époque. Au cours de l’Histoire, cette Forme aurait plus d’une fois fait briller la lumière et écraser les ténèbres. Elle était l’apparence et la Force la plus brute et pure que l’on connaissait. Cependant, au fil des années, les Immaculés semblèrent perdre cette grâce, incapables de l’éveiller là où leurs parents et leurs Ancêtres avaient su la manipuler avec adresse pendant des siècles. Malheureusement, les livres étaient pauvres en explication concernant cette brutale séparation. Pourquoi cette Forme mystique avait-elle disparu? Pourquoi les Anges peinaient et n’étaient plus en mesure de la revêtir alors que les Démons bénéficiaient toujours des attributs que leur conférait leur Autre? Est-ce que notre Forme avait régressé, à la manière d’un gène récessif qui se serait lentement éteint de notre code génétique? Est-ce que la capacité nous avait été arrachée par la main des Ætheri, qui nous considéraient désormais comme indignes? Pour quelle raison? Et pourquoi la faire ressurgir maintenant? À l’éveil de cette Forme par un Élu d’Hel’dra, après des siècles de dormance et d’oubli, les Anges avaient naturellement pensé que le retour de ce don était un présent de la soi-disant Déesse de la Conciliation. De fait, les autres Élus angéliques connus de notre nation avaient été incités à passer des examens afin de savoir s’ils possédaient eux aussi la Forme Angélique, mais de ce que je savais, aucun n’était parvenu à l’éveiller, pas même celui qui l’aurait initialement ranimé. Jusqu’à ce que je me retrouve au beau milieu de ce conflit armé, tremblant de la tête jusqu’aux pieds…

Lentement, je fis tournoyer le pendentif dans le creux de ma main, son reflet brillant plus encore sous la lueur des astres célestes. Je ne faisais pas parti de ces Bénis à qui le Destin les avait étroitement liés à Hel’dra. Mon nom n’était rattaché à aucune prophétie, ni à aucune fatalité. Je n’étais qu’un Soldat, étreint par ce vœu de protéger la nation que j’avais failli défendre au cours du Czírnúma (Génocide). Est-ce qu’un tel souhait était suffisamment puissant pour ranimer un tel pouvoir d’antan? Je ne le croyais pas, certain qu’après tout ce temps, plusieurs d’entre nous l’auraient également éveillé depuis longtemps. Alors qu’avais-je fait de différent? Qu’avais-je déclenché pour… libérer le guerrier en moi…? Lourdement, ma tête s’enfonça dans l’oreiller, mes paupières relâchant toute résistance. Dans cette nouvelle nuit, mon esprit était agité, incapable de donner du sens à ce qui s’était produit à Arcadia. Comme un abandon, il semblait m’avoir tout bonnement assoupi.

Et à cet instant, tu choisis enfin d’émerger après une longue, très longue attente.
Ton corps se détacha de l’obscurité à la manière d’un nageur qui s’évadait des eaux. Tes pupilles, éclats iridescents au cœur de la nuit, apparurent dans le plan de ce Monde. Tu avais été patient et suffisamment prudent. Tu t’étais rapproché depuis quelques jours déjà, mais sans oser dévoiler aussi distinctement ta présence que maintenant. Parce que maintenant, tu savais et tu en étais certain : maintenant, ta proie abaissait enfin ses murs, relâchait enfin cette vigilance qui enchaînait et supportait sans cesse son subconscient. Peut-être t’avait-il oublié, mais toi, tu n’étais jamais vraiment parti. Tu attendais et attendais simplement un moment pour frapper et, cette fois-ci, t’assurer de toucher. Large et disproportionné, un sourire écorcha ton visage et tu posas un premier pas sur le sol matériel de cette dimension. Tu te redressais et lentement, très lentement, tu t’avançais jusqu’à la couche de ta proie. Les coups de minuit avaient sonné depuis plusieurs minutes déjà et le souffle du soldat… Oui, il était régulier. Ses yeux? Fermés. Son corps? Détendu et relâché. Son esprit? Complètement endormi. Tu souris plus encore, posant l’un de tes doigts sur son front.

Et dans un sursaut presque immédiat, je me réveillais, une sueur froide collée à la peau.


◆ 831 mots | Post II

Un guerrier à l’armure d’azur
Lanterns in the Night - Yu-Peng Chen (Cover by Samuel Kim)

Le lendemain, sur les Terres d’Iyora…

Si le pas des autres militaires se perdaient en arrière-plan, le bruit de ma propre foulée résonnait pourtant avec cent fois plus d’intensité que tous les autres sons qui s’emballaient dans les environs. J’avais l’impression de peser des tonnes plus je progressais dans le couloir, mais par chance, après quelques minutes seulement, j’arrivais enfin à destination.

« Bonjour Capitaine. Avec respect, je saluais les deux gardes qui se tenaient devant l’entrée, ces derniers répondant par la même politesse en penchant leur buste vers l’avant. Avez-vous bien dormi…? »

À la suite d’une hésitation, le militaire posa finalement la question qui lui brûlait les lèvres, la commissure des miennes se retroussant à peine. Était-ce si évident ou le Soldat était plus perspicace qu’il ne le laissait paraître?

« Non, pas vraiment »

Et pourtant, malgré la fatigue qui pouvait se lire sur mon faciès et le fardeau de cette nuit épuisante que je me trainais comme un boulet, ma nuque ne se ploya et mon dos restait parfaitement droit. Tout simplement, j’attendais qu’ils annoncent mon arrivée aux Olori sans qu’ils ne se soucient davantage de mon état. J’avais été victime de pires afflictions par le passé, alors je saurais encore supporter un manque de sommeil. Puis, il s’agissait d’un éreintement nécessaire pour attirer de nouveau cette chose qui bafouait la mémoire de la Kọjá lọ Fúnmi tara Ingvar (feu Dame Ingvar). Voyant que je ne cherchais aucunement à renchérir sur le sujet, les Soldats comprirent aisément le message, l’un d’eux tendant son bras jusqu’aux battants de l’entrée qu’ils surveillaient.

« Ogbeni banọ atí Fúnmi tara Olori (Monsieur et Mesdames les Olori), le Capitaine est arrivé. Puis-je le faire entrer? »

L’aval ne tarda à être accordée, une voix légèrement étouffée répondant depuis l’autre côté de la porte et, presque instantanément, celle-ci s’ouvrit devant nous, les gonds grinçant sous l’action de la Magie. Ils étaient trois, tous appuyés contre des sièges de modeste fabrique, alors qu’une table et un ensemble à thé les séparaient d’une quatrième chaise, vide de tout possesseur. Les figures qui m’accueillaient aujourd’hui me souriaient avec bienveillance, une sollicitation à m’asseoir auprès d’eux m’étant adressée dans le même temps.

« Enchanté Capitaine. Merci d’avoir répondu aussi rapidement à notre invitation. »

Ma révérence, cette fois, fût plus basse afin de saluer les trois Olori qui se tenaient sous mes yeux et, précisément à cette indication, je me permis de bouger à nouveau afin de m’installer sur l’assise vacante, l’océan de mon regard les examinant presque aussitôt. Ces postures et ces figures, elles m’étaient aussi familières qu’étrangères. Je ne les connaissais que de vue, en raison de leur réputation et de leur rang, mais n’avais que peu souvent posé les yeux sur eux, et ce, à une telle proximité. La Grande Prêtresse, Hazel Vaughan, paraissait particulièrement sage et tranquille avec sa tasse de thé en main tandis qu’à l’opposé, la diplomate Galadhras possédait un regard perçant qui m’auscultait scrupuleusement. Ayant entendu maintes rumeurs à mon sujet, elle souhaitait, par cette occasion fortuite, de mieux connaître le personnage que j’étais. Cela étant, des trois Archanges qui m’encadraient, le Consul de la Nith-Haiah, Clive Galathiel, me semblait être le plus prompt à vouloir débuter cette conversation, sa prise de parole, quelques secondes plus tard, me confirmant cette impression.

« Je pense qu’une introduction afin de justifier votre présence aujourd’hui n’est guère nécessaire. Vous savez, tout comme nous, ce que nous souhaitons connaître. J’acquiesçais calmement. Allons droit au but dans ce cas : expliquez-nous ce qui vous est arrivé à Arcadia, lorsque vous avez éveillé ce pouvoir.

- Cherchez-vous à connaître des détails particuliers?

- Honnêtement, nous ne sommes pas sûrs nous-mêmes de ce que nous recherchons, puisqu’à notre connaissance, le phénomène ne s’est produit qu’à trois reprises, par deux personnes différentes, à des moments et sous des circonstances complètement différents. Nous avons déjà le témoignage de l’Élu d’Hel’dra qui est parvenu à manifester ce pouvoir, mais le vôtre saura peut-être compléter le sien, afin de nous permettre de mieux comprendre ce qui vous arrive, comment et pourquoi vous êtes parvenus à l’activer après tous ces siècles où nous avons cru le pouvoir perdu.

- Dans ces conditions, reprit l’Olori Galadhras, n’omettez aucun détail. Nous voulons savoir ce qui s’est produit avant, pendant et après votre transformation : ce que vous avez fait, ce que vous avez dit, ce que vous avez ressenti également. Absolument tout dans les moindres détails. »

Une fois de plus, j’hochais de la tête.

« Je comprends. »


◆ 750 mots | Post III

Un guerrier à l’armure d’azur
Greatest Strength - Hiroaki Tsutsumi, Toft Willingham, Chez and Jessica Gelinas

Les premières secondes, je les passais dans l’immobilité la plus absolue, m’aidant du silence et de l’obscurité derrière mes paupières afin de mieux me replonger au cœur des événements survenus pendant le siège. Tout leur raconter, dans les moindres détails : comme promis, ma mémoire cherchait à retrouver chaque fragment qu’il était parvenu à capter au cours de cette longue journée. Du rugissement des combats, qui avait résonné dans le lointain, jusqu’aux soubresauts qui avaient secoué les silhouettes des civils évacués; des ordres que nous avions maintes et maintes fois répétées, jusqu’à décrire la chaleur de la Magie qui avait crépité dans l’atmosphère de la cité assiégée. Progressivement, les souvenirs émergeaient des flots, les scènes se succédant à l’intérieur de mon cerveau avec une netteté qui me semblait aussi authentique qu’au moment de le vivre. De fait, je ne pensais pas avoir de difficulté à leur brosser ce qui s’était produit, les faits s’animant devant mes yeux à la manière d’une pièce de théâtre soigneusement orchestrée. C’est pourquoi ma bouche s’ouvrit après une poignée de secondes seulement, détaillant, pas à pas, le parcours que j’avais tracé à ce moment-là. Je leur racontais ce dont je me souvenais, comme je l’avais aperçu et comme je l’avais ressenti, de l’instant où j’avais discerné la terreur qui asservissait le jeune homme jusqu’à celui où la Chevalière s’était agitée, rebellée puis fait antagoniste de notre tragédie. Pourtant, aussi fluide fût l’exposé que je leur livrais, il s’arrêta brièvement à cet instant précis, mon regard se perdant un certain temps sur le décor environnant. Je réfléchissais sur ce que j’avais éprouvé, me questionnant sur ma capacité à leur transmettre fidèlement l’ensemble des impressions qui m’avaient cahoté. Après tout, je n’avais jamais été véritablement doué pour traduire le langage du cœur, le mien plus encore que n’importe qui. Toutefois, aujourd’hui, les mots traversèrent naturellement la barrière de mes lèvres avec une déconcertante facilité.

« Quand elle s’est mise à s’indigner, criant à l’injustice et faisant valoir sa liberté, j’ai perdu mon sang-froid. Même le chuchotement du Dévoué n’avait ressemblé qu’au bourdonnement indistinct d’un insecte à ce moment-là. De la frustration, du dégoût et de la Colère; c’est ce que j’ai ressenti. Je supportais le regard des trois Archanges, sans broncher. Mais plus que tout, j’ai eu peur. Je n’étais pas celui qui était menacé et pourtant, j’ai eu terriblement peur pour cet homme, cet étranger; pour sa vie. Nous avons déjà beaucoup trop perdu par le passé et, sous mes yeux, je craignais de devoir poser un nouveau cadavre à l’amas déjà conséquent de nos morts. Il n’en était pas question. »

Lui ou un autre Ange, ma réaction aurait été similaire. Dans tous les cas, je ne voulais plus voir l’un de mes semblables perdre la vie de cette façon : prisonnier, misérable, désespéré, sans possibilité de pouvoir se défendre et répliquer. Cette vision m’avait écœuré autant qu’elle m’avait écumé.

« À partir de ce point, tout ce que j’ai perçu n’était que des sensations. Je n’entendais pratiquement plus rien autour de moi, si ce n’était de mon rythme cardiaque de plus en plus assourdissant, et je sentais une démangeaison irriter ma peau. Seulement, elle s’exacerbait plus les secondes avançaient et si, au début, il ne s’agissait que de fourmillements, après un certain temps, l’impression ressemblait à de véritables morsures. Par réflexe, ma main vint frotter l’un de mes poignets. C’était comme si un vent glacial s’était saisi de mon corps : je pouvais ressentir le froid couler le long de ma peau et pourtant, l’intérieur de ma poitrine s’embrasait. Une chaleur incandescente me consumait. J’avais l’impression qu’un brasier commençait à brûler en moi, dévorant chaque morceau de mes entrailles avec avidité. Je pouvais sentir l’adrénaline se répandre dans l’intégralité de mon être; je pouvais la sentir voyager dans mes veines, se mélanger à mon flux sanguin et augmenter ma température. C’était une étrange sensation. J’avais chaud à l’intérieur, mais extrêmement froid à l’extérieur. Et pendant un moment, je n’avais plus été que le captif de cette sensation, incapable, depuis ce jour, d’alimenter ma mémoire sur ce qui s’était produit au cours de cette période. C’est comme si je m’étais assoupi, mais que je n’étais pas entièrement endormi non plus. Cependant, quand je suis revenu à moi, la première chose que j’ai perçu, c’était la voix de R… Dame Muramasa. Elle criait mon nom et me demandait de recouvrer mes esprits. J’ai fini par l’entendre et, dès cet instant, plus je reprenais conscience, plus la chaleur dans mon corps diminuait, plus le froid sur ma peau disparaissait, et je sentais l’armure se fragmenter à même ma chair. En revanche, j’avais la tête qui tournait et je perdais pied. Un peu plus, et mon cœur se serait soulevé. Comme si je recevais les contrecoups de l’utilisation du pouvoir et de la soudaine baisse d’adrénaline, ma force s'est brutalement dissipée. Je suis tombé au sol et on m’a également dit que je me suis évanoui pendant quelques secondes. Un Soldat s’est tout de suite précipité sur moi afin de me soutenir et j’ai demandé à ce l’on me raconte ce qui s’est passé.

- Vous ne vous souvenez vraiment de rien entre le début de votre transformation et sa fin? »

Les trois Olori s’étaient faits silencieux depuis un moment, mais en réponse à leur nouvelle interrogation, je secouais tranquillement ma tête sur les côtés.

« J’ai beau y penser, je ne me rappelle honnêtement de rien, si ce n’est ce que je viens de vous décrire. Je ne me souviens même pas d’avoir bougé ou d’avoir déployé mes pouvoirs.

- Comme si vous étiez possédé. J’hésitais une fraction de seconde avant de confirmer les paroles du Consul. Et songiez-vous à quelque chose de particulier, pendant ce temps, ou étiez-vous complètement léthargique et non fonctionnel mentalement? »

Un instant, je me figeais, la soudaine rigidité de mon visage ne passant inaperçue.

« Je n’arrêtais pas de me dire qu’il me fallait éliminer tous dangers qui risquaient la vie de l’otage, qu’il me fallait agir rapidement et précisément afin de le protéger.

- Et c’est ce que vous avez fait : vous avez éliminé les menaces, même inconsciemment.

- … Elle et tous ceux qui auraient pu, effectivement, être des dangers pour cet homme, admis-je d’une voix monotone, sans ressentir le moindre regret.

- Voilà un détail qui m’intrigue. Amélie Miklan décroisa ses jambes. Vous auriez pu attaquer n’importe qui autour de vous et pourtant, vous êtes tout de même parvenu à cibler parfaitement les quatre Chevaliers de l’Ordre qui se sont infiltrés dans les rangs des réfugiés. Comment avez-vous pu faire cela, alors que vous étiez à moitié conscient? »

Aux regards que l’on me décocha, les deux autres Archanges semblaient, eux aussi, curieux de savoir cela. Cependant, cette réponse, il me fallut y réfléchir plus longuement avant de leur partager ma pensée.

« Je suis capable de ressentir les émotions d’autrui. C’est ainsi que j’ai été en mesure de comprendre qu’il se passait quelque chose d’étrange avec cette femme et l’otage. De la même manière, peut-être ai-je inconsciemment perçu leurs sentiments et ajusté mes attaques en conséquence. »

Pendant un certain temps, qui me parut s’éterniser, les Olori se consultèrent en silence; peut-être se communiquaient-ils même leurs impressions par la pensée.


◆ 1 215 mots | Post IV

Un guerrier à l’armure d’azur
Peace Out - Hiroaki Tsutsumi

« Que s’est-il passé ensuite? »

La soudaine reprise de parole de l’Olori Galadhras me surprit légèrement, l’expression respective des trois dignitaires s’étant à peine troublée.

« J’ai été mis à l’écart pour que je puisse reprendre des forces, leur déclarais-je en précisant que seuls les Anges avaient véritablement compris ce qui m’était arrivé sur l’instant, les civils et l’ensemble des forces de Ciel-Ouvert, présentes sur place, n’ayant cru qu’il ne s’agissait là que d’un pouvoir comme un autre. Et nous avons complété l’évacuation des civils sans nouvel accroc.

- Après l’évacuation, vous vous êtes ensuite joint au reste de l’armée pour combattre.

- C’est exact. Lorsque nous nous sommes assurés de la sécurité des civils auprès des équipes médicales, plusieurs militaires de la Nith-Haiah ainsi que les Marcheurs ont participé à la bataille. La plupart d’entre nous avons de nouveau pénétré les murs de la citadelle : nous avions comme mandat d’intercepter tous Chevaliers qui essayaient de s’enfuir.

- Et vous vous sentiez parfaitement bien durant les combats?

- Oui. La réponse fusa instantanément. Rien de tel ne s’est reproduit par la suite. Je me sentais beaucoup plus calme et mes idées n’ont jamais été aussi claires que durant ces affrontements. »

Tout était simplement revenu à la normale, même si – je le savais – quelques yeux s’étaient assurés de me surveiller afin que je ne replonge pas dans un tel état. Les Archanges se turent dans la plus parfaite des synchronisations, leur regard me scrutant avec attention jusqu’à ce que Dame Galadhras ne brise une nouvelle fois le mutisme général.

« Je crois que nous avons obtenu tout ce que nous pouvions recevoir de votre témoignage, Capitaine. Merci infiniment pour votre coopération.

- Tout le plaisir est pour moi », leur fis-je savoir en ployant ma nuque sous leurs yeux.

Dans le même temps, mon corps se redressait, dessinant les premiers mouvements pour me retirer de mon siège, mais la Réincarnée écarta subitement ses lèvres, suspendant aussitôt mon initiative. Prompt, mon séant retourna hâtivement sur l’assise.

« Également, si vous nous le permettez, pourrions-nous solliciter votre aide pour encore quelques jours?

- Assurément. S’agit-il d’examens? »

La brune confirma d’un signe de tête, puis m’expliqua les différents tests qu’ils avaient réalisé avec la participation des Élus d’Hel’dra. En effet, durant une certaine période, ces derniers avaient été appelés auprès du gouvernement afin que celui-ci puisse évaluer s’ils étaient en mesure d’éveiller, eux aussi, ce pouvoir de légende. Pour tous ceux qui avaient répondu à leur appel, les équipes médicales, scientifiques et d’études magiques angéliques avaient alors élaborées plusieurs examens qui avaient pour but de démystifier les secrets de cette subite réapparition.

« Malheureusement, comme vous devez être au courant, les résultats de nos tests ont été négatifs. Non seulement, nous ne savons pas comment certains parviennent à manifester ce pouvoir après tous ces siècles de dormance, mais nous n’avons qu’une très vague idée du comment celui-ci peut être activé. Tout ce que nous connaissons avec certitude pour le moment, c’est qu’il est nécessaire à l’Ange d’avoir en sa possession (son doigt pointa alors la chaîne que l’on pouvait voir à mon cou, même si le joyau de la pièce se cachait sous mes vêtements) une Omije durant sa transformation. »

Instinctivement, mon regard descendit jusqu’à mon col, mais je laissais le pendentif de Dame Fëanturi Vairë sous mon chandail, reportant plutôt mon attention dans leur direction.

« Si ma collaboration peut vous permettre d’avancer dans vos recherches, je ne vois aucun inconvénient à me joindre à vous. Je saurai me rendre disponible selon vos convenances. »

L’agrément, tout naturellement, fût ainsi établie entre les Olori et moi. Je m’apprêtais à prendre congé, le Consul Galathiel se levant également de sa chaise pour me reconduire à l’entrée, mais une seconde interpellation nous arrêta. Interrogateurs, nous laissâmes courir l’iridescence de nos regards jusqu’à son visage, baigné de quiétude.

« Puis-je? »

La douce voix de la Vaughan n’avait été que peu entendue depuis le début de cette rencontre, la femme de religion n’étant intervenue qu’à deux ou trois reprises seulement. Ainsi, chacune de nos œillades l’observaient fixement, certaines plus troublées que d’autres sur ses intentions. Cependant, puisqu’elle me regardait spécifiquement, je me sentais dans l’obligation de lui offrir mon aval afin qu’elle puisse nous partager sa pensée, ce qu’elle fit sur-le-champ.

« Capitaine, pensez-vous qu’il vous serait possible de subir, en plus des tests généraux, un autre examen un peu plus particulier?

- Vaughan… »

Le ton de la Galadhras s’était légèrement réduit, avisé avec prudence, et pendant un bref moment, les deux femmes se confrontèrent calmement. De son côté, l’Olori Galathiel ne se prononçait pas, étudiant simplement ses consœurs. Son regard était devenu énigmatique.

« De quelle nature sera cet examen? Demandais-je finalement pour couper la tension, Hazel Vaughan abandonnant le contact visuel avec sa compatriote avant de m’adresser un sourire.

- À la lumière de votre témoignage et de celui de Monsieur Belegad, je commence à penser qu’une des principales actions pour déclencher ce pouvoir est de plonger l’individu dans une situation de danger extrême. »

Succinctement, elle me fit connaître les événements qui nous avaient mené, moi et l’Élu, à éveiller cette grâce d’autrefois, et si nos circonstances différaient sur bien des points, une similitude pouvait tout de même être entrevue entre nos deux situations :

« Et il s’agit de la Mort. Tous les deux, vous avez essayé de vous prémunir contre la Mort. Par instinct de survie, son pouvoir s’est déclenché lorsqu’il crut sa vie en danger, et vous, vous vous êtes transformé pour la même raison, mais pour sauver la vie d’un autre. »

Je commençais à comprendre là où elle voulait en venir.

« Vous voulez recréer une situation similaire afin de savoir si le pouvoir s’activerait de nouveau…

- Il n’en est pas question. C’est trop dangereux.

- C’est à lui de décider, Dame Galadhras. »

L’intervention du Général de la Nith-Haiah fût inattendue, mais appréciée de la part de la Grande Prêtresse, qui renchérit :

« Nous mettrons tout en place afin de nous assurer que personne ne soit blessé durant le test, qu’il s’agisse du Capitaine ou des équipes en soutien. Évidemment, poursuivit-elle en m’observant, nous ne vous forcerons pas à réaliser ce test si vous ne le souhaitez pas : vous avez déjà compris quels sont les risques. Néanmoins, si vous veniez à nous aider, nous pourrions certainement répondre à quelques-unes de nos questions sur les origines de ce pouvoir. Ses pupilles me transperçaient désormais, comme si elle cherchait déjà à arracher les réponses de mon corps. Vous serez poussé dans vos derniers retranchements. Vous souffrirez, je ne vous le cache pas, et peut-être que mon hypothèse ne se confirmera même pas, mais d’après mes observations, je crois sincèrement qu’il s’agit de la clé qui puisse vous permettre de vous transformer. Déposant sa tasse de thé sur le sous-verre correspondant, Dame Vaughan posa ensuite ses mains contre ses genoux, et ses yeux dans les miens. Accepteriez-vous de passer cet examen, Capitaine? Ensemble, nous pourrions certainement découvrir les secrets de cette essence mythique. »


◆ 1 184 mots | Post V

Un guerrier à l’armure d’azur
River Flows in You - Yiruma (Cover by Sungha Jung)

Les trois Anges remercièrent le marchand en esquissant quelques sourires timides, profondément gênés d’avoir pu bénéficier de ce présent : une énorme tarte aux fraises et à la rhubarbe, gracieuseté du commerce qui avait voulu leur offrir ce dessert dès qu’il eut vent de leur passé. Entre leur statut d’esclave à la Terre Blanche et celui de réfugié à Arcadia, certaines personnes ne pouvaient s’empêcher de ressentir de la pitié les concernant. Où était-ce la gentillesse tant discutée des Anges, et dont ils n’avaient jamais véritablement été coutumiers? Le trio quitta ainsi le commerce, un sac, chacun, calé au creux des bras. Ils ne parlaient pas beaucoup, n’ayant jamais vraiment interagi entre eux jusqu’à ce qu’ils soient amenés à faire les courses ensemble en raison de leur colocation. Ainsi, ils essayèrent de faire fi de leur timidité afin de déployer les efforts nécessaires pour alimenter la conversation. Pourtant, au beau milieu d’une phrase, le jeune homme cessa brusquement de suivre le pas de ses consœurs, ses yeux s’étant accrochés à une silhouette à travers le flux populationnel du quartier.

« Pouvez-vous partir sans moi? Je dois aller voir quelqu’un. Durant une poignée de secondes, il leur adressa une œillade en biais. Je vous rejoindrai. »

Puis, il reporta son visage sur le lointain. Curieuse, l’une des Ailes Blanches qui l’accompagnait – une demoiselle aux long cheveux cendrés – recula de quelques pas afin d’avoir un meilleur visuel sur celui ou celle qui venait de saisir ainsi l’attention de son homologue.

« Qui est-ce…! »

Cependant, dans une course précipitée, l’Immaculé s’engagea promptement au cœur de la rue, zigzaguant entre les silhouettes afin de se frayer un chemin.

« Est-ce qu’il va bien? » S’enquit la deuxième Ange – une rousse – en le voyant disparaître avec tant de précipitation.

Sa camarade haussa des épaules, reprenant leur marche après un certain temps.

« Il a peut-être reconnu quelqu’un qu’il connaissait. »

L’Ange à la chevelure de cuivre acquiesça lentement, rattrapant sa colocataire en quelques enjambées.

« Nolann peut être un drôle de numéro, parfois.

- En effet », rigola avec douceur l’Ange aux mèches argentées.

Ainsi, les deux femmes s’échangèrent un regard avant de s’offrir un sourire, leurs pas les dirigeant droit vers le quartier qui accueillait, désormais, leur maison et celui de plusieurs autres rescapés qui avaient été secourus durant le siège d’Arcadia. Derrière eux, les ayant abandonnés sans une once d’hésitation, l’Ange continuait de se tracer un passage dans la rue afin de me rejoindre, sa voix finissant par s’élever au-dessus du brouhaha ambiant urbain :

« Monsieur Yüerell! Capitaine! »

D’un mouvement, mon regard se porta au-dessus de mon épaule, dévisageant la tignasse blonde qui sautillait dans ma direction. Je le scrutais sans un mot, impassible, mais une étincelle de curiosité éclairait mes pupilles. Le jeune homme dû la capter, puisqu’il se mit à m’observer tout aussi longuement, subitement gêné de s’être ainsi pressé.

« J-Je… Je… »

L’assurance de sa voix s’était fracturée, la confiance de son caractère s’était inexplicablement refroidie. Il baissa les yeux un instant, ses ongles s’enfonçant dans le sac en carton qu’il serrait désespérément au creux de ses bras.

« J-Je suis…

- Je vous reconnais. Sa tête se redressa soudain – propulsion d’étonnement – comme si un poids venait de relâcher la tension qui avait écrasé son cou jusqu’ici. Vous êtes l’otage, celui qui a été menacé par la Chevalière pendant l’évacuation d’Arcadia. »

Une joie sans borne explosa dans les profondeurs de son regard, alors qu’il hochait vivement de la tête, forçant sa bouche à poser de nouveaux mots sur la frontière de ses lèvres.

« C-C’est exact! Je voulais… Je voulais simplement vous remercier pour ce que vous avez fait. Je ne considérais pas mériter de remerciement pour avoir réalisé mon travail, mais Muramasa m’avait souvent averti qu’il était parfois bon de simplement accepter la gratitude d’autrui. Je m’appelle Nolann.

- Enchanté, le saluais-je à mon tour en penchant légèrement mon cou vers l’avant. Capitaine Isiode Yüerell de la Nith-Haiah.

- J-Je sais. »

Il rigola nerveusement et je restais immobile devant lui dans l’attente d’une requête, d’une suite quelconque. Pourtant, les secondes s’égrainèrent sans qu’il ne parût vouloir rajouter quoi que ce soit.

« Eh bien, passez une belle journée, Monsieur Nolann. J’espère que vous vous adaptez comme il le faut à votre nouveau milieu de vie.

- S’il-vous-plaît, Capitaine, attendez! Je n’avais même pas encore fait de pas de côté. Serait-il possible de vous envoyer un cadeau? Pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi. »

Un soupir, discret, s’échappa de ma gorge.

« Ce que j’ai fait n’est pas quelque chose qui se doit d’être remboursé ou gratifié. Soyez tranquille et pensez plutôt à votre vie, ici, à la Citadelle Doka.

- Permettez-moi d’insister! Je vous en prie… Vous m’avez sauvé la vie. »

Les notes dans sa voix tremblèrent, la pitié qui émanait de celles-ci ne se camouflant même pas. Le souhaitait-il à ce point? Aux frissons qui secouaient de la sorte son palpitant, il semblerait que oui, le sentiment que je percevais étant aussi ardent qu’ingénu.

« Si cela vous tient à cœur… »

Je plongeais mes mains dans les poches de mon uniforme, à la recherche d’un crayon et d’un morceau de papier sur lequel je pourrais lui partager les coordonnées que j’avais en tête, mais le jeune homme me certifia qu’il saurait s’en rappeler si je les lui transmettais de vive voix, ce que je fis après une hésitation. Son regard pétilla, son sourire s’étira et, dans une profonde révérence, il renversa son buste vers l’avant pour me remercier.

« Ah non! Les fruits de Yelan! »

… Avant d’échapper la moitié de ses courses dans l’allée. L’observant se pencher en toute hâte vers les fruits qui roulaient à nos pieds, je finis par bouger légèrement mes doigts, la télékinésie rattrapant tous les aliments dans une même poignée avant de les faire tournoyer autour de l’Immaculé. Ainsi, un par un, les fruits retournèrent dans le sac sous le regard surpris, puis bienveillant, du rescapé.

« Merci beaucoup. Encore une fois. »

Je secouais distraitement la tête, l’aidant à se remettre sur pied.

« Faîtes attention à vous.

- C’est promis! Vous aussi, Capitaine. »

Je m’éclipsais le premier, devinant sur ma peau les yeux de l’Ange courir le long de ma nuque. Ce n’est qu’après m’être engagé dans une nouvelle avenue que je sentis finalement le poids de son regard s’effacer entièrement.


◆ 1 078 mots | Post VI | FIN