Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

Partagez
 

 [Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier !

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
AuteurMessage
Latone
~ Orisha ~ Niveau I ~

~ Orisha ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 2293
◈ YinYanisé(e) le : 24/05/2014
◈ Activité : Horticultrice
Latone
Mer 01 Sep 2021, 15:56



Mon preux chevalier !



Thémis dut faire une pause, au moins pour se désaltérer. Sa mentor, Gabriella Bellini, n'y vit aucun inconvénient. Aujourd'hui, leur travail s'écoulait aussi bien que le fleuve Talvra, à l'orée de la cité d'Arcadia. Le bureau baignait sous une divine lueur de zénith, les rayons ne laissant que peu transparaître le paysage idyllique, presque trop beau pour être vrai. Pourtant, elle se trouvait bien là, à des lieux de Ciel-Ouvert, où le froid et les maux antiques ne régnaient pas. Au tribunal d'Arcadia, Thémis pensait être enfermée dans un cocon, une sécurité érigée par ses semblables. Pourtant… elle préférait le côté grisant du Voile Blanc, les chants de la Cité des Marcheurs, les tempêtes dont étaient capables de provoquer ou dompter les Guides de cet Empire naissant. Étant donné l'évolution de ce dernier, sa présence sur place ne semblait pas être nécessaire, au moins pour quelques temps. En tant qu'Inquisitrice, d'autres enquêtes l'attendaient ; l'ascension de sa "protégée" réduite, finalement, qu'à un passe-temps futile aux yeux de ses consœurs.

" Affaire classée. " Gabriella referma le rapport final de sa conjointe et se leva pour aller l'archiver.

" L'Ordre résout leurs missions à une vitesse ahurissante. "

" Ce n'est pas tant leur productivité qui rassure les peuples que leur efficacité. " L'aînée referma le tiroir et s'en retourna à sa place, déjà prête à poursuivre leur devoir.

" Les Chevaliers sont bien populaires. Thémis croisa les jambes, ses gants enroulés autour de son verre. Si efficaces que les régents eux-mêmes se les arrachent pour soutenir leurs forces armées. "

" Il est juste de déléguer lorsque des projets plus pressants nous réclament. En ce sens, nous sommes semblables : les Souverains nous appellent en temps de crises. Cédant à la soif, la Bellini s'accorda un bref temps de repos. Ou lorsqu'ils en viennent à cracher sur leurs voisins. "

La cadette réprima un soupir. Les siennes en avaient bavé lorsque les Ætheri et Delta poussèrent les royaumes à défendre leur nom, leur foi. À cette époque, Thémis avait bel et bien choisi son camp, comme toutes les sœurs de la Justice. Mais cette ère présente devrait recadrer la plupart des peuples, leur faire comprendre que les erreurs du passé ne devraient jamais, jamais se reproduire. Au lieu de cela, nous assistions à des drames comme la Terre Blanche, à l'approche terrifiante du Léviathan… L'Inquisitrice ne pouvait que comprendre l'embarras de l'Ordre, qu'on appelait à tout-va pour des histoires tragiques ou l'incursion de criminels. Cela pourrait faire passer les Chevaliers pour des laquais. Ainsi, pourtant, était leur conviction : appliquer le Bien, selon leurs propres méthodes ; courageuses, vaillantes, authentiques. Efficaces.

" Affaire suivante. "

Avec Bellini, la Colechæ n'eut guère le temps de se ressourcer. Tant pis, elles déjeuneront plus tard. Sans démontrer le moindre signe de lassitude, Thémis s'empara du dossier suivant et commença à le feuilleter. À mesure que les premières informations défilèrent sous ses iris verdoyantes, son regard ne put que s'écarquiller de plus en plus. C'est… Depuis tout à l'heure, Gabriella la fixa, consciente que cette affaire-là risquait d'être corsée pour son élève accomplie.

" Nous n'avons pas le choix. "

~~~

La compresse ne fut pas de trop pour son œil amoché. Le pauvre Ricket allait passer son temps sur la touche, tandis que son maître, Garrat, s'occuperait de leur retour à Arcadia. Le Grand Ecuyer se sentirait presque inutile, pour autant le Chevalier qui l'avait pris sous son aile l'aurait sermonné si tel était le cas. Le colossal Garrat n'en fit rien et gardait un grand sourire depuis la fin de leur mission. Ricket devinait que c'était, en grande partie, la libération de leur tâche qui ravissait son maître. Parfois, le jeune homme se surprenait à le traiter de flemmard ; disons que le Chevalier était un bon vivant. Néanmoins, jamais il ne doutera de son amour pour le Bien ! Maître Garrat était fort et il sauvera toujours la veuve et l'orphelin !

" Ce barbare ne t'a pas raté, hein ? Tu aurais dû mieux lever ton bouclier, comme je te l'ai enseigné ! "

" Il est trop lourd… "

" Ce n'est pas une raison : la prochaine fois, ce n'est pas que ton œil qu'il amochera, crois-moi ! "

Même si cela lui en coûtait, le Chevalier avait raison : si jamais ils recroisaient ces bandits de grand chemin, ils risquaient de se venger. En fait, en se rendant jusque dans ce patelin hissé dans les montagnes de l'Edelweiss enneigé, Ricket ne s'attendait pas à autant d'action. On les avait appelés pour régler une affaire de disparition de bétail. La fille du berger les avait amicalement reçus durant l'enquête. Ricket trouvait cette jeune fille très belle, une blonde aux grands yeux bleus. Elle devait avoir son âge. En tout cas, elle leur répéta en long et en large ce que son père lui disait – parent que l'écuyer ne rencontrât jamais, d'ailleurs – à propos des conséquences qui s'abattront sur son foyer si leurs vaches ne revenaient pas. Pour des résidents d'Arcadia, l'importance de l'élevage s'avérait limpide. Lorsque fut demandé son parent en guise de témoignage, la fille affirma que son père s'était absenté plusieurs jours pour joindre un village voisin, que cela lui arrivait assez souvent de lui laisser les clés de la ferme, comme pour faire ses preuves. Voilà pourquoi cette pauvre fille n'eut d'autres choix que de s'en remettre à l'Ordre, les autorités locales n'ayant rien pu faire. D'emblée, Garrat supposa que c'étaient des prédateurs qui avaient saboté l'enclos et chasser le bétail. L'absence de sang étonna pourtant son écuyer. Enfin, les membres de l'Ordre suivirent une potentielle piste jusque dans la forêt, pour finir par rentrer bredouille. Presque, car de retour à la chaumière isolée, ils assistèrent au saccage par des brigands, les mêmes qui se vantaient d'avoir gardé au chaud les fameuses vaches. Enhardie par les cris de détresse de la blonde, Ricket fit tout son possible pour la protéger et réussit presque à neutraliser son agresseur, qui prit la fuite ! Son maître chassa les autres et partit à leur poursuite. Ricket était resté pour rassurer la fermière terrorisée mais l'absence de son maître l'inquiéta et l'obligea à s'assurer de son état. L'Écuyer retrouva son mentor quelques minutes plus tard au fameux campement des bandits, tentant de soigner un blessé. L'apprenti se souviendra pour toujours de la détresse sur le visage du condamné, ce malheureux innocent qui s'était retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, selon les dires de Garrat… Quoi qu'il en soit, les criminels furent chassés, le fameux bétail retrouvé en charpie, et leur camp saisi par les soldats de la région. Les bandits ne seront jamais retrouvés, probablement en fuite loin d'ici. De bon cœur, le Chevalier offrit une compensation monétaire pour soulager les tracas de la bergère et lui demanda de saluer leur père de leur part à son retour.

" Je prie que cette fille s'en sortira… La départ de ces barbares lui restait en travers de la gorge, mais tant que la victime ne se retrouvait pas comme ce corps qu'ils trimballaient à l'arrière de leur monture, c'était pour le mieux. Cet homme n'a pas eu de chance de se retrouver dans votre mêlée avec les bandits… Chercher son chemin et ne trouver qu'une lame… Aux premières loges, son maître n'avait apparemment rien pu faire pour empêcher le drame. Si seulement son apprenti était arrivé plus tôt. Son visage le hantait encore. Il avait l'air terrorisé lorsque vous aviez tenté de le relever… Garrat ne pipait mot, sûrement touché par ce dommage collatéral. Peut-être aurions-nous dû chercher son village ou sa famille ? " Ricket était encore jeune, gorgé d'espoir, mais son Chevalier s'avérait beaucoup plus terre à terre, réaliste.

" Boah, tu réfléchis trop. Il se retourna à moitié vers lui, toujours en tête sur le chemin. Nous devons rentrer faire notre rapport. Des plus compétents que nous se chargeront d'identifier cet homme et de rendre sa dépouille. Quelqu'un se rendra vite compte de sa disparition et nous le signalera. Il se détourna, mais Ricket parvint à deviner un semblant de sourire lorsqu'il rajouta : C'est tout bénef pour nous. Tu comprendras un jour. L'Écuyer ne répliqua pas. C'était sans doute vrai, Maître Garrat avait plus d'expérience que lui, après tout… Répète-moi ce que scandent les petites gens. "

" … "Mon preux chevalier ! Venez à ma rescousse… !" " Le mentor se mit à rire, tant satisfait de ces simples mots.

" C'est ça ! C'est là que tu verras toute l'importance de notre Ordre. Ils allaient bientôt rejoindre la côte Sud pour tracer vers Tælora. L'attention du Chevalier se perdit vers des certaines hauteurs, soudain plus irrité. Ne traînons pas trop par ici. Il enjoignit son cheval à accélérer la cadence. Pas envie de croiser ces rustres de Ciel-Ouvert… " Ces charognards commençaient à gagner en influence, ce qui ne plaisait pas aux Sages selon les derniers racontars.

Le petit Ricket fut surpris par l'initiative du Chevalier mais ne traîna pas pour autant. Lui-même était un Chevalier prometteur. Il comprendra. Il comprendra un jour pourquoi la fille du berger se retrouvait orpheline ; pourquoi, démunie et affligée par le chagrin, elle mit fin à ses jours peu de temps après leur départ.

~~~

Cette mascarade s'éternisait trop à son goût. Plus ce pignouf en armure énumérait ses conneries, plus le doigt de Latone tapotait avec véhémence l'accoudoir. À l'annonce de l'arrivée de l'Ordre d'Hébé à Ciel-Ouvert, les Hurabis s'étaient rassemblés dans la salle des trônes pour les recevoir. Mais aucun d'entre eux ne s'était attendu à un tel retournement de situation ; seul le Magicien Kerby s'était fendu d'un commentaire désobligeant avant de s'assoir et de ne plus piper mot. Parfois, des Guides tentaient de capter son regard alors qu'il demeurait passif, au mieux il haussait les épaules et s'en retournait à triturer sa longue moustache. Latone ne comprenait pas, cette escouade de Chevaliers – menée par le Paladin Armand Engeram – n'avait que pour but de les rabaisser ? Pourquoi la brillance de leurs armures de plate ne l'émerveillait plus ? Ils avaient l'air si sinistres, si engoncés dans leur faux devoir. Cependant, le plus difficile à encaisser dans cette histoire était la présence de leur Mord'th : Thémis les avait accompagnés jusqu'ici et s'était contentée de rester en retrait, de leur côté. Discrète, visiblement inquiète. Ce n'était pas normal.

" Intervention à Cael : deux de vos hommes ont provoqué une rixe sur une avenue marchande et ont embarqué un homme sous le regard médusé des habitants. Selon plusieurs témoignages, les vôtres n'ont aucunement prévenu les autorités locales et se sont volatilisés aussitôt l'enlèvement commis, sans prendre la peine de réparer les dégâts engendrés par la bagarre. "

Armand énumérait ainsi les fameuses raisons de leur venue. Il en avait à la pelle sur un long manuscrit qui pourrait servir de tapis d'entrée. Le Paladin n'avait absolument pas annoncé la couleur dès les présentations, demeurant dans son rôle de bon chevalier aimant. Plus il enchaînait les accusations, plus son vil visage leur parut. À la dernière, Blarorkh n'en put déjà plus et tapa du poing sur l'accoudoir de son trône.

" Ce n'est absolument pas ce qu'il s'est passé ! Il se leva, furibond. C'était un criminel échappé d'Aeden ! C'est lui qui a renversé les étals et bousculé les marchands pour fuir mes hommes ! Et le reste n'est que… diffamations ! Parlez-en aux dignitaires ! "

" C'est une demande des hauts dignitaires de confier votre prisonnier à Caelum afin que les négociations puissent être entreprises avec les Lyrienns. "

" Nous n'avons rien reçu de tel… " Puisqu'Armand ne sembla guère prendre en considération la défense, le Grand Geôlier préféra se rassoir et se taire.

Latone se frotta la tempe. Le souci avec sa liste, c'était que parfois il visait si juste que même les Guides ne savaient quoi répondre. La Marche Terne a eu des débuts rudimentaires, parfois étaient-ils allés trop loin, mais globalement, aucun gouvernement n'était venu leur chercher des noises. Jusqu'à aujourd'hui. Comme si le monde prenait soudainement conscience qu'ils étaient plus nombreux, plus influents qu'ils ne le paraissaient. L'Orisha fronça des sourcils : c'était du moins ce que cherchait à leur faire comprendre l'Ordre d'Hébé. Il y avait anguille sous roche.

" Allons, braves chevaliers… Le plus diplomate des Guides se leva, Ykürr voyait bien que cette histoire était sans fin et ne menait qu'à une unique conclusion : la Marche devait rendre des comptes à l'Ordre, beaucoup de comptes. Encore récemment, nous avons travaillé de concert avec l'Ubaël et les Magiciens pour résoudre cette affaire de rivières intoxiquées. La Bleue acquiesça, elle-même fut présente et avait coopéré avec le Duc de Darin. Vous savez très bien que nous sommes corrects et que nous avons des soutiens. " Par exemple, les Humains autorisèrent la construction de cet avant-poste frontalier.

" Les Orishas ont pris l'initiative de vous appeler sans nous avertir. Étant donné l'avancée de cette affaire, il est clair que nous aurions pu nous passer de votre présence. " Latone vit rouge. Ykürr lui tapota aussitôt l'épaule ; il partageait très bien son ressenti.

" Sir Engeram, je souhaiterais vous signaler que vous vous trouvez sur nos terres, légitimement offertes par nos amis Orishas. Ce que vous insinuez est hors propos et insultant envers les Marcheurs qui ont répondu à l'appel de notre voisin. "

" Vous m'en voyez navré si mes dires vous blessent. Il ne le pensait pas, mais il était bien obligé de se plier à la courtoisie pour le bien de sa tâche. Pour m'excuser de cette maladresse, je souhaite vous livrer cette information qui doit vous échapper : au sein d'Arcadia, nous vous voyons de plus en plus d'un mauvais œil. L'ensemble du hall n'arrivait pas à croire qu'une telle animosité fut confiée avec une telle légèreté. La mission que vous évoquiez, Hurabis Thero, a tissé un étroit contact entre nos communautés, nous nous intéressions alors à vous. Il fit les cents pas le long de leurs trônes alignés. Vous êtes une petite nation avec de trop grosses ambitions. Vous vous permettez de dépasser des limites que vous ne devriez pas encore envisager. Vous êtes instables et prônez des méthodes déloyales, usez d'un édifice assujétissant sous couvert de fanfaronnades et de passe-passe. Au vu de vos actes, il est clair que vous prenez trop de libertés. "

" Car c'est notre philosophie. " D'une voix, la défense de la Marche fut nette.

Oui, c'était leur cri de guerre, leur valeur. L'essence même de leur Voix. Sans ces audaces, sans ces prises de décision dangereuses et effrontés, la Marche n'en serait jamais arrivée là. Ciel-Ouvert n'aurait même pas été découverte, encore moins restaurée. L'art de la Voix ne se serait pas éveillé, éteint pour toujours sous une épaisse paroi de pierres et de cristaux. Ces ignares d'Hébé ne pouvaient pas comprendre, ils étaient tus par Senere. Seuls les bénis des Kangelas pouvaient ne serait-ce qu'accepter l'importance de leur peuple.

" Thémis. Latone n'en put plus de ces inepties, elle devait arracher leur alliée. On ne t'a pas entendue depuis leur arrivée. Qu'est-ce qu'il se passe ? " Son indiscrétion n'aidait pas leurs affaires, mais il était vrai que la Mord'th était leur unique lien avec Arcadia. Et Latone savait que la Crayeuse les comprenait : c'était elle qui était venue à leur rencontre pour ériger les Guides en un symbole fédérateur.

" Vous êtes censée vous adresser à moi. Rappela le Paladin. Dame Colechæ, je vous enjoins à conter vos intentions vis-à-vis de la Marche Terne. "

La Mord'th fut silencieuse une seconde de trop. Pourtant, elle finit par s'avancer aux côtés d'Armand, droite comme un piquet, comme à son habitude. Elle darda Latone.

" Je révoque mon soutien à la Marche. Je ne reconnais plus son statut de nation, ni votre pouvoir sur ces Terres. Par conséquent, je reprends mes fonctions à Arcadia. "

C'était le coup de poignard : perdre la Mord'th revenait à recommencer de zéro, si ce n'était pire. D'un signe de la main, le Paladin ordonna ses Chevaliers à reformer les rangs à l'extérieur, afin de rentrer chez eux, enfin.

" Nous reviendrons lorsque le Tribunal aura rendu son jugement final. Nous accepterons vos porte-paroles en Arcadia si tel est votre désir. " Mais cela ne servira à rien, rajouterait-il, avant de s'éclipser pour de bon. Les portes de la Vigilante se refermèrent sur un souffle glacial.

Ils voulaient Verillon rien que pour eux et dissoudre la Marche Terne pour ne laisser que des troubadours de Ciel-Ouvert, cela était plus qu'évident. Les réactions allèrent de bon train entre Hurabis ; de la colère à l'incompréhension, de la tristesse au supplice. Toutefois, lorsqu'on en vint à évoquer la trahison de Thémis, Latone ne l'entendit pas de cette oreille. En réalité, elle avait capté son regard, comme un instinct d'Orisha.

" Elle ne nous a pas jetés dans la gueule du loup. Au contraire… " Elle sentait une sorte d'opportunité.

Ravi que quelqu'un l'ait enfin remarqué, le Guide Kerby étira un sourire satisfait, n'ayant pipé mot tout le long de leur mise à l'amende.

" Écoutez le barde : leurs épaisses armures renferment de lourds secrets… " Qui de mieux que le ménestrel pour rapporter les rumeurs ?

" Ils puent. " Le Lynx abonda en ce sens : quand l'odorat de leur bête s'avérait formel, cela ne pouvait dire qu'une chose pour les Hurabis.

" Que toutes les caravanes reviennent à Ciel-Ouvert. Le doyen quitta son siège, grave. Nous avons une sérieuse enquête à mener. "

Pour sa part, Latone appela les Kangelas. Leur merveilleuse aura permettra de faire entendre leur Voix. Nous avons besoin d'aide.


3079 mots ~


Explications


Holà ♫

Vous vous souvenez de l'Ordre d'Hébé ? Moi non plus !

La balle perdue tirée, je vous souhaite la bienvenue dans cette intrigue qui contera la chute de cet Empire. Comme évoqué dans le sujet HRP (ICI), il s'étalera sur les deux prochains événements Top-Sites, dont celui-ci ; donc, jusqu'à la fin de l'année. Cette première partie illustre pourquoi nous allons leur taper dessus.

De base, l'Ordre aurait dû intervenir sur plusieurs événements pour redresser la barre du Bien, ce qui n'a quasiment jamais été le cas. J'insiste sur le "de base", car l'Empire ayant été peu joué, nous devons expliquer son inaction et son absence en RP. Viennent alors ces idées : soit l'Ordre a décidé de ne pas intervenir pour X ou Y raison qu'il garde pour lui, soit il compte se rattraper pour redorer leur image et maintenir leur légitimité. Nous partons sur la seconde idée ♫

Comme mon post l'illustre, les Chevaliers partent souvent en mission sur le terrain, les affaires pullulent un peu partout depuis quelques temps. Le plus souvent, le succès les acclame. Néanmoins, plus leur popularité grossit, plus ils agissent bizarrement. En réalité, pour justifier le fait que l'Empire sera détruit, cette partie d'évent mettra en lumière plusieurs zones d'ombre autour de l'Ordre, des scandales, des situations étranges qui font douter ou qui attestent bel et bien de leur double-jeu.

Dans le cas de mon post, qui n'en est qu'un exemple parmi d'autres…
Des criminels ont massacré du bétail et tenté de piller une ferme. Garrat et Ricket sont intervenus mais les bandits ont réussi à s'enfuir ; dans l'action, un innocent est mort. Cet homme que ramènent Garrat et Ricket est bien le père de la bergère, et c'est Garrat qui l'a tué. Pourquoi ? Car il y a eu un arrangement entre l'Ordre et ces soi-disant bandits, afin de créer une situation où les Chevaliers pourront être appelé et payé ; le fameux papa ayant été témoin de la scène, Garrat n'eut d'autres choix que de protéger le secret. Sachant que – j'avance un peu dans la chronologie mais c'est important à savoir pour vous – c'est bien entendu la haute hiérarchie de l'Ordre qui organise ce genre de magouilles : l'Empereur et les Sages sont totalement dedans, les Chevaliers et les Paladins ont pu acquérir leur illustre rang car ils sont corrompus ou sous pression, les Écuyers ne sont pas dans la confidence et sont encore rêveurs ; s'ils l'apprennent, ils sont soit menacés, soit "écartés". Ricket est gentil et niais, Garrat est une sombre engeance des Enfers.

Voilà donc à quoi vous servira cet événement : votre personnage assistera, de près ou de loin, à une situation qui ternira la réputation de l'Ordre d'Hébé. Cela peut être des rumeurs ou des faits totalement avérés, des scandales visibles ou invisibles. Vous êtes totalement libres, vous faites ce que vous voulez avec l'Ordre ; complots, arrangements secrets, bavures publiques, escroqueries, abandon inexpliqué, cela peut même être une mission qui se passe beaucoup trop bien pour être vraie et donc suspecte. En prenant en compte que les tensions deviendront si importantes que plus tard – tablons sur un mois en RP pour que tout soit préparé – la Marche Terne et les alliés qui voudront se joindre à la bataille décideront d'assiéger Arcadia, puisque l'Ordre réfutera toutes les preuves, et qu'au bout d'un moment, quand on n'ouvre pas la porte, on la défonce. Dans tous les cas, l'Ordre d'Hébé perdra la bataille et sera dissous.

Dernier point, mon Empire ne reste pas inactif après s'être fait insulter sur ses terres 8D Vous pouvez préciser que des bardes chantent un peu partout des chansons qui corroborent l'infamie de l'Ordre, soit de manière très crue, soit plus subtile. Je lirai les compositions avec grand plaisir ! (Qu'est-ce qu'un évent par Latone sans chanson ? ♫)

Voilà pour les explications ; si vous avez des questions : sujet HRP ou MP ♪


Gains


Participants : Mancinia ; Astriid ; Kyra ; Gwendolynn ; Kitoe ; Daé ; Typhon ; Nausicaä ; Latone ; Miles ; Djinshee ; Bellada ; Léandra ; Jun ; Adam ; Kaahl ; Laëth (j'ai vu que tu n'as pas oublié nastae)

De 40 à 79 votes | 1000 mots sur un personnage, au choix : Mancinia ; Gwendolyn ; Nausicaä
De 80 à 119 votes | 1000 mots sur deux personnages, au choix : Astriid

Les gains vont au personnage avec lequel vous postez.
Bien sûr, vous pouvez le faire avec plusieurs personnages, mais le barème des 2000 mots se réinstalle ♪

Pour 2000 mots minimum, ou 1000 mots avec le barème :

- 1 point de spécialité au choix
- À ma rescousse ! : De votre voix totalement innocente, votre personnage est capable de rallier des personnes à sa cause pour l'aider, voire d'invoquer la personne dont il a le plus besoin à cet instant.
- L'œil de l'Écuyer : Pouvoir permettant d’apprendre le fonctionnement d’une arme en observant quelqu’un s’en servir. Une magie plus élevée dévoile des techniques normalement réservées aux experts.
- Ritournelle : Un bouclier aux armoiries de votre choix. Si vous le lancez en direction de quelqu'un, il le traquera partout où il ira jusqu'à l'impact, puis reviendra à vous. Avec de la magie ou de la force insufflée au lancer, le bouclier pourra même rebondir sur plusieurs cibles.
- Un Pilium : Une créature affectueuse, hyperactive, maladroite, a la langue sortie presque les deux-tiers du temps. On peut en trouver partout, surtout au Voile Blanc et à Iyora. (Déclarable en compagnon avec les pouvoirs au choix. Images d'illustration : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14)

Si vous témoignez des agissements de l'Ordre auprès d'autorités compétentes :
- Instinct des Mäaxence : Lorsqu'un danger est sur le point de se produire autour de lui, votre personnage devinera où et qui sera impliqué. À lui de décider s'il interviendra pour limiter les dégâts.

Si vous intervenez directement contre les agissements de l'Ordre :
- Menottes des Léralondé : En touchant le poignet de quelqu'un, une magie restrictive forcera ses mains, à se joindre, des bracelets apparaîtront alors pour consolider la soumission. Si la victime tente de forcer, les menottes absorberont d'autant plus ses forces.

(Vous ne pouvez pas cumuler les deux gains précédents)

Vous avez jusqu'au 31 Octobre 2021, à 23h59 pour poster.

Enjoy ♪




By Jil ♪
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34266-latone#672534
Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4049
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
◈ Activité : Professeur
Kaahl Paiberym
Dim 26 Sep 2021, 18:01



Mon preux chevalier


Rp précédent : Les Portes III - Pièce 10
Pour la compréhension de ce message, il faut effectuer un aller et retour à chaque intersection entre mon message et le message de Dastan.

Je tombai sur cet abruti de Réprouvé. Son dos heurta le sol, comme je m’y étais attendu. Pourtant, le décor n’était plus celui du temple. Au lieu de sentir sa colonne vertébrale se détruire au contact de la dalle glacée, je la sentis atterrir sans dommage. C’était comme si Dastan s’était tranquillement enfoncé dans de la ouate. L’odeur fut la première chose qui, inconsciemment, m’avertit du changement. Ma vision fit le reste. Nous étions au beau milieu d’une prairie. Au-dessus de notre tête, le ciel s’élevait à perte de vue, aussi bleu que mes yeux. L’herbe était si verte que jamais nous aurions pu nous trouver à Amestris. « Qu’est-ce que t’as foutu, bordel ? » demandai-je, en me redressant, prêt à lui asséner le coup qu’il méritait. « Oh les mioches ! » Mon regard chercha la voix, forte et grave. Derrière nous, il y avait une bâtisse. Ça devait être une sorte de ferme, d’où l’odeur d’animaux qui flottait, en compagnie de celle de l’herbe fraîche et celle de bois humide. Je pivotai sur le côté, pour me mettre à côté du rouquin. « Ferme ta gueule. » murmurai-je à Dastan. « Ce sera pire si tu l’ouvres. » Parce que l’homme qui venait vers nous n’avait pas l’air commode. Sa chemise était ouverte sur un torse qui me semblait velu. Il portait une barbe d’au moins deux semaines et ses cheveux longs étaient attachés en queue de cheval derrière sa tête. Ses sourcils, assez épais, lui donnait l’air d’un ours mal léché. Il était très impressionnant, bien que sale et sentant les étables.

Il se planta devant nous et regarda d’abord l’horizon avant de nous considérer. « Vous n’êtes pas des Weltpüffs à ce que je sache. Alors qu’est-ce que vous foutez par terre à brouter l’herbe de mes Weltpüffs ? » Il me fixa un instant. « C’est drôle… Tu me rappelles quelqu’un. » Je soupirai. « Je suis le Prince Noir, Érasme Salvatore. Veuillez nous dire où nous nous trouvons et nous… et m’escorter, parce que lui je m’en fous, chez moi. » L’homme émit un rire grave, absolument pas impressionné. « Eh ben, le Prince Noir, voyez-vous ça. Et toi, t’es qui ? La Reine des Faes ? » Il croisa les bras sur son torse, un sourire amusé sur les lèvres. « Vous êtes sur les Côtes de Maübee, au Cœur-Vert plus précisément. Je m’appelle Thomas et vous êtes dans mon champ. » Il passa sa main dans sa barbe. « Je pensais que vous étiez des jeunes de l’Ordre d’Hébé mais visiblement non. » Je ne le savais pas encore mais Thomas était un homme aussi manuel que malin. Déchu de la Colère, il avait depuis très longtemps réussi à maîtriser son Péché et, puisque le monde est petit, il était aussi le mentor de mon père. Comme il n’avait pas envie d’entrer en confrontation, aussi parce qu’il savait que nous allions pleurer s’il haussait la voix, il décida de la jouer différemment. « D’accord alors… Que diriez-vous d’une mission ? Vous êtes dans mon champ et je pourrais vous mettre un bon coup de pied au cul pour ça. Néanmoins, je ne frappe qu’avec ma grosse paire de bottes et elle est en train de sécher. Donc le marché est le suivant : vous vous rendez au prochain village pour voir ce qu’y foutent les gus de l’Ordre d’Hébé et, ensuite, une fois que j’aurai l’information, je vous conduirai à Avalon. De là, ce sera facile pour vous de rentrer chez vous. Ça marche ? C’est dans cette direction. » Il sembla se raviser. « Enfin... Après, vous êtes encore des gamins, surtout toi le rouquin. Seuls de vrais guerriers pourraient faire ça... » Il n'était que ruse. Mes yeux cherchèrent ceux de Dastan, comme pour savoir s’il allait se défiler, ce qui m’autoriserait à le faire aussi, ou accepter. Au moins, nos poignets n’étaient plus liés entre eux.


Je suivais Dastan en silence, les yeux plaqués contre les boucles rousses de sa chevelure de dégénéré. J’en avais déjà marre de marcher. Des échos lointains de la Coupe des Huit me revenaient, provoquant mon ire. Si je n’avais pas laissé Eméliana avec cette saloperie de Magicien… « Pff. » Je soupirai et fourrai mes mains dans les poches du pantalon immaculé. L’idée de me promener torse nu parmi la campagne déchue ne me plaisait pas. Les tares de ce peuple étaient connues et reconnues. L’on disait que les Ailes Noires ne se maîtrisaient pas, ce qui, pour un Sorcier était souvent préjudiciable. Oncle Cyrius me l’avait déjà dit : si je n’apprenais pas la stratégie, je ne survivrais pas longtemps parmi les vipères. Pourtant, j’étais sanguin, enragé. Je voulais que les autres souffrissent. Je voulais les entendre crier et supplier, sans aucun délai. Je voulais tout, tout de suite. Botter le cul de ce sale Réprouvé en faisait partie. D’aucuns auraient pu me trouver lâche de m’en prendre à plus petit que moi. Outre cette situation, il ne fallait rien attendre de moi : oui, j’étais lâche, sournois et méchant. Néanmoins, malgré ma taille, malgré le fait que je fusse presque un homme physiquement, j’étais encore un enfant il n’y avait pas si longtemps. De ce fait, même si je voyais Dastan de haut, psychiquement, nous n’étions pas si différents, à ceci près que je portais le mal à plein temps, là où il ne le côtoyait que partiellement. « Regarde devant toi. » grommelai-je, en le fusillant du regard. Ce que nous faisions, actuellement, me débectait. Je ne voulais pas aller quérir l’état d’un quelconque village. Je ne désirais pas croiser le chemin de l’Ordre d’Hébé, ces chevaliers représentant la Justice. Je n’avais qu’une envie : foutre le feu aux habitations et voir brûler le symbole de cet Ordre en même temps que ses représentants. Le bien me hérissait. Je n’étais pas bon et ne le serais jamais. J’esclavagerais les faibles et torturerais les forts jusqu’à les briser. Je prendrais les femmes de force et égorgerais les enfants en forçant les parents à regarder. Je maîtriserais les hommes et les ferais s’agenouiller devant moi. Voilà qui je serais. Et quand j’aurais lavé le monde de toute cette puanteur bénéfique, les règles seraient redéfinies à ma façon. Et lui, lui, le Réprouvé intrépide, il ferait ce que je lui dirais.

Fort de mon imagination, un sourire doucereux se figea sur mes lèvres, ne disparaissant pas avec l’effort. Nous arrivâmes ainsi dans le village. Le soleil ne serait bientôt plus que de l’histoire ancienne et, étrangement, personne n’habitait les rues. Nous passâmes à côté d’une maison. À l’intérieur, une jeune fille pleurait mais ses pleurs n’avaient pas l’air de toucher le cœur de l’homme qui était présent. « Mærjori, ce sont des chevaliers de l’Ordre d’Hébé quand même… Tu ne peux pas porter de telles accusations ainsi. » « Mais enfin ! C’est ta fille ! Tu la connais !  Elle ne mentirait jamais sur ce sujet ! » répondit la femme, dans un accès de Colère difficilement contenue. Celle du père de famille se décupla et sa main vint s’abattre sur le visage de son épouse qui répliqua en lui envoyant son genou dans les parties. Je fronçai les sourcils, pas parce que je désapprouvais la scène, en réalité elle me plaisait assez, mais parce que ça puait les problèmes à plein nez. J’attrapai le poignet du crétin de service pour l’attirer à l’ombre d’une ruelle entre deux maisons. Je m’appuyai contre l’un des murs. « Il faut trouver les chevaliers maintenant. » Mes poils étaient hérissés sur mon épiderme. C’était comme si mon corps tout entier sentait le chaos et la corruption. Le mal attire le mal. La situation m’excitait. Surtout, en étant assez habile, je pourrais peut-être vendre le Réprouvé aux chevaliers. Je n’aurais qu’à l’accuser d’un quelconque crime. « Et essaye de te trouver des vêtements. Ça me dégoûte de te regarder. » ajoutai-je, après un instant. « Tu comprends ? Je n’ai pas envie d’être avec toi. Je le fais uniquement parce que je veux partir d’ici. » Les bras croisés, je le regardais avec un air rebelle et sombre. « Alors si je pouvais ne pas vomir à cause de ton corps dégueulasse et de ton odeur nauséabonde, ça serait déjà quelques coups de fouet en moins pour toi, le jour où j'ordonnerai ta capture. » Je lui fis un sourire éphémère avant que mon visage ne prît de nouveau un air mécontent.


Bien. J’allais l'abandonner là, tout seul avec ces chevaliers qui semblaient aussi sombres que les profondeurs de l’anus du rouquin. Ils lui mettraient un ou deux soufflets puis le laisseraient probablement partir ou gisant sur le sol. Ce n’était plus mon problème, surtout que ce trou du cul avait expressément fait mention de moi. J’avais tressailli à ce moment précis mais ne l’avouerais jamais. J’opérai donc un demi-tour, bien décidé à profiter de la deuxième sortie de la ruelle pour partir d’ici. Mes pas m’y conduisirent prudemment. Je passai le nez doucement hors de ma cachette, me rendant compte avec une réelle satisfaction qu’il n’y avait personne ici. J’allais partir, pour de bon, mais quelque chose me retint. Quelque chose de désagréable. Ce n’était pas physique. C’était autre chose, psychique. Au fond de moi, il y avait ce sentiment non identifié, cette perle de clarté qui m’ordonnait de revenir sur mes pas. Je m’immobilisai, soudainement essoufflé de ressentir une émotion qui ne devrait pas exister chez moi. Elle n’avait tellement pas sa place que je ne sus pas la qualifier. C’était juste là, tranchant, irritant. Et j’avais l’impression que s’il lui arrivait quoi que ce fût, il m’arriverait exactement la même chose. Je fronçai les sourcils. C’était stupide. Je fis un pas puis me ravisai pour de bon. « Putain. » crachai-je, entre mes dents, convaincu que nos péripéties à travers le temple y étaient pour quelque chose. Les Ætheri nous avaient liés par ces chaînes en or et, maintenant, nous étions maudits pour toujours. Mais cet abruti de Réprouvé ne l’avait pas encore compris parce que… Avais-je vraiment besoin de détailler ? Dire « Réprouvé » suffisait. Et rajouter « abruti » derrière était un pléonasme.

Je sortis de la ruelle, la main ensanglantée. Il fallait que j’appliquasse les théories de Cyrius, même si ça m’écorchait vif moralement de les tenter. Je pris donc un air apeuré, en fixant tour à tour Dastan et la montagne de muscles qui le tenait par le col. Je m’avançai prudemment, hésitant. J’avais bien compris le malaise, ici. Tous craignaient Hébé. La raison m’échappait totalement mais ce n’était pas grave. Je devais gagner du temps, avant de les voir se faire détruire par plus fort qu’eux. Plus fort qu’eux, ce n’était certainement pas moi. Il avait fallu que je me fisse violence pour tracer la rune adéquate, pour admettre mon incapacité à gérer cette situation. J’avais dessiné le niveau de danger maximum, pour être sûr que le Chef des Armées lui-même ou un autre Chancelier des Ténèbres se déplacerait. Il restait une inconnue : avais-je bien tracé ma rune ? Même si je la connaissais depuis ma prime enfance, je n’avais jamais eu à l’utiliser. « Je… Je suis désolé, Monsieur. C’est mon petit frère… » dis-je, avec une déférence ignoble. Une fois que nous serions sortis de là, j’allais frapper le Réprouvé jusqu’à ce qu’il ne restât plus de lui qu'un tas de chair ratatinée. « Il est handicapé… Il ne se rend pas compte de certaines choses. » Je baissai les yeux et pointai la maison où nous avions vu la famille se battre plus tôt. « Peut-être que vous pourriez nous raccompagner chez nous ? Je suis sûr que ma mère serait prête à vous récompenser pour votre charité et votre  bienveillance. » Parce qu’il fallait toujours donner des perspectives à l’ennemi. Cette femme, je m’en foutais. Il pourrait lui faire ce qu’il voudrait, ça ne changerait rien à ma vie. Elle n’était qu’un pion et, si les pions faisaient parfois des reines, ce ne serait jamais son cas.

Le chevalier me fixa. Il était dur pour moi de garder les yeux baissés, déjà parce que ça me tuait, et ensuite parce que j’étais plus grand que lui. Si je l’avais regardé vraiment, je l’aurais regardé de haut. Ce n’était pas ce qu’il voulait voir. Je savais, ce qu’il désirait, parce que nous désirions la même chose. Je m’agenouillai devant son air patibulaire. Surtout, j'avais l'impression qu'il doutait de notre lien de parenté, à raison. « S’il vous plaît. » suppliai-je. J’avais envie de m’arracher les dents et la langue et de les réduire en charpie. « Bon. T’as peut-être raison. Je vais vous ramener chez vous. Ça ravira votre mère. » Son sourire n’avait rien de noble. « Mais surveille ton frère la prochaine fois, sinon c’est toi que je punirai. » Je me relevai. « Oui, Monsieur. » J’attendis qu’il passe devant avant de frapper Dastan dans l’épaule, avec une force moyenne. « T’es vraiment un abruti ! » lui dis-je tout bas, sur le ton autoritaire qui convenait à un grand frère. « Déranger les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé pour tes bêtises ! » Je voulais que Val’Aimé arrivât maintenant, pour supprimer à jamais la montagne de muscles de ce monde, mais il allait mettre plus de temps que prévu.

______

Je laissai le bébé se jeter dans les bras de nos faux parents. Depuis que nous nous étions mis en marche, je me sentais d’une humeur noire. Je ne connaissais pas Ârès. Pourtant, je lui ressemblais bien plus qu’à mon père. La stratégie ne faisait pas partie de mes préoccupations premières. J’aimais faire le mal, de façon crue. Je n’avais pas besoin de subtilité ni de stratagèmes pour être satisfait. Le fait que je fusse contraint d’inventer une histoire m’agaçait, donc. J’aurais aimé être capable de tuer le chevalier de l’Ordre d’Hébé seul, d’arracher ses yeux et de le tailler en pièces. Et le rouquin avec. Mes yeux coururent sur la femme. Au moins, nous allions peut-être assister à un spectacle amusant. Elle, l’homme d’Hébé et une table ou un mur. Quelle imbécile. À sa place, je n’aurais même pas ouvert la porte. Elle se mettait en danger consciemment. Pourquoi ? Pour deux inconnus qui ne lui apporteraient que des ennuis. Néanmoins, j’étais le Prince Noir. Évidemment que cette chienne devait donner sa vie pour moi. « C’est… » tentai-je d’expliquer, avant d’être attiré à l’intérieur. Je lançai une œillade à Dastan et au Déchu. La pensée que, peut-être, je pourrais profiter de ma promiscuité avec la femme pour la traumatiser me traversa l’esprit mais elle n’avait pas l’air d’être une faible chose. Le fait qu’elle devinât notre manège prouvait un esprit vif que son mari ne possédait pas, pas autant.

Une fois dans la cuisine, je croisai les yeux de notre hôtesse. « Qu’est-ce que vous faites ici ? » demanda-t-elle, en chuchotant. « Cela fait bien une semaine que les soldats de l’Ordre d’Hébé ont investi la zone, prétextant qu’elle était dangereuse. Pour nous protéger, ils ont mis en place un couvre-feu… » Elle était nerveuse. « Mais le véritable danger ici, c’est eux. Ils ne laissent personne repartir et traitent les villageois d’une façon qui… » Elle s’interrompit, comme si elle hésitait entre ce qu’elle devait me dire ou non. J’étais une grande perche mais mes traits restaient juvéniles. Je n’étais pas encore tout à fait adulte. « Nous sommes éloignés de la capitale ici. Les patrouilles n’ont pas encore eu vent de ce qu’il se passe. L’Ordre d’Hébé est bénéfique normalement, personne n’a à l’idée de venir vérifier que tout se passe bien quand ses chevaliers sont là. Comment vous êtes arrivés là ? » Mon regard bleu la détailla alors qu’elle cherchait à guérir ma main en parlant. « Un paysan nous a demandé de venir vérifier ce qu’il se passait. » « Pourquoi n’est-il pas venu lui-même, au lieu d’envoyer des ados ? » Elle me scruta à son tour. « Tu es de quel Péché ? » Je relevai légèrement le menton. « Je ne suis pas comme toi. Et lui non plus. » Les étrangers étaient rares au Cœur Vert. Ils arpentaient la capitale en nombre mais se perdre dans la campagne était autre chose. Certains venaient en petits groupes admirer les Wëltpuffs mais pas aussi profondément. « Et je ne sais pas pourquoi il n’est pas venu. » Repenser à l’homme ne me plaisait pas. « Qu’importe. Je vais vous aider. On discutera plus dès qu’il sera par… » Elle s’interrompit soudainement, l’homme venant d’entrer dans la salle, suivi de son mari.

Je restai immobile, légèrement à l’écart de la scène. Elle voulait m’aider mais il était hors de question que je l’aidasse, moi. J’avais déjà fait acte d’assez de bienfaisance pour aujourd’hui. De plus, je sentais quelque chose dans l’air, quelque chose de pesant. Mon regard se posa sur Dastan lorsqu’il arriva. Je croisai les bras sur mon torse, mécontent. Quel pleutre. Pourtant, la situation venait de drastiquement changer. « Ne t’attire pas tout le mérite, espèce de fiente de pigeon. » Il me faisait quoi là ? Il se prenait pour le sauveur de l’humanité ? Il y avait bien un sauveur. Ce n’était ni lui, ni moi. « Mais il a raison. Ce n’est pas notre mère et, toi, tu vas mourir. » dis-je, à l’adresse du chevalier. Plus je le regardais, plus je le trouvais dégueulasse. « Ou non, tiens… Je vais ordonner qu’on t’esclavage. » Il m’aurait volontiers rétorquer d’arrêter de me foutre de sa gueule s’il ne sentait pas, lui aussi, l’air devenir plus lourd. « T’es qui, putain ? » lâcha-t-il enfin, en serrant les dents.


J’allais répondre, en savourant bien mes mots, mais le Duc Taiji fut plus rapide et me coupa toute gloire. Les murs fondirent comme neige au soleil. La matière se supprima pour ne laisser qu’un mur d’une cinquantaine de centimètres. Les meubles étaient éventrés sans aucune logique. L’étage n’existait plus et la fille qui s’y trouvait précédemment venait de tomber sur le carrelage dans un bruit sourd. Autour des anciens murs, se trouvaient Val’Aimé Taiji, à cheval, entouré de quatre autres cavaliers au visage couvert. Les veines du Chef des Armées et Bras Droit de l’Empereur Noir étaient toujours aussi ténébreuses. Son regard se posa sur moi et je ne pus réprimer les tremblements qui me saisirent. « Prince Érasme. » Dans sa bouche, mon nom sonnait comme un crachat. Son cheval s’engouffra dans l’habitation, jusqu’à nous atteindre. Il ne lui avait suffi que d’un seul coup d’œil pour comprendre la situation. Du haut de sa monture, son regard était d’autant plus impitoyable. Il nous fixait tous de haut, depuis les sommets de ses fonctions. « Oh je vous conseille de rester où vous êtes. » La voix caverneuse d’un autre Sorcier venait de s’élever depuis son masque de magie. Elle s’adressait aux Chevaliers d’Hébé venus secourir le premier. Val’Aimé réfléchissait à la situation. Il pouvait me laisser là, à la merci de ces porcs de bas étage. Nul doute que si le Prince était retrouvé mort, une guerre éclaterait. La guerre était ce qu’il désirait le plus au monde, une guerre de chaos et de sang. Néanmoins, à présent qu’il avait fait le déplacement, il était bloqué. Il devait m’aider, sinon ce serait lui que l’Empereur Noir réduirait en esclavage. Il lui restait cependant plusieurs options. Un sourire horrible apparut sur son visage. « Nous allons attendre que la garde d’Avalon nous fasse l’honneur de sa présence. » murmura-t-il, avant de hausser la voix vers ses soldats. « Amenez-moi tous les villageois et ces… choses. » crachat-il. Il avait reconnu Hébé à son insigne. Son regard, enfin, se tourna de nouveau vers moi, me glaçant des pieds à la tête. « Et vous… Prince Noir. Que faites-vous ici ? » L’autre, le Chevalier, ne me laissa pas expliquer. Il bredouilla qu’il ignorait que j’étais le Prince Noir, qu’il n’aurait jamais agi de la sorte s’il avait su. Il fut coupé dans son élan par une remontée de salive moussante et il s’écroula au sol, ce qui m’arracha un petit cri qui fit sourire Val’Aimé. « Et lui ? » demanda-t-il enfin, en tournant les yeux vers Dastan. « Qui est-ce ? » Je m’avançai, la bouche sèche. « C’est… C’est… » « Oui ? » demanda le militaire, comme pour appuyer mon incapacité à aligner trois mots. « Mon esclave. » lâchai-je enfin, à grand peine. « C’est vrai ça ? » demanda-t-il au concerné.

______

Si le regard de Val’Aimé avait été moins écrasant, j’aurais jubilé d’entendre Dastan me présenter comme étant son maître. Malheureusement, une fois la réponse formulée, les yeux du Chancelier des Ténèbres se rattachèrent aux miens. Dans ses prunelles, je sentais la mort. Je me mis à douter. Avait-il réellement l’intention de me sauver ? Ce serait une haute trahison s’il me laissait là ou, pire, s’il me blessait. Pourtant, cet homme avait la réputation d’être l’un des pires Sorciers d’Amestris. Surtout, Oncle Cyrius et lui se haïssaient. Si je n’avais aucune idée de ses sentiments vis-à-vis de l’Empereur Noir, je n’étais pas certain que l’on pût qualifier un Mage Noir de loyal, à aucun moment. Les pires traîtrises se cachaient derrière les plus beaux sourires. Le seul à qui je faisais moi-même confiance était le Duc Windsor, une erreur qu’il aurait lui-même corrigée s’il avait eu vent de mes sentiments à son égard. « Hum. » émit le Chef des Armées. Il n’était pas dupe de notre mensonge. Le rouquin ne portait ni la marque des esclaves ni une seule trace de torture ou signe de malnutrition. Surtout, nous étions habillés du même pantalon tous les deux. À côté de la dépouille du Chevalier d’Hébé, la femme sanglotait. J’avais du mal à ne pas faire de même. Je sentais venir la sentence de Val’Aimé. Il me traiterait de menteur et exécuterait Dastan. La rage, au fond de moi, essayait de remonter à la surface, de survivre dans l’océan de peur qui me submergeait. Le Réprouvé était à moi et, s’il le tuait, je me vengerais, demain ou dans un siècle. Je ferais tomber le Bras Droit de mon père de sa monture et le donnerait à manger aux porcs.

Comme le glas de cette situation potentiellement mortelle, nous fûmes renvoyés d’où nous venions, laissant le Duc Taiji face au vide.

2883 mots.

Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38028-kaahl-paiberym-elia
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3875
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Lun 27 Sep 2021, 19:54




Mon preux chevalier

Evénement | Dastan & Erasme



Le Belegad eut à peine le temps de jouir de l’expression peinte sur le visage d’Érasme. L’ombre d’un sourire fit briller ses lèvres, puis il vit le Sorcier bondir vers lui, et sa tête heurta ce qui aurait dû être de la pierre mais n’en était pas. Le choc qui aurait dû lui couper le souffle ne vint pas. Le plafond n’existait plus : derrière le regard enragé de son ennemi, il n’y avait qu’un superbe ciel bleu. Le parfum de la terre, du fourrage et des bêtes gorgea immédiatement ses narines, et son cœur battit un peu plus fort. Ce n’était pas la même fragrance qu’à Lumnaar’Yuvon, mais ça y ressemblait. À l’instant même où l’adolescent s’apprêtait à frapper son visage, le Réprouvé s’insurgea : « C’est pas moi, espèce de fiente de kazoas ! Je fais pas de magie ! » Les derniers événements avaient prouvé le contraire, cependant, il préférait encore le déni. Le déni, et cette part de curiosité malsaine, tordue et honteuse qui le pousserait à chercher. « Lâch- » Il tenta de se contorsionner pour voir à qui appartenait la voix tonitruante. Cela lui fit plus de mal que de bien : la pression sur son cou lui arracha une grimace. Dès que le poids du Mage se souleva, son buste se redressa d’un mouvement. « Toi ferme ta gueule, t’as pas d’ordre à me donner. » grogna-t-il, tandis que son regard se posait sur l’imposante stature de leur hôte. S’il avait été encore plus grand et plus étoffé, et s’il avait eu la vibration propre aux Manichéens, Dastan aurait aisément pu le prendre pour l’un d’eux. Néanmoins, même sans cette appartenance qui faisait autorité à ses yeux, l’homme l’impressionnait. Il lui faisait un peu le même effet que Léto quand son aura devenait orageuse. Il déglutit.

Il décocha une œillade noire à Érasme – tout était bon pour se détourner de l’étranger. Dans sa barbe inexistante, il bougonna, tout juste assez haut pour être entendu du destinataire : « C’est surtout que t’es le seul à avoir besoin d’une escorte pour sauver tes miches… » Abruti de Sorcier. « Pfff. » L’interpellation du fermier lui fit perdre de sa superbe, d’autant plus qu’il s’exprimait en langage commun. C’était une langue qui débectait le Bipolaire, d’abord parce qu’elle n’était pas la sienne, et ensuite, parce qu’il la maîtrisait depuis peu. « Je… euh… non ! » Indigné, il secoua vivement la tête. « Je suis Dastan. Dastan Belegad. » Il n’avait pas l’habitude de communiquer son nom, et copiait malgré lui la façon de faire du brun. « Je suis un Réprouvé. » Les yeux plissés, il considéra l’inconnu. Les Côtes de Maübee, le Cœur Vert… Ignare en géographie, il était incapable de dire où l’un ou l’autre se situaient. Son monde se limitait exclusivement aux territoires réprouvés, qu’il aurait été bien en peine de devoir placer sur une carte. Il ne connaissait pas non plus l’Ordre des Baies. Agacé à l’idée qu’Érasme pût se moquer de lui à ce sujet, il demeura coi. Jamais il ne laisserait un Sorcier le rabaisser aussi facilement. C’était décidé. Il apprendrait. Les histoires de côte, de cœur et de baies.

Rassuré à l’idée de ne pas se faire frapper par une grosse paire de bottes, Dastan écouta l’agriculteur. Avalon ! Son visage s’illumina. Ça, il connaissait. C’était la capitale des Déchus ! Donc, en tout logique, ce type était une Aile Noire, et la côte, le cœur et les baies, c’étaient des trucs de chez lui. Enfin éclairé, il se sentit un peu mieux. Prêt à accepter la mission – ils étaient visiblement enfin sortis de ce trou à rats plein de sable, d’huile de massages et d’écritures énigmatiques –, il se renfrogna à la seconde où Thomas parut changer d’avis. « Moi je suis un vrai guerrier ! » clama-t-il en se levant d’un bond, sans se rendre compte qu’il n’était plus attaché à Érasme et que le Déchu rusait. Il avait même du sang tartiné sur le visage pour le prouver – celui que le Sorcier avait fait couler. « Je vais voir ce que font les gens de l’Ordre des Baies et avant la fin de la nuit, je te le dirai, et tu pourras m’emmener à Avalon ! » Là-bas, il trouverait nécessairement un moyen de rentrer et de se défaire du boulet maudit qu’il se traînait depuis des lustres.

Dastan avançait d’un pas empreint de témérité. Il était si ragaillardi par cette mission – sa première vraie mission de guerrier, en fait ! – que la présence du Mage Noir le laissait presque indifférent. Il n’était pas franchement heureux de l’avoir avec lui, mais parvenait à l’ignorer. Thomas vivait assez loin du village. Ce n’était pas un problème pour lui : il avait l’habitude de marcher et de faire toute sorte d’effort physique. De temps à autre, il jetait tout de même des œillades au Prince Noir. Une part de lui espérait qu’il ne le ralentirait pas dans sa mission – même s’il aurait parfaitement pu le laisser mourir au bord de la route –, et l’autre se languissait de le voir se traîner, le front en sueur et les pieds en sang, jusqu’à la bordure du village – s’il ne tombait pas avant. Une troisième partie de son esprit, plus retors, avait envie de remettre le sujet de son frère sur le tapis. Il se contenait tant bien que mal en essayant de se convaincre que la mission et la possibilité de rentrer chez lui primaient sur tout le reste.


Ça ressemble à une ville fantôme, songea le rouquin. Les rayons rasants du soleil ne découpaient pas une seule silhouette dans les venelles du village. Lorsque les fenêtres étaient ouvertes, on entendait du bruit dans les habitations, des bruits assez classiques de vaisselle qui s’entrechoque, d’éclats de voix qui discutent, de pas qui traversent une pièce. Pourtant, tous ces sons paraissaient étouffés, comme s’ils essayaient de retenir leur souffle. Il y avait aussi les pleurs d’une fille, qui occasionnèrent une rixe entre ses parents. Dastan ne dit rien : cela aussi, c’était habituel, chez lui. Les gens se battaient pour un oui ou pour un non et il n’était pas rare que pères et mères frappassent leurs enfants. Avant d’atterrir dans la salle aux énigmes, lui-même avait pris des coups de sa mère. Il passa deux doigts sur la pommette qu’elle avait blessée, mais il n’y avait plus trace de plaie. Il tressaillit. C’était l’œuvre de la magie d’Aimé. Les Anges pouvaient faire ça aussi.

« Eh ! » s’exclama-t-il alors qu’Érasme l’entraînait à l’écart. Contre le mur opposé au sien, il le toisa, les sourcils froncés. Les Chevaliers. Comme il s’en doutait depuis qu’ils avaient mis les pieds dans cette petite ville effrayée, leur mission dépassait largement une histoire de cueillette et de distribution de baies. C’était peut-être juste un nom ancien, qu’ils s’étaient donnés parce qu’ils s’étaient réunis autour de leur amour pour ces fruits d’arbustes. Peu importait, en réalité. Les gens du village et Érasme en savaient plus que lui, et cela l’agaçait. Surtout pour le Sorcier, en réalité. Les autres le laissaient indifférents. « Je sais, tête de veau. » Ils étaient venus pour ça, non ? Un frisson d’excitation souleva ses poils. Le danger les attendait, pour sûr. Peut-être que cet imbécile mourrait dans une bagarre, et ce serait tant mieux – même s’il ne pourrait plus jamais l’embêter, ce qui ressemblait de plus en plus à une perspective ennuyeuse, sinon décevante.

Le Réprouvé arqua les sourcils. « T’es vraiment con, on a la même odeur vu qu’on s’est lavé avec le même savon, espèce de couille de Goled. » Il secoua la tête. « Tu me captureras jamais, et tu me fouetteras jamais, parce que ça voudrait dire que tu devrais encore voir mon torse nu qui te dégoûte tant. » Il lui sourit, aussi malicieux que mauvais. « Et si tu crois que moi j’ai envie d’être avec toi, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’à ce qu’il te ressorte par le cul. » mima-t-il en agitant son index vers son œil gauche. « J’ai hâte de rentrer chez moi et de raconter à tout le monde à quel point les Sorciers sont ridicules. » Son regard se planta dans le sien. Il demeura ainsi quelques secondes, défiant et menaçant. Puis, un sourire éclaira ses traits. Il avait bien compris que ce qui emmerdait le plus Érasme, ce n’était pas de répliquer à chacune de ses paroles. C’était d’insinuer des trucs qui le dégoûtaient encore plus que la vision de son torse nu. « Puis dans quelques années, tu regarderas mon torse en bavant, et ton frère aussi. » Et toc. « Maintenant, on y va, tête de fion. » Et sans lui laisser le temps de répliquer, il fusa hors de la ruelle.

« Aïe ! » s’exclama-t-il. Pris dans le feu de l’action, il n’avait pas du tout vérifié si la voie était libre, et elle ne l’était pas. Il doutait qu’un arbre eût soudainement poussé au milieu de la rue principale, et encore moins qu’il se mit à parler. « Tu peux pas faire gaffe, gamin ? » L’adolescent leva le nez vers l’étranger. Vêtu d’une armure, l’homme était grand et imposant. Il le dévisageait, les yeux plissés. Son nez fin et proéminent lui donnait l’air d’un rapace. C’était forcément un membre de l’Ordre des Baies. « Qu’est-ce que tu fous tout seul dehors à une heure pareille ? » - « Je ne suis pas tout seul. Je suis avec un ami. Il est par là-bas. » indiqua-t-il vaguement, tout en sachant très bien que la dénonciation était probablement le seul moyen de faire sortir le Mage Noir de l’ombre. Les iris aiguisés du chevalier se fixèrent sur la ruelle, puis il se redressa tout à fait et siffla. Ce son parut mettre fin à tous les bruits de la nuit, et un silence de plomb tomba sur le village. Dastan remarqua alors que plus un bruit n’émanait des maisons et que toutes les lumières avaient été éteintes. « On rentrait justement chez nous. » Pour appuyer son mensonge, il sourit au Chevalier. Il essayait de se donner un air tranquille, et l’erreur était là : plus personne ne vivait tranquillement ici. « Attends une minute… » Alors qu’il essayait de s’éloigner, la poigne du combattant se referma sur son épaule. À travers ce contact, le Bipolaire ressentit toute la force de son adversaire. Le frisson du danger revint chatouiller sa nuque. Voilà, ils y étaient.


Durant une seconde éternelle, Dastan songea qu’Érasme n’allait jamais sortir de cette foutue ruelle. Que ce fût la flopée d’insultes qui roulèrent silencieusement sur sa langue, la conviction profonde qu’il n’avait de toute façon pas besoin de ce lâche pour s’en sortir, ou toute autre chose, le Sorcier finit par s’arracher au cocon rassurant de la pénombre. Le regard du Réprouvé se planta sur lui, une once de reproche au fond des rétines. « Voilà, c’est lui, mon frère ! » Malgré son agacement, il parvint à offrir un faux sourire au chevalier. Celui-ci remonta sa main sur sa gorge, resserra sa poigne sur lui et le souleva un peu plus de terre. Il ne le croyait pas, et il avait raison. Le garçon serra ses deux mains autour du poignet de l’homme – il le tenait juste assez fort pour que ce fût inconfortable mais qu’il pût respirer. Il aurait pu utiliser la magie qu’il avait convoquée dans la bibliothèque et lui brûler la peau, mais il s’y refusait. Plutôt crever. Ses yeux bruns défièrent le visage de son geôlier, qu’une étrange lueur éclairait. Interloqué, il se contorsionna un peu pour observer Érasme. En dépit de la pénombre, sa main rougeoyait. Ses traits peignaient une expression apeurée, et le Bipolaire se demanda immédiatement quelle fourberie il avait inventée, aussi méfiant que si elle était dirigée contre lui. Peut-être était-ce le cas. Peut-être avait-il trouvé un moyen de le faire supprimer en même temps qu’il échapperait à l’Ordre des Baies ? La mâchoire du rouquin se contracta. Il aurait mieux fait de ne pas le dénoncer.

Pourtant, la sentence ne fut pas celle à laquelle il s’attendait. Qualifié d’handicapé, Dastan faillit s’insurger mais, saisi d’un sursaut de conscience – et empêché par son souffle qui sifflait comme le soufflet d’une forge –, il se fit violence pour se taire. Il lui montrerait qui d’eux deux était handicapé lorsqu’il lui aurait coupé les membres et arraché les yeux. Le voir s’agenouiller l’énerva plus qu’il n’en tira de plaisir, parce que cela signifiait que lui aussi devrait incliner la nuque devant l’ennemi. S’il voulait bien jouer au plus malin, il avait du mal à admettre que courber l’échine pouvait s’inscrire dans cette stratégie. Soudain, la poigne du rustre se défit, et l’adolescent sentit ses deux pieds rejoindre le sol. Soulagé, il souffla, la figure rouge du sang qui s’y était accumulé. Sa gorge sèche le fit tousser : il se la racla et cracha par terre les glaires qui l’encombraient. Le coup du Mage Noir lui valut un regard tout aussi sombre de la part du Manichéen. Il allait le trancher aussi finement que du saucisson, en commençant par les orteils, en procédant aussi lentement que possible et en veillant bien à ce qu’il ne mourût pas trop vite. « Ça doit être de famille. » répliqua-t-il sur le ton tranquille de son personnage, avant de jeter une œillade sceptique à la main du brun. Cependant, il ne posa pas de question.

Les pas du chevalier étaient lourds. Dastan le suivait d’assez près. Il savait où ils allaient, et il se doutait de ce qui allait se passer. Érasme avait vendu la femme qu’ils avaient vue plus tôt. Aucun élan moral ne l’assaillait. Le plus important, c’était lui. Si elle devait souffrir pour qu’il s’en sortît, alors soit. C’était la loi de la nature et de la guerre. Si elle avait été une Réprouvée de Bouton d’Or, il l’aurait sans doute aidée. Ce n’était pas le cas. Cette pensée embaumait encore son esprit lorsqu’ils parvinrent devant la maison. Le chevalier toqua. Le Bipolaire espérait que la famille rentrerait dans leur jeu. Il y avait peu de chances que ce fût le cas : en les invitant chez eux, ils se mettaient en danger. Mais s’ils refusaient de couvrir les deux adolescents, alors ils les condamnaient – à un sort peut-être pire que celui qu’avait subi leur fille. Il ne connaissait pas assez bien les Déchus pour connaître leurs réactions. Quoi qu’ils fussent d’anciens Anges, ils n’étaient peut-être pas aussi cons. En tout cas, il était prêt.

Des chuchotements traversèrent le bois avant d’être interrompus par le chuintement de l’ouverture de la porte. « Papa ! Maman ! » s’exclama Dastan en bondissant à l’intérieur de la maison. La surprise se lut très nettement sur les traits des parents. Leur fille n’était pas présente, mais le bruit de pleurs, à l’étage, s’entendait jusque sur le seuil. « Qu- » - « Achille ! Patrocle ! » intervint la mère, qui venait de brutalement comprendre la situation. Elle attrapa le poignet d’Erasme. « Par les Ætheri, qu’est-ce que tu t’es fait à la main ? » Le rouquin secoua la tête. « C’est rien, c’est cicatrisé. » - « Tu viendras, que je regarde ça. » Il opina et faillit laisser échapper un soupir de soulagement. Le membre des Baies, s’il était suspicieux, n’en dit rien. « Je les ai trouvés à traîner dehors. Vous devriez faire gaffe à vos mômes. C’est pas sûr, le soir, ici. » L’homme acquiesça. La femme entraîna Erasme vers la cuisine, probablement pour le soigner et l’interroger. « Merci. On fera plus attention à leurs tentatives d’escapades nocturnes, maintenant. » - « Ouais. De rien. » Le Bipolaire, entre les deux hommes, les dévisagea tour à tour. Il crut qu’ils allaient en rester là ; mais le chevalier réclama son dû. « La maîtresse de maison voudra bien m’offrir l’hospitalité, au moins le temps d’un verre. » Un éclair d’hésitation passa dans le regard du Déchu. Il s’évanouit presque aussitôt. Dans ce village, on ne disait plus non à l’Ordre des Baies. Sa compagne, en acceptant d’aider les deux jeunes, devait parfaitement savoir que ce ne serait pas gratuit. À l’instant où il eut cette pensée, les serres de la moralité s’accrochèrent au cœur de Dastan et il eut envie de crier son désaccord. La réponse de son hôte le prit de court. « Bien sûr, allez-y. »

Le truand entra et se dirigea droit vers son but. L’Aile Noire le suivit. D’abord, le Manichéen n’osa pas bouger. Sans qu’il en eût assez conscience pour reprendre le dessus, il sentait sa part angélique s’agiter. Il condamnait une famille juste pour s’éviter des ennuis. Il aurait sans doute pu s’en sortir autrement. Comment allait-il vivre avec ce fardeau sur les épaules ? Avant même que son cerveau ne l’ordonnât, ses jambes se mirent à courir, et il déboula dans la cuisine en criant : « ARRÊTEZ ! » Le chevalier avait acculé la femme contre le plan de travail. Elle avait un bleu à l’œil, et son compagnon était étendu à même le sol. Le sang coulait abondamment depuis son crâne. « Ce ne sont pas nos parents ! On a menti ! Ils n’y sont pour rien ! » Le membre des Baies se retourna à demi. Ses lèvres formaient un tel rictus que l’on aurait dit qu’il retroussait les babines à la manière d’un chien agressif. « C’était mon idée, c’est pas sa faute non plus ! » s’exclama-t-il en désignant Érasme. Par tous les Zaahin, il haïssait ces putains d’Anges !


Mais il avait quoi, cette espèce de crétin dégénéré ? Dastan essayait de lui sauver la vie, et il parlait de mérite ? Il avait de la merde dans les oreilles ou quoi ? Pfff. Ça n’aurait pas été étonnant, vu que sa bouche en était pleine. Il ne débitait que des étrons. Le Réprouvé imagina de véritables excréments sortir d’entre les dents du Sorcier et, malgré la situation, ça le fit sourire. Peut-être même que cela lui redonna un peu de courage et de contenance, juste avant que la lourdeur de l’atmosphère ne tombât sur lui comme une cage de plomb. Dans son dos, il surprit un frisson qui, malgré lui, éclata en un cri de surprise lorsque les murs de la maison s’évanouirent. Il poussa plusieurs jurons bien sentis en Zul’Dov, avant de discerner les sombres silhouettes des cavaliers. L’adolescent blêmit et se tut. Il ignorait qui étaient ces types – sinon qu’ils devaient s’agir de Sorciers –, mais ils étaient tout simplement effrayants. Si inquiétants, en fait, que pour une fois, il n’avait pas envie de crier la nullité de leur race et de se jeter dessus. Il avait plutôt envie de disparaître, ce qui l’apeura d’autant plus – et l’énerva. Il regarda Érasme. Érasme le Prince – ce n’était pas un mensonge.

Lorsque les cavaliers s’approchèrent encore, il ne put pas s’empêcher de reculer de plusieurs pas lents et hésitants. Il prit conscience de son infinie petitesse et de son impuissance. Il leur aurait sans doute fallu un seul geste pour l’égorger. Non, pis encore : ils n’auraient pas eu besoin de bouger, parce qu’ils étaient des maîtres de la magie. Il lui semblait inévitable de devoir apprendre, d’utiliser leur arme comme une défense. Comment ses ancêtres avaient-ils pu survivre aux autres races sans jamais avoir recours à la magie ? Il serra les poings. La haine qu’il ressentait à l’égard des Mages Noirs affrontait sa terreur. Chaque coup qu’elles se portaient les renforçait : elles s’alimentaient mutuellement. Pourtant, ni l’une ni l’autre n’avait le droit de s’exprimer. La première l’aurait condamnée. La deuxième lui aurait fait honte – alors même que les regards les plus perçants pouvaient voir ses muscles trembler. Avec horreur, il regarda le chevalier s’effondrer, étouffé par sa bile.

Puis, il tourna vivement la tête vers Érasme. Il comprenait très bien ce qu’il faisait et, si l’idée lui était parfaitement détestable, il en reconnaissait la nécessité. Un seul mot de sa part aurait sans doute pu le faire tuer. Il déglutit, avant d’oser poser ses yeux bruns sur le capitaine des Sorciers. « Oui. » s’entendit-il répondre avec difficulté, la bouche pâteuse d’appréhension. « Érasme est mon maître. » Ce qui n’était pas tout à fait faux, puisqu’à cause de son gage, il devait se référer à lui de la sorte. Dès qu’il eût fini de parler, il fixa son regard sur ses pieds. Quand la garde d’Avalon allait-elle arriver ? Elle serait sans doute plus clémente à son égard. Et il pourrait rentrer chez lui.

Il n’en eut jamais l’occasion. Sous les yeux de tous, les deux adolescents disparurent brutalement.



Message unique – 3473 mots

Un kazoas, c'est un oiseau qui vit à Lumnaar'Yuvon (et ailleurs si vous voulez, mais avec climat similaire). Je ne sais pas encore à quoi ça ressemble. Dans ma tête, c'est un peu ridicule, et ça fait caca partout xD Et surtout, son caca pue /sbaf




[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 1628 :


[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Adam Pendragon
~ Déchu ~ Niveau V ~

~ Déchu ~ Niveau V ~
◈ Parchemins usagés : 1022
◈ YinYanisé(e) le : 13/01/2015
Adam Pendragon
Dim 10 Oct 2021, 13:07



Rp de Luxurieux. +18
[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! Km3n

Mon Preux Chevalier


« Pendragon !! »

Je soupirai et baissai les yeux sur ma partenaire. J’étais debout et le seul habit que je portais était une longue chemise dorée qui avait été ouverte.

« Bon, ça ne sert à rien de continuer je crois. »

Vu le son de la voix, c’était le devoir qui m’appelait. Ou alors, l’on me faisait une farce. J’allais vite le savoir. Je me dirigeai vers la porte et, sans me rhabiller, ouvris.

« Oui ? »

L’homme ne prit pas le temps de détailler mon anatomie. Il avait un visage sérieux, pincé et contrarié. Il se passait quelque chose. Je plissai les yeux et le dévisageai. Il ne tarda pas à parler. Sa voix était précipitée.

« Habillez-vous. Nous allons au Cœur-Vert. Il y a des Sorciers là-bas et nous aimerions traiter avec eux le plus pacifiquement possible, même si les espions affirment que c’est Val’Aimé Taiji en personne qui a fait le déplacement. »

La chose n’avait aucun sens. Kaahl m’aurait prévenu s’il avait prévu d’attaquer. Il l’aurait fait, n’est-ce pas ?

« Pourquoi sont-ils là-bas ?
— Nous n’en savons rien. Il y a des Chevaliers de l’Ordre d’Hébé aussi. La situation est plus qu’inquiétante. Peut-être une confrontation entre les deux.
— Sur nos terres ?
— Je ne sais pas, Pendragon. Dépêchez-vous, avant que ça vire au bain de sang. »

S’il semblait de plus en plus exaspéré par mes questions, j’étais de plus en plus désemparé par la situation. Conscient que les Sorciers n’étaient pas du style à faire beaucoup de survivants, je me ruai vers l’intérieur, attrapai mon pantalon et l’enfilai. Si le Duc Taiji était ici pour attaquer, il n’y avait que deux solutions possibles à mes yeux : soit il avait trahi l’Empereur Noir, soit l’Empereur Noir m’avait trahi.

Je sortis de chez moi en volant, mes jambes embrassant parfaitement ma monture. Le cheval ailé rangea ses appendices et se mit à galoper vers le portail qui nous conduirait au Cœur-Vert, les soldats et moi. Celui qui avait frappé à ma porte n’avait pas eu besoin de m’expliquer quel serait mon rôle. Je le connaissais déjà. Je devais discuter avec les Sorciers et les Chevaliers, dans l’unique objectif de les dégager de nos terres sans aucun dommage. Si je ne doutais pas de la sagesse d’Hébé, je doutais beaucoup plus de celle de Val’Aimé. S’il refusait, nous serions obligés d’attaquer. Si nous attaquions, nous nous exposerions à une réponse des Mages Noirs. Ce serait probablement la guerre, d’une façon ou d’une autre.

Lorsque nous arrivâmes, les soldats s’alignèrent derrière moi. J’étais le diplomate, c’était à moi de parler. Je n’avais pas pensé à retirer les éclats roux de mes cheveux dans l’action. Leur longueur descendait jusqu’à ma chute de reins. J’inspirai et ordonnai à mon cheval d’avancer lentement vers la cible. Il s’agissait bien de l’Elzagan, entouré de quelques Sorciers, de Chevalier de l’Ordre d’Hébé et de villageois qui semblaient apeurés.

« Chancelier Elzagan, je suis Adam Pendragon. »

Il était le plus dangereux du groupe, l’homme à abattre en priorité si les choses tournaient mal. Me choisir moi pour servir de diplomate était à double tranchant. J’avais, certes, ouvert le Bal des Masques avec l’Empereur Noir mais j’avais aussi un tas de titres qui ne manqueraient pas de rebuter le Sorcier. Les Esprits autour de lui se montraient agités. Certains l’insultaient. Il ne les voyait pas.

Mes yeux se fixèrent sur les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé. Il y avait un mort dans leur rang. Un autre dans les nôtres. Peut-être une blessée grave. Les Sorciers ressemblaient à des tortionnaires mais les regards des villageois sur les Chevaliers n’étaient pas plus rassurés. Certains les méprisaient même ouvertement.

« Qui est responsable chez Hébé ? »

Ils se regardèrent sans qu’aucune réponse ne fuse. Le responsable devait être celui qui baignait actuellement dans sa bave.

« Que quelqu’un prenne la responsabilité de vos actes ! Vous êtes ici sur nos terres et nous ne tolérerons pas cette situation plus longtemps ! »

Mes yeux rejoignirent ceux du Mage Noir. C’était lui, le problème. Allait-il m’obéir ? C’était la question. Ce n’était pas sa prestance naturelle qui était impressionnante mais son trop plein de magie. Ses veines étaient comme des serpents sombres. Dans d’autres circonstances, j’aurais aimé l’amener lentement mais surement à me désirer. Je savais qu’il était homosexuel. Je savais des choses que d’autres ignoraient. C’était impossible que Kaahl m’ait trahi.

« Cela fait longtemps qu’aucune troupe sorcière n’avait marché sur nos terres. Si vous êtes d’accord, j’aimerais que nous parlions en privé de ce que vous faites ici, en présence du représentant d'Hébé lorsqu'il aura été choisi. Votre présence peut porter à confusion. L’Empereur Noir sait-il que vous êtes là ? »

En y réfléchissant, je ne voyais aucune raison à sa présence. Chassait-il les membres d’Hébé ? Cette situation me paraissait plus complexe que ce qu’elle paraissait être de prime abord. J’attendais qu’il me réponde. Ensuite, je demanderais aux soldats d’interroger la population.

**

Je fis avancer mon cheval vers le Sorcier. Le Chevalier de l’Ordre d’Hébé n’était pas mon principal problème. Je n’étais pas certain que parler me serait d’une grande aide. Pourtant, c’était ma fonction, de remuer mes lèvres pour donner des sons convaincants. Je me raclai la gorge et passai l’une de mes jambes de l’autre côté de ma monture pour en descendre. C’était une façon pour moi de montrer à Val’Aimé Taiji qu’il ne me faisait pas peur. C’était à moitié faux. C’était même très faux. Je savais qui il était et le pouvoir qui était sien. Entre nous, le représentant d’Hébé ne faisait que pâle figure. D’abord, je devais m’assurer de la paix. Ensuite, le Juste et moi-même aurions une petite conversation.

Je me mis soudainement à regarder le soleil. Il faisait assez chaud, malgré l’altitude. J’eus une idée, le genre d’idée qui pouvait s’avérer à double tranchant. Kaahl m’avait parlé de ceux qui constituaient son gouvernement. Je savais donc les penchants de Val’Aimé et étais parfaitement au fait de son amour malsain envers Lhéasse Taiji, un amour qui s’était progressivement transformé en haine.

« Il fait chaud, non ? »

Je commençai à déboutonner ma chemise tranquillement, tout en reprenant la parole.

« Ainsi donc, vous cherchiez le Prince Noir ? »

C’était une question rhétorique. J’étais sûr des mots qui étaient sortis de la bouche de la femme qui m’avait crié sa vérité. Elle n’aurait pas pris ce risque désespéré pour un mensonge sans aucune portée véritable.

« A priori, il n’est plus là. »

Mes doigts jouaient habilement avec mon vêtement. J’étais intentionnellement lent parce que je voulais que le Chef des Armées comprenne qu’il était dans la merde bien avant de l’être véritablement. Il y avait des choses sur lesquelles je ne doutais plus vraiment. L’une d’elle était ma capacité à séduire à peu près n’importe qui en le désirant. Même si j’avais la magie pour, j’aimais faire ça de façon naturelle.

« De ce fait, vous tomberez donc d’accord avec moi sur la conclusion suivante : l’armée sorcière n’a plus rien à faire ici. »

J’enlevai ma chemise, en savourant le contact du tissu glissant sur ma peau. Je frissonnai et la posai sur ma selle, avant de commencer à marcher autour du Sorcier, à bonne distance. Je me méfiais de sa magie. Ses veines n’étaient pas noircies pour donner une illusion de puissance. Elles l’étaient parce qu’il entendait les murmures du mal qui vivait à l’intérieur de ses pouvoirs.

« Sauf si vous pensez qu’il est encore ici ? Dans ce cas, bien sûr, nous nous ferons une joie de vous aider à chercher l’héritier. »

Je posai ma paume sur le Chevalier de l’Ordre d’Hébé, très proche de l’homme. Ce n’était pas lui que je visais mais ses joues démontrèrent vite son trouble. Je souris. C'était mieux si, lui aussi, réagissait à ma présence. Val'Aimé pourrait imaginer des choses.

« Cependant, ce que je ne comprends pas très bien, c’est ce que font les vôtres ici. Est-ce les Sorciers qui ont traumatisé les villageois ou n’y sont-ils pour rien ? J’espère que vous allez m’éclairer, hum ?
— Ce sont les Sorciers. »

Je tournai les yeux vers Val’Aimé. Mon instinct me portait à considérer les mots du soi-disant Juste comme des mensonges. Ma logique aussi. Si les Mages Noirs étaient venus chercher le Prince, ils n’avaient certainement pas eu le temps de créer le Chaos.

« Qu’en pensez-vous, Duc Taiji ? »

Je m’approchai de lui, tout en grattant l’os de ma hanche. Le geste fit descendre mon pantalon, assez pour que mes muscles guident les yeux vers mon bas-ventre. Ce qu’il y avait de sexuel était bel et bien caché mais il ne faisait aucun doute que je ne portais aucun sous-vêtement.

Je m’arrêtai proche de son cheval.

« Prendriez-vous mon offre si je vous en faisais une ? » me risquai-je.

Il était certain qu’il comprendrait le double sens. Je savais qu’il refuserait mais j’étais certain que l’érection que je devais provoquer chez lui suffirait à calmer son assurance. Les Sorciers acceptaient mal l’homosexualité, d’autant plus lorsqu’elle les concernait. Le Chef des Armées devait sans doute lutter contre ses désirs sexuels, en les refoulant totalement ou en les faisant subir à des esclaves. J'étais plutôt partisan du refoulement, ce qui faisait de lui une bombe à retardement.

« Quittez le Cœur-Vert, maintenant. Je m’occupe des Chevaliers. »

Je marquai une pause.

« Et je vous en laisse un pour que vous puissiez faire de lui ce que vous désirez. Il y a des pulsions qu’il vaut mieux assouvir de temps en temps. »

J’osais peut-être trop. Il allait me tuer.

**

« Non, ça ne marche pas comme ça, les interrompis-je.
— Je vous l’avais dit, bande de boulets ! »

J’étais entré dans une sorte d’école pour Luxurieux. J’y passais de temps en temps, surtout lorsque je ruminais des pensées morbides ou que je m’inquiétais. Debout devant un trio qui tentait une relation charnelle à trois, je fixais d’un air amusé les yeux humides de la fille et la rougeur sur le visage du garçon qui était en-dessous et qui n’arrivait pas à s’insérer.

« Vous n’y connaissez rien en anatomie, n’est-ce pas ? Ce n’est pas comme vous pouvez l’imaginer. Entrer d’un côté bloque en bonne partie l’accès de l’autre côté. C’est une pratique qui demande beaucoup de préparation, puisque les deux voies, sans se rejoindre physiquement, sont très liées. La paroi est fine, ce qui peut aussi vous procurer des sensations en plus, à vous, messieurs, puisque vos mouvements respectifs sont ressentis par chacun d'entre vous. »

Dans mon esprit, les images de Val’Aimé Taiji ne cessaient de se succéder. Parler de sexe m’apaisait. Ce n’était pas son aura qui m’avait dérangé. Sa magie était puissante, certes, mais ses intentions étaient terribles. J’avais senti qu’il était comme tenu en laisse mais que le cordage était sur le point de lâcher.

« Vous avez besoin de beaucoup lubrifier et de prendre votre temps. Y aller par étapes est nécessaire et, surtout, pour réussir de façon simultanée, il vaut mieux commencer par devant, avant de passer à la suite. Néanmoins, avant de tenter d’y aller à deux, le mieux est que chacun visite la zone qu’il a choisie, sans jamais mélanger vos territoires. Votre partenaire risquerait quelques infections. C’est important de se protéger de ce genre de choses. »

Lorsque le Duc avait décidé de retirer ses troupes, je m’étais senti soulagé. J’avais réussi. Il n’avait peut-être rien montré de son attirance, ça ne m’empêchait pas de l’avoir sentie. Je n’avais pas eu l’intention de le toucher de base. J’étais à moitié convaincu que s’il se laissait aller à ses pulsions parfois, ses partenaires ne devaient jamais en sortir vivants.

« Une fois que l’ensemble sera opérationnel, comme je vous l’ai dit : d’abord devant et ensuite derrière. Veillez à y aller doucement et à avoir des mouvements coordonnés. S’ils ne le sont pas, l’un chassera l’autre et il faudra recommencer. Faites attention à votre partenaire car c’est elle qui doit vous guider et c’est sur elle que vous devez baser votre cadence. N’accélérez pas si elle n’est pas prête, vous ne ferez que lui faire mal. »

Ils hochaient la tête en buvant mes paroles. La situation m’amusait. J’aimais bien enseigner, ça me détendait. Parler à d’autres rendait les menaces du Chancelier des Ténèbres plus lointaines et floues. Pourtant, elles restaient encore pesantes. Il reviendrait prendre ce qu’il désirait. Surtout, j’avais peut-être commis une erreur en jouant la carte de la séduction. Il semblait suspicieux. Il effectuerait des recherches.

« Comme c’est une pratique qui peut être longue, il peut arriver que vous ne teniez pas messieurs, au niveau de la dureté. N’hésitez pas à faire des pauses pour d’autres caresses. Surtout, ne vous mettez pas la pression. »

La pratique en question était bien plus évidente quand on avait la capacité magique de changer d’apparence. Néanmoins, ceux qui venaient ici étaient souvent débutants et n’avaient pas encore la maîtrise de ce pouvoir. C’était dangereux de l'utiliser sans être sûr de soi. C’était la raison pour laquelle je venais expliquer les pratiques, surtout celles que les Luxurieux ne manquaient jamais de vouloir tester, avides de sensations.

« Pareil, pendant, votre partenaire possède d’autres zones de plaisir. Vous pouvez en jouer. Ce n’est généralement pas la pénétration qui provoque à une femme le plus de sensations. Accompagnez-la et ne soyez pas égoïstes. Cela dit... même en étant égoïstes, c'est ce que vous devez faire : la satisfaire au mieux. Vous en tirerez beaucoup ensuite quand elle sera reconnaissante. »

Je souris. Donner sans compter et recevoir de la même manière. Peut-être me faudrait-il expliquer ma théorie de la double pénétration à Laëth, pour qu’elle comprenne que, finalement, je savais faire acte de charité dans ma conception du monde ?

En rentrant chez moi, je m’étalai sur mon canapé. Val’Aimé. J’allais passer de longues minutes à m’occuper de moi en pensant à lui. Ainsi, la figure du mal se transformerait en figure de désir et de plaisir. La prochaine fois que je le verrais, j’aurais au moins la consolation de me dire qu’il m’avait aidé à jouir. J’espérais pourtant ne pas le revoir avant très longtemps.

Le procès des Chevaliers de l’Ordre d’Hébé se tiendrait d’ici quelques jours. La compétence territoriale des Déchus ne faisait aucun doute sur l’affaire. Ils seraient jugés et probablement condamnés.

2313 mots



[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! Ezpg
[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 1844408732 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34469-adam-pendragon
Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4049
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
◈ Activité : Professeur
Kaahl Paiberym
Mar 12 Oct 2021, 17:15



Mon preux chevalier


Rp précédent : Juste au-dessus.

« Tiens donc. » Mes yeux coulèrent jusqu’à la cavalerie déchue. J’étais ravi. La réalité entre le mal et le bien était celle-ci : le mal ne craignait jamais le bien. Seul le bien craignait le mal. Il craignait qu’il troublât ses petites habitudes, sa sécurité, ce qu’il avait mis tant de temps à bâtir. Sur les dernières invasions et destructions massives, combien y en avait-il du fait des bénéfiques ? Il suffisait de laisser parler les chiffres pour se rendre compte de cette réalité presque attristante. Le point de tension était toujours créé par les autres, ceux qui n’étaient pas désignés comme étant gentils. Lorsque les Démons avaient envahi la Terre Blanche, les Anges avaient tenté de la récupérer, en vain. Alors, comme de bons petits soldats, ils avaient plié et avaient décidé de coloniser d’autres terres sur lesquelles s’établir. C’était ainsi que le mal grossissait et se propageait. Entrer en confrontation demandait un effort à ceux qui craignaient pour leur confort. Sans être bénéfiques, les Déchus, jamais, n’auraient décidé d’attaquer sans sommation. Un Mage Noir ne s’embêtait pas de ce genre de choses. Lorsque nous attaquions, nous le faisions soit silencieusement, dans le secret, soit bruyamment, dans la surprise générale. Nous étions trop fourbes pour annoncer la couleur du sang avant qu’elle ne vînt. Alors, forcément, dans cette négociation qui semblait vouloir advenir, j’avais un poids considérable. Je le savais puisque, contrairement à mes interlocuteurs, je n’avais rien à demander. Je voulais la guerre, là où ils souhaitaient tous l’éviter. Le pire scénario pour eux était le plus faste pour moi. Néanmoins, et cela donnait un avantage à Pendragon, je n’avais effectivement pas l’aval du Grand Chaos.

En détaillant le diplomate, je fus frappé par quelques détails significatifs concernant son activité préalable. Sa chemise était froissée et un bouton n’avait pas été correctement remis. « Adam Pendragon. » murmurai-je. « C’est tout à votre honneur d’avoir quitté vos activités pour vous joindre à nous. Nous étions justement en train de chasser les Chevaliers d’Hébé de votre territoire. Il semblerait que ces derniers se soient légèrement écartés du droit chemin sous votre nez. » Le contentement que j’en ressentais était total. Si la chose venait à se savoir, alors la confiance que les populations plaçaient dans le bien diminuerait drastiquement. Si ceux qui étaient censés représenter une forme de Justice s’incarnaient dans la médiocrité et la tyrannie, alors qui leur ferait encore confiance, demain ? Et qu’en serait-il des Anges ou des Magiciens ? La faillibilité des uns entraînerait forcément le soupçon de faillibilité des autres.

Comme Hébé mettait du temps à se décider, mon regard se posa sur ce qui était, à mes yeux, le plus éloquent Chevalier. « Vous. Vous représenterez les vôtres. » Un rictus se forma sur mes traits, à mi-chemin entre le sourire et l’illustration de la pensée qu’il allait devoir être bon orateur s'il désirait faire le poids entre Pendragon et moi-même. En interrogeant la population, j’avais appris bien plus que ce que les Déchus devaient savoir actuellement. Ma position de domination était quasi-totale. L’information était capitale dans une discussion même si, encore une fois, les Anges Pécheurs ne m’effrayaient pas. J’étais prêt à mourir si une guerre découlait de mon trépas. Ce qui m’embêtait davantage était la disparition du Prince Noir et de son semblant d’esclave. Les deux adolescents étaient une énigme et ma déception avait été grande, lorsque j’avais constaté que je ne pourrais pas priver le brun de son petit rouquin domestique. On ne pleure pas pour un esclave, lui aurais-je dit, après l’avoir tué. « Certes. » répondis-je, avant de répondre à sa question. « Nous discuterons de ce que sait ou non l’Empereur Noir en privé. » « Il cherchait le Prince Noir ! » hurla une femme, dans la foule des villageois. Mes yeux se plissèrent et se tournèrent vers elle. « Par respect pour la délégation déchue, je ne vais pas vous tuer tout de suite. » articulai-je. Certaines maladies mettaient du temps à se déclarer.

J’ordonnai à mon cheval de se diriger vers un lieu plus dégagé et le fis se retourner pour faire face aux nouvellement roux. Ce que l’on disait sur lui était justifié. « Je vous écoute. » dis-je, sachant parfaitement que, normalement, il m’aurait appartenu d'expliquer ma présence. Néanmoins, j’étais un Sorcier et il n’était qu’un Déchu.


Mon expiration se mua en un soupir d’agacement aussi discret que toute trace d’émotion sur mon visage. Pendragon me sous-estimait… ou était-ce moi qui l’avais sous-estimé jusqu’ici ? Son comportement, irritant, n’en reflétait pas moins une réalité qu’il m’était impossible d’occulter. Une réalité ou une stupidité. Soit son audace reflétait une vérité qu’il détenait, soit elle reflétait sa croyance égocentrée en son charme non circonstancié. Juché sur mon cheval, j’observai ses doigts défaire les boutons d’une chemise que j’imaginais sans mal à peine posée sur ses épaules quelques longues minutes plus tôt. Au-delà du jeu d’Adam, j’entrevoyais un problème plus conséquent. Comment savait-il ? Il me paraissait illogique pour un diplomate de tenter une partie dangereuse contre moi, sans être certain de ce qu’il avançait. Je doutais qu’il fût à ce point désespéré mais peut-être l’homme était-il placé sur un piédestal par son peuple et souffrait, de ce fait, d’une trop grande réputation pour ses réelles capacités ? S’il avait été faible, il n’aurait pas osé. Il m’apparut clairement qu’il cherchait à m’allécher, ce qui marcha à la perfection. Néanmoins, au lieu de m’amadouer, ce constat ne fit qu’augmenter ma volonté de détruire son peuple entier. Il appuyait sur une faiblesse, sur la tare qui me hantait depuis mon plus jeune âge, lorsque mon homosexualité avait commencé à se développer au contact de Lhéasse, lorsque son corps avait commencé à devenir pour moi bien plus attirant que celui d’un simple ami et qu’il m’avait fallu porter seul le fardeau d’un amour non partagé. Je le lui avais avoué mais ma déclaration n’avait rencontré qu’un mur d’indifférence. Le Duc en charge de la question magicienne m’avait déshonoré par son simple refus et, ce Déchu, pour une raison ou pour une autre, était au courant de mon orientation sexuelle. Cet as dans son jeu me le rendait d’autant plus exécrable. Des rumeurs pouvaient circuler mais son audace reflétait la sûreté de ce qu’il avançait silencieusement. Comment ? Surtout… Qui lui en avait parlé ? Qui était assez fou ou puissant pour s’arroger le droit de me défier, pour risquer sa vie et celle de ses proches ? Qui était assez instruit pour être sûr de ses mots, au point de les ériger en arme contre moi ? Car, chez les Sorciers, ma tare était au sommet de la honte qu’un homme pût porter.

Mes yeux ne le quittaient plus, l’observant dans chacun de ses mouvements, admirant ses muscles sans que mon expression ne parût intéressée. Je savais feinter et, surtout, j’étais persuadé que tout homme qui éveillait mes sens avait sa place parmi les futurs cadavres que je sèmerais. Il était hors de question que je ternisse ma réputation ainsi, que je risquasse mon poste. Mes homologues Magiciens étaient déjà suffisamment moqueurs et bavards. Je ne pouvais pourtant supprimer ce que j’avais été plus jeune. Le fait que Judicaël, Alistair, Lhéasse et moi nous connussions à la période où j’avais osé ma déclaration était un fait avec lequel je devais composer. Qu’Adam Pendragon, qui n’avait jamais été un proche, pût connaître cette information, revêtait une dimension différente. Je doutais que l’un des trois autres eût parlé. Malgré notre inimitié, il y avait des choses qui n’avaient pas changé avec le temps, des choses qui restaient entre nous et servaient uniquement à nous contraindre et à nous menacer mutuellement.

Je toisai l’Aile Noire et descendis à mon tour de mon cheval, le bousculant d’un même temps. Face à lui je plantai mon regard dans ses prunelles, un rictus déformant mes traits sans qu’il ne voulût rien dire de particulier. Ce n’était pas une caractéristique qui m’était volontaire. Pour en comprendre les fondements, il fallait remonter plusieurs décennies en arrière, lorsque Judicaël s’amusait un peu trop avec la magie ténébreuse. J’entrouvris les lèvres, une nuée noire s’échappant de mon souffle pour se ruer sur le représentant d’Hébé. Il tomba comme une mouche sans que je ne daignasse lui accorder un seul regard. « Je vous remercie pour l’offrande. » murmurai-je. « Mes… hum… pulsions, comme vous les appelez, adorent être assouvies. Pourtant, je crains que vous vous mépreniez sur ce qui anime mon esprit au-delà de tout. Ce qui est pulsionnel, chez moi, c’est la destruction des espèces inférieures, dont vous faites, bien évidemment, partie. » J’étais si proche qu’il m’aurait été possible de le tuer. Je ne doutais pourtant pas que le Déchu savait se défendre. Je sentis son odeur discrètement, comme s’il m’aurait été possible de trouver sur sa peau une quelconque trace de réponse à mes questions non formulées. « Vous jouez à un jeu dangereux. Maintenant, je ne vais avoir de cesse de chercher une solution à notre petit problème. » Mes yeux étaient semblables à des lames aiguisées. « Et lorsque j’aurai trouvé cette solution… » Je parlais d’une personne. « Je l’éliminerai. » J’étais très loin de me douter de la situation risible dans laquelle nous nous trouvions actuellement.

Après un temps, je posai ma main sur l’épaule du Déchu et balayai celle-ci, comme si de la poussière s’y trouvait. « Vous devriez vous rhabiller. Tomber malade serait fâcheux. » Bien sûr, ces mots n’avaient pas le même sens dans la bouche d’un Sorcier que dans celle d'un individu d'une autre race, qui plus est dans la mienne. Quant au Prince Noir, c’était une autre question. Il n’était plus ici et n’avait pas retracé la rune. Devais-je le chercher ? Sa mort pourrait m’être utile mais la présence des villageois et ce qu’ils savaient augmentait le risque d’une accusation de haute trahison à mon égard. Ce serait dommage de mourir maintenant car il me paraissait douteux que l’Empereur Noir pût se sortir de l’épreuve qui l’attendait et qui, doucement, se mettait en place. Les ordres religieux ne le laisseraient pas s’en tirer. Ils avaient beaucoup trop à perdre. Je pourrais me proposer en Roi par la suite. J’étais certain que mon allégeance à Ethelba ne serait pas remise en question. Couronné ou Chef des Armées, il me serait facile d’éliminer le Prince ou de mettre en scène sa mort au profit de mes desseins. La guerre n’était plus qu’une question de mois et j’en étais convaincu. Elias était vieux ou, du moins, paraissait vieux. Si cet aspect pouvait jouer en sa faveur, au titre de l’expérience des anciens, il pouvait également le desservir. Ce qui est vieux tend toujours à être remplacé. Ce n’est pas pour rien que les Souverains du monde entier revêtent une apparence jeune et robuste. Nous verrions bien.

« Je vais demander à mes troupes de se retirer. » susurrai-je. « Mais ne doutez pas que je reviendrai prendre ce que je désire dès qu’il m’en sera donné l’occasion. » Et je ne parlais pas de lui. « En ce qui concerne les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé, vous devriez les faire exécuter. Je reconnais la corruption lorsque je la vois, tout comme le mal me chuchote ses plans. Cela devrait me réjouir de constater la noirceure chez l’Ordre mais ces individus déshonorent les ténèbres véritables. Ils ne sont que les pantins de l’orgueil et de l’opportunisme le plus bas. Ils ne sont pas dignes d’entrer dans l’ombre véritable. » Ils me répugnaient.

Je tournai le dos à Adam pour remonter sur mon cheval. Depuis les hauteurs, je fixai l’horizon. J’aurais dû tuer tous ces pantins. Cependant, j’avais choisi la voie de la raison. Jusqu’à ce que le vieil Elias ne trépassât. Ensuite, rien ni personne ne pourrait se mettre en travers de mon chemin. Il était hors de question qu’Érasme fût Roi après Elias, comme la coutume sorcière le désirait de plus en plus. Niklaus avait souhaité restaurer la primauté familiale et rendre les Salvatore intouchables. L’Histoire se traçait en ce sens mais lorsque le Grand Chaos mourrait sur sa croix, les Salvatore connaîtraient un déclin certain. Les rumeurs ne tarderaient pas et ils seraient éloignés du trône pour des siècles, en tant que famille maudite par Ethelba elle-même. Simple et efficace. Bien sûr, en tant que Taiji, je me battrais pour ma bannière lorsque le moment serait venu. Et si je devenais Empereur Noir, nous allions tous beaucoup nous amuser à l’avenir. Il ne serait plus question de diplomatie et de toutes ces choses inutiles. J’allais construire un tableau aussi sanglant que chaotique. En attendant, j'étais le Bras Droit du Roi et je lui devais obéissance. Je n'oubliais pas ma fonction car là aurait été une erreur fatale. Je me retirais donc, pour l'instant.

2096 mots - Fin

Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38028-kaahl-paiberym-elia
Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4049
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
◈ Activité : Professeur
Kaahl Paiberym
Mar 19 Oct 2021, 17:49



Mon Preux Chevalier

Kaleo - No Good
C'est Réprouvesque

Compréhension : Ce message donne la réplique au message de Laëth.

Les bras de Dok’Dilon étaient plus gros que la taille de mes cuisses. Ses abdominaux étaient dessinés avec une perfection insolente et ses cheveux tombaient en ondulant sur ses pectoraux. Il était beau mais pas à la façon des éphèbes qui faisaient battre le cœur des Magiciennes. Il était beau comme un Réprouvé. Son visage était marqué et sa barbe n’avait rien à envier aux poils qui couvraient son pubis. Je n’avais encore jamais vu personne avec une ligne de poils en ligne verticale, de chaque côté du nombril. Son physique avantageux lui permettait de « soulever » toutes les femmes qu’il désirait et, justement, c’était ce qu’il était en train de me raconter, en mimant les scènes avec amour des gestes bien faits. « Et là, je l'ai choppée, je l’ai prise sur mes genoux et je suis rentré dedans comme du beurre ! » Ses bras étaient arqués autour d’une silhouette invisible et il bougeait le bassin depuis les profondeurs du bain. « Je te l’ai défoncée bien comme il faut. Elle a crié pendant de longues minutes. Ma queue n’a jamais été aussi gonflée autour d’une… » Il me fixa. « Quoi ? » demanda-t-il, devant mon visage blême. Entre le rouge et le blanc, mon faciès avait choisi le camp du malaise. « Je… » Nous nous connaissions que depuis une journée, celle qu’il avait fallu pour nous rendre de notre position précédente au Berceau Cristallin. Il s’approcha, essayant réellement de comprendre le problème. Je reculai un peu, avec l’envie de plus en plus grande de me noyer dans l’eau. « Elle te plaît pas mon histoire ? » demanda-t-il d’un ton menaçant. « S… Si si. » Il sourit et reprit, comme si de rien n’était. « Et après, je l’ai retournée comme une crêpe de lait de Cerfeuil ! Je l’ai pilonnée à la manière d’un Bicorne en rut. » Il mima et je sus que jamais, ô grand jamais, je ne voulais croiser un Bicorne en rut. Il ricana. « Je suis sûr qu’elle a eu mal au ventre pendant plusieurs jours après. Et pas qu'au ventre ! Ah la cochonne ! Dire qu’elle voulait me faire tourner en bourrique ! Mais non, désolé, c’est pas comme ça que ça marche ! Si t’ouvres la bouche, t’as intérêt à y faire de la place ! » J’avais envie de mourir. Dire que, de base, nous étions ici dans l’objectif de proposer aux chevaliers de l'Ordre d’Hébé, qui s’étaient installés dans le village voisin, de participer à un tournoi... Nous n’avions pas encore entendu les rumeurs. J’avais hâte de pouvoir me battre contre ces hommes que l’on disait épris de justice. « Oh mâte moi la bonnasse là-bas ! » Si j’avais accepté de me laver dans un bain mixte, j’évitais scrupuleusement de poser les yeux sur qui que ce fût. Bien sûr, la chevelure blonde de Dok’Dilon et son torse imposant faisaient légèrement exception. Je n’avais d’autres choix. J’avais même vu ce qu’il avait entre les jambes et, même au repos, c’était impressionnant. Je ne me sentais pourtant pas encore vraiment touché par les problématiques liées à la taille de mon sexe. J’avais grandi d’un coup et j’avais l’impression que tout était grand chez moi, à présent. Enfin… ce n'était pas tout à fait exact. En réalité, si j’avais cette impression de manière générale, elle disparaissait totalement quand j’étais à côté d'un Réprouvé de deux mètres de haut. « Oh ! Toi, là-bas ! Tu viens jouer avec nous ? Ouais, c’est à toi que je parle ! »

Mes yeux firent l’effort de regarder la « bonnasse » à qui il parlait. « Laëth ? » m’étranglai-je. « Ce qui est bien avec les gonzesses, c'est qu'il y a de la place pour trois à l'intérieur. » ajouta-t-il, en me donnant un coup de coude. « Tu préfères quel trou ? » J'allais mourir. Vraiment. Ce n'était même plus une question de situation, c'était une question de volonté à présent. Je voulais mourir. Tout de suite.


La tension était à son comble. J’étais en train de me liquéfier sur place. Que ce fût cette histoire de trous ou les agissements de l’Ange, mon envie de disparaître ne fit que s’accentuer. Je craignais que le Réprouvé et l’Ailée ne finissent par se battre. Il allait prendre ses agissements pour un affront et l’attaquer. Elle lui couperait… Je grimaçai, n’ayant aucune envie d’y penser. Je voyais déjà le sang couler, accompagné d’un hurlement macabre. Le ferait-elle ? Le blesserait-elle vraiment ? Et moi, dans cette histoire ? Que dirait-elle à mon père le jour où elle le verrait ? Que je me promenais dans les bains publics, à héler les femmes avec mon « ami » ? J’étais foutu, même si j’avais bien plus peur qu’ils ne s’entretuassent. Songer à la déception sur le faciès de mon père me glaçait, à tel point que jamais il ne me vint à l’idée que j’aurais forcément la possibilité de m’expliquer, qu’il m’écouterait et comprendrait que je n’y étais pour rien et que je n’avais jamais voulu ça. Les pensées se mélangeaient toutes dans ma tête et j’avais cette impression désagréable qu’elles étaient nouées en de gros nœuds. Je savais que jamais je ne pourrais m’interposer entre les deux. J’étais un poids plume par rapport à Dok’Dilon et Laëth avait, sans aucun doute, le pouvoir de me mettre au sol en deux mouvements habiles.

Contre toute attente, un grand rire retentit dans les bains, couvrant les discussions des autres personnes présentes. Mes yeux s’écarquillèrent d’étonnement. Le Bipolaire avait les deux mains fichées sur ses hanches et s’esclaffait sans aucune retenu, absolument pas gêné par sa nudité. Pour ma part, je m’étais empressé de m’enfoncer dans l’eau jusqu’au menton dès que j’avais compris que la femme qu’il venait de héler était Laëth. Quelques temps auparavant, sous ma forme d’enfant, je n’aurais pas été gêné par mon propre corps. J’aurais même probablement écarté les bras pour venir embrasser l’Ange. « Ha ha ! » finit-il sa tirade endiablée. « Tu m’as convaincu ! Je ne vais pas insister ! T’es vraiment… Ha ha ! » Il reprit son rire, de façon plus discrète que la fois d’avant. Il semblait trouver la situation particulièrement amusante. « Pas la peine de me menacer comme ça ! » affirma-t-il, une lueur d’espièglerie dans les yeux. « Je ne fais qu’apprendre la vie à… » Il se rendit compte que je m’étais caché. « Ha ha ! Pas courageux pour deux sous ces Magiciens. Allez ! Redresse-toi ! » Il n’attendit pas que j’acceptasse sa requête. Sa grosse paluche m’attrapa le bras et, comme hissé par un mécanisme puissant, mon corps s’éleva vers le haut. Je rougis comme une tomate. « Quelque chose me dit que… C’est quoi ? Ton petit frère ? Ouais bah, ton petit frère, il n’a pas l’air de connaître grand-chose à tout ça ! » Il me lança un regard. Je balbutiai. « C’est… C’est ma belle-mère. » Il haussa deux sourcils et tourna les yeux Laëth. « Ah ouais ? Tu te tapes son père ? J’espère qu’il est moins comme lui parce que ça doit pas être facile tous les jours. Moi, ce que je dis, c’est que les Bicornes ne font pas des Cerfeuils. Hein Lucius ? » J’inspirai, mon visage totalement décomposé. « Bon. Il est pas bien bavard mais tu dois le savoir. Si t’es pas là pour te faire troncher, tu fais quoi dans le coin ? » Il était toujours aussi vulgaire. « Tu devrais p’têtre participer au tournoi qu’on prévoit d’organiser avec les beaux-gosses d’Hébé. Tu les verrais dans leurs armures… De vrais coqs. Ça me donne envie de sortir la marmite et le vin si tu veux tout savoir, tellement ils me les brisent, ces connards. »


« Ce n’est pas grave. » Maintenant que j’étais habillé et qu’elle l’était aussi, les choses me paraissaient bien moins gênantes que sur l’instant. Le froid du Berceau Cristallin mordait la peau de mon visage. Le reste de mon corps était blotti dans des vêtements chauds, caché. « Oui. J’y suis allé avec une fille que j’ai rencontrée après… » Je m’arrêtai et poussai un soupir. J’avais envie de lui en parler mais je ne savais pas comment aborder le sujet. Elle m’avait déjà aidé avec ma précédente lettre. Je n’étais pourtant pas sûr de mes sentiments. Plusieurs choses me troublaient, en dehors de la Princesse Eméliana. Je n’étais pas certain de tout comprendre. « Laëth… Attends… » la retins-je, lorsqu’elle s’apprêta à partir. « Je… » Peut-être qu’elle trouverait que ce n’était pas son rôle. J’étais plus grand qu’elle, ce qui donnait à la situation une dimension cocasse. Je passai mes doigts dans mes cheveux, au-dessus de mon oreille. « Je voulais te parler de moi. » Je pris une expression un brin désolée. Ce n’était pas poli mais j’avais besoin de conseils, même si je n’étais pas sûr que mon charabia serait compréhensible. « Tu te souviens que je t’ai parlé d’une fille ? Eh ben, je me suis battu pour elle, afin de l’accompagner au bal mais j’ai perdu… » Devais-je lui expliquer ? Peut-être. « Il s’agit de la Princesse Eméliana Salvatore. » murmurai-je, comme si je craignais que quelqu’un m’entendît. « Je pensais pouvoir venir à bout des autres concurrents mais le Prince Érasme a participé et… » Je ne savais pas par où commencer. « Lui et moi, nous nous ressemblons beaucoup. Eméliana pense qu’on vient de la même famille. Hum… C’est un peu compliqué. Tu sais que j’ai été adopté ? Et… lui aussi alors… Ce serait possible. Surtout que je fais ces rêves étranges et… » Je me rendis compte que je n’avais absolument pas gardé ma ligne de pensée. « Et en fait… » me rattrapai-je. « Quand nous nous sommes affrontés, il a commencé à se frapper lui-même pour me forcer à renoncer. C’est ce que j’ai fait parce que… Parce qu’il saignait et que je trouvais que ça ne valait pas le coup, juste pour un bal. Mais… Ce type il me… » Je ne comprenais pas pourquoi il avait tant souhaité y aller avec elle. C’était sa sœur. « Enfin bref. Du coup, j’ai rencontré Astriid. Elle est sortie de mon coffre, comme ça ! Pouf ! Elle est apparue de nulle part. Elle est amusante et c’est une Ygdraë. Le truc c’est qu’on a dormi ensemble sur un malentendu. » Ce n’était pas vraiment un malentendu. « En fait… Je crois qu’il vaut mieux que je n’en parle pas à Eméliana. Il n’y a rien eu de… Mais… ça peut donner l’impression que… » Je fixai le sol, soudainement bien plus rassurant que le reste du paysage. « Et, pour revenir à Érasme, je fais souvent des rêves avec lui, des rêves où on s’affronte. Je ne sais pas si ça veut dire un truc. Pauline aime bien lire dans les cartes de tarot et elle dit que les songes ont des significations cachées. Parfois, il y a même un autre… Mais lui je ne le vois pas vraiment. Je sens juste qu’il est lié à toi, que je... l'aime, je crois, et je lui associe l’orange et l’odeur du blé. Et j’ai l’impression que je l’ai volé à Érasme et qu’il m’en veut pour ça… » Je ris. « Je sais, ça n’a aucun sens. C’est un peu bête. Astriid et Eméliana sont toutes les deux rousses alors… ça doit me travailler. » Même si j’étais à peu près certain d’avoir rêvé des deux filles, en compagnie d’Érasme et de moi-même. « Enfin… Eméliana dit que je serai Marquis plus tard, quand papa mourra. » Je fis une grimace et décidai de ne pas m’attarder sur mon père. « C’est un peu macabre mais, d’après elle, je suis un bon parti. En vérité, je ne connais pas du tout ma famille à Amestris. Je ne suis jamais allé là-bas. » Kaahl y allait toujours seul. « Et puis je ne pense pas vraiment au mariage… En plus c’est une Princesse. Tu crois qu’elle veut se marier ? » Je réfléchissais en même temps que je parlais, ce qui n’allait pas forcément en ma faveur. « Non. C’est bête. On s’est juste embrassé et… » Je grimaçai. « Elle doit avoir pleins de prétendants. » Même s’ils risquaient d’être tous détruits par le Prince en personne. Il me mettait mal à l’aise.

Le temps que je racontasse à Laëth mes histoires de cœur, l’idée de manger avait fait son chemin. « Oui je veux bien à boire et à manger ! Je meurs de faim maintenant ! » Et c’était vrai. Mon corps réclamait comme un animal affamé. Il fallait bien nourrir tout ce qui avait grandi en un temps record et qui était encore gauche.

2104 mots
Fin

Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38028-kaahl-paiberym-elia
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3875
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Mer 20 Oct 2021, 05:51



Unknown

Mon preux chevalier

Evénement | Priam & co




Note : Ce message donne la réplique au message de Kaahl (mais pas celui avec Lucius) (oui on écrit un roman, y'a quoi ? /sbaf).

Piotr Musial – Frostpunk Theme

« Il faut que tu essaies de faire quelque chose. Toi et Nalim, vous devez essayer. »

Depuis que Laëth avait prononcé ces mots, une multitude d’images défilait sous le regard égaré de Priam. Ce n’était pas une grosse surprise. Tout avait commencé doucement, comme un changement de saison qui s’amorce. On avait entendu des rumeurs, quelques mises en garde, des moqueries ; mais ce n’était qu’un tas de murmures que le vent a tôt fait d’emporter. Et puis, soudainement, les choses avaient pris de l’ampleur. Des faits isolés s’étaient répétés et les chuchotements s’étaient mués en cris. Sur les lèvres des ménestrels et des poètes, des chansons étaient nées. Il semblait au Belegad que plus personne dans le monde ne pouvait ignorer leur écho. Il eût fallu être sourd pour ne pas savoir, ou aveugle pour refuser de voir. L’Ordre d’Hébé s’effritait. Alors, il avait rapporté à son mentor les propos de sa sœur et, ensemble, ils avaient fait remonter l’information. Désormais, ils étaient là, dans la pénombre.

Mille questions brûlaient les lèvres de l’Ange. Il jeta un coup d’œil à Nalim. L’excitation lui broyait l’estomac. Lorsque le gouvernement angélique avait saisi la gravité de la situation, il avait décidé de demander à Hébé ce qu’il se passait. Le silence leur avait répondu. Alors, ils avaient choisi de se déplacer, et de demander à l’Empire de rendre les rescapés qu’il avait sauvés de la Terre Blanche, lors de la bataille aux côtés des Sorciers. Cent vingt-quatre mille trois cent soixante-quinze personnes vivaient toujours là-bas. Une seconde délégation, à laquelle Nalim et Priam prendraient part, se rendrait à Ciel-Ouvert afin de connaître la position de la Marche Terne, savoir ce qu’elle comptait faire, et éventuellement, obtenir de plus amples informations sur Hébé et ses exactions.

Le gouvernement se trouvait déjà à Arcadia. Le détachement diplomatique devait partir le lendemain. Avant, une autre tâche leur incombait. C’était l’une de ces missions que l’on menait dans le mystère de pièces oubliées. Les Palais de Coelya renfermaient un secret. Sous les pieds des étudiants, sous le poids des livres et des années, des salles respiraient des odeurs de poussière. Elles dataient d’une époque lointaine, et leur existence était confiée avec une grande parcimonie. Aucun meuble n’encombrait l’espace entre les murs de pierre, les sculptures des anciennes cheminées et ce qui ressemblait à des fenêtres condamnées. Aucune torche n’avait été laissée pour éclairer les lieux. Il y faisait aussi sombre et humide que dans la gueule d’un monstre marin. Le froid était moite, et par instant, on entendait le clapotis des gouttes, qui résonnait comme le claquement des chaussures sur la dalle. La faible lumière que la magie de l’Edästur maintenait s’intensifia peu à peu. La salle apparut dans son entièreté. Quiconque s’y serait perdu n’aurait su quoi y faire tant le vide l’étreignait.

Ils attendaient les Magiciens. Le diplomate avait fait jouer son réseau pour que les Anges pussent s’entretenir avec les Mages Blancs de façon informelle. Il n’était pas question d’exposer leurs doutes et leurs projets à toutes les oreilles curieuses. C’était étrange. C’était la première fois que le Belegad allait revoir des Magiciens dans un cadre diplomatique depuis l’échec des pourparlers concernant la Terre Blanche. Sa colère était passée depuis longtemps, mais un sentiment diffus, indescriptible, lui tenait les tripes. Dès que la première silhouette apparut, Nalim s’avança. « Notre gouvernement est parti pour Arcadia aujourd’hui, pour demander en personne des comptes à l’Empire et exiger les rescapés de la Terre Blanche qui y vivent encore retournent sur nos territoires. Nous avons déjà envoyé plusieurs lettres, et elles ne se sont heurtées qu’à des réponses insatisfaisantes ou du silence.  » Priam écoutait, attentif. Il comprit que c’était le genre de réunion qui se passait de l’étiquette et des jeux de discours. Personne n’avait le temps pour les simagrées. Là où personne ne nous voyait ni ne nous entendait, les faux-semblants n’étaient que des pertes de temps. « Nous, nous partons demain pour Ciel-Ouvert. Nous allons nous entretenir avec la Marche. Elle aura peut-être des informations à nous fournir sur l’Ordre et, considérant les missions qu’elle se donne, nous souhaitons savoir ce qu’elle compte faire exactement. On ne peut pas se permettre de laisser les nôtres à Arcadia, si un conflit ouvert doit éclater, surtout après tout ce qu’ils ont souffert. Et si malgré tous nos efforts, cela devait arriver, alors nous soutiendrons la Marche. » Le diplomate communiquait avec une étonnante franchise, dressant un résumé calibré des motivations angéliques. « Et vous, quelles sont vos intentions ? » Priam scruta leurs visages, sur lesquels la sphère de lumière dansante projetait des ombres mystiques.


C’était une femme blonde, aux épais sourcils et aux cils si longs qu’ils accentuaient la forme amandée de ses yeux clairs – Florance. L’homme qui l’accompagnait ne prit pas la parole, mais Priam savait que c’était lui, la connaissance de Nalim – Obias. Il avait l’air stressé. L’Ange s’empêcha de lire ses pensées, cependant sa curiosité lui demandait de s’enquérir des raisons de son anxiété. Il ne tarda pas à comprendre, à la façon dont il regardait la jeune femme tandis qu’elle s’exprimait. À son tour, l’Ange se concentra sur son discours. Ce qui en ressortait, c’était l’isolement politique des Ailes Blanches. Elles n’avaient eu accès aux informations ni de la part des Sorciers, ni de celle des Déchus. Si les Réprouvés avaient subi des sévices de la part d’Hébé à Bouton d’Or ou Sceptelinôst, elles n’en auraient rien su tant leurs territoires étaient éloignés. Il n’était lui-même au courant que parce que sa sœur l’informait partiellement de ses agissements chez les Bipolaires. Ce qui en ressortait aussi, c’était l’incroyable teneur des actions d’Hébé. Les événements isolés qui avaient été rapportés ne constituaient que des gouttes d’eau comparativement à ce qu’il s’était déroulé au Cœur Vert. Là où certains se contentaient de petits larcins, d’autres renversaient l’ordre établi. Entre eux, il y avait tous ceux qui commettaient des crimes, dont l’ignominie variait. Et que foutait le Prince Noir au beau milieu des terres déchues, simplement accompagné d’un esclave ? Qui était celui-ci ? Quels Réprouvés s’étaient vus privés de leur enfant pour arranger la vie d’un enfant de sang royal ? Où étaient-ils passés, ensuite ? Les Sorciers devaient remuer ciel et terre pour retrouver le fils de leur Souverain.

Le Petit Pigeon tourna la tête vers Nalim. Les sourcils froncés, il fixait la Magicienne comme si elle venait de prononcer des paroles incompréhensibles. Il paraissait aussi troublé que son disciple par la situation qu’elle venait de décrire. L’apparition et la disparition du Prince et de l’esclave n’avaient aucun sens ; pourtant, elles en donnaient aux actions angéliques. Si une poignée d’hommes et de femmes d’Hébé était capable d’asservir un village, comment savoir ce que certains pouvaient faire subir aux rescapés de la Terre Blanche ? Comment être sûrs de leur sécurité, à Arcadia ? Comment l’être alors que l’Ordre n’avait jamais répondu aux sollicitations du gouvernement ? Fallait-il s’attendre à ne retrouver que des cadavres mutilés ? Un frisson d’horreur courut sur l’échine du fils de Réprouvés.

Les deux diplomates acquiescèrent de concert lorsque la Mage Blanche affirma que l’on ne pouvait pas rester impassible face à ce qui, peut-être, se profilait. « Oui. Plusieurs de nos émissaires ont été envoyés pour récolter des informations à travers le monde. Ce qu’ils rapportent n’a rien de réjouissant. » Les Anges, surtout, ne pouvaient pas rester de marbre. Si Hébé était fautif, alors ils devaient se défaire de cet allié sans tergiverser. Ils avaient déjà combattu aux côtés des Sorciers. Pour le bien de leurs relations avec leurs peuples amis, ils ne pouvaient pas demeurer plus longuement sur la fine ligne qui sépare le Bien du Mal. Ils n’avaient pas le droit de donner l’impression que leur allégeance vacillait par opportunisme ou par arriérisme. Ils n’avaient pas d’autre choix que de pointer du doigt les exactions de l’Empire, et de les condamner avec véhémence. Ils devaient s’interroger sur les intentions que celui-ci avait eues à leur égard. Que penser de leur intervention en Terre Blanche ? Les pensées de Priam bondir vers les propos de la Magicienne. Son gouvernement pensait-il vraiment qu’Hébé eût pu encourager les Démons, voire les aider, à massacrer les Immaculés ? Cette pensée était d’une audace incroyable. Elle faisait des Chevaliers des monstres avides de gloire. Car le monde dépourvu de la force des Anges, ils avaient longtemps été les premiers défenseurs du Bien et de la Justice. Le Belegad scrutait la femme, sidéré, et son étonnement ne fit que s’accroître lorsqu’elle l’interrogea.

Il accorda une brève œillade à Nalim, mais puisque celui-ci ne réagissait pas, il ramena son regard doré sur la femme. Du côté des Anges, la situation paraissait claire : si Hébé ne s’inclinait pas, si la Marche prenait les armes, ils ne pouvaient pas laisser les leurs sans protection, livrés à la mâchoire des lames et aux pointes acérées des flèches. Ils seraient obligés de s’engager pour les sauver, et alors, ce serait la guerre. Quid des Magiciens, défenseurs de l’ordre et de la paix ? Seules, les Ailes Blanches ne pourraient rien. Leur armée n’était pas assez étoffée et, même alliés à la Marche ou aux Humains, même aidés par des rescapés d’Arcadia suffisamment remis de leur séjour en Terre Blanche, il leur serait extrêmement difficile de rivaliser avec plusieurs millions de Chevaliers. Ils avaient besoin du soutien de nations plus puissantes. « Oui. » lâcha-t-il avec toute la franchise du monde. Près de lui, le corps de son guide se raidit et il perçut le regard étonné qu’il lui lança. Quoique Florance s’exprimât plus honnêtement encore que l’Edästur et quoique la situation se prêtât à une discussion claire et directe, une telle affirmation n’avait pas sa place. Pas venant de lui, pas de cette façon. « Si une guerre éclate, comment pourrez-vous prétendre encore être des défenseurs de la paix et de l’équilibre, si vous n’y participez pas ? Si vous restez passifs, vous cautionnez les actions d’Hébé, sur vos terres et ailleurs. Vous choisissez le chaos et l’instabilité. » Comme des Sorciers. « Outre le fait que les missions d’Hébé ont été détournées, il ne s’en prend pas qu’à un peuple, et on ne peut plus parler de quelques cas isolés. Je crois que chacun essaiera de faire entendre raison à l’Empire avant d’entamer une démarche guerrière et, comme mes semblables, je souhaite de tout cœur que les tentatives diplomatiques et médiatrices aboutissent. Mais la possibilité d’un conflit ouvert n’est pas à écarter, et à ce moment-là, il faudra répondre fermement à Hébé. » Ils n’auraient pas le droit à l’erreur. La géopolitique n’était pas une science de l’instant : elle s’attardait sur le passé et imaginait le futur pour que l’Histoire puisse écrire au présent. Les enjeux dépassaient de loin la simple répression d’une armée dissidente à un moment précis. « Les tensions entre l’Empire et les Nations, la façon dont nous les réglerons et l’issue de tous nos efforts feront office d’exemple pour tout groupe qui aurait la prétention d’agir en toute impunité contre nos différents peuples. Si les Magiciens restent en retrait, ils perdront en crédibilité et s’offriront comme des cibles de choix aux prochains malfaiteurs. » L’attitude de Priam avait changé : il prenait la pleine mesure de son rôle de diplomate. Son maintien dégageait plus de prestance, ses yeux avaient gagné en éclat et son élocution était limpide et franche – on y percevait nettement le parler de Bouton d’Or, avec des intonations marquées pour mieux dessiner le sens des phrases. « Sans compter que, sans votre appui, la victoire de la Marche Terne et des Anges n’aurait rien de certain. Et votre engagement pourrait encourager l’intervention militaire d’autres gouvernements, peut-être. » Ses iris sondèrent ceux de la blonde. « Mais je crois que vous aviez déjà envisagé tous ces éléments et que votre question était plus rhétorique qu’autre chose. Je me trompe ? »


Priam quitta des yeux le dédale de couloirs pour ancrer son regard aux traits de Florance. Il fronça les sourcils, surpris. Toutefois, il ne l’interrompit pas. Ses mots venaient percuter ses conceptions du monde et cela faisait un drôle d’effet de se sentir pris dans le flot d’un mouvement qui dépasse et transcende. Il savait que les têtes royales tombaient. Tout le monde le savait. Cependant, il était si jeune qu’Edwina Nilsson lui semblait être l’un de ces piliers inébranlables, qui ont toujours fait figure d’autorité et demeureront ainsi à jamais. Parfois, derrière le Roi ou la Reine, on oubliait l’homme ou la femme, avec ses imperfections et ses failles. C’était une vision naïve, presqu’enfantine, et il aurait sans doute souri de sa propre innocence si le sujet n’était pas si sérieux. Rapidement, il cerna le problème : si la souveraine vivait détachée du monde et si elle ne demandait pas à son armée de marcher contre l’Ordre d’Hébé, alors Alistair Vaughan ne déciderait peut-être pas de lancer une offensive, et les Marcheurs et les Anges se retrouveraient éventuellement seuls. Au-delà des considérations angéliques et immédiates, la place de l’Ultimage elle-même était menacée. Selon les dires de la Mage, elle s’éloignait. Il comprenait les questionnements du peuple : à Bouton d’Or, jamais on aurait eu idée de cacher la Dovahkiin. Avant d’être monarque, elle était une figure populaire, accessible, appréciée et respectée parce qu’elle était vivante, réelle, palpable. Quant aux Immaculés, s’ils perdaient Edwina Nilsson, ils perdaient une alliée, et rien ne garantissait qu’ils se fissent une si bonne amie de la prochaine tête couronnée.

L’Ailé détourna le regard. Ce que prononçaient les lèvres de la Magicienne était crucial. Des informations d’État qu’elle n’aurait dû partager ni avec lui, ni avec qui que ce fût. Il ignorait tout de l’affaiblissement politique de l’Impératrice Blanche, et elle le lui livrait sans détour. À l’arrêt, il pinça l’arête de son nez, avant de laisser ses doigts remonter vers son front, songeur. Enfin, il releva la tête. Ses yeux d’or sondèrent ceux de Florance. Il ne s’attendait pas à une telle révélation. Elle le savait. Il n’avait aucunement conscience de ce qu’elle venait de lui dire. Elle le savait. « Me posez-vous encore une question simplement dans l’espoir que je vous conforterai dans votre position ? » Il reprit sa marche. « Je n’ai pas la sagesse de l’expérience. » Mais elle ne semblait pas rechercher la sagesse ; elle paraissait même avoir l’esprit trop décalé pour évoluer tranquillement parmi ses semblables. « Les Anges ont tout intérêt à ce que votre prochain souverain soit aussi clément et amical à leur égard que l’est votre Reine. Alors pour mon peuple, je dois vous encourager à pousser jusqu’au trône quelqu’un qui puisse maintenir les relations entre nos deux races. » Il la scrutait, son regard se promenant de l’un à l’autre de ses iris. « Et si j’étais à votre place, je ferais en sorte de trouver un candidat qui puisse répondre aux besoins de votre peuple, à savoir, si j’ai bien compris : la visibilité, la proximité et l’engagement. Quelqu’un qui n’a pas peur de réviser les codes et les traditions, donc. Je pense aussi qu’il vous est essentiel d’avoir un Roi ou une Reine qui puisse maintenir l’entente avec les Sorciers. Pour le bien de la Comtesse Vaughan et plus largement celui de votre nation, mais aussi pour que le canal de dialogue entre le Bien et les Mages Noirs puisse être maintenu, voire amplifié. Mon ascendance réprouvée oblige : je n’ai aucun amour pour eux, mais j’ai conscience de la stabilité qu’apportent vos relations actuelles à notre monde. Et il paraît qu’il vaut mieux tenir ses ennemis proches de soi. » Il sourit, amusé. Parfois, la politique se moquait ouvertement des sentiments. « Si j’étais vous, je chercherais aussi à trouver une personne dont les objectifs correspondent à ma vision, à ce que je crois juste et bon. » Priam ignorait qu’en prononçant tous ces mots, il participait au bouleversement de vies proches de la sienne. « Quant à notre situation actuelle… J’espère qu’Alistair Vaughan saura se montrer un aussi bon allié que l’Impératrice, si la situation l’exige. » Il hésita, puis s’arrêta et s’approcha de Florance. « Dites-moi si vous avez besoin d’aide pour le convaincre. Je reviendrai vers vous quand nous rentrerons de Ciel-Ouvert. »


Les notes rebondissaient sur l’air comme de la pluie sur des feuilles. « Qu’est-ce que tu fredonnes ? » demanda Nalim. Priam s’interrompit. « Quelque chose que j’ai entendu sur le chemin. » Ils avaient déjà traversé le quartier Aria, ainsi que le quartier Ode. Leur marche se poursuivait en direction de la Vigilante, dans un paysage sculpté dans la glace et émaillé de roche. Un Guide les y attendait. « Je n’y ai pas fait attention. » Son disciple sourit. « C’était quelque chose comme… Hum. Ah les vils, les fanfarons ! Ceux dont l’abandon / Résonne dans les cœurs / De leurs frères et sœurs / Qui tombés au combat / Voient s’écrouler leur foi. » chanta-t-il doucement. Le diplomate se tourna vers lui, une lueur taquine au fond de l’œil. « Je suis ravi de constater que si la diplomatie ne te réussit pas, tu pourras aller chanter dans le cabaret de ta sœur. » Le brun leva les yeux au ciel. « Ce n’est pas un cabaret, c’est une salle de concert. » - « Dommage, je t’imaginais déjà sortir un lapin de ton chapeau. » Priam secoua la tête. Quelques secondes s’égrenèrent, puis il reprit l’air, chantonnant doucement entre ses lèvres. Ah les vils, les sacripants ! / Ceux que les chants / Dénoncent justement / Et que l’échafaud attend / Nous réclamons justice / Pour tous les préjudices / Et des jours sous de meilleurs auspices !

FIN
(mais to be continued hahaha)




Message unique – 2958 mots

La chanson que j'ai écrite version complète nastae

Tadam :




[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 1628 :


[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3875
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Jeu 21 Oct 2021, 19:02



Unknown

Mon preux chevalier

Evénement | Laëth & co




Note : Ce message donne la réplique au message de Lucius.

The Score – Born for this

« Je vais essayer. »

Ils essayaient tous. Ce n’était ni un problème de mauvaise foi, ni un excès de nonchalance, ni un manque d’implication. Le problème, c’était l’inéluctable lenteur de la diplomatie. Un discours est toujours moins rapide qu’un coup de poing. Il y avait cette évidence, et l’impatience de Freyja, qui bouillait dans son sang à l’instar de la lave agitée d’un volcan prêt à cracher son feu. Et puis l’urgence, le danger, l’appel du devoir et du risque. L’incapacité à souffrir des injustices en silence, l’impossibilité de brider son cœur en attendant des ordres. La connaissance de la situation, sa première intervention, celle qui l’avait poussée à parler à son frère, la colère. Mais aussi la crainte, le doute, l’anxiété. Elle avait trépigné, hésité, soupiré. Et puis un matin, elle avait délaissé sa tenue militaire, enfilé ses bottes, et elle était partie. Son cœur possédait des ailes capables de briser les chaînes de sa raison.

Les soldats d’Hébé n’étaient pas difficiles à repérer. Pourquoi se cacher quand on est un missionnaire de la paix et de la sécurité ? Il ne lui restait qu’à les surveiller. Parfois, elle altérait la couleur de ses yeux et de ses cheveux ou utilisait le Don des Anges pour passer inaperçue. D’autres fois, elle se fondait dans l’ombre des suspects et les suivait en secret. De temps à autre, elle interrogeait des gens, l’air de rien. La bague de Lagherta lui permettait de savoir s’ils mentaient ou non. Doucement, sa petite enquête avançait. Plusieurs fois, elle intervint à temps pour sauver des individus de l’escroquerie ou de la tromperie. Dans certains cas, c’était plus grave : ils échappaient à des violences, ou même à la mort.

L’Ange ne tuait jamais. Lorsqu’elle arrêtait des chevaliers, elle les livrait aux autorités les plus proches, pieds et poings liés et bouches bâillonnées. Les morceaux de métal noir, strié de bleu, que sa magie produisait résistaient à tous leurs assauts. Bien qu’il s’agît presque d’une signature, elle ne réclamait ni récompense ni reconnaissance. Au contraire, elle se cachait : dès que sa mission était accomplie, elle disparaissait. Elle préférait rester discrète. Pourtant, son existence hantait les lèvres des habitants de certaines contrées et de quelques soldats scélérats. D’autres, comme elle, menaient des actions à leur encontre, et les récits de leurs faits se décuplaient en légendes improbables. On leur donnait des titres qui se perdaient en écho dans une vallée de fantasmes. La Main de Fer, l’Ange de la Justice, l’Échappée…

Freyja avait remonté la trace d’un groupe d’Hébé jusqu’au Berceau Cristallin, où un campement de l’Empire s’était auparavant installé. Elle les traquait depuis quelques temps déjà. Ils avaient commis des méfaits dans d’autres villages, tout au long de leur parcours. Jamais elle n’avait réussi à les prendre sur le fait. Elle arrivait toujours trop tard. Devant elle, il n’y avait plus que la sidération, la douleur et l’amertume ; et dans son dos, l’échec. Et sa propre vie, à laquelle elle avait cet urgent besoin de se dérober. C’était là qu’elle avait puisé la force de continuer si loin des territoires qu’elle connaissait. D’ordinaire, elle opérait sur des terres qui lui étaient familières, comme celles du Lac Bleu ou de Bouton d’Or. Comme tous ceux qui ne connaissaient pas le Berceau Cristallin, elle s’était laissé surprendre par le climat glacial. Elle avait pu acheter des vêtements plus chauds auprès de petits commerçants. On l’avait aussi mise en garde contre des animaux sanguinaires. Jusqu’à présent, dès qu’elle en avait vu un, elle avait utilisé le Don des Anges afin de passer inaperçue. Pour dormir, se laver et se nourrir, elle comptait sur l’hospitalité des habitants. Les villages étaient rares, et parfois, elle craignait de passer la nuit dehors. Ce jour-là, elle allait profiter de la compagnie des Dragonniers. Elle avait appris qu’eux aussi cherchait à prendre contact avec Hébé, mais pour des raisons bien différentes.

La chaleur moite des bains lui brûla la peau. L’Ange parcourut brièvement les lieux du regard, sans repérer quoi que ce fût de notable. Alors qu’elle se dirigeait vers l’un des bassins, elle entendit qu’on la hélait. Comme elle se retournait, elle arqua un sourcil agacé – elle connaissait ce genre d’interpellations. Le deuxième le rejoignit, surpris. « Lucius ? » Elle cligna des yeux. Les Dragonniers, Lucius. Elle savait, mais elle ne s’était pas attendue à le voir ici. Naïvement, elle avait songé que les jeunes recrues restaient à Adraha. Dans une autre situation, un sourire aurait sans doute courbé ses lèvres – même s’il lui faisait douloureusement penser à Kaahl. Au lieu de quoi, ses deux pupilles se plantèrent brutalement sur le faciès de l’homme qui se tenait dans l’eau, près de l’adolescent. Elle avança vers lui. C’était un Réprouvé. À son accent, elle l’avait immédiatement su, et son apparence ne laissait aucun doute. Les muscles roulaient sous sa chair épaisse comme une cuirasse et ses cheveux blonds avaient l’éclat des blés. Elle se planta devant lui. C’était malheureux pour lui, mais elle était allée à bonne école. Une vingtaine d’années à Lumnaar’Yuvon et un Déchu en Protégé garantissaient un certain aplomb face aux remarques graveleuses et aux propositions sexuelles en tous genres. « Je ne suis pas certaine que Lucius ait envie de participer. On est de la même famille. » répliqua l’Aile d’Acier. Elle jeta un coup d’œil à l’adolescent, qui paraissait mortifié, avant de ramener ses iris verts sur le Bipolaire. Elle s’accroupit et poursuivit, sur un ton léger : « Mais si ce n’est qu’une question de trous, je peux te couper la bite et t’en faire un troisième avec. » Pour appuyer son propos, un couteau apparut dans sa main. Son index glissa sur sa lame effilée, puis l’arme disparut. Elle sourit et inclina légèrement la tête sur le côté, les bras croisés sur ses genoux, mains flottantes. Le problème des relations sociales avec les Manichéens résidait dans leur imprévisibilité. Elle devait se tenir prête à se battre, si jamais il décidait de lui faire payer son audace, d’une façon ou d’une autre. L’avantage, c’était que ces derniers temps, elle avait le coup de poing facile – peut-être un peu trop. Comme l’air chaud, sa magie lui brûlait la peau. « T’en dis quoi ? »


Freyja sourit. Ou ils vous sautaient à la gorge, ou ils riaient si fort que votre cœur tressautait au rythme de leurs éclats. Bien que les regards convergeassent vers le trio, elle ne bougea pas. Son sourire s’étendit. Adam aurait trouvé quelque chose à rétorquer, parce qu’il ne supportait pas ses répliques ou parce qu’il aimait trop l’énerver. Kaahl... Elle n’avait jamais parlé de la sorte à Kaahl. À l’époque où ils s’étaient connus, elle n’avait pas la même assurance. Il l’impressionnait autant qu’elle doutait d’elle-même. Surtout, elle cherchait à entrer dans un moule de bienséance et d’angélisme que sa nature sauvage et brutale avait fini par casser. Elle avait changé, depuis lors et sans doute depuis leur dernière vraie rencontre, peut-être même depuis le bal. Elle se demandait ce qu’ils se diraient, lorsqu’ils se reverraient. Elle avait l’impression que cent ans s’étaient écoulés, cent de silences et de souffrances. « On n’est jamais trop prudents. C’est ça que tu devrais apprendre à Lucius. » dit-elle doucement en tournant la tête vers l’adolescent. Sa propre position cachait à moitié son corps. La gêne se lisait pourtant clairement sur le visage du brun. Les Magiciens cultivaient bien plus la pudeur que les Réprouvés – qui semblaient même ne pas connaître ce concept. « Raté. » répondit l’Ange en souriant. C’eût été possible. Chez les éternels, les notions de temps et d’âge finissaient par ne revêtir que peu d’importance mais, à bien y réfléchir, elle aurait parfaitement pu être sa sœur. Elle n’était pas beaucoup plus vieille que lui. « Oh, non, il est bien pire. » ironisa-t-elle pour ne pas répondre franchement à la question du Réprouvé. Mais elle ne doutait pas que Kaahl eût pu ressembler à Lucius au même âge.

« Vos collègues m’en ont parlé quand je suis arrivée, oui. » En vérité, elle avait d’abord appris la nouvelle par un groupe de villageois qui les avait vus passer. Elle avait songé qu’elle serait moins repérable en se fondant parmi leur groupe, ou qu’elle pourrait au moins pénétrer dans le campement d’Hébé par leur biais. Le Manichéen lui offrait cette occasion sur un plateau d’or. « Je suis en mission, mais une fille de Réprouvés ne peut pas refuser un combat. » Ses yeux brillaient.



C’était la première fois qu’elle se retrouvait à peu près seule avec Lucius. « Pour hier... j’ai bien vu que ça te gênait et j’en suis désolée. Ce n’était vraiment pas le but. » Quel était-il ? Faire en sorte que Dok’Dilon la laissa tranquille ? Appeler sa hargne pour qu’il se jetât sur elle pour l’étrangler ? Vivre ou mourir ? Elle oscillait entre deux états. L’un aimait l’existence comme un fou et se battait pour survivre à chaque minute, avec tout l’espoir et l’optimisme du monde. L’autre ruait à la manière d’un cheval réticent, farouche aux tentatives de la vie, attiré par la Mort ou au moins le conflit, avec l’idée qu’il n’y avait plus grand-chose à rattraper ou à perdre. « Tu vas bien ? Je n’ai pas pu venir te voir au bal... » Elle était partie après sa danse avec Læn, peu désireuse de recroiser Adam. Elle n’avait pas non plus cherché à retrouver Aimé. « Tout s’est bien passé, là-bas ? Tu t’es bien amusé ? » L’Ailée orientait la conversation vers Lucius car elle n’avait pas envie de parler de son père. S’il avait fait attention, il croyait, comme tout le monde, que Kaahl avait dansé avec Mirabelle Vaughan. Il arriverait peut-être à évoquer le sujet. Tant pis. Dans le même temps, les yeux de l’Ange couraient sur le campement d’Hébé. Les duels avaient commencé depuis quelques minutes. Pour le moment, elle n’avait rien repéré de suspect. Les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé paradaient dans leurs armures et les Dragonniers le leur rendaient bien dans l’arène – aménagée spécialement pour l’occasion. « Je vais voir si je peux trouver à boire ou à manger. Tu veux quelque chose ? » demanda-t-elle à l’adolescent. Elle en profiterait pour faire du repérage. Elle savait qu’ils étaient ici.


Freyja se sentit basculer. Ses yeux verts scrutaient Lucius comme s’il s’était épaissi de mystère, brouillard soudain et insondable. Un violent frisson lui griffa l’échine – un mauvais pressentiment ou une réalité trop insupportable. Pourtant, elle ne bougea pas. Son regard inquisiteur ne portait pas plus de jugement que la surprise ne le permettait. Comment aurait-elle pu le mépriser pour son attirance envers une Sorcière, elle, la fille de Réprouvés qui aimait l’Empereur Noir ? L’Ange demeurait muette. Elle écoutait. La vérité, c’était que Lucius et Érasme ressemblaient profondément à Kaahl, de la même manière que celui-ci ressemblait à son père. Elle s’était déjà demandé s’il les avait véritablement adoptés. Elle avait longtemps préféré y croire, par naïveté et par déni, mais plus Lucius avait grandi, plus l’évidence avait assiégé son cœur. L’existence du Prince Noir et sa ressemblance hallucinante avec le Magicien n’en était que plus troublante. Le poids du devoir, les fatalités dont s’encombre le destin, l’idée d’un avenir orchestré. L’écœurement face à l’insupportable et la résignation face à l’inévitable. L’obligation qui frappe trois coups et la porte qu’il faut ouvrir. Le devoir, comme une épée suspendue par un fil au-dessus de sa tête. Ezechyel. Le souffle coupé, l’Aile d’Acier dévisagea l’enfant Paiberym. C’était compliqué. Infiniment plus compliqué. Le rêve qu’elle avait fait avec Jun apportait un éclairage qu’elle n’avait pas encore perçu jusqu’alors. Tout en sinuosité, comme un serpent dans la pénombre, il traçait une route aussi improbable qu’elle était possible. Elle acquiesça. Ils avaient été adoptés, ils pouvaient avoir le même père. Ils avaient le même père.

Là où Lucius étincelait, Érasme sombrait. L’un incarnait la Lumière et l’autre l’Ombre ; ils étaient les deux faces d’une même pièce. Une division de Kaahl ? Elle songea à Ârès. Et si le Paiberym était la représentation de ce Mal et qu’il avait un frère inconnu, épée du Bien ? Et si, chaque jour, il luttait contre l’inévitable ? Et si Ârès n’était qu’un aperçu de son avenir, qu’importe le temps et l’époque ? Elle se souvenait des deux femmes. Ses deux sœurs. La nécessité des deux conceptions inhérentes à leurs étreintes. Cet inceste ne la dégoûtait pas : pour Jun, celui-ci était normal. Pour elle aussi. Ce n’était qu’une continuité. Le destin, la porte à ouvrir, le poids du devoir. Les miracles ne sont faits que pour les idiots. J’espérais que tu comprendrais. La phrase résonna dans sa mémoire comme si elle lui avait été adressée.

Freyja avait du mal à se concentrer sur les hésitations sentimentales de l’adolescent. Il lui semblait qu’elle avait été arrachée de terre et qu’elle planait, aspirée par les profondeurs du monde, comme Jun, comme dans ce rêve. Elle ne se raccrocha difficilement à Lucius que lorsqu’il évoqua lui aussi des songes. La réalité s’éprend souvent de l’onirisme : elle l’avait compris. « Lié à moi ? » L’orange, l’odeur du blé. Elle pensa immédiatement à Dastan et son sang se glaça. Ils ne se connaissaient pas. Ils ne s’étaient jamais rencontrés. Son frère n’avait jamais quitté les terres de Bouton d’Or. Rêvait-il de Lucius et Érasme, lui aussi ? Adam avait hanté ses nuits bien avant d’entrer réellement dans sa vie. C’était possible, et improbable. Comment un Réprouvé pourrait-il se lier d’amitié avec les deux frères ? Où les rencontrerait-il ? Quand ? Qu’adviendrait-il ? Et pourquoi lui ? Pourquoi un nouveau Belegad entre les Taiji ? Son cerveau formulait des questionnements auxquels seul le temps pourrait répondre. Son vertige s’intensifia.

« Je crois que la plupart des Princesses finissent par se marier, qu’elles le veuillent ou non. » L’Immaculée ne s’entendait pas vraiment parler. Elle appartenait à un autre monde, un monde où les amours innocentes et les rêves incongrus de Lucius signifiaient plus que ce qu’ils paraissaient, un monde où la naïveté ne pouvait pas persister. Elle secoua la tête et cligna des yeux. « Mais si elle te considère simplement comme un « bon parti », je ne peux pas te conseiller de l’épouser. Même si je pense qu’il est encore un peu tôt pour ça… » Surtout, de toute évidence, Kaahl ne le laisserait pas faire. « Je suis certaine que les Sorciers peuvent tomber amoureux, Lucius, mais je ne suis pas sûre que… » Elle s’interrompit. N’était-elle qu’un « bon parti » ? La flèche de cette pensée lui transperça le cœur. Jamais elle ne l’avait envisagé ; mais son discours à Lucius trouvait un écho dans les profondeurs de son être, là où se tapissent toutes les peurs et tous les cauchemars. La nature de Kaahl était trouble. Parfois Mage Blanc, parfois Mage Noir, il oscillait entre le bien et le mal comme le métronome de droite à gauche. En rythme, le pianiste frappait l’air sur les touches, mais ce n’était pas le tempo qui décidait de l’horreur ou de la merveille : c’était l’harmonie des notes. Son palpitant se serra. Ses souvenirs défilaient ; et dans chaque fragment de mémoire, on peut trouver de quoi nourrir son doute. Cruel et insatiable, il dévore la moindre suspicion. Mais Kaahl… Elle essayait de se rappeler de ses regards et de ses gestes amoureux. Elle s’en rappelait. Magicien ou Sorcier, il l’aimait. C’était une crainte idiote. « Tu ressembles à ton père. » souffla-t-elle simplement, comme si cela pouvait répondre à toutes les questions que le jeune homme se posait. C’était une illusion : ces cinq mots soulevaient plus d’interrogations qu’ils n’en achevaient. Pourtant, pour elle, ils avaient quelque chose de rassurant. Ils signifiaient que la Lumière persistait. Elle inspira. « Je voulais juste te dire de faire attention à toi. On en rediscutera tout à l’heure, d’accord ? Je meurs de faim. Je reviens. » Elle lui adressa un sourire, puis, elle tourna les talons.


Ses pas piétinaient ses pensées. Elle ne voulait pas les entendre : néanmoins, elle ne pouvait pas échapper à la cacophonie dont elles submergeaient son esprit. Parfois, Freyja était extrêmement primaire. Comme une Bipolaire, son âme avait besoin d’habiter son corps pour en ressortir vidée de tout ce qui la consumait. L’envie de se battre la brûlait. Ses doigts fourmillaient d’impatience et chacun de ses muscles se tenait en alerte. Alors qu’elle s’éloignait du cœur du campement en toute discrétion, elle repéra un groupe de chevaliers qui braillait et s’esclaffait, un peu à l’écart. Parmi eux, certains visages correspondaient aux signalements qu’elle avait récoltés. À l’abri d’une tente et de sa magie, elle écouta. Plus tard, elle ne se rappellerait plus de la teneur de leur conversation, tant ses pensées étaient demeurées tournées vers Lucius et leur discussion. Sur l’instant, cependant, elle comprit qu’il s’agissait du groupuscule qu’elle poursuivait depuis longtemps et qui se réjouissait de ses méfaits, en partageant un butin. Ils avaient su se faire passer pour des sauveurs quand ils n’étaient que des pilleurs, des empoisonneurs, des auteurs d’enlèvements, des violeurs et parfois des tueurs. Elle relâcha sa maîtrise sur le Don des Anges, s’avança et enfla les bas instincts des individus présents. Il ne fallut guère longtemps pour que leur véritable nature ne se révélât : ils étaient violents et belliqueux. Ànemsa apparut dans la main de Freyja, et elle engagea le combat. C’était certainement idiot. Elle aurait pu les menotter à distance grâce à son contrôle du métal et les assommer un à un, au lieu de quoi elle se battait seule contre quatre hommes et femmes, à la seule force de sa hallebarde maniée par son corps.

Ce qui devait arriver arriva. Du bout de son épée, l’un des Chevaliers tailla une large plaie en travers de son visage. Le sang l’aveugla et elle fut contrainte de reculer, déboussolée. Une douleur cinglante suivit aussitôt son mouvement. « J’en attendais plus de l’Aile d’Acier ! » railla-t-il. Il lui asséna un coup de pied dans le ventre, dont la force la propulsa quelques mètres plus loin, au sol. La jeune femme voulut se retourner pour se relever, mais une quinte de toux virulente frappa sa cage thoracique et la cloua à terre. « Doit-on encore t’appeler comme ça, Ange de la Justice ? » Son ton moqueur résonnait entre les oreilles de la Belegad. Elle essaya de se relever, mais un pied écrasa brutalement son dos – celui d’une des femmes. Elle suffoqua. « Ou c’est peut-être pas toi. Y’en a combien, de tes petits copains, qui essaient de faire croire à tout le monde que les Chevaliers d’Hébé sont des truands ? » Les deux bottes du soldat apparurent dans son champ de vision. Il attrapa ses cheveux pour lui relever la tête, ce qui la fit immédiatement grimacer. Sa barbe et sa chevelure blanches faisaient ressortir la pénombre des rides de son visage. « Qu’est-ce qu’ils diront de toi, tous ces braves gens, quand ils verront que la coupable, c’était toi ? » Elle le foudroya du regard. « La Vérité, c’est comme la Justice : elle retrouve toujours son chemin. » - « Tu crois ça… » Il relâcha ses mèches brunes. « J’ai travaillé des années pour ta Justice et je ne suis pas aussi certain que toi de ses vertus. » Il la toisa, avant de lever la tête vers ses coéquipiers. Il y eut un silence. Freyja sentit son cœur battre plus vite, comme s’il cherchait à appeler la vie à lui. « Tue-la. On balancera le corps dans un ravin. »

FIN BWAHAHA
(Ou quand ton rp ne se déroule pas comme prévu...)




Message unique – 3276 mots




[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 1628 :


[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4049
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
◈ Activité : Professeur
Kaahl Paiberym
Sam 23 Oct 2021, 18:43



Mon Preux Chevalier


Note : Ce rp répond à celui de Priam.

« Si même les Sorciers jugent que l’Ordre d’Hébé est problématique… » « Les Sorciers détruiraient Amestris si leur intérêt allait dans ce sens. » « Pas tous. » Il y eut un soupir qui me fit froncer les sourcils. Judicaël s’était entretenu avec l’Ashiril qui s’était lui-même entretenu, plus tôt, avec l’Isekel. D’après le Duc Lhéasse Taiji, les rumeurs concernant les Chevaliers d’Hébé étaient on ne peut plus fondées. Le Chef des Armées en avait été lui-même témoin, sur les terres appartenant au Cœur-Vert. Malgré sa terrible réputation, il ne faisait aucun doute qu’il disait vrai, l’un des diplomates d’Avalon ayant appuyé son discours. Le flot des paroles ne cessait de se nourrir de faits divers et variés et, petit à petit, la suspicion s’éveillait. Les Magiciens aimaient raconter les choses et, parfois, il est vrai, ces choses étaient amplifiés. Cependant, je savais très bien, comme tous ceux qui se trouvaient dans cette pièce, que le problème était bel et bien réel. Hébé bafouait la Justice. Les multiples preuves qui étaient parvenus à nos services ne faisaient que le confirmer. « Que dit la Reine ? » finis-je par demander. Le silence s’installa, pesant. Un homme ouvrit la bouche mais la referma aussitôt. « Alors ? » Parce qu’il me semblait que là était le plus important. Nous parlions depuis plus de trois heures des avis des uns et des autres mais aucun de nous n’avait abordé la question. Comme toujours, le Nylmord nous révélerait les pensées de Sa Majesté. Bien sûr. « Hum. » fis-je, sentant la colère, soudainement, monter en moi. « Ouais. Personne n’en sait rien. J’ai l’impression qu’en plus d’être voilée, elle est muette. » « Florance ! » s’insurgea l'un de mes collègues. Néanmoins, j’étais têtue et, surtout, je n’avais pas ma langue dans ma poche. « Je ne fais que soulever un point. La Reine Nilsson est une très vieille personne. Il serait peut-être temps de se poser quelques questions sur la légitimité de son règne. » « La Reine n’a pas à être au cœur des problématiques du Royaume, Florance. » Je levai les yeux au ciel. Je n’étais plus une enfant, malgré mon caractère tempétueux. Cela faisait des années que je servais la Couronne. Cependant, je m’interrogeais véritablement sur les actions récentes de la Souveraine. Elle paraissait lors des banquets, faisait quelques discours par ci par là mais cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus brillé, que le peuple n’avait plus senti sa présence pleine et entière. Je savais que les Chanceliers d’Ivoire étaient ses conseillers et qu’elle était obligée de déléguer mais j’avais cette impression latente, presque instinctive, que ceux-ci se passaient le plus souvent de la consulter. Je sentais qu’il y avait un problème.

« Souviens-toi de ce que tu dois faire. » chuchota Obias, comme s’il craignait que je plantasse une dague dans le torse de Nalim Edästur. Ma langue était, certes, active mais je n’étais pas une sauvage non plus. Mes quelques années passées à Stenfek avaient dû jouer sur ma façon de voir les choses. Néanmoins, il me paraissait à présent clair qu’il valait mieux être franc et direct dans un bon nombre de situations, au lieu de tourner autour du pot pour le plaisir de l’étiquette. Je m’avançai donc en premier, constatant qu’un autre homme accompagnait le diplomate. Priam Belegad. Je lui souris, avant de reporter mon attention sur mon interlocuteur principal. Je n’étais pas sans savoir que les précédentes négociations, concernant la Terre Blanche, avaient tourné court. « Je vois. » dis-je, en croisant les bras sur mon torse. « D’après nos informations, l’Ordre d’Hébé s’acoquine de plus en plus avec le mal. Il y a quelques lunes de cela, Hébé, la Marche et les Magiciens ont collaboré par rapport à une histoire de poison autour de l’Edelweiss. Aucune trace n’a été trouvées mais nous suspectons aujourd’hui les Chevaliers d’être responsables de cette histoire pour se donner le beau rôle. » Je marquai une pause, le temps d’organiser mon discours. « Comme vous le savez, nous discutons beaucoup avec les Déchus, et également les Sorciers lorsque ceux-ci sont disposés. Il semblerait que les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé aient tenu un village entier sous leur autorité pendant plusieurs jours au Cœur-Vert, torturant psychologiquement ses habitants et violant les femmes par la même occasion. » Cette histoire me semblait folle, surtout sur sa suite. « L’Armée Noire s’est déplacée jusque là-bas et c’est la présence des Sorciers qui a alerté les Déchus. Apparemment, le Prince Noir, Érasme Salvatore s’y trouvait, accompagné d’un esclave Réprouvé d’une dizaine d’années. Impossible de remettre la main sur les deux adolescents par la suite mais cette histoire a mis en lumière le comportement répréhensible des Chevaliers qui se trouvaient sur place. » Je plaçai mes poings sur mes hanches. « Nous ne sommes pas pour une guerre ouverte mais il est évident que si les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé ne maintiennent pas la paix… » Je me permis un rire que je n'aurais pu laisser résonner dans une situation plus officielle. « Et il est évident que leurs actions laissent à désirer. » Obias me lança un regard désespéré. « Je disais donc que s’ils ne maintiennent pas la paix mais, au contraire, fomentent la guerre, personne ici ne peut les laisser continuer. Cette situation, dans laquelle nous nous trouvons, pose certaines questions concernant la confiance passée que nous avons tous pu leur accorder. Si le doute commence à poindre et si les preuves confirment la corruption dans leurs rangs, ce qui semble être le cas à bien des égards, nous pouvons décemment nous interroger sur les actions passées qu’ils ont mené contre nous et en défaveur du Bien. » Je n'hésitai pas longtemps avant de formuler mes idées. « Et je pense, par là, à l'attaque de la Terre Blanche par les Démons. » Restait que la Reine ne s’était pas positionnée. Je souris et ancrai mes yeux bleus dans ceux de Priam. « Dîtes-moi, Priam, que pensez-vous de la situation ? Est-ce que les Magiciens devraient entrer en guerre, si celle-ci se déclarait ? »


« Oui. » avouai-je, avec un sourire amusé. « Mais vous avez sans doute raison. C’est ce que je pense aussi. » avançai-je, sans le quitter du regard. Il semblait direct et, forcément, l’accent de Lumnaar’Yuvon ressortait dans les inflexions de sa voix. Peut-être que… C’était un risque à prendre mais j’étais prête à m’y engager. Pourquoi en parler à un Ange ? Sans doute parce que la plupart des Mages Blancs étaient bien trop loyaux pour oser prononcer les mots qui me brûlaient les lèvres. « La décision, cependant, ne nous appartient pas. Elle dépendra des Archimages et de l’Impératrice Blanche. » Je devais faire bonne impression devant Obias. J’attendis d’ailleurs légèrement avant de changer de sujet. « Vous venez de Lumnaar’Yuvon, n’est-ce pas ? J’aimerais m’entretenir avec vous sur quelques sujets concernant les Réprouvés, en privé. » Je souris à Obias. La question ne l’intéressait pas spécifiquement. Il n’avait jamais travaillé avec eux. Son office se limitait à nos voisins proches.

Comme il ne semblait pas y voir d’inconvénients, je m’éloignai en compagnie de Priam, vers des coins reculés et sombres de l’endroit, à bonne distance des deux hommes, pour qu’ils n’entendissent pas la conversation. Je ne m’arrêtai pas. Les sous-sols étaient étendus. Des galeries succédaient à d’autres. « Beaucoup de diplomates m’en voudraient de vous tenir de tels propos mais je suis intimement convaincue que l’Impératrice Blanche n’est plus capable de régner, ce qui rend notre gouvernement frileux quant à toute décision qui pourrait impliquer un risque. » Je le fixai. « J’ai vu cette femme durant ses années glorieuses. Elle a eu beaucoup de mal à s’habituer à la Couronne d’après mes grands-parents mais elle s’est montrée intraitable envers les Sorciers qui avaient annexé les Terres du Lac Bleu. Elle n’a pas hésité à prendre position dans des affaires épineuses. Ses histoires de cœur ont souvent fait débat et défrayé la chronique mais je crois que, fondamentalement, elle a toujours fait ce qu’il y avait de mieux pour les siens. Elle a aidé votre peuple. » Je savais que les Anges n’avaient pas oublié. Pourtant, c’était là l’une des dernières décisions importantes que l’on pouvait lui attribuer. Depuis, l’Impératrice Blanche était comme absente, une figure qui apparaissait dans les cérémonies mais qui disparaissait bien vite. « Mais force est de constater que cette femme semble aujourd’hui ne plus pouvoir porter sa couronne. » J’avais lu un livre il y a peu, écrit par un théoricien politique. « Un auteur que j’aime beaucoup, pour la finesse de son analyse, l’a décrite comme brisée dans l’un de ses livres. À force de subir les trahisons répétitives, que cela soit sur le plan personnel ou sur le plan royal, notamment avec la présence de Sorciers dans son gouvernement, elle aurait fini par se consumer totalement. D'après lui, elle s'est toujours sentie seule et la prise de distance de ses rares amis, comme Raeden Liddell par exemple, mêlée à son âge avancé, n'ont fait que la plonger dans un désespoir certain. Et, bien entendu, pendant ce temps, les Ætheri demeurent silencieux. » Les Zaahin, peut-être, étaient-ils mieux, plus palpables, plus clairs dans leurs volontés ? « C’est la raison pour laquelle je ne sais pas si nous entrerons en guerre. Alistair Vaughan l’autorisera peut-être mais il semble que les décisions n’appartiennent plus à Sa Majesté et… Croyez-moi, le peuple aime sa Reine. Elle est au pouvoir depuis bien longtemps et les Mages Blancs vivent très bien. Pourtant, le rapprochement avec les Sorciers, entre autres, questionne certains. Le peuple s’inquiète de ne plus la voir autant qu’auparavant. En devenant sacrée, elle est devenue invisible. C’est la raison pour laquelle je pense qu’un changement de tête couronnée s’opérera bientôt, malgré le déni ambiant. Ne reste plus qu’à trouver le meilleur candidat possible pour le rôle. » Je marquai une pause, sans le quitter des yeux. « Si je vous en parle, c’est avant tout parce que les Magiciens sont vos alliés, mais également parce que nous représentons une puissance non négligeable dans de nombreux domaines. En fonction de celui ou celle qui sera choisi, la donne pourra changer. » J’étais réellement convaincue que ce n’était qu’une question de temps et d’opportunité. J’ignorais que la prise du trône se ferait d’une façon moins pacifique que ce que j’avais imaginé. J’étais peut-être imprudente de parler de mes doutes et de mes croyances avec un dignitaire étranger mais Priam me semblait familier. Il avait un quelque chose qui m’inspirait confiance. « Je suppose que vous demander une opinion serait trop osé ? Surtout pour un extérieur. » Il n’avait sans doute pas remarqué cette absence politique, surtout que l’Impératrice Blanche avait été présente au bal organisé sur Lagherta, comme si de rien n'était.

1710 mots
Fin
Comme c'est un PNJ, je ne vais pas prendre de gains donc, à part si tu as besoin d'une dernière réponse, je m'arrête là  [Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 943930617

Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38028-kaahl-paiberym-elia
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 03/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Jeu 28 Oct 2021, 04:53


Crédit : Inconnu.

À Arcadia.

Nous tournons en rond. Ce voyage est décidément une perte de temps. L’Olori Galadhras échappa un soupir, tandis que son homologue, plus tranchant, continuait de batailler bec et ongles contre la décision du Conseil.

« Sauf votre respect. Son inflexion, cette fois, avait pris des accents plus graves et perçants, le bleu clair, presque cyan, de son regard toisant un à un les visages des membres présents du Conseil des Sages. Cette mascarade a assez duré. Nous vous avons écouté, nous vous avons fait confiance malgré les voix qui s’élevaient – et continuent de s’élever – contre vous, ne serait-ce que par considération et pour honorer nos collaborations du passé. Vous nous avez aidé en offrant eau et pain aux mille Anges qui nous ont été ramenés de la Terre Blanche. Vous nous avez aidé à repousser les Démons sur notre ancienne terre lorsqu’il a fallu s’associer aux Sorciers afin de récupérer et sauver les esclaves qui y croupissaient. Vous avez même accepté d’en héberger près de la moitié au sein de votre capitale… Le blond marqua une pause, ses jointures blanchissant à la pression qu’exerçait ses doigts dans son poing. Par vos actions et vos nombreuses interventions auprès des Nations, votre Empire a su prouver au reste du monde qu’elle saurait devenir le prochain pilier pour soutenir et maintenir la Paix. Nous sommes de ceux qui ont bénéficié de votre appui et pour cela, nous vous sommes reconnaissants. Momentanément, pourtant, sa main dissimula les traits de son faciès. C’est également pour cette raison qu’il a été d’autant plus difficile de concevoir et d’entretenir les doutes à votre égard. Si son timbre s’était discrètement adouci aux réminiscences d’autrefois, il inspira un nouveau souffle, enhardi par l’impatience et l’exaspération : le présent lui demandait de rester ferme afin de découvrir ce qui se tramait véritablement entre les murs d’Arcadia. Cependant, le silence qui a répondu à nos lettres et, désormais, votre refus à accepter notre requête, ne font qu’alourdir davantage votre culpabilité à nos yeux. Et, comme de fait, il ancra ses pupilles sur le porte-parole du Conseil. Que se passe-t-il, Hébé? Qu’est-ce que tout cela veut dire? Êtes-vous sérieusement les perpétrateurs de tout ces sévices et autres préjudices dont les peuples vous accusent désormais? »

À ces mots, le Sage baissa tranquillement la tête vers l’avant, comme pour réfléchir à ses prochains propos.

« Je pense pouvoir parler pour chacun de mes collègues si présents, en vous remerciant de la confiance que vous nous avez accordé pendant tout ce temps, déclara-t-il avant de reporter l’iridescence de ses pupilles dans la flamme brûlante qui emprisonnait le céruléen de ses prunelles. Cependant, nous sommes dépités de constater que cette confiance longuement bâtie puisse s’effriter aussi rapidement.

- Vous ne pouvez que vous blâmer. »

Se redressant légèrement, l’Olori Galadhras posa, à son tour, ses yeux d’ambre contre le faciès de son homologue Chevalier. Amélie Miklan avait accompagné son collègue depuis la Citadelle Doka jusqu’ici, à Arcadia, lorsqu’elle avait appris que les communications avec l’Ordre d’Hébé restaient stériles. Lorsque les premières rumeurs furent portées jusqu’aux oreilles des dignitaires, les Anges venaient tout juste de recevoir une missive de l’Ordre. Dans une lettre brève et indignée, il leur avait assuré que ces on-dit n’étaient que diffamations pour les nuire et les rabaisser. Alors que leur organisation prenait de l’ampleur, gagnait en importance et autorité, les Chevaliers prétextaient que tous ces crimes avaient été perpétrés par leurs ennemis, que ceux-ci souhaitaient les détruire en tournant le reste des Nations et leurs principaux alliés contre eux. À ces mots, les Anges leur avaient accordé le bénéfice du doute. Les rumeurs étaient naissantes et plusieurs, de toute façon, croyaient qu’il s’agissait d’actions malignes de la part de groupes isolés. Ils croyaient que l’Ordre d’Hébé feraient rapidement taire ces détracteurs. Mais plus les jours avançaient, et plus les nouvelles se ternissaient. Sous le poids des témoignages, le gouvernement avait tenté de reprendre contact avec les Chevaliers, ne serait-ce que pour connaître la situation. Toutefois, plus les jours avançaient, et plus la réponse d’Arcadia se faisait attendre. La situation ne s’améliorait pas, loin de leurs fortifications. On commençait à leur tourner le dos, on commençait à ne plus croire en leur dignité et propos. Dans cette tempête de plus en plus vorace, de plus en plus bruyante, des clameurs chantaient que le glas sonnerait bientôt pour tous ces simulacres qui avaient troqué leur cuirasse d’argent et d’or pour une armure de plomb.

« Nous ne savons pas ce qui se trame ici, entre les murs de votre citadelle, mais ailleurs, les vôtres ne cessent d’étendre le chaos là où ils passent. Depuis combien de temps cela dure, exactement? Pourquoi laissez-vous ces scélérats faire comme bon leur semble? Je veux bien croire à deux ou trois actions réalisées par des groupes isolés, peut-être bien par de véritables Chevaliers ou qui ont prétendus l’être, mais maintenant, il n’est plus question de cela, nous avons passé depuis bien longtemps ce cap de pensée. Ces criminels sèment la terreur, et cela, en se parant de VOS armures, en dégainant VOS épées, en portant VOTRE parole pour justifier leurs agissements. Comment est-il possible de distinguer le vrai du faux désormais? Qui sont les véritables Chevaliers, au milieu de tous ces escrocs? Ses paupières se refermèrent brièvement. Nous nous serions attendus à des sanctions de votre part pour que cesse toute cette confusion, mais qu’avez-vous fait jusqu’à présent, si ce n’est vous cachez dans cette forteresse? »

À ses côtés, le commissaire militaire renchérit :

« C’est à croire que vous ne chercher pas à les arrêter… »

Cette fois, cependant, le Sage sursauta, un tremblement le parcourant intégralement.

« Avec tout le respect que je vous dois, paraphrasa le Chevalier d’Arcadia, sachez que le Conseil n’acceptera aucun affront de votre part sur son terrioire. Nous pouvons comprendre vos doutes, mais cela ne vous permet pas de nous attaquer et d’offenser de la sorte le bienfondé de nos principes. »

Sa pupille s’était éclairée, violemment, actionnant le redressement de ses épaules, la suspension hautaine de son menton. Son regard s’arrêta alors sur le visage des Immaculés, aussi lourd qu’insulté, et il ne fût pas le seul, une chambre presque complète de dignitaires les toisant depuis leur siège. Pour les Olori, il leur fallu maintenir tout leur sang-froid pour ne pas le reprendre d’un ton vindicatif et froid.

« Nous sommes parfaitement conscients de ce qui se passent de l’autre côté de ces murs et nous mettons tout en place pour que cela cesse le plus rapidement possible. Nous avons déjà engagé la majorité de nos effectifs pour poursuivre ceux et celles qui ont attenté à notre intégrité, mais peu importe nos efforts, le désordre continue de croître et de s’étendre… Croyez-nous ou non – nous n’avons qu’une parole – mais nous faisons véritablement tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre un terme à cette histoire, et condamner tous ces préjudices qui ont été faits aux autres Nations. Nous travaillons jour et nuit avec le Duc pour bannir et punir ces agissements, mais nous aussi avons nos limites… Et c’est justement pour toutes ces raisons que nous ne pouvons pas consentir à vos requêtes. Nous avons les pieds et les poings liés avec tous nos problèmes. Nous n’avons pas le temps de commencer un soudain rapatriement. »

Il était catégorique, tout autant que le Hesalà, qui reprit aussitôt la parole :

« Ce qui a été fait est fait et peu importe si vous êtes ou non impliqués dans tout cela, l’Ordre d’Hébé devra répondre de ses actes. Si vous êtes si attachés que cela à laver vos fautes, pourquoi n’avez-vous pas encore fait d’annonces officielles auprès des gouvernements? Pourquoi devons-nous nous déplacer jusqu’à vous afin de vous arracher les explications de la bouche? Son regard était dur. Si vous n’avez véritablement rien à cacher, vous vous seriez présentés devant le public pour proscrire ces agissements et demander l’aide de vos alliés pour mettre fin aux actions de tous ces détracteurs. Au lieu de quoi, vous fermez vos portes et agissez en silence. Est-ce que vous nous repoussez volontairement? Du coin de l’œil, Amélie Miklan scannait les environs, cherchant à capter les réactions des autres Sages qui se tenaient autour de la table. Dans ces circonstances, nous ne souhaitons pas laisser nos réfugiés chez vous. La tension entre vous et plusieurs Nations ne fait que grandir, jour après jour, au point qu’elle atteint aujourd’hui une hauteur démesurée. La situation est critique et nous ne savons pas à quel point celle-ci pourrait dégénérer en votre défaveur si vous continuer sur cette pente glissante. Et en partageant ces mots, il songeait aux mélodies et autres murmures qui lui étaient parvenus à propos d’un potentiel éclat qui ne saurait tarder à allumer les mèches d’une violente rébellion; un chant détonant. Nous ne voulons pas que ces braves gens soient de nouveau entraînés dans un conflit aux aboutissants meurtriers et sanglants. Ils ont suffisamment subis par le passé et méritent que nous les protégions coûte que coûte, telle est notre responsabilité. Ainsi que la vôtre. »

Durant de longues secondes, les deux hommes s’affrontèrent du regard, tous deux inflexibles et inébranlables.

« Nous n’avons pas oublié la promesse que nous leur avons fait en acceptant de les amener à Arcadia, articula lentement le Sage d’Hébé. Cependant, nous n’avons pas le temps de nous occuper de cela.

- Nous l’avons, nous, décréta la jeune femme en se permettant un pas en direction des dignitaires d’Arcadia. Tout ce qui nous manque est votre permission. C’est tout ce que nous demandons. Une fois celle-ci obtenue, nous nous occuperons nous-mêmes de leur transfert. »

Habituellement, ils travaillaient de concert avec leurs associés, comme ils le faisaient actuellement avec les Ygdraës, mais le cas de l’Ordre d’Hébé s’avérait plus… compliqué.

« Écoutez, ma Dame Galadhras, Sir Hesalà, nous remuons ciel et terre pour que ce cauchemar cesse enfin. À la surprise générale, un second dignitaire se leva de son siège pour se faire entendre. Nous sommes des victimes, nous aussi, dans cette histoire, et pourtant regardez-vous! Un par un, vous nous tournez le dos, alors que nous vous avons toujours tendu la main! Faîtes-nous confiance.

- Ce n’est pas faute d’avoir essayé! Nous vous avons demandé des explications maintes et maintes fois durant les dernières semaines et tout ce que nous avons reçu? Des silences et du mépris.

- Nous nous occuperons des détracteurs, nous parlerons avec les gouvernements et dès que la situation se sera calmée, nous pourrons discuter avec vous du rapatriement! Continuait-il, sans porter attention aux propos de l’Ange.

- Vous êtes occupés. Très bien! Mais ne rejetez pas la faute sur nous lorsque nous avons essayé de vous aider et de comprendre la situation depuis le début. Et maintenant, si les peuples ne vous font plus confiance, si les gouvernements ne vous font plus confiance, et que vous tardez à nous fournir des réponses satisfaisantes, vous êtes les seuls responsables de votre malheur. Nous nous sommes déplacés jusqu’à Arcadia parce qu’autrement, nous savions que vous auriez continué de faire la sourde oreille, peu importe le nombre de missives que nous vous aurions livré. La jeune femme ne cillait point. Et si nous nous sommes déplacés, c’est parce que nous nous sommes sentis lésés par vos décisions. Toutefois, ne pensez pas que tout le monde fera comme nous. Plusieurs se sont déjà fait une idée sur vos fameux principes et moralité, et si j’étais dans vos chaussures, je ne sais pas comment je ferais pour être encore aussi confiante et calme. »

D’où puisaient-ils cette confiance, justement? Ou n’était-ce qu’une façade pour dissimuler leur affolement intérieur, maintenant que la situation prenait une ampleur insoupçonnée?

« … Pour la dernière fois, Grands Sages d’Arcadia, permettez-nous de commencer le rapatriement de nos réfugiés. Vous savez qu’il s’agit de la meilleure option pour les protéger. »

Un silence, plus lourd que tous les précédents, les opprima soudainement. Les Sages d’Hébé se consultèrent du regard, longuement, très longuement, la rumeur des chuchotements berçant l’intérieur de la salle pendant un certain temps. La tension qui flottait dans l’air était palpable, les deux Olori pouvant sentir des piqûres leur brûler le visage et la nuque. Pourtant, ils restaient droits et intransigeants. Ils n’avaient pas à se sentir mal pour l’Ordre d’Hébé. Celui-ci récoltait ce qu’il avait semé. Cependant, une angoisse silencieuse leur tordait l’estomac, alors qu’ils patientaient, attendant le verdict final. Pourquoi les Chevaliers persistaient à ce point à refuser leur requête? S’ils avaient accepté, et ce, des semaines en arrière, ils n’en seraient pas là, aujourd’hui, à se fixer comme des chiens de faïence. Et s’ils avaient véritablement à cœur la félicité de tous ces rescapés, qui avaient su remonter la pente depuis leur sauvetage, ils n’auraient pas blatéré pendant des heures et des heures sur le fait qu’ils « n’avaient pas le temps » pour s’occuper de leur rapatriement. Amélie et Arrys s’échangèrent une œillade en coin, au même moment que le porte-parole du Conseil se relevait. Les questions affluaient entre les deux oreilles des Olori. Pourquoi? Pourquoi? S’ils avaient véritablement à cœur le bien de ces gens, ils les remettraient immédiatement aux Ailes Blanches. Alors pourquoi? Pourquoi, même après tous ces efforts, ils n’acceptaient pas? Pour la première fois depuis le début de cette réunion, les sourcils de la jeune femme se froncèrent gravement.

« … S’il s’agit là de votre réponse finale, nous n’avons aucune raison de rester ici plus longtemps. »

Elle leur tourna le dos, son collègue à sa suite, alors qu’on leur présentait la porte de sortie. Je vois… Songea-t-elle, une fois le battant ayant claqué dans son dos. Auprès d’elle, l’Olori Hesalà lui adressa un regard en biais. Ils pensaient à la même chose. Ils ne veulent pas les faire sortir…


2 308 mots



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entre-
Invité
Invité

avatar
Jeu 28 Oct 2021, 20:54

Djinshee
Mon Preux Chevalier !
-C'est qui ces gars ?

Ils étaient trois. C'était des étrangers, ça se voyait. Même s'ils discutaient entre eux autour de leur petite table ronde et de leurs pintes de bière, ça se voyait. Dans leurs yeux, ils avaient cette étincelle de curiosité, cette manière de promener leurs mires sur le décor de la taverne et de temps en temps, leurs occupants. Derrière elle, Merserr ne répondit pas ; Valkäjh haussa les épaules. Mais puisque Djinshee ne regardait pas dans leur direction, elle ne put voir ce dernier.

-'Sais pas.

Elle continua de les scruter. La rousse était naturellement méfiante envers ceux qu’elle ne connaissait pas. C'était risquer que des inconnus viennent les emmerder sur leur territoire. Et puis, les disputes pouvaient éclater tellement vite. Les nouveaux étaient toujours un prétexte.

-Hm. Emit-elle en buvant une gorgée de son whisky. Accoudée ainsi au comptoir, elle ressemblait à une habituée. Ce qu'elle était. Avec les deux hommes, entre autres.

-On peut aller leur demander.

Djinshee se retourna, un sourcil relevé. Son ami avait toujours des suggestions bizarres comme ça. Et il restait d'un calme et d'un sérieux exemplaire. Merserr, lui, n’avait pas bougé.

-Je vais aller leur demander.

Ce qu'elle appréciait chez lui, autant que cela l'agaçait parfois, c'était sa capacité à mettre ses idées à la con à exécution. En grande spectatrice, Djinshee terminait patiemment son verre, tandis que les quatre hommes entamaient un échange. Après un canon de sourires relativement crispés, quelques lèvres se mouvèrent. Elle comprit que le mouvement de tête de Valkäjh avait vocation à la désigner et par réflexe, elle se reconcentra sur son verre une seconde lorsque les têtes se braquèrent vers elle. Putain, mais qu'est-ce qu'il foutait ? Le crissement des chaises sur le sol lui indiqua que les trois inconnus s'étaient levés. Elle en retourna à sa boisson et attendit qu'ils viennent à elle. Comme s’ils ne se connaissaient pas, Merserr avait fait de même.

-Bonjour Mademoiselle.

-Bonjour. Répondit-elle d'une voix grave, pas forcément agréable.

On lui tendit une main qu’elle ne prit pas la peine de serrer. L’inconnu ne releva pas.

-Votre ami ici présent nous a informé que vous vous questionniez sur notre présence.

Puisque la question n'en était pas vraiment une, elle ne se donna pas la peine de donner de réponse non-plus. Celui qui lui parlait était un peu plus grand qu’elle, des cheveux blond coupés court, avec un visage carré. Ses yeux bleus rieurs étaient accompagnés d’un demi-sourire serein, mais légèrement agaçant. A sa droite, le type était plus petit, avec une tignasse châtaine qui descendait jusqu’à ses épaules. De l’autre côté, le troisième était plus sombre, une expression fermée, quelques cernes et des cheveux bruns qu’il avait à peine coiffé.

-Je me permets de nous présenter, je suis Jesper. Et voici mes collègues, Gündann et Tyrel. Des Lyrienns. C’était déjà bien. Enchanté. Nous sommes des membres de l'Ordre d'Hébé et nous avons été chargés de patrouiller sur l'île. Simple astreinte, vous comprendrez que le délit est partout.

Jamais elle n’avait croisé un seul membre de cet Empire, qui pourtant s’était fait un nom. Elle qui jusqu’ici avait cru que les soucis diplomatiques de l’Archipel n’avaient intéressé personne… voilà qu’on lui affirmait le contraire. C’était plutôt positif. Même si, comme dit juste avant :

-Je n'ai jamais vu de patrouille de l'Empire ici.

-Ah ? Reprit Jesper, apparemment surpris. Pourtant, c'est chose courante.

Ses acolytes opinèrent du chef avec énergie. Il y eut un silence.

-Dans ce cas, vous avez couramment loupé ce village.

Après tant d’années, c’était quand-même ballot.

-Eh bien, j’imagine que certains collègues savent se montrer discrets. Il n'est pas forcément dans notre intérêt d'être vus. Pour notre part, c'est notre première visite ici. Ca nous permet de voir du pays.

Encore un silence. Elle n'aimait pas qu'il trouve aussi aisément des répliques. Elle ne l'aimait pas tout court.

-Vous avez trouvé des affaires par ici ?

-Pour le moment, des histoires relativement classiques pour Sülh. Des différends entre Eléments ennemis et quelques tentatives de sabotage lorsque des Lyrienns des autres îles viennent vous rendre visite. Djinshee hocha la tête pour indiquer qu'elle saisissait, même si ceux qui se mêlaient des affaires des autres étaient souvent des fouteurs de merde. Bien. Peut-être pourrions-nous vous offrir un verre, à vous et votre ami ?

Pour la première fois, elle sourit.

-Ça ne se refuse pas.

Ça ne se refusait pas.

*

La tension sur l'île augmentait progressivement. Les interactions et les comportements de chacun s'échauffaient au fur et à mesure du temps. Outre les vols de Ujë, qui expliquaient les soudaines sautes d’humeur de certains, quelques crimes étaient venus rythmer la vie des habitants. Les cambriolages avaient été suivis par le saccage d’un poulailler et l’ouverture des enclos d’une bergerie. Les villages voisins avaient vu les mêmes phénomènes se produire. Sur l’île, quelques personnes prétendument suspectes avaient été interrogées par les fameux membres d’Hébé. Faute de preuves, et sous la pression des proches, elles avaient toutes été relâchées. Et du coup, oui : personne n’avait compris pourquoi elles avaient été suspectées.

-Vous vous foutez de ma gueule ?

En sortant de chez elle ce matin, la surprise avait été de taille. Un coup d’œil vers l’attroupement au pas de la porte de sa voisine avait suffi à faire monter la température de plusieurs degrés autour d’elle. Furieuse, Djinshee avait violemment agrippé l’épaule de Gündann pour qu’il s’écartât d’Elh. Ils étaient trois à s’en prendre à la jeune femme alors qu’ils la dépassaient largement d’une à deux têtes. Celle-ci se débattait à peine, ce qui lui valut un regard contrarié de la part de son aînée. La rousse savait qu’elle ne fusionnait pas avec l’Air pour éviter d’empirer son cas, mais tout de même.

-Mademoiselle, je vais vous demander de rester en retrait. Nous nous chargeons de cette personne afin qu'elle ne cause plus de tort.

-Pardon ?

Dans un élan délibéré de provocation, la rousse fit mine de tendre l’oreille. Car c’était assurément une blague. Non ? Elle inspira. Elle avait envie de la cramer, cette bande de cons. Malheureusement, négocier et discuter était ce que faisaient les adultes matures et responsables.

-Elh vit ici depuis des années et n’a jamais causé de problème. Elle n’a pas d’intérêt à voler quoi que ce soit, ni à foutre en l’air le travail des autres.

Elh volait un peu, certes, mais aussi bizarre que cela pouvait paraitre, la démarche n’était pas si mal intentionnée. Elle ne s’en prenait pas à des biens aussi importants que ceux qui avaient disparus dernièrement. Justement parce qu’ils étaient importants. Ça les pénalisait tous.

-C'est pour cette raison que nous l'arrêtons, Mademoiselle. Pour l'interroger et comprendre ses motivations.

-Parce que vous l'inculpez directement ? S’écria Djinshee en haussant la voix. Vous avez des preuves, peut-être ?

-Entrez chez elle, vous verrez par vous-même.

La Lyrienne était bien au courant de la quantité de babioles qu’accumulait son amie. Elle ignorait d’où tout cela venait exactement, mais ces objets n’avaient généralement pas d’autres fonctions que décoratives.

-Donc vous marchez à l'intuition ? C'est ça la putain de justice que vous servez ? On n'a jamais eu de sabotage comme ça et comme par magie, depuis que vous avez débarqué, ça arrive et vous vous en prenez à la première personne qui semble avoir le profil ? Et vous osez en plus vous en prendre à une muette pour qu'elle n'ait pas les moyens de se défendre ?

Jesper s’approcha et sortit de sa poche plusieurs fioles de Ujë.

-Voilà ce que nous avons retrouvé chez elle. Sous son matelas, plus exactement. Derrière, Elh lui faisait signe que ce n’était pas vrai. Elle possède d’autres objets de valeur, mais nous laisserons à chaque ménage la liberté d’aller vérifier par eux-mêmes.

-Qui me dit que vous n’avez pas mis vous-même cette fiole chez elle ?

Jesper éclata de rire.

-Ecoutez Mademoiselle...

-Arrêtez de m'appeler comme ça.

-… Je crois que vous n’avez pas bien saisi la cause que nous servons.

S'ils continuaient à les prendre pour des cons, Djinshee allait sortir les armes. Il était hors de question que quiconque touche à son amie. Les éclats de voix avaient fini par attirer quelques villageois, qui s'étaient doucement répartis autour de la scène. La jeune femme se tourna vers eux.

-Ça ne vous fait rien, vous ?

Elle n’aimait pas parler en public ni rassembler les foules. De manière générale, elle s’adressait rarement aux gens, et probablement que ces mêmes gens la prenaient pour une fille sombre, taciturne et facilement irritable. Une personne à qui il fallait foutre la paix, en somme. Quelques personnes, celles qu’elle regarda droit dans les yeux, hochèrent la tête pour marquer leur accord. Les autres lui accordaient assez peu d’attention, car ces foutus chevaliers de pacotille étaient plus imposants qu’elle.

-Vous trouvez ça normal qu’ils apparaissent et que tout à coup un tas d’actes criminels nous tombent dessus ?

-C’est une accusation grave que vous portez, Madem-…

-Je m’en fous. Lâchez-la, elle n’y est pour rien. C’est tout.

-Elle a raison, lâchez-la.

Djinshee tourna la tête. Merserr et Valkäjh se trouvaient dans la foule. Tandis que Jesper tenait fermement Elh, Gündann et Tyrel posèrent leurs mains sur le pommeau de leur épée. Djinshee fit de même, alors le brun la prit en joute. Des exclamations retentirent dans la foule. Elh tenta d’accourir, mais on la maintint par les bras.

-Veuillez rester calmes, s’il-vous-plait. Laissez-nous procéder à l’arrestation de la coupable.

-La coupable ? Donc tout ceci est complètement arbitraire ? Demanda Valkäjh, de sorte à ce que tout le monde l’entende.

Son intervention installa un vague malaise.

-Retournez vaquer à vos activités. C’est tout ce que nous vous conseillons.

-Ou sinon ?

Ils allaient les tuer ? Ou tous les arrêter ? Ça devenait tyrannique. Les trois intervenants échangèrent un regard.

-Nous vous demandons de coopérer, c'est tout. Et tout se passera bien.

-Ce sont des menaces ? Renchérit Djinshee.

-Laissez-nous nous occuper de la coupable. Répéta Jesper.

Ils commençaient à les lui briser à ne pas répondre franchement. A côté d’elle, Gündann transpirait à grosses gouttes tant Djinshee rayonnait une fournaise. Finalement, ses cheveux prirent feu. Le soldat se recula aussitôt, échappant de peu à la défiguration. La rousse en profita pour dégainer son arme. Elle fut aussitôt rejointe par Valkäjh et Merserr.

-Elh ! Aboya ce dernier.

Celle-ci disparut dans un courant d'air pour reprendre place derrière lui.

-Nous préférerions ne pas avoir recours à la violence, alors veuillez dégager avant que quelque chose de malheureux n'arrive.

-Nous sommes ici pour vous aider, pas pour...

-Vous cherchez juste un coupable pour chercher un coupable. C'est la merde depuis que vous êtes dans le coin. Les seuls suspects, c'est vous. Nous nous sommes déjà occupés de fauteurs de trouble par le passé et si cela doit recommencer, nous le ferons encore par nous-mêmes.

Les deux groupes se défiaient du regard. Entre les doigts de Jesper grésillait un filin électrique, prêt à éclater au moindre débordement. Le Feu, l'Electricité et l'Air avaient beau s'apprécier en temps normal, l'atmosphère lourde, chargée et suffocante était particulièrement désagréable.

-Alors maintenant dites-nous. Où est le reste de la Ujë ?

-Et la selle de mon cheval ?

-Et mon matériel de forge ?

-A l’intérieur. Indiqua Tyrel.

Le forgeron s’introduisit dans l’habitation. Elh fit un pas en sa direction, puis se ravisa. Elle n’aimait pas qu’on fouille chez elle, mais mieux valait laisser aller. Deux longues minutes plus tard, il réapparut dans l’encadrement.

-Il n’y a rien. C’est où ?

-Gündann. Dit Jesper après avoir claqué sa langue contre son palais. Va lui montrer. C’est à l’arrière de la maison.

Le sombre rengaina son épée et invita le villageois à passer devant lui.

*

-Y’a rien. Déclara Eek.

Il n’était pas surpris. Ça puait la douille depuis le début, cette histoire. Ils avaient interrogé sa propre femme la veille. Mais il avait voulu s’en assurer jusqu’au bout, afin de ne pas se précipiter dans des conclusions trop hâtives et se mettre en rogne pour rien. Pas comme ces sauvages du Feu. Laisser Djinshee seule aurait pu très mal tourner.

-Alors, tu vas me…

Eek baissa les yeux vers son torse. Une large lame dépassait de l’endroit où se trouvait son cœur. Figé, il se concentrait sur la plaie, de laquelle aucune goutte de sang ne coulait. Une seconde plus tôt, le résultat aurait pu être très différent. Par le simple fait de sa volonté, le métal se tordit pour retourner dans son corps. Le forgeron prit une bouffée d’air comme s’il venait de manger un bon repas, puis se détacha de son agresseur.

-Vous êtes donc bien des escrocs…

Ses doigts s’allongèrent et s’enroulèrent avec agilité autour du corps du soldat, le ligotant fermement.

-Maintenant on va aller voir tes petits copains et vous allez nous rendre ce qui nous est dû.

Mieux valait être sage pour éviter de passer pour un meurtrier. Quand ils auraient réglé leurs comptes, ils feraient en sorte que ces soldats ne remettent plus les pieds sur l’île.


~2176 mots~

Revenir en haut Aller en bas
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 03/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Ven 29 Oct 2021, 06:17



« C’est ce bateau, là-bas, tout à notre gauche.

- Celui aux pavillons de couleur argenté?

- Exactement. Il devrait quitter le quai dans moins de deux heures. Lui échangeant un sourire, il poursuivit : Ce navire est ton ticket de sortie. Il t’amènera loin d’ici avant que les Chevaliers découvrent le pot aux roses. »

Il eut un mutisme inconfortable durant lequel les deux protagonistes n’osèrent formuler quoi que ce soit à haute voix, et c’est peut-être pour cela qu’elle avait choisi de briser le silence d’une inflexion aussi faible que vacillante.

« J-J-Je ne… Je ne pe-peux pas… »

Le regard de son interlocuteur la toisa alors sévèrement.

« Qu’est-ce que tu me racontes, maintenant? Tu dois partir d’ici ou tu ne reverras plus jamais la lumière du jour. Peut-être même que tu ne reverras plus rien du tout s’ils te mettent la main dessus. »

À cette simple idée, son corps fut assailli d’une secousse agressive. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de douter, effrayée.

« Je suis… désolée… Elle voulut échapper au poids de ses pupilles, le visage baissé, le regard embrassant l’herbe sous ses pieds, mais l’éloigner n’éclipsait en aucun cas la morsure qui se frictionnait contre la peau de sa nuque. Même après tout ce que tu as fait pour moi, je n’y arrive pas. Et s’il y a-avait des Chevaliers à bord du vaisseau?! Qu’est-ce que je vais faire si on me coince? I-Ils me renverront à Arcadia et je…! »

Coupant court à ses inquiétudes, il engloba ses épaules de ses mains, forçant leurs iris à prendre contact, à s’agripper les uns aux autres.

« Suis le plan et tout ira bien. Tu as ma parole que tout ira bien, répéta-t-il avec une conviction inébranlable. Si cette idée avait pu mettre ta vie en danger, crois-moi que je n’y aurais pas pensé en premier lieu.

- … Es-tu certain que ça marchera? Qu’ils m’écouteront?

- Je… Pour la première fois, il hésita durant une fraction de seconde. Je ne peux pas t’assurer que ceux qui voyageront à bord de ce vaisseau t’écouteront à coup sûr. Je ne leur ai jamais adressé la parole auparavant, alors… j’en sais trop rien. Seulement, avant que l’anxiété ne reprenne ses assauts contre sa lucidité, il renchérit rapidement : Mais je sais qu’en entendant ton histoire, ils n’auront pas d’autres choix que de te tendre l’oreille. Après quoi, ils feront certainement appel à cet homme.

- L’Imperio Vaughan…

- Rappelle-toi de ce nom, parce qu’en dernier recours, il sera peut-être le seul à pouvoir t’aider une fois là-bas. Remarquant une soudaine agitation non loin des quais, les deux personnages se recroquevillèrent plus encore dans leur cachette, à l’abri des yeux et des oreilles indiscrets. C’est notre signal… Va falloir qu’on y aille, avant que les dignitaires et leurs gardes du corps se pointent. Lui ébouriffant sagement les cheveux, il voulut, par ce geste, lui insuffler un peu de cette confiance qui lui manquait. Et n’oublie pas de lui dire ceci lorsque tu le croiseras : c’est le Chasseur au visage fissuré qui t’envoie. Maintenant, allons-y. C’est notre dernière chance de pouvoir te faire entrer dans ce navire. »

Elle acquiesça en silence, malgré les quelques interrogations et les nombreuses appréhensions qui martelaient son crâne. Violente, elle se pinça férocement la lèvre inférieure, s’obligeant à reprendre du poil de la bête. Parce qu’elle savait que les prochaines minutes seraient cruciales, elle ne pouvait se permettre de tergiverser sur les propos de son sauveur. Mais quand même… Visage fissuré, visage fissuré. Monsieur Geeta n’avait en rien un visage lacéré, encore moins fissuré : sa peau était aussi lisse que les fesses d’un bébé. Alors il ne s’agissait peut-être que d’un code entre lui et ce fameux Imperio Vaughan.




Quelques jours plus tard, à la Citadelle Doka.

En relâchant une bruyante respiration, l’Orine déposa avec grand soulagement la boîte qu’elle transportait dans ses bras. Ce n’est pourtant qu’en se redressant, lorsqu’elle crut nécessaire d’étirer tous ses muscles, qu’elle remarqua ma présence, non loin d’un coffre ouvert. Tranquillement, je vidais le contenu de celui-ci, disposant en silence les différents items que je recueillais au creux de ma main. Les livres étaient alors aussitôt acheminés jusqu’aux étagères de la bibliothèque, le service de table était soigneusement rangé dans les tiroirs de la salle à manger, les quelques plantes que mon frère s’était permis d’acheter furent intelligemment disposées devant les entrées de lumière, tandis que les différents accessoires des mobiliers furent ordonnés de sorte à s’agencer à l’aménagement des pièces de l’appartement. En voyant la nette progression du déménagement, le sourire de l’Orine se raffermit à ses lippes.

« Il reste encore une caisse à l’extérieur, et je n’ai plus la force de transporter quoi que ce soit. En relevant les yeux, je constatais qu’elle venait de se rapprocher de ma position, ses doigts caressant distraitement les feuilles de la plante que je venais tout juste de suspendre. Je n’aurais jamais cru que nous aurions pu accumuler autant d’objets en si peu de temps. C’est aussi incroyable qu’effrayant!

- Si peu de temps? Je me redressais, quelques instruments de cuisine sous les bras. Vous êtes chez moi depuis votre retour des explorations et cela, ce n’est pas « il y a si peu de temps. »

Comme attendu, l’Orine se mit à rire avec douceur, me suivant jusque dans la cuisine pour me regarder ranger les casseroles dans l’armoire.

« Dans ce cas, c’est que le temps a passé bien vite! Son sourire irradiait de mille éclats, transposition physique de son état. Est-ce que c’est vraiment là que doivent se trouver ces instruments? »

J’acquiesçais d’un discret mouvement de la tête.

« Oui, pour le moment. Si Isley veut changer quelque chose, il le fera à son retour. »

En compagnie de Dame Sunano, mon frère s’était éclipsé afin de rejoindre le centre des marchés de la Citadelle Doka, sur les Terres d’Iyora, pour s’acheter un tapis et une tête de lit pour sa nouvelle chambre. L’Orine et l’Ange étaient partis à la première heure du matin afin de pouvoir non seulement trouver les fournitures nécessaires à mon jumeau, mais également pour faire visiter les lieux à notre invitée. C’est pourquoi, en leur absence, que Ren et moi avions proposé au nouveau propriétaire de l’aider à compléter son déménagement en transférant les dernières boîtes sous son futur toit. Maintenant devenu instructeur pour le compte de l’Armée Céleste, mon frère avait décidé de marquer le coup par cette nouvelle acquisition. À cette réflexion, je fus surpris par le soulagement que je sentis m’agripper, mais en même temps, les raisons d’une telle impression n’était pas bien difficile à deviner. Isley avait véritablement changé. Il reprenait les rênes de sa vie et l’apercevoir de mes propres yeux me rendaient, somme toute, assez fier de lui.

« Et toi, as-tu finalement choisis où tu aménageras? »

La question parut l’étonner, son visage se soulevant promptement, et le rouge coloriant délicatement la peau de ses joues.

« J-Je… Eh bien, je ne suis pas encore sûre… J’aimerais surtout connaître l’avis de Wakiya avant de décider.

- Ah? Tu comptes rester ou déménager en fonction de son choix? »

J’étais sincèrement curieux. Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, j’étais persuadé qu’elles finiraient toutes deux par partir chez Isley. Je ne pensais pas l’effrayer, mais Dame Sunano ne semblait pas être très à l’aise en ma présence, comparativement à mon frère ou à Muramasa, avec qui elle avait établi et forgé un véritable lien d’amitié. Puis, si je peux me permettre de vous partager mon opinion, plus ils étaient loin de moi, mieux ce serait pour eux… Les Orishas nous l’avaient bien expliqué, lorsque nous étions revenus du thé, organisé par la Marquise Leenhardt et son fiancé : la créature qui me suivait restait peut-être silencieuse parce que, justement, j’étais constamment sur mes gardes, ne lui laissant aucune opportunité pour frapper. Dans ces conditions, ils leur étaient alors impossible de l’attraper si elle décidait de ne pas se montrer. Ils m’avaient alors conseillé de relâcher un peu ma vigilance, ne serait-ce qu’en apparence, afin de la leurrer : ainsi, peut-être choisirait-elle enfin de réapparaître sous notre nez… Mais à ce plan, une nouvelle réflexion avait émergé dans ma conscience. Cette ruse, finalement, ne pouvait-elle pas être à double tranchant? Si ma vigilance, seule, parvenait à l’éloigner de moi et de ceux qui m’entouraient, alors qu’arriverait-il si je choisissais de baisser ma garde, encore une fois? Viendrait-elle seulement à moi?

« J’aimerais ne pas la laisser tomber, souffla la rousse, m’arrachant à mes distractions. Puis, elle est ma imōto. »

Intrigué, je l’observais un instant, imitant consciencieusement son accent :

« I… Imōto?

- Oui. Ça veut dire « petite sœur » en Niseis. Chez les Orines, il s’agit également d’un terme qui désigne une amie proche, plus jeune que soit. Cette expression était un peu l’équivalent du mot Iraẹ en Naciaze. Bref, j’aimerais simplement connaître son avis avant de décider. »

J’hochais de la tête sans insister davantage. Elle savait certainement ce qui était le mieux pour son amie. Après tout, Dame Sunano n’était plus cette enfant que nous avions récupérée, en larmes, durant le festival d’Aïkisu. Elle avait pris en confiance et en assurance, et si Muramasa souhaitait connaître son choix, elle le faisait d’abord par respect envers leur amitié, afin que la brunette ne se sente pas lésée par sa décision.

« Je vais monter la dernière caisse. »

Pensive, Ren me fit simplement signe du menton, me regardant disparaître derrière la porte. Mes réflexions sur le monstre lui étaient également parvenues, par bribes décousues. Elle l’admettait : il s’agissait également d’un problème que nous devions considérer. Elle songeait à m’en parler lorsque je reviendrais, mais après un certain temps, la porte ne s’était toujours pas ouverte. Un trouble intrigué la gagna progressivement et ce ne fût que quand elle termina de ranger les draps qu’elle s’engagea sur mes pas pour se diriger à l’extérieur. En une fraction de seconde, elle comprit que quelque chose était survenu : là, à quelques centimètres seulement de l’entrée, se trouvait la caisse que j’aurais dû ramener.

« Isiode? »

À l’entente de mon nom, j’interpellais aussitôt Muramasa par la pensée, lui indiquant où nous nous trouvions. Puis, je reportais le bleu de mes yeux sur la jeune femme devant moi, qui continuait de sourire, aussi agréable que sereine.

« Est-ce que l’on vient de vous appeler? Votre femme peut-être? Elle apprécierait certainement quelques fleurs de vot–

- Non, une Orine, la coupais-je sans que les traits de mon visage ne changent d’expression.

- Ah! Hum… Je vois. »

Et au même instant, la chevelure enflammée de la Muse apparut au coin du bâtiment.

« Qu’est-ce que tu fais? Il reste encore une boîte à… Elle remarqua rapidement la présence de la demoiselle à mes côtés. Excusez-moi, je ne pensais pas que vous étiez en pleine conversation. Je vous ai interrompu, n’est-ce pas? Scrutant attentivement la jeune femme, Muramasa ne reprit parole qu’après un court silence. Une amie à toi?

- Non, une fleuriste. »

D’un doigt, je lui présentais le panier rempli de bouquet qu’elle tenait à son bras.

« Je me nomme Alizée Stregh, voyageuse et fleuriste. Si Muramasa rehaussa un sourcil, naturellement intéressée par les dires de la nomade, je restais moi-même parfaitement stoïque, laissant plutôt la parole à la Stregh, qui ne semblait avoir terminé sa palabre. Veuillez m’excuser de l’avoir ainsi accaparé, mais j’avais dans l’espoir que vous pourriez m’acheter quelques fleurs afin de financer mon prochain voyage. »

De fait, elle présenta son panier d’osier, attirant l’œil de l’Orine.

« Qu’est-ce que tu en penses? S’amusa la rousse en se redressant légèrement.

- Je ne suis pas vraiment intéressé.

- Nous pourrions en acheter quelques-unes pour féliciter Isley. »

Comme toute réponse, je soulevais simplement mes épaules. Je n’étais pas certain de la réaction de mon frère, s’il apprenait que je lui offrais des fleurs… Pourtant, je savais qu’intérieurement, Muramasa apprécierait s’en procurer afin de les lui donner.

« C’est combien? »

Elle énonça le prix, la gaieté sautillant sur les notes de sa voix, comme le chant satisfait d’un oiseau au printemps.

« On devrait également en acheter pour Waki. »

Bonne idée. Mécaniquement, j’allais chercher un peu plus de monnaies dans mes poches, remettant ensuite la totalité du paiement dans le creux de sa paume. Lorsque j’avançais ma main vers le bouquet qu’elle me tendait, cependant, mon poing n’entoura jamais les tiges, se suspendant à quelques millimètres seulement des plantes décoratives.

« Est-ce qu’il y a quelque chose qui ne vous convient pas? »

Je la scrutais attentivement, sans piper mot durant plusieurs secondes, et concédais finalement à me défaire du mutisme dans lequel je m’étais paré quand je me fus assuré de mon impression.

« C’est étrange. Vous parlez avec tant de joie et d’ingénuité avec votre voix, alors que votre cœur rigole de malice au fond de votre poitrine. »

Tranquillement, je me redressais, croisant le violet verdoyant de ses yeux. Sur le coin de sa bouche, son sourire trembla, mais elle reprit rapidement contenance avec une tendresse et une gentillesse étonnamment sincère.

« De quoi parlez-vous? »

À nos côtés, Muramasa observait la scène, interdite et silencieuse. Avait-elle perçu le fil de mes pensées? Si c’était bel et bien le cas, elle devait déjà être en train de communiquer avec les Transmetteurs les plus près de la zone pour que ces derniers fassent parvenir son message aux Soldats du Kērosa.

« Je parle de votre cœur, lui répondis-je sur le même ton, neutre et égal. Il bat très fort actuellement… De plus en plus fort maintenant. Est-ce que vous paniquez? Il semblerait, oui. Vous vous affolez, n’est-ce pas? Parce que je peux entendre la voix de votre palpitant. »

La jeune femme esquissa un mouvement de recul, ayant complètement perdu son sourire cette fois, mais avant qu’elle ne puisse en réaliser un second, elle fut soudainement freinée par une Armure Enchantée. Le froid de la cuirasse magique la figea instantanément, tandis que devant elle, le bleu électrique de mes yeux s’enfonça dans ses pupilles comme les serres d’un rapace qui étouffent le corps encore chaud de sa proie.

« Vous ne vendez pas simplement des fleurs pour financer votre tour à travers le monde, je me trompe? Je me penchais au-dessus de son visage, plus attentif aux battements de son cœur qu’au maintien, fragile, des lignes de son faciès. Pourquoi êtes-vous ici?

- Je vends des fleurs, monsieur, chuchota-t-elle, les trémolos de sa voix inspirant l’effroi et l’émoi quand bien même son cœur, doucement, reprenait un rythme plus régulier, comme si l’étonnement désormais passé lui permettait de mieux se concentrer et d’anticiper les prochains gestes à poser. Arrêtez cela, maintenant. Vous me faîtes peur… »

Autour de nous, la rumeur des commérages gonfla. Elle grossissait et s’amplifiait plus le nombre de personnes autour de nous escaladait. Pourtant, c’était bien le dernier de mes soucis. Ce que je désirais, c’était de l’entendre de sa bouche.

« Pourquoi êtes-vous ici? »

Mon ton était sans appel, ma Magie lui empoignant la gorge, déliant brusquement les nœuds qui retenaient sa langue jusqu’ici.

« J’ai été mandatée pour surveiller les agissements des Anges à la suite de l’échec des négociations entre les Chevaliers d’Arcadia et les Ailes Blanches. Puis, par le biais des fleurs, j’espérais pouvoir en faire mes or-oreilles e-et récol...ter le plus d'informa...tions… possi... »

Entendre sa propre voix dévoiler aussi aisément le but de sa mission lui jeta de l’eau glaciale à la figure. Complètement, cette fois, son corps refusa de réagir. Elle se paralysa, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, choquée.

« Quoi? Qu’est-ce qu’elle a dit?

- Qu’est-ce qui se passe?

- C’est une Chevalière de l’Ordre d’Hébé?

- Elle vient de dire qu’elle nous espionne?

- Mais qu’est-ce qui se passe? Pourquoi le Capitaine Yüerell l’interroge? »

Et continua ainsi le brouhaha ambiant, jusqu’à ce que les premiers Soldats de la police militaire trouvassent chemin jusqu’à nous. Non loin, observant tout cela depuis un toit, le Dévoué étudiait son spécimen en silence, attentif, afin de mieux comprendre celui sur qui il avait parié.


2 717 mots

Isiode utilise les pouvoirs suivants :
- Sensum : pouvoir permettant à l'utilisateur de ressentir les sentiments d'autrui, que ce soit sa souffrance, sa peur, sa colère, voire sa tristesse. Il les éprouvera plus ou moins fortement, tout dépendant de sa Force et de sa Magie.
- Confession : capacité d’obtenir la vérité à une question posée, ou qu’une personne admette avoir commis un péché envers un autre [utilisable une fois par RP].




It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entre-
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 03/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Sam 30 Oct 2021, 05:50



À la Citadelle Doka.

Ouvrant la porte en trombe, je tombais directement sur les visages de mon frère et de l’Imperio Vaughan. Leur expression s’était légèrement altérée à mon apparition, passant de la surprise à la curiosité. Tous deux avaient perçus le tambourinement de ma course de l’autre côté de la pièce, bien avant que je ne fasse mon entrée, mais le temps qu’ils enregistrent et s’interrogent sur l’information, le battant s’était déjà ouvert en grand, violemment et brusquement, interrompant leur conversation.

« Isley? »

Un sourcil relevé, mon jumeau m’observait tranquillement. Freinant mon pas une fois à leur hauteur, je me pliais en deux afin de reprendre ma respiration. J’avais couru aussi vite que j’avais pu, dès que la nouvelle m’était parvenue. Laissant filtrer l’air de mes poumons, je m’exclamais soudainement :

« Qu’est-ce qui s’est passé? Pourquoi as-tu été arrêté?! »

Mon pouls frappait, affolé, le fond de ma poitrine, alors que mon cerveau cherchait à trouver des explications pouvant répondre à toutes mes interroga… Pourquoi me regardaient-ils comme ça? L’Imperio Vaughan se permettait même un sourire à mon endroit. Confus, je les dévisageais sans comprendre, passant mes pupilles de l’un à l’autre.

« Est-ce vraiment ce qui se dit dans les rues? »

Isiode soupira, le brun à ses côtés lui promettant que le malentendu serait rapidement résolu.

« A-Alors tu n’as pas vraiment été arrêté par le Kērosa? On me le confirma d’un hochement de la tête, la pression qui pesait sur mes épaules se libérant brutalement : aussitôt, il me sembla que respirer se faisait plus facilement. Bon sang, je me suis précipité comme un fou en apprenant que la police militaire t’avait amené. »

Avant que tout cela se produise, j’étais en train de guider Wakiya au sein de la Citadelle pour lui montrer les échoppes et les quartiers d’envergure de la cité. Nous venions tout juste de passer devant l’une des embrasures de la clinique de Dame Nawen Lemingway, en plein cœur de la cité-mère de la Citadelle – Nisāria – lorsqu’un premier piéton nous avait accosté. Visiblement curieux, il nous avait demandé de but-en-blanc si nous avions une idée des raisons qui avaient conduit le Capitaine Yüerell à être interpellé par le Kērosa. Wakiya et moi n’avions rien compris à ce qu’il nous racontait au tout début, le questionnant à notre tour afin d’avoir quelques éclaircissements. Cependant, plus il nous relatait ce qu’il avait entraperçu, plus l’image de son récit se concrétisait dans nos esprits, et plus la nervosité avait enserré mes tripes. De la bouche de ce spectateur fortuit, c’était comme si Isiode avait menacé cette jeune fleuriste, dont les rumeurs hésitaient entre son statut de victime et celui d’espion. Bien vite, Wakiya et moi avions abandonné notre petit tour guidé pour nous séparer : la Fille des Arts était retournée à mon appartement, dans l’intention de rejoindre Muramasa, restée là-bas – si j’en déduisais l’histoire que l’on m’avait conté – tandis que j’avais orienté ma course jusqu’au bâtiment officiel de la police.

« Dans ce cas, qu’est-ce qui est arrivé? »

À son tour, mon frère me présenta sa version des faits et quand je l’entendis, je fus aussitôt surpris de constater des nombreuses différences qui existaient entre son histoire et celle qui m’avait été exposée par cet inconnu. Je soupirais. Au moins, Wakiya avait certainement dû entendre le véritable récit de la bouche de Ren à l’heure qu’il est.

« Dame Stregh est actuellement interrogée par les militaires du Kērosa tandis que mes hommes cherchent tout ce qu’ils peuvent trouver afin d’obtenir un maximum de preuves matérielles contre elle. Dans l’optique où elle et les Chevaliers d’Hébé nient toute implication, nous serons prêts à leur prouver le contraire », corrobora l’officier.

La Magie, dans ce processus, était alors d’un grand soutien pour soutirer les renseignements désirés. Toutefois, si elle était bel et bien une espionne, les Anges savaient également qu’il leur faudrait employer tous les moyens nécessaires pour briser ses défenses et lui faire comprendre qu’elle se trouvait désormais au pied du mur. Si elle était véritablement une espionne, il serait tout de même difficile de la faire collaborer, peu importe ce qu’avait réalisé mon frère là-bas. Elle pouvait toujours dire que nous l’avions manipulé ou que nous voulions en faire notre moyen de pression contre l’Ordre afin que ce dernier accepte ce que nous lui demandions depuis tout ce temps. Enfin… J’hypothétisais sur des scénarios en ajoutant des « si » et des « peut-être » à toutes ces conjectures, alors que devant moi, l’officier semblait pourtant déjà la condamner. Sa manière de parler me le faisait supposer du moins : c’était comme s’il était parfaitement au courant de qui elle était vraiment. Peut-être avait-il déjà eu accès à son esprit? Peut-être était-ce son instinct, affûté par l’expérience des années, qui le lui chuchotait? Dans tous les cas, le Maître de Bataillon savait que ses pressentiments, seuls, ne représentaient aucune preuve. Il devait trouver quelque chose de plus concret, palpable. Et il allait le trouver. Il trouvait toujours.

« Et pourquoi êtes-vous ici, Imperio? »

Ma question sembla l’étonner une seconde, mais il comprit rapidement qu’elle était justifiée. Habituellement, il ne se déplaçait pas pour ce genre d’interventions, du moins, pas aussi tôt dans l’opération. Pourtant, il semblait déjà avoir pris en main l’affaire de cette jeune femme.

« Je suis ici à cause d’elle. »

D’un geste flegmatique, l’Immaculé tourna son index vers l’un des coins de la pièce et, par instinct, je suivis la direction de son doigt, écarquillant les yeux devant la silhouette qui se dessina devant moi. En jetant un rapide coup d’œil vers mon frère, je compris qu’il était au courant de sa présence depuis le tout début. Elle était assise en silence sur une chaise, aussi immobile qu’une statue de pierre. Son visage était légèrement penché vers l’avant, l’ombre de sa capuche dissimulant ses traits faciaux. Mon cœur faillit rater un battement. Elle était si discrète, que je ne l’avais même pas aperçu pendant tout ce temps.

« Q-Qui est-ce? »

Le brun se dirigea jusqu’à elle, l’invitant à se présenter.

« B-Bonjour… »

Elle leva enfin la tête, plongeant le saphir de ses iris dans nos yeux. Mais cette vision ne dura qu’un instant, puisque dans le même mouvement, elle nous adressa une timide révérence. Vite, je m’empressais de lui répondre, toujours autant embarrassé de ne pas l’avoir remarqué plus tôt.

« Vous n’êtes pas sans savoir, commença l’Imperio d’un ton prudent, que les Olori Hesalà et Galadhras se sont présentés à Arcadia afin de réitérer notre souhait de rapatrier les nôtres sur nos terres. »

J’acquiesçais lentement. Le refus de l’Ordre d’Hébé avait également beaucoup fait parler dans les nombreuses sphères de la société angélique. Si nous ne pouvions comprendre leurs raisonnements, les doutes que nous nourrissions déjà à leur égard n’en furent que décuplés, voire devinrent définitifs pour la grande majorité. De plus en plus de voix s’accordaient à dire qu’ils seraient sûrement temps de se joindre à la Marche Terne, l’organisation qui semblait avoir été à l’épicentre de ce tremblement de terre. Le gouvernement y songeait beaucoup désormais.

« Cependant, durant le voyage de retour, ils ont découvert un passager clandestin dans la cale du navire, une jeune femme – une ancienne Écuyère – qui aurait déserté l’Empire. Nos regards, à Isiode et moi, s’ancrèrent sur les épaules de l’inconnue. Elle nous a demandé refuge pour la protéger des Chevaliers. En soit, l’Ordre la croit morte, mais… le stratagème ne saurait les tromper éternellement. En la contemplant, je me demandais tristement ce que cette jeune enfant avait pu vivre pour en arriver là… Tout naturellement, nous avons pensé qu’ils avaient fini par découvrir le pot aux roses en envoyant Dame Stregh jusqu’aux Terres d’Iyora, mais il semblerait qu’elle soit ici pour une autre raison. »

Son regard, cette fois, glissa jusqu’à mon frère. Ramiel devait certainement faire référence aux paroles qu’elle avait dite à mon jumeau lorsqu’il l’avait coincé.

« Si elle est ici, cela n’équivaut pas à… potentiellement l’exposer? Dame Stregh pourrait la croiser par accident et–

- Cela n’arrivera pas. Je m’en assurerai personnellement.

- Mais pourquoi est-elle ici?

- Je l’ai amené afin qu’elle nous aide à identifier notre mystérieuse fleuriste. Ayant toutes deux travaillé pour le compte de l’Ordre d’Hébé, je prends un pari et espère qu’elle pourra nous donner sa véritable identité. Nos recherches iraient bien plus vite ainsi. »

La jeune femme opina d’un vague mouvement de tête lorsque l’Imperio posa l’argent de ses yeux sur son faciès.

« J-Je ferais de mon mieux… »

Sa voix était vraiment basse et un tremblement secouait l’intérieur de sa gorge de manière erratique. La voir dans cet état m’inquiétait.

« Est-ce que tout va bien? L’étrangère sursauta, puis acquiesça presque automatiquement. Je suis désolé de savoir que vous vous trouver dans une telle situation à cause des Chevaliers. »

Elle secoua doucement de la tête.

« J’ai… été imprudente. J’ai fait confiance aux mauvaises personnes… »

Ses paupières se refermèrent brièvement, alors qu’elle imposait une cadence soutenue à sa respiration. En biais, le regard de l’Imperio la scrutait.



Isiode et moi sommes restés en arrière quand l’Imperio et la jeune femme durent quitter la pièce pour rejoindre temporairement la salle d’interrogation. Sa tâche s’avérait relativement aisée. Il lui suffisait de rester de l’autre côté de la vitre, à observer l’interrogatoire de la fleuriste, sans que cette dernière ne puisse l’apercevoir, et nous fournir son identité si elle la reconnaissait. C’est pourquoi, après une quinzaine de minutes, qu’ils revinrent dans la pièce.

« Capitaine Yüerell, j’aurais besoin de vous dans la salle d’interrogatoire. À l’entente de son nom, mon frère se leva de son propre siège, suivant à son tour l’officier, hors de la salle. Soldat Yüerell, pourriez-vous rester auprès d’elle pendant notre absence?

- Aucun problème. »

Automatiquement, je me mis en position, l’officier déclarant bien vite le Dide ke (Redressez-vous/Repos!) afin que j’abandonne mon garde-à-vous. Puis, ils disparurent derrière le battant de la porte, nous laissant seuls, la jeune femme et moi.

« Hum… Est-ce que tout s’est bien passé? Elle acquiesça. Vous êtes parvenue à identifier la fleuriste? Elle acquiesça. Elle est vraiment une espionne alors. »

De nouveau, elle acquiesça. Cependant, quoi qu’elle ait vu, son expression était absolument terrible.

« Elle est l’une des Chevalières sous les ordres de ma mère… »

Je faillis vomir mon cœur, sa prise de parole me prenant violemment au dépourvu.

« Pardon?

- Ma mère est sa supérieure directe. »

Ses pupilles tremblaient alors que mes la tension sur mes épaules, doucement, se relâchait… Voilà pourquoi elle m’apparaissait autant dévastée.

« Mademoiselle… Ses yeux, après un certain temps, se posèrent enfin dans ma direction. Serait-il indiscret de vous demander ce qui vous est arrivé à Arcadia? Le silence qui s’ensuivit fût pire encore que le précédent. Veuillez m’excuser. Je n’aurais pas dû demander. »

La jeune femme ne confirma ni n’infirma mes propos. Au lieu de quoi, elle restait parfaitement muette dans son coin, profondément plongée au milieu du courant de ses pensées. Voyant que je ne parviendrais pas à la faire parler, je choisis plutôt de laisser mon regard s’évader de l’autre côté de la pièce, distraitement. Le temps s’égrainait lentement, au point où la dizaine de minutes qui s’étaient écoulées me paraissait avoir duré des heures. Mais c’est à cet instant que son inflexion prit un nouveau souffle. Je ne m’attendais pas à cela – une fois n’était pas coutume – tressaillant brusquement sur mon siège à l’entente de sa voix. Constatant qu’elle m’avait désarçonné, la jeune femme s’excusa, gênée, avant de reprendre doucement :

« V-Vous voulez savoir ce qui s’est passé?

- Seulement si vous souhaitez me le raconter. »

Elle ne prit qu’une poignée de secondes pour méditer sur la question, ses lèvres s’écartant alors lentement.



« Je m’appelle Toni Nezaya et je suis un Grand Écuyer au service de l’Ordre d’Hébé… Ou plutôt, j’étais un Grand Écuyer? Soupir imperceptible, mais confusion bien visible dans le coloris harmonieux de ses yeux. Je ne suis plus sûre de rien avec tout ce qui se passe à Arcadia. Et, de mon côté, l’Empire doit peut-être encore penser que j’ai rencontré ma fin, là-bas, dans ces bois… Je l’espère en tout cas. Elle se sentait si épuisée, déchirée par la vague de trahisons qui l’avait submergé et pourtant, son cœur appartenait toujours aux Chevaliers, aussi étrange que cela puisse paraître. J’ai vécu presque toute ma vie à Arcadia et… Si je suis née dans la capitale? Non, mais j’aurais énormément apprécié. Ma vie aurait été bien moins compliquée. L’inflexion de sa voix s’était lentement adoucie, devenant encore plus basse que d’accoutumée, à peine perceptible à l’ouïe. Mon histoire n’est pas intéressante. Elle est de celles que l’on entend assez souvent, en vérité.

- Chaque histoire est bonne à raconter; chacune d’elles a son importance, intervins-je la contemplant.

- … C’est vrai. Et elle est importante pour moi. Brièvement, son œillade étudia le plancher du salon et si quelques secondes de silence passèrent, elle finit par reprendre la parole. En fait, je suis née dans un village aux abords de la mer. Rien de grandiose, seulement quelques pêcheurs qui parvenaient à tirer de l’eau les poissons nécessaires à la survie de leur famille… Vous pouvez déjà vous imaginer le scénario, pas vrai? Un jour, une bande de voleurs est arrivée à nos portes et, en un claquement de doigts, ils ont envahi la place. Nous étions à leur merci, incapable de faire quoi que ce soit sans mettre en danger notre vie et celle de nos proches. Cette situation a duré près de six mois. Les enfants étaient exploités, les femmes violentées, les hommes rabaissés et utilisés jusqu’à ce qu’ils meurent de fatigue. Toute personne qui était suspectée de rébellion était aussitôt assassinée et si, les deux premiers mois, plusieurs ont brandi le drapeau de la révolte, ils ont rapidement désenchanté. Nous étions sincèrement impuissants. Ils avaient les effectifs, l’équipement et la cruauté; nous n’avions… rien. Pendant six mois, la situation est restée inchangée. Jusqu’à ce que les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé arrivent. À ce souvenir, des étoiles se mirent à scintiller au creux de ses pupilles : rien qu’à ce signe, je compris qu’il s’agissait d’un tournant important dans son existence. Quelques-uns de leurs membres se sont d’abord infiltrés dans le groupe qui nous oppressait et, petit à petit, les flammes de la rébellion ont repris leur ardeur! Cela prit du temps, beaucoup de temps, mais après cela, le village et les Chevaliers sont parvenus à mettre fin aux jours du Grand Leader. Nous étions victorieux et tellement reconnaissants à l’égard de l’Ordre. Ils nous ont sauvé. La nostalgie, cette fois-ci, couvrit ses traits les plus fins. Quand je vivais au village, je n’avais que deux personnes sur qui compter : ma mère et mon grand-père. Le dernier a été tué au cours des événements et, finalement, il ne restait plus que ma mère et moi. Nous avons toujours été très reconnaissantes à l’égard des Chevaliers. Ils sont devenus nos modèles, nos idoles. Après tout ce qu’ils ont fait pour nous et le village, nous ne désirions qu’une chose : devenir comme eux. Et nous sommes parvenues à les convaincre de nous amener avec eux, à Arcadia. Je n’étais encore qu’une mioche à l’époque, je ne comprenais pas tout, mais je savais que les Chevaliers nous avait sauvé. Sans eux, notre village se serait consumé et aurait brûlé jusqu’à l’os. Je pouvais sentir qu’auprès d’eux, nous serions protégées et nous pourrions devenir plus fortes afin de protéger, à notre tour, les gens qui vivaient des situations comme nous l’avons vécu. Pendant des années, son cœur avait été rempli de lumières et de promesses…. Je me suis entraînée jour et nuit afin de pouvoir être acceptée dans les rangs de l’Empire et j’y suis parvenue et on m’a aussitôt mise sous la tutelle de ma mère. À mon expression, elle se permit de me gratifier d’un sourire artificiel. À Arcadia, nos instructeurs ont rapidement découvert les talents de ma mère. Elle a un don inné pour le combat. Elle apprend à une vitesse prodigieuse, c’en est presque ridicule. Elle se massa distraitement la nuque. C’est pour cela qu’elle est parvenue à monter les échelons aussi rapidement et, en un claquement de doigt, elle est devenue Paladin de la Citadelle.

- Quelque chose semble vous tracasse, soudainement…

- Tout va bien, merci. Si je perçus l’agitation de son esprit, je me privais d’insister davantage, un éclat plus clair revenant de toute façon se fondre sur le faciès de la jeune femme. Quoi qu’il en soit, j’ai progressé dans l’armée d’Arcadia sous les directives de ma mère et grâce à elle, j’ai réussi à devenir Grand Écuyer. Malgré la bonne nouvelle, je saisis assez rapidement que cela ne semblait guère la réjouir. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à remarquer… certaines choses dans mon entourage. Vous savez, en atteignant ce rang, l’Ordre nous donne un peu plus de devoirs et de responsabilités, d’affectations et de liberté. Nous sommes encore des apprentis sous la tutelle d’un Chevalier, mais nous pouvons agir plus librement et partir plus souvent en mission avec lui. Par conséquent, j’ai fini par accompagner ma mère sur le terrain presque à chacune de ses expéditions.

- Et c’est là que vous avez remarqué quelques comportements suspects de la part des Chevaliers?

- C’est exact. Et de ma mère aussi. Elle est devenue plus… plus… Elle émit une courte pause, rassemblant ses pensées alors que es doigts s’entortillaient de nervosité. Peut-être qu’inconsciemment, je nourrissais déjà certains doutes, mais… De nouveau, un silence. Une fois, nous avons fait escale dans un village aux abords de Port Dirælla. Nous devions poursuivre notre voyage, le lendemain, pour rejoindre Arcadia. Seulement, au cours de la nuit, quelqu’un a déclenché un incendie, qui a dû ravager près de quatre ou six maisons. Nous avons passé la nuit à aider les habitants à éteindre les flammes et à chercher le ou les coupables. Ils ont rapidement été découvert, deux voyous du village qui étaient bien connus. Les Chevaliers ont proposé de les amener à Arcadia pour qu’ils soient jugés, mais en chemin, ils sont parvenus à s’enfuir, là où s’était absolument impossible. Leur geôlier, un nouveau Chevalier qui venait tout juste d’être adoubé, Maclean, a été déclaré coupable d’être leur complice pour les avoir aidés à s’échapper. À cette information, mes sourcils s’arquèrent. Maclean n’a pas arrêté de plaider son innocence, mais toutes les preuves étaient contre lui… Peut-être même un peu trop de preuves. Elle prit une grande inspiration. Je connais Maclean et il n’aurait jamais, jamais trahis l’Ordre d’Hébé et, aussi incriminantes étaient les preuves contre lui, j’ai décidé de faire ma propre enquête. Je me disais naïvement qu’il s’agissait d’une erreur, que les deux voyous l’avaient piégé. Alors j’ai commencé à poser des questions à ceux qui ont fait parti de l’expédition, à interroger, ici et là, certains amis. Grâce à ça, je suis parvenue à trouver certaines anomalies entre les témoignages de mes collègues et ce qui avait été déclaré durant le procès de Maclean. Je suis partie expliquée tout cela à ma mère, en croyant qu’elle pourrait m’aider à prouver son innocence, mais j’ai été si naïve de croire que j’allais pouvoir le sauver. Un frisson remonta sur sa colonne vertébrale. J’ai laissé les preuves entre les mains de ma mère, mais c’est sûrement à ce moment-là qu’elle a voulu m’arrêter, me faire taire… Elle déglutit. Un soir, elle m’a appelé dans son bureau pour que nous puissions discuter de l’affaire, mais en chemin, j’ai été attaquée.

- Par qui?

- Il s’agissait de deux autres Grands Écuyers, du nom de Portland et de Fuye. Elle se couvrit les yeux en se rappelant de son impuissance. Tout est arrivé si vite. Je suis tombée dans les pommes après un coup à la tête et quand je me suis réveillée, j’étais attachée et on me transportait au beau milieu de la forêt. Elle se souvenait parfaitement du vent qui s’engouffrait dans ses cheveux, devenus poisseux en raison de sa blessure à la tête, ainsi que du son d’un cours d’eau qui s’écoulait non loin de leur position. Ils parlaient de ma mère, se demandaient comment elle pouvait ainsi piéger sa propre enfant… Je n’ai perçu que quelques bribes de leur conversation à mon réveil, et j’ai commencé à me débattre pour m’échapper, confuse et terrorisée. Cependant, ils m’ont facilement maîtrisé. Ils me tiraient par terre. Je voulais fuir, courir; ils voulaient me jeter depuis une falaise. La chute m’aurait tué instantanément et ils auraient certainement camouflé cela en un accident… À ce souvenir, ses yeux s’humidifièrent, les émotions et les sensations ressurgissant brusquement dans tout son être. Je serais morte, cette nuit-là, s’il ne s’était pas interposé… »


3 468 mots



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entre-
Miles Köerta
~ Orisha ~ Niveau III ~

~ Orisha ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1157
◈ YinYanisé(e) le : 20/09/2014
◈ Activité : Traqueur [Corvus Æris] | Marcheur
Miles Köerta
Sam 30 Oct 2021, 14:40



Telle une ombre créée par les ténèbres de la nuit, il s’est évadé du camouflage que lui conférait naturellement la canopée. Il s’est approché d’un pas complètement inaudible. C’était comme si l’herbe elle-même ne s’était ployée à son passage; c’était comme s’il avait flotté jusqu’à nous, spectre de la forêt. Et personne ne l’avait réellement entendu. J’étais trop concentrée à lutter pour ma vie pour me préoccuper de quoi que ce soit d’autre, et eux aussi n’avaient guère fait attention à nos parages, bataillant plutôt pour m’immobiliser et me bâillonner. Il était bien trop discret pour que nous lui portions une quelconque attention et c’est peut-être pour cette raison qu’il a fait savoir sa présence en poussant un horrible gargouillement guttural. Dans la seconde, nous nous sommes tous paralysés, incapables du moindre mouvement pendant un certain temps. Ça a été instantané, vraiment. Puis, par réflexe, nous nous sommes finalement retournés dans sa direction. À sa vue, tous nos cœurs se sont arrêtés. Si son cri fût horrible, son apparence était pire encore. C’était un chien, un très gros chien, mais il était absolument ignoble. J’avais l’impression qu’il sortait tout droit des entrailles de l’Enfer. Il était chétif, si maigre, que nous pouvions voir sa peau coller à ses os. Sa chair était étirée et des centaines, peut-être même des milliers de cicatrices, parcouraient l’intégralité de son corps, nous faisant voir le rouge de sa chair. Ses yeux étaient énormes, injectés de sang. Sa mâchoire était remplie de petites canines, mais chacune d’entre elles étaient aussi aiguisées que la lame d’un rasoir, et ses griffes devaient faire au moins une dizaine de centimètres de longueur… Il était dangereux, vraiment dangereux, et notre instinct nous le hurlait, à tous les trois : nous devions partir de cet endroit.

Seulement, les Grands Écuyers qui me maîtrisaient m’ont aussitôt lâché et se sont mis à reculés. À chaque pas que la créature esquissait, ils reculaient. De plus en plus vite, ils reculaient. J’ai tout de suite compris ce qu’il allait m’arriver à ce moment-là. J’étais attachée, désarmée, bâillonnée, je me trouvais dans un état terrible à cause de ma blessure à la tête, et j’étais terrifiée. Surtout, j’étais terrifiée. Le chien l’avait certainement senti puisqu’il a instantanément porté son attention sur moi. La loi de la jungle comme on dit, n’est-ce pas? Parmi le trio, j’étais la plus vulnérable des proies.

Je venais tout juste de me confronter à la fatalité quand le chien a bondi sur moi. Aucune hésitation : il a simplement sauté, toutes griffes dehors, en visant ma gorge. J’ai crié, mais le bâillon à ma bouche a empéché l’explosion de ma frayeur de se faire entendre. J’ai voulu lui donner des coups de pied, mais l’animal était agile et est parvenu à tous les éviter. Il a alors foncé tête baissée dans mon estomac. J’ai eu le souffle coupé. Pendant quelques secondes, j’ai arrêté de respirer. Le choc et l’effroi qui cimentaient tranquillement l’intégralité de mes mouvements finirent par lui donner l’avantage. L’animal m’a plaqué au sol et a planté ses crocs dans mon chandail. Il s’est mis à me secouer de tous les côtés, comme un possédé. J’étais en panique et j’ai vu, dans l’ombre des arbres, la silhouette des Grands Écuyers. J’ai hurlé leur nom, plusieurs, tellement de fois. Je ne sais même pas s’ils ont compris quoi que ce soit. Je les suppliais de venir m’aider. Je les implorais de sauver ma vie. Je leur disais que j’étais prête à faire n’importe quoi pour eux, que j’étais prête à me taire à tout jamais s’il le fallait. Mais ils ne bougèrent pas d’un iota. Étaient-ils terrifiés eux aussi? Certainement. Mais je ne distinguais absolument rien dans la brume de mon épouvante. Parce que le chien, ce chien, il allait me bouffer vivante. J’étais persuadée qu’il allait me bouffer vivante. Ses griffes râclaient le sol à proximité de mon visage et ses crocs, après avoir déchiré une partie de mon col, se sont mises à claquer violemment au-dessus de mes oreilles. J’ai voulu hurler, encore une fois; plus fort, encore une fois, mais le bâillon. Ce fichu bâillon… La douleur à mon crâne et ma terreur se sont immédiatement propagées, belliqueuses et agressives. Je me souviens que je me suis mise à pleurer. Parce que j’allais mourir, j’en étais assurée. L’impression se concrétisait de seconde en seconde dans mon esprit. Et les Grands Écuyers ont certainement dû songer à la même chose, car ils n’ont absolument rien fait pour m’arracher à ses griffes. Que je meure poussée dans un ravin ou broyée en mille morceaux dans l’estomac de cet animal, la fin justifie les moyens. Dans tous les cas, j’allais mourir au cours de cette nuit. La seule différence entre les deux scénarios, c’est qu’ils n’auraient pas à essuyer mon sang de leurs mains une fois rentrés.

Et ils sont partis.
Ils sont simplement partis… En courant.

J’avais peur. J’étais désemparée. J’étais impuissante. Je ne voulais pas mourir et je commençais à… je commençais à regretter d’avoir voulu aider Maclean. Si je n’avais pas plongé mon nez dans des affaires qui ne me concernaient pas, je me disais que je serais encore en vie. Ma mère n’aurait pas voulu se débarrasser de moi. Je serais actuellement dans mon lit, en train de rêver à ma prochaine mission. C’est affreux qu’aux portes de la Mort, j’étais prête à tout pour ne pas en traverser le seuil, même à abandonner mes principes, mes convictions, pour sauver ma triste peau… Et c’est là que je l’ai entendu… … Oui, le chien, il s’est mis à me parler! Son museau et… et sa mâchoire se sont légèrement modifiés. Et i-il m’a dit :

« T’inquiètes, je ne mords pas. »

… … Étrange, je sais. Qu’est-ce qui s’est passé ensuite? Eh bien… J-Je me suis évanouie une deuxième fois.




« Quand j’ai repris connaissance, peut-être une ou deux heures plus tard, le chien avait disparu et un homme se tenait auprès de moi. Il s’agissait d’un Eversha. C’est lui qui m’a sauvé. C’est lui qui était… le chien. À mon œillade, elle clarifia immédiatement un point : Il s’est excusé dès que j’ai ouvert les yeux et il s’est même occupé de ma blessure pendant que j’étais dans les pommes. Il ne voulait pas aggraver mon cas à cause de ma blessure à la tête, alors il a essayé d’y aller… délicatement. Aussi délicatement qu’il pouvait le simuler dans une telle situation. Elle se râcla la gorge, ressassant les sensations qui s’étaient acérées en raison de son effroi. Lorsque je lui ai demandé ce qui s’est passé, il m’a confié qu’il avait aperçu mes deux agresseurs transporter un petit chariot avec, selon ses termes, un « gros sac à l’intérieur ». Soupçonneux, il les aurait suivis pour savoir ce qu’ils tramaient, si tard en soirée, avec leur petite cargaison. Et c’est quand les deux Grands Écuyers ont quitté les terres battues pour s’enfoncer dans les bois qu’il s’est vraiment mis à comprendre que quelque chose clochait. Et, finalement, il a été témoin de la scène. Ses pupilles n’arrivaient pas à se concentrer sur un point unique, preuve irréfutable du choc qui la paralysait encore, alors je la laissais poursuivre, sans empressement. I-Il aurait aussitôt accouru pour me venir en aide en se transformant en cette… horreur et en faisant mine de m’attaquer pour éloigner les deux hommes. Il paraissait vraiment désolé de ce qu’il avait fait, mais d’un autre côté, c’était peut-être la seule chose à faire. Autrement, ces chevaliers nous auraient sûrement tué, tous les deux… Elle relâcha une profonde expiration, son souffle tremblant sous le coup de l’angoisse. Dans tous les cas, depuis cette nuit-là et pendant les jours qui ont suivi, Monsieur Geeta s’est assuré de me protéger de l’Ordre. Il a falsifié, du mieux qu’il a pu, la scène de l’incident pour faire croire que j’avais véritablement été entraîné par le chien, puis dévorée. Il m’a ensuite caché dans la forêt lorsque les premières équipes sont venues enquêter pour connaître mon statut. Il m’a nourri, il m’a tenu compagnie. Il lui arrivait de s’arrêter pendant une demi-heure, par exemple, pour que nous puissions discuter un peu, me changer les idées… Il me parlait de cette fille, son amie, avec qui il travaille et qu’il adore taquiner…

- Puis-je me permettre une question, mademoiselle Nezaya? Comment est-il parvenu à réaliser tout cela sans éveiller les soupçons de l’Ordre d’Hébé?

- Il semblerait qu’il ait infiltré, à plusieurs reprises, Arcadia en se faisant passer pour un renard, son animal Totem. Par conséquent, il arrivait à passer leur vigilance.

- Son animal Totem est le renard? Ne s’est-il pas transformé en chien lorsqu’il vous a attaqué?

- C-C’est un fait… Je… suppose que c’est un autre de ses pouvoirs?

- Et il vous a dit qu’il s’est infiltré à plusieurs reprises entre les murs d’Arcadia, c’est bien cela?

- C’est exact. Monsieur Geeta ne fait pas partie de l’Ordre. Il m’a avoué être en mission pour aider des amis. Mon expression vacilla soudainement, mais je finis par opiner du chef, intrigué. Il m’a dit que lui et son équipe étaient ici pour déterrer les secrets bien enfouis des Chevaliers.

- … Est-ce que ce Monsieur Geeta a un prénom?

- Dé-Désolée. Il m’a seulement donné son nom de famille.

- Je vois, déclarais-je tranquillement.

- Quoi qu’il en soit, un matin, il est revenu dans la forêt et il m’a dit qu’il avait un plan pour me faire quitter la région. Même si le subterfuge avait réussi à berner les Chevaliers jusque-là, rien ne nous garantissait qu’ils ne finiraient pas par découvrir le pot aux roses prochainement.

- Et son plan était de vous faire monter dans le navire de la délégation angélique pour quitter le Continent de Tælora.

- C’est ça. Il… Il devait espérer que vous sauriez quoi faire de moi… Et de mon histoire, m’avoua-t-elle en me glissant un bref coup d’œil, la lueur bleuâtre dans mes yeux lui faisant bien comprendre que j’étais, moi aussi, tombé sur cette conclusion. Lorsqu’il a pu confirmer le départ de votre délégation, il est aussitôt venu me voir. Il m’a déguisé et, avec l’aide de quelques-uns de ses collègues, ils sont parvenus à me faire entrer dans le navire. C’est… C’est comme ça que j’ai fini par voyager illégalement dans le bateau de l’Olori Galadhras. »

Un silence extrêmement lourd suivi le dernier souffle de sa voix. Timidement, elle releva la tête dans ma direction, mes prunelles s’immisçant presque aussitôt dans la profondeur de ses yeux. Pourtant, bien rapidement, son visage se détourna, la nervosité croissant rapidement au cœur de sa poitrine.

« … Pourquoi votre mère a-t-elle tout de suite voulu vous éliminer? Je croyais que les événements du village les auraient rapprochés, les auraient soudés, après tout ce qu’elles avaient traversé. N’aurait-elle pas… N’aurait-elle pas d’abord insisté pour que vous la rejoigniez? Pourquoi a-t-elle systématiquement voulu mettre fin à vos jours? »

Une longue réflexion plus tard, et la jeune femme m’avoua calmement :

« Je ne suis pas dans sa tête, mais je pense que la réponse est toute simple : il s’agit de ma mère Le serrement dans sa cage thoracique se fit plus écrasant encore. Elle m’a vu grandir, elle me connaît, et sait que je ne cautionne aucunement ce genre d’actes. Son timbre s’était affaibli : la vérité était pourtant très douloureuse, dite à haute voix. Elle savait que même en connaissant d’avance les conséquences, j’aurais fait exactement la même chose. Honteusement, cependant, elle baissa les yeux. Enfin… C’est ce que je croyais, moi aussi, avant de vivre cette expérience. »

Elle se sentait si infâme, si abjecte. Elle avait l’impression d’avoir trahi Maclean. Elle avait l’impression d’avoir trahi tous ses principes. Son visage, dès lors, se cacha derrière les paumes de ses mains. Elle ressassait les événements, les douleurs et les frayeurs, les pleurs et l’anxiété qui n’avait eu de cesse de la torturer pendant tout ce temps. La colère qu’elle avait nourri à l’égard de sa mère brûlait toujours au creux de son estomac, mais depuis ces derniers jours, elle tendait à ne plus écouter son crépitement infernal. Elle avait compris que cela ne servirait à rien de pleurer, que cela ne lui servirait à rien d'exploser, jour et nuit. Éventuellement, l’Ordre d’Hébé, tout comme sa mère, finiraient par tomber.



Quelque part sur un chemin de terre à Tælora…

J’espère que tout ira bien pour les Marcheurs restés à Arcadia. La caravane dans laquelle nous effectuions notre voyage de retour bougeait dans tous les sens. Le chemin sur lequel nous venions de nous engager était peu entretenu, mais suffisamment praticable pour nous permettre de traverser le territoire. Pourtant, sur les genoux de l’« Écuyère Miriild », je parvins à conserver mon équilibre, confortablement enroulé et imperturbable. Je semblais somnoler sur les cuisses de ma maîtresse préférée, comme s’il n’y avait pas de lendemain. Actuellement, elle doit avoir été retrouvée et interrogée par les Anges. Avec son témoignage, les preuves qu’on vient d’embarquer, le soutien des Mord'th et le refus de l’Ordre à vouloir commencer les procédures de rapatriement de leurs rescapés, ils ne tarderont pas à communiquer avec nous, si ce n’est pas déjà fait. Soulevant ma truffe en direction du visage de la jeune femme, j’émis un court glapissement tout en m’étirant de tout mon long. J’avais finalement besoin de me dégourdir un peu les pattes.

« Depuis que nous sommes partis, je me pose la question, mais… est-ce qu’il s’agit du même renard que la dernière fois? »

Curieux, je me retournais en direction de la voix. Fraîchement adoubé, le Chevalier Haveron me fixait avec attention. Il étirait si timidement son bras que je finis par avancer mon crâne dans sa paume, en quête d’attention. En voyant la confiance que je lui accordais presque instantanément, les prunelles du jeune homme se mirent à scintiller.

« Tu l’as trouvé à Arcadia? Il est si beau. »

Un instant, je jetais un coup d’œil, complice, vers la jeune femme aux scintillants cheveux bleus. Puis, d’un bond, j’atterris sur les cuisses du Chevalier, qui m’accueillit avec grand plaisir. Visiblement, il était franchement content de voir que je l’appréciais déjà. Sans résister, j’acceptais avec joie ses gentilles caresses, roulant même sur le dos pour exposer mon ventre à de nouvelles gratouilles. Tout sourire, Haveron m’offrît ce que je demandais, une lumière chaleureuse éclairant ses traits. Seulement, c’était avant que je me retransforme par mégarde. En homme. Dans mes plus simples apparats. Pour ne pas tomber, j’entourais aussitôt mes bras autour de la nuque du pauvre cavalier, le gratifiant néanmoins d’un large sourire – n’oublions pas les politesses.

« Bonjour Haveron! Ravi de faire officiellement ta connaissance. Et d’ailleurs, juste pour qu’il n’y ait aucun secret entre nous : tes cuisses sont bien plus confortables que celles de Latone. Je lui tendis alors ma main, paume ouverte. J’ai hâte de travailler avec toi, mon preux Chevalier! »

Un cri explosa au sein de la caravane, suivit d’un rire incontrôlable.

« QU’ON LUI APPORTE DE FICHUS VÊTEMENTS! »

Une accalmie avant la véritable tempête.


2 541 mots

Miles a utilisé le pouvoir suivant :
- Le cerbère : pouvoir de transformer, en partie ou dans son intégralité, le corps de l’utilisateur en un chien relativement grand sur patte, décharné, qui a une apparence se rapprochant beaucoup de celle des Sans-Âmes en raison du peu de fourrure qui recouvre son corps.





[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! Signat16
Merci Léto ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34827-miles-koerta#679519
Aliénor Vaughan
~ Magicien ~ Niveau II ~

~ Magicien ~ Niveau II ~
◈ Parchemins usagés : 571
◈ YinYanisé(e) le : 20/12/2016
Aliénor Vaughan
Dim 31 Oct 2021, 09:51


Image réalisée par Naimly

Mon preux chevalier



« Dame Vaughan. » Aliénor tourna la tête en direction d’une voix qu’elle connaissait que trop bien. Elle ravala sa surprise, s’évitant par là même de crier le prénom du Chancelier des Ténèbres. Elle passa sa langue sur ses lèvres, comme pour mesurer la joie étrange qu’elle ressentait. Il était une figure connue et, malgré ses mauvais traitements et ses paroles fourbes, il faisait comme partie d’elle. À force de le côtoyer, jour après jour, il avait pris une place importante dans sa vie. Surtout, elle le regrettait. Lhéasse Taiji était un homme cultivé, bien plus qu’elle ne le serait jamais. Il lisait beaucoup et, à l’époque où il était encore son garde du corps, l’informait régulièrement sur le contenu des livres qu’il tenait entre ses mains. Certes, il l’avait traitée plus d’une fois de stupide créature mais, d’un autre côté, il avait contribué à son apprentissage. Son nouveau gardien était un eunuque bien plus silencieux que bavard. Surtout, il se contentait d’effectuer son travail. Il ne cherchait pas à lui parler. Seuls ses yeux étaient expressifs, expressifs dans la violence. « Duc Taiji. » souffla-t-elle, avec un sourire. Le regard de Lhéasse la parcourut brièvement. Elle donnait le sein à son fils. Ce qui était naturellement montré chez les Magiciens ne l’était pas chez les Sorciers. Aussi, il prit grand soin de ne pas s’attarder sur elle mais d’admirer le nourrisson. « Alors c’est lui ? Le nouveau Prince. » Aliénor sourit. « Oui. » « Lui avez-vous trouvé un nom ? » « Oui… Je ne sais pas s’il conviendra à l’Empereur Noir mais comme il n’est pas venu le voir, il fallait bien trouver quelque chose. J’espère qu’il ne m’en voudra pas. » Son ton n’était pas celui de la peur. Aliénor avait décidé de nommer son enfant et elle doutait que le Grand Chaos ne s’insurgeât contre ce choix. Elle était simplement prudente dans le choix de ses mots, pour éviter de faire passer le message qu’elle considérait que ce bébé était le sien et que son mari n’aurait aucun droit sur celui-ci tant qu’il ne daignerait pas se montrer pour le rencontrer. « Je l’ai appelé Eléas. » Le Duc sourit. « Vous avez décidé de rester proche d’Elias. » Elle rit. « Comme ça, le monde saura qui est son père. » répondit-elle. Et celui qui oserait lever la main sur son fils deviendrait son ennemi personnel. « Je peux approcher ? » C’était bien la première fois qu’il se montrait si regardant. « Oui, venez le voir. » Elle écarta l’enfant de son sein et cacha ce dernier. « Il est très gourmand. » Lhéasse eut une pensée qu’il garda pour lui, quelque chose qu’il n’aurait jamais pu prononcer. « Mes enfants ont beaucoup fatigué leurs nourrices également. » dit-il. « Avez-vous envisagé de laisser une autre femme le nourrir ? » « Hum… C’est ce que l’on m’a conseillé de faire mais j’aime tellement être avec lui. Il est si petit et innocent encore. » Le Duc s’accroupit pour mieux appréhender l’enfant. Il passa son index sur sa joue. Aucun doute : c’était un Magicien. Pour l’instant, du moins. « Je ne savais pas que vous aviez des enfants. Vous ne m’en avez jamais parlé. » Il releva les yeux vers elle, toujours au sol. Il resta silencieux un temps, comme s’il cherchait quoi dire. « Je ne mêle jamais mon travail et ma vie privée. Et vous ne faites plus partie de mon travail. » Il reporta son attention sur le bébé. « Il a l’air en bonne santé. C’est une bonne chose. » « Oui. »

Quelques longues minutes plus tard, lorsqu’Eléas fut couché, Lhéasse et Aliénor se retrouvèrent autour d’un thé. « Savez-vous quand est-ce que le Roi viendra ? » « Non. » Il ne désirait pas l’inquiéter plus que nécessaire. « Le temps ne passant pas de la même manière à l’extérieur d’Anthias, très peu d’événements se sont déroulés depuis votre départ pour l’île. L’Empereur Noir étant très occupé, il n’a pas encore trouvé le temps de se déplacer. Le plus simple serait que vous reveniez à Amestris afin de lui présenter son fils avant que ce dernier ne sache marcher. À moins que vous ne désiriez passer du temps avec le Roi ici ? » Aliénor le dévisagea. Passer du temps avec Elias ? Elle n’était pas sûre d’en avoir envie, même si l’enfant aurait besoin de son père. Elle-même avait toujours vécu avec ses deux parents et toutes ses sœurs. Ça lui semblait inenvisageable qu’Eléas pût ne vivre qu’avec elle. « Je ne sais pas vraiment. Cette île me plaît. Dommage qu’il n’y ait que très peu d’infrastructures. S’il y avait une école, peut-être pourrais-je m’y installer. Je veux ce qu’il y a de mieux pour mes enfants. » Il saisit l’anse de sa tasse. « Vous comptez avoir d’autres enfants ? » « Oui. » Il porta le contenant à ses lèvres, but une gorgée, comme s’il cherchait à étaler le temps, puis répondit enfin. « Je comprends. » « Hum… Vous en avez combien, vous ? » « Douze. » « Douze ? » répondit-elle, surprise. « Je ne les vois pas souvent et… » « Excusez-moi, Duc Taiji. Je ne voulais pas vous interrompre mais il se trouve qu’un navire contenant des Chevaliers de l’Ordre d’Hébé est en approche. » Lhéasse leva un sourcil. « Hébé ? » questionna-t-il, bien conscient des problématiques nouvelles liées à l’Empire. « Oui. Le Maître Espion de l’Empereur a lu leurs pensées et il semblerait que… Disons qu’ils envisagent d’empoisonner l’eau de la rivière pour ensuite sauver les quelques habitants de l’île. » « Pardon ? » L’Archimage avait, à présent, les deux sourcils levés. Il finit par émettre un petit rire d’incrédulité amusée face à l’audace de ces soi-disant défenseurs de la Justice. Aliénor le fixa. « Mon fils, il… » « Votre fils ne risque absolument rien. » la rassura-t-il, en notant qu’elle avait le comportement typique d’une mère. Contre toute raison, elle s’inquiétait. Il releva les yeux vers l’intervenant. « Accueillez-les comme il se doit, avec la salutation de l’Empereur Noir, et récupérez le navire s’il est de bonne qualité. » C’était une condamnation à mort. Ce territoire appartenait aux Sorciers et, en conséquence, les étrangers malintentionnés n’avaient pas le droit d’existence.

Lhéasse finit par se lever. « Je vais rester quelques jours. Nous pourrons ainsi discuter de vos besoins et de vos projets pour cette île. En tant que Magicienne, vous faites, en quelque sorte, partie de mon office. » Il extrapolait sa fonction mais il n’en avait que faire. Il voulait la voir, quitte à contredire son discours précédent. « Dînons ensemble, ce soir. » Tant qu’il restait agréable, elle arriverait à supporter sa présence. « Vous pourrez, ainsi, me faire part de vos lectures récentes. » « Je crains fort de ne pas avoir lu grand-chose. » Il soupira. « Je vous parlerai des miennes alors. » « J’accepte. » Il sourit, l’air de dire qu’il espérait bien. De toute façon, même s’il y mettait les formes, elle n’avait pas le choix.

1189 mots



[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! Wmln
[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier ! 3298876942 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34361-alienor-vaughan
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

[Évent Top-Sites] - Mon preux chevalier !

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant

 Sujets similaires

-
» [Évent Top-Sites] - Le siège d'Arcadia
» [Event Top Sites] - Odon Do Dur
» [Event Top Sites] - Thogii
» [Évent Top-Sites] Dōsatī
»  [Évent Top-Sites] Kūṭanītī
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent de Tælora :: Lyscenni :: Arcadia-