Un, deux, trois, faisons les bons choix
Traité de la ma(l)ipulation

Partenaire : Zyma-Brialès [Compagnon]
Intrigue/Objectif : Rejoindre le conseil du club d’astronomie de son école

L’odeur des myrtilles mêlée à celle de la muscade était certainement l’un des alliages les plus divins qui existaient. Était-ce aussi dû au doux sentiment de célébration qui l’accompagnait systématiquement ? La tarte à la myrtille était un gâteau de fête chez les Laziènë, et ce jour-ci en était très certainement un. Tout était en position pour accueillir sa mère, bientôt ramenée de l’hôpital par son père : l’argenterie de fête était parfaitement disposée sur la table et la fratrie avait repassé ses plus beaux vêtements. Aucun des trois enfants ne pipait mot en attendant l'arrivée de leurs parents, mais tous n’avaient qu’une seule envie : mettre le doigt dans le gâteau que le cadet Alphi venait de sortir du four.

Et puis enfin, la porte d’entrée du foyer s’ouvrit. Leur père s’engouffra dans le pas de la porte, suivi de sa mère. « Non, ne te dérange surtout pas pour… oh ! » Un léger cri de surprise lui échappa quand elle releva la tête, en voyant ses trois enfants immobiles dans le salon. « Bon retour, mère ! » S’exclamèrent-ils en levant les bras vers elle. « Tout ceci m'est-il destinée ? Ou serait-ce un prétexte pour manger votre gâteau préféré ? » Blagua leur mère en enlevant ses chaussures. A la grande surprise d’Haxenia, elle ne présentait aucun signe de convalescence. Rien ne montrait qu’elle avait frôlé le coma quelques jours auparavant... encore une fois. « Et pourquoi pas les deux ? » Répondit Haxenia sur le ton de l’humour. Bien que ses frères ne trahissent aucune réaction, elle savait qu'ils avaient, comme elle, la gorge nouée par une inquiétude mêlée au soulagement. Sa mère lui sourit et s’approcha d’elle. Cette dernière posa ses lèvres sur le front de chacun des enfants, un modeste signe d’affection qui était le maximum qu’elle s’autorisait. Elle leur fit ensuite signe de s’asseoir.

Dès que la première part de gâteau fut servie, les enfants commencèrent à rattraper le temps perdu en se retenant de ne pas avaler les parts en une bouchée. Elle leur posa des questions sur leurs études, mais à aucun moment son séjour à l’hôpital ne fut évoqué. « Comme à l’accoutumée, je ne vous ai pas oubliés pendant ma mission. Rengaël ? Amène mon sac, je te prie. » Leur père lui porta un sac en bandoulière, petit d’apparence, mais qui pouvait contenir des tonnes d’objets. Une fois, Haxenia s’était même cachée dedans toute entière. Cette dernière plongea son bras dedans et fouilla un moment, avant d’en ressortir un livre énorme et poussiéreux. Les frères se regardèrent avec un air apeuré. Qui aurait le cadeau le moins attractif de tous ? « Pour toi, Haxé, voici un bestiaire mythique. » Bingo. Haxenia sourit et empoigna le livre. Elle l’ouvrit avec réticence pendant que ses frères recevaient des objets bien plus attrayants. Mais quand elle commença à regarder les images, une fascination s'empara d'elle. Il s’agissait d’un bestiaire de créatures maléfiques écrit dans une langue qu’elle ne connaissait pas. Les créatures étaient cauchemardesques : loup géant aux crocs difformes, insectes géants… autant d’émanations de puissance dont elle était la reine dans ses rêves les plus fous. « Je te remercie, mère. J’en ferai bon usage. »

*

Quelques heures plus tard, sa mère vint frapper doucement à la porte de la chambre d’Haxenia. Cette dernière ferma son livre et alla ouvrir. « Je viens te souhaiter bonne nuit. » Une fois dans sa chambre, toutes deux assises sur son lit, elle lui parla des créatures qui étaient dans le bestiaire. Haxenia et elle partageaient cette même étincelle pour l’inconnu, ce qui n’était pas le cas des autres membres de la famille. En cela, Haxenia se sentait isolée. Mais sa mère, elle, comprenait. Après quelques minutes de sermons obligatoires sur l'importance de ses études et de son influence dans des clubs, elle revint au sujet le plus intéressant.

Sa mère expliqua que les textes étaient écrits dans la langue des sorciers ; une langue qu'elle pourrait peut-être traduire mot-à-mot dans certaines bibliothèques. Soudain, sa vue s’arrêta sur une image d'un amas de tentacules géantes surgissant des eaux bouillonnantes. En remarquant son intérêt, sa mère expliqua : « Cette créature de légendes est l’une des plus effroyables qui soient. Elle aurait fait sombrer des flottes entières dans les abysses. » Les yeux de Haxenia brillaient. « C’est le kraken. On raconte que certains monstres des mers sont à ses ordres. Que quiconque pêcherait ou tuerait l’un de ses serviteurs serait maudit à jamais. » Haxenia n'osa pas demander ce que signifiait la malédiction : la réponse était très certainement la mort. Sa mère lui raconta beaucoup d’histoires ce soir-là, tellement que la jeune alfar finit par s’endormir et ne distingua plus les histoires racontées de celles rêvées. Haxenia se demandait, enfin, si sa mère ne lui racontait pas parfois des expériences qu’elle-même avait vécu. Des aventures secrètes.

Elle se demanda si, elle aussi, vivrait ce genre d'aventures.