Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Remise de son combat contre l'usurpatrice, Latone fait la connaissance d'une singulière alliée... dans son jardin.

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" Aaah… Aaah… "

Son ultime coup d'épée n'embrassa que du vent. Sans crier gare, la horde des Ridere s'était volatilisée. Aucune volonté de sa part. Le Bleu Roi se redressa difficilement. Le choc post-combat le rattrapa, le poussant à chuter dans la neige. Essoufflé au possible, il tenta tant bien que mal de recouvrer ses forces. Cela faisait si longtemps que son sang n'avait pas coulé.

Il passa une main sur son visage, pour constater avec un certain étonnement qu'elle était nue. Ainsi, la Marque du Dévoreur s'était dissipée. À quand remontait la dernière fois qu'il revêtait son apparence sans artifice ? Des siècles ? Des ères ? Cette Léto Sùlfr et son armée de Ridere… Il pensait avoir à se méfier davantage de Lolaha Kirzor, mais il devait admettre que des dangers tout aussi importants régnaient en dehors de la montagne. C'en était pénible. Il redécouvrit ses traits, sa chevelure, sa vision… Il fixa un fragment de glace et se rappela son nom, son identité. En ces heures sombres, sa mission divine était mise en péril.

" Tu as vraiment une sale gueule… "

Le Bleu Roi se focalisa sur son compagnon maudit. Il semblait tout prendre à la légère, alors que sa fureur était si palpable.

" Si tu as besoin d'un remontant, quelques mots suffiront. " Tss. Il se releva et s'appuya sur son imposante épée de glace, si réfléchissante.

" Ces créatures… étaient coriaces. " Il fit chantonner ses cervicales. Sa couronne tourbillonnait, tel un halo, autour de son crâne.

" Était-ce une Horatia ? "

" Je ne pense pas. Sa Voix n'était en rien comparable à celle de Vertigo. " L'autre fronça les sourcils, il bouillonnait à ce nom.

" C'est donc la vérité ? Vertigo est de retour ? Le Bleu Roi fit disparaître son arme par magie et se dirigea vers un palais au loin. Tu aurais dû faire attention… "

" Il est trop tard pour les remontrances. Elle reviendra et nous l'éliminerons. " L'autre lévita autour du souverain déchu.

" Qu'en est-il de Léto Sùlfr ? "

" Notre Seigneur m'a protégé de son courroux. Tôt ou tard, elle tombera dans le Silence. Il s'arrêta un instant, pensif. Hmm, à ce propos… Il observa la paume de sa main, sa magie s'agitant en son creux. Puisqu'ils tiennent tant à maintenir les portes ouvertes, ils seront sujets à une nouvelle expérience. "

Linos n'en était pas à sa première engeance.

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Latone soupira, en quittant l'antre de la Vigilante. Depuis la confrontation avec l'Alfar, la jeune femme dût rester sur place pour plusieurs raisons. La première – on ne peut plus évidente – était sa convalescence. Plusieurs guérisseurs furent nécessaires pour la remettre sur pied convenablement, sans parler de sa voix qui s'enrouait au moindre essai. Le Velthar se présentait alors bien comme un poison, une arme à double tranchant. Maintenant qu'elle s'en souvenait : lors de sa dernière altercation avec le Bleu Roi, elle avait failli l'éveiller, d'où ce sentiment étrange d'avoir une flamme au creux de la gorge. Les Linèsiens appelaient ces possesseurs "Kyris", elle ignorait encore quoi en penser. D'après les Guides, personne n'avait manifesté un tel phénomène parmi les nouvelles Voix. La vigilance s'imposait. Autre acteur du massacre : Narn était bien plus amoché qu'elle, mais ses jours n'étaient pas comptés. La seconde raison découlait de cet événement : Latone était de retour chez les Guides. Une longue discussion s'ensuivit avec eux et la Mord'th, Thémis. La Marche avait évolué et des rangs hiérarchiques s'esquissaient, en vue d'accueillir les nouvelles recrues et de pouvoir répondre aux forces chimériques du Bleu Roi. Par ailleurs, on nommait déjà les Guides "Hurabis", les caravanes s'organisaient autour de plusieurs "Oklilleirro", les simples "Malsag" cherchaient à devenir "Zeckea"… Les Voix s'élevaient, petit à petit. Latone confirma aussi les souvenirs de Lolaha Kirzor via les Hihtyx, une magie que les Guides avaient fini par expérimenter à leur tour ; Kerby, par exemple, assura avoir localisé plusieurs bulles de Chants autour de leur avant-poste de Linos. Au moins, Latone n'eut plus à improviser pour leur expliquer ses visions de Zyurm ; le Cycle était préservé. Ainsi, plusieurs témoins soutenaient l'existence de Vertigo et faisaient inévitablement le rapprochement avec Latone. Le mystère de son "retour" planait. Quoi qu'il en soit, la Marche Terne devenait une véritable institution armée. Un Empire. Une telle organisation ne pouvait être complète sans l'appui d'un chef. Et si le conseil des Hurabis avait suffi durant des décennies à diriger la Cité des Chants et leur Marche, les regards convergeaient en majorité vers la Kirzor. Après tout, qui de mieux qu'une Linèsienne pour les guider en ces temps troublés ? N'était-ce pas elle qui avait réussi à éliminer l'usurpatrice ? D'ailleurs, enfin en troisième raison, le sort de l'Alfar. Le but fut bien de la capturer, mais le Velthar de Latone l'emporta. On ne lui en tint pas grief très longtemps, mais les Marcheurs garderont à l'esprit que les Alfars préparaient quelque chose. Pour Latone, la vérité était toute autre : Jun lui avait envoyée cette pouffiasse en guise de test.

Depuis, Latone en était ressortie avec la tête sur le point d'exploser. Elle savait en avance que sa résurrection aurait mené à de tels échanges, mais la tentative de l'Aile de Dothasi en décida autrement. La Marcheuse n'en put vraiment plus. Les prochains mouvements des Guides pourront attendre. Pour l'heure, elle voulait juste… vivre ? Les possibilités étaient infinies, maintenant qu'elle était enfin libre des cachoteries. La jeune femme pourrait tenter de contacter Jun, de lui demander des explications. Elle pourrait aller voir les Köerta, mais seulement Miles était encore au courant de la supercherie. Elle pourrait juste rentrer chez elle, faire le point… Elle se refusait à abandonner la roulotte. Elle aimait bien ce petit coin de quiétude, finalement. Elle pourrait en faire son repaire secret, ou une sorte de stockage pour son jardin. Car oui, les fleurs et les fruits continuaient de la préoccuper. D'autant plus que, dans sa rage, l'Orisha avait laissé le cadavre de Mambo en son œuvre mortuaire et macabre. Sur l'instant, il lui fut bien plus important d'aller déchiqueter la sans-cœur que d'offrir des funérailles dignes de ce nom.

Arrivée sur place, la fumée avait fini par se dissiper. Latone allait devoir remettre en ordre le bazar à l'intérieur de la caravane, mais cela attendra. Elle contourna le domicile et revint vers son jardin, le cœur serré… Les Jun étaient comme neufs. Le terrain accueillait une nouvelle culture prolifique, comme s'il n'avait jamais été détruit, brûlé, que sais-je. Comble du comble, les restes du yack n'étaient même plus présents. C'était comme si tout était revenu à la normale. Comment est-ce possible ? Un petit chant lui parvint alors, très très léger. L'Orisha se rapprocha, prudente – était-ce encore une ruse ? – et constata du mouvement entre les tiges. Une toute petite forme lumineuse virevoltait derrière les pétales et fredonnait un air qu'elle ne connaissait pas. Après une observation plus attentive, l'Aäsho comprit que c'était une jeune femme de la taille d'un insecte, qui volait avec ses ailes colorées, et qui manifestement s'occupait du jardin.

" Hé ! L'interjection alerta la petite être qui se cacha aussitôt dans le fouillis fleuri. M-Mais, attends ! Reviens ! Elle se rapprocha mais n'osa pas toucher les plantes. Depuis son apprentissage, elle faisait en sorte d'être attentionnée. Puis, elle n'arrivait pas à croire que son œuvre était redevenue comme avant. Qu'est-ce que tu fais à mon jardin ? C'est toi qui l'as rétabli ? "

Piquée à vif, la créature miniature se dévoila un tantinet au détour d'une feuille. Grandement surprise, elle fixa la géante avec des yeux ronds. Cette Orisha était impressionnante et plutôt effrayante, comme les habitants de la cité voisine finalement. Les apparences y étaient trompeuses, car ces ours mal-léchés possédaient, en réalité, un grand cœur et une extrême sensibilité à la chanson.

" C'est votre jardin ? Latone n'eut même pas le temps d'acquiescer que l'intruse sortit un peu plus de sa cachette. Ravie de faire votre connaissance, j— Oh, attendez ! Ce sera mieux comme ça ! "

Les doigts fins de l'invitée s'agitèrent, de la poussière lumineuse se matérialisa et un flash s'en prit à la vision de l'Orisha. Cette dernière se retrouva dans un environnement inconnu ; et pourtant si reconnaissable, avec un brin de jugeote.

" Qu'est-ce que ?! Elle leva les yeux et une feuille géante la couvrait des cieux. Où suis-je ?! Elle regarda autour d'elle : tout était vert ! Presque, il y avait tout près une excroissance jaunâtre. Oh, je ne rigole pas là ! "

" Doucemeeent ! La femme à taille d'insecte la rejoignit, sauf qu'elle faisait – presque – sa taille maintenant. Pas de panique, je t'ai réduite de taille ! " La Marcheuse fronça les sourcils, un air pincé.

" Ah ouais, pas besoin de paniquer, en eff— OoooOOOh ! " Elle se cramponna à une tige géante, ayant failli tomber de la feuille qui, apparemment, avait des difficultés à soutenir son poids.

" Nous sommes dans ton jardin ! Il t'aime bien, tu prends soin de lui ! Oh, on peut se tutoyer, vu que nous sommes des amies communes ! " L'Orisha se redressa, prenant le temps de se remettre du phénomène.

" Bon, très bien. Promets-moi juste de me rendre ma taille ! "

" Pas de souci, je me disais que ce serait plus amusant ! Oh, tu as déjà des ailes en plus, grandiose ! "

Hein quoi ? Latone pivota la tête et constata effectivement des ailes en verre colorées lui accabler les vertèbres. Depuis quand avait-elle ça, tout un mystère.

" Tu pourras me suivre, on va faire le tour des fleurs, elles ont hâte de te parler ! " La jeune femme commençait déjà à virevolter plus loin.

" O-Oh, oh ! Je ne sais pas m'en servir ! " Elle revint aussitôt, aussi vive qu'un moucheron.

" Oooh, d'accooord… "

Son étonnante rencontre se prélassa le long d'une tige, avant de finir sur une feuille plus petite, comme sur un lit. Elle se laissa balancer par la douce brise de Shakluth. L'Orisha miniaturisée chercha à se détendre à son tour, se refusant de regarder en bas au risque d'avoir de mauvaises surprises. Cette personne semblait avoir son âge apparent, une longue chevelure colorée vers le violacé, et une tenue atypique à forte inspiration végétale. Des clochettes s'agitaient au niveau de sa ceinture, Latone nota aussi la présence d'un cor. Dans son ensemble, cette description lui rappelait un folklore.

" Maintenant que j'ai pris le temps de respirer, est-ce qu'on peut parler tranquillement ? " Son interlocutrice s'étira.

" Oui ! Je m'appelle Clo ! Je suis une Fae et j'ai remis ton jardin comme neuf ! " Latone fit le lien avec sa littérature. Une Fae !

" C'est vrai ? Tu as pu faire tout ça ?! "

" Bien sûr ! Je ne pouvais pas le laisser comme ça… Surtout qu'il est revanchard ! Même parmi les cendres, un poirier recommençait à pousser, comme béni par Phoebe ! " Latone retint un ricanement.

" C'est normal, ce sont des Jun ! Ils sont invincibles ! " Clo exprima son admiration.

" Et j'ai fait de mon possible pour enterrer le pauvre yack, un tel sort funeste m'a arrachée le cœur… " D'ailleurs, rien qu'en y pensant, elle pleura toutes les larmes de son corps.

Latone baissa les yeux. Finalement, son petit coin de paradis c'en était plutôt pas mal sorti. Elle avait entendu dire que le précédent propriétaire avait vécu toute sa vie avec le yack et que ce dernier demeurait chagriné de sa perte. Mambo ne reviendra plus jamais, mais elle espérait lui avoir offert une fin de vie radieuse.

" Merci de ton aide. Je m'appelle Latone, au fait. " Clo cessa aussitôt de pleurer et vint rejoindre sa nouvelle camarade.

" Maintenant on est amies de jardin ! Si cela te convient, je peux m'en occuper en ton absence ! À la base, j'ai été mandatée pour une autre raison, mais quand je suis tombée ici, je n'ai pas pu m'en empêcher ! "

" Une autre raison ? "

" Oui ! Un Kangela est venu à notre rencontre et nos aînées se sont intéressées à votre Monde des Chants ! " Latone se montra de plus en plus perplexe.

" Le Monde des Chants ? "

" Quand vous utilisez votre Voix et que vous transportez vos spectateurs dans votre imaginaire, c'est le Monde des Chants ! Toutefois, cette magie est encore un mystère, même pour nous les Faes. Il semblerait que le centre névralgique de ce Monde se trouve à Ciel-Ouvert, d'où ma présence ! Soudain, elle tiqua. Attend, tu es Latone ?! La Latone dont les Kangelas scandent ?! Elle tournoya autour de la titanide. Mais c'est super, tu vas pouvoir nous expliquer ton expérience ! Les Faes seront ravies de te voir ! "

" Euh, je ne crois pas être prête à rencontrer les Faes comme ça, j'ai plein de choses à faire ! " Clo se figea un instant et reprit de plus belle ensuite.

" Oh bien sûr, pardonne-moi, je ne voulais pas te bousculer ! Quand tu seras prête, je pourrais t'y emmener, héhé ! D'ici-là, on fait quoi ? On fait le tour du jardin ? On se fait des fleurs dans les cheveux ?! " Latone haussa un sourcil.

" Des fleurs dans les cheveux ? "

" Ouiii, on pourrait te fabriquer des fausses fleurs ou des pétales pour égayer ta chevelure ! La Fae ne se gêna pas pour la saisir et la brosser. Ils sont si longs, je suis sûre que tu serais encore plus belle avec ! "

Latone demeura silencieuse, la perspective lui paraissant si surnaturelle. Il était pourtant vrai qu'elle pourra continuer de prendre soin d'elle en ce lieu, qu'elle pourrait vivre sa Vie à son rythme, selon sa philosophie, et sa Voix. Encore plus belle ? L'écho envahit ses pensées, si tentateur.

" … J'aimerais bien du bleu. "

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