Réaction aux livres de Jun : ICI

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Un petit meuble d'environ soixante centimètres de haut et trente centimètres de large, avec trois étagères. Après une minutieuse inspection – qui n'allait quand même pas jusqu'à des mesures aussi précises – Latone en conclut que ce meuble ne lui appartenait pas. Alors pourquoi était-il dans ses quartiers ? Et surtout, pourquoi y avait-il des livres dessus ? Ces mêmes livres, elle n'avait aucune idée de leur existence jusqu'à aujourd'hui. Dans la roulotte, elle avait conservé quelques livres qu'on lui offrît, et en avait rapatrié d'autres jusque dans sa chambre à la Vigilante. Ce qui était alors sûr, c'était que personne, absolument personne ne lui avait offert cette liste…

" La vie sexuelle de Margueritte Hautbourg. "

Dubitative, l'Orisha resta inerte face à la couverture qui s'avérait plus explicite qu'imaginer. Accoutumée aux mœurs chamaniques, cela ne la choquait pas de lorgner un corps nu, mais le fait que ce livre en fera son sujet principal… Elle retourna le bouquin pour lire le résumé : en gros, l'histoire débridée d'une Magicienne vierge, côtoyant les plus gros poissons de la haute société. Elle ne captait pas bien pourquoi le mot "gros" était mis en évidence par des italiques, mais pas grave. Quoi qu'il en soit, que penser de toute cela ? Eh bien, elle était seule dans sa chambre, le château était drôlement silencieux. Tout le monde était occupé de son côté, aucune Marche ne l'attendait pour le moment. Elle n'avait rien prévu de particulier de si bon matin, pas même de sortir. Elle espérait d'ailleurs ne pas croiser Koe, car cette idée d'aller au festival d'Aïkisu la terrifiait. Bien, l'affaire était entendue : journée à rien foutre.

Se jetant sur son gigantesque lit comme une adolescente, la jeune femme démarra sa mystérieuse lecture. Si le début lui parut long et ennuyeux, le croustillant arriva à point nommé pour attirer toute son attention. La rencontre avec le premier prétendant fut mignonne, romantique, et les premiers actes, disons, grivois la captivèrent.

" C'est comme ça qu'on fait… " Comprit-t-elle alors, s'imaginant tous les couples qu'elle connaissait faire preuve d'une telle théâtralité.

Malgré tout, les paragraphes explicitement sexuels la laissèrent sans voix ; car si elle connaissait la théorie pour l'avoir imagé de nombreuses fois sur l'Île Maudite, elle ne s'était pas attendue à une telle explosion d'émotions. Ce livre lui faisait vraiment comprendre que faire l'amour, ça faisait du bien. Était-ce pour cela qu'une bonne partie des mortels cherchaient à trouver leur âme-sœur ? Latone finissait par dévorer ce bouquin sans avoir une réponse claire à cette question, et à se rendre compte qu'elle avait drôlement chaud.

" Les zones érogènes. "

Celui-là se présentait comme hautement technique. Autrement dit, guère intéressant aux yeux de l'Orisha qui préférait l'action et la facilité. Néanmoins, Latone se remémora sa découverte des recettes de cuisine et de leur côté plutôt rébarbatif, parfois. Elle se mit alors en tête de surmonter les obstacles de ce livre-ci… Et ainsi, quelques minutes plus tard, elle se retrouva à moitié nue devant son grand miroir. Docile envers les lignes, elle découvrit d'autant plus cette enveloppe charnelle qui était à présent sienne. Peut-être bien qu'à l'époque de la Kirzor, elle connaissait déjà tout ça, mais pour la présente Latone, c'était tout un parcours à suivre. Donc, des caresses par-ci, des touchers par-là, tous ces rituels pourraient aider à atteindre cette félicité sur laquelle fantasmait Margueritte Hautbourg. La Bleue fut tentée, mais ne franchit pas le cap de l'essai. En outre, ce guide l'irritait plus qu'il ne le devrait.

" Juste une fois pour essayer. "

Scotchée. Alors on pouvait même le faire par "là" ? Des rémanences oniriques remontèrent du puits de ses souvenirs. Ce cauchemar où elle s'était retrouvée aux griffes de cette démoniaque rousse, celle qui s'était immiscée en elle avec ses doigts. C'était par "là" qu'elle avait osé ! C'était donc vraiment sexuel, alors que Latone n'avait aucune foutue de la chose ? Ce livre lui apparut comme le grimoire des révélations en personne, et, depuis, elle ne s'était toujours pas rhabillée tant cette chaleur l'enserrait. Déjà que le livre sur les zones érogènes la rendit fière de ses propres fesses, alors si la sodomie existait…

" Histoires interdites. "

Une succession de courts récits diablement intéressants et surtout surprenants. Latone ne découvrait qu'à peine tous les liens géopolitiques et ces nouvelles les parodiaient à un point ! Aux frontières du sensuel et de la dérision, on y découvrait la passion naissante d'une Ygdraë sous l'emprise d'un Alfar, de la lubie d'une Sorcière qui gardait des Réprouvés dans sa cave, des tumultueuses aventures d'un Ange égaré à Avalon, et le coup de théâtre : littéralement l'ultime orgasme de Lyrienns du Feu et de la Glace. À défaut d'entretenir son état, cet ouvrage l'aura au moins faite rire et assimilée les anomalies les plus folles de ces Terres.

" Les petites friandises de Calek Ærios. "

Plus insupportable comme personnage, Latone ne connaissait pas encore. Comment ces pimbêches pouvaient tomber sous le charme de ce manipulateur ? Calek collectionnait les conquêtes comme les chapeaux exotiques. Si elle ne s'était pas lancée dans un tel marathon littéraire, la Marcheuse n'aurait même pas pris la peine de le feuilleter jusqu'au bout. Enfin, au moins, il lui fit bien comprendre que les multiples relations ne l'intéressaient pas le moins du monde. C'était d'une aberration…

" Anatomie du corps des peuples. "

Aussi illustratif que le second livre, Latone ne pensait pas avoir autant de fesses et de braquemards en l'espace de quelques minutes. Au moins, elle put apprendre que les Réprouvés étaient sacrément gaulés, que les Ondines avaient un corps à s'en damner, les Ygdraë attisaient la curiosité des étrangers, et les Déchus étaient juste les rois. Pas grand-chose sur les Orishas par contre, ce qui était bien dommage ; elle aurait aimé avoir une certaine idée.

" Crie-le trois fois. "

La belle histoire d'une initiée souhaitant se livrer à son plus grand amour, celui-ci ayant quelques exigences en matière de sexe. En effet, le chiffre trois revenait bien souvent durant le récit. Ce qui aurait pu être redondant à la longue finissait, surprenamment, par happer la lectrice. Lors d'une scène de masturbation en particulier, où Latone se retrouva comme transportée par la narration.

" Oh Miles, oh Miles, OH MILES ! " Trois fois.

Petite pause nécessaire. En plus, la Guide faillit rater le déjeuner avec toutes ces bêtises ! Elle se changea illico pour consommer son repas durement mérité, avant de revenir une petite heure plus tard à sa besogne.

" Biographies de Déchus de la Luxure. "

On mentionnait plus que de raison Avalon et les Déchus dans ces bouquins, et Latone commençait à comprendre pourquoi. Avec ce modeste ouvrage, elle finissait par connaître du bout des doigts – sans mauvais jeu de mots – quelques célébrités des Ailes d'Ébène. Adam Pendragon, Oriane Natey, tant de personnalités que Latone tentera de rencontrer en conservant le plus de couches de vêtements possibles. Zéro risque. C'était dommage d'ailleurs, elle avait entendu parler d'un festival là-bas, dont le nom lui échappait.

" La vérité sur la Bûche Sauvage. "

Plus clair et limpide, il n'y avait pas.

" Non… mais… c'est… Ses yeux écarquillés ne revenaient toujours pas de ce qu'elle venait de découvrir. La Bûche Sauvage est… ! "

Incroyable !

" Les pratiques débridés d’un peuple oublié. "

Au point elle en était rendue, la Bleue devenait vraiment friande de ces débauches fantaisistes. Elle en redemanderait presque plus, cependant ce ne serait que gâcher tout le plaisir. Suite à cette aventure – nommons bien les faits – Latone se sentait à la fois bizarre et plus légère. C'était comme si les sentiments de Lolaha lui paraissaient plus compréhensibles. Était-elle attirée par Gandr ? Y avait-il une suite à cette histoire ? N'était-ce pas, au final, comme dans un livre ?

Qu'était-il donc passé par la tête de Jun pour lui offrir cette collection érotique ? Car oui, à force d'être confrontée à ce genre d'événements, Latone parvenait enfin à faire la différence entre les bêtises de l'Æther et le cours naturel du Temps. Quoi qu'il en soit, toute cette histoire lui rappela ses intentions du Taiji. Ni une ni deux, elle se précipita dans sa cuisine pour sortir le plus bel ouvrage de sa vie. Il était étiqueté de manière gauche, tant pis, on devinait que c'était bien du Jus de Jun. Ensuite de quoi, la Hurabis s'imaginait lui faire un rapport sur ces écrits, mais ses gribouillis lui seront illisibles. La Kirzor se contenta alors d'une simple carte "Pour Jun", insufflée d'une bulle d'Hihtyx qui lui contera son ressenti final. Avec un peu de chance, sa magie encore instable n'éclatera pas à la gueule du Divin ; quoique !

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