« Eiko ? » appela l’Orine, tout en sondant la foule pour essayer de trouver sa fille. Le village était en ébullition. On préparait déjà le prochain festival, qui aurait lieu dans quelques jours. On apportait les dernières retouches aux décorations que l’on installait ensuite ; les artistes effectuaient les répétitions pour parfaire leurs spectacles ; les costumières et les maquilleuses étaient entraînées dans un dernier tourbillon de demandes pour ravir leurs mannequins. Dans toute cette effervescence, la petite Orine parvenait à trouver milles et unes cachettes différentes. « Excusez-moi, vous n’auriez pas vu Eiko ? » « Mmh, si, elle est passée il y a une dizaine de minutes environ. » répondit le marchand. « Elle m’a offert un joli bouquet de fleurs alors j’ai accepté de lui donner des mochis. » expliqua-t-il en riant de bon cœur. La fillette était connue de tous les marchands de nourriture. Son estomac semblait être un véritable trou noir car elle se baladait rarement sans quelque chose à manger entre les mains. Les mochi restaient cependant son dessert favori. « Je crois qu’elle est allée au stand de masques, ensuite. » « Très bien, merci pour votre aide. » salua la maman avec un sourire aimable. Cela non plus, ce n’était pas très étonnant. La fillette adorait les déguisements. Elle aimait se maquiller, également. Cela lui donnait l’impression de pouvoir être qui elle voulait. En se prêtant au jeu, elle pouvait devenir une Ange, une Démone, un Réprouvé ou bien un lyrienn. Elle ne comprenait pas toutes les subtilités liées à ces races – elle avait encore beaucoup de choses à apprendre – mais le jeu l’amusait fortement. En la voyant s’épanouir dans ces rôles, on ne pouvait que l’encourager.

« Mmh… Lequel on veut, monsieur Noisette ? » demanda la fillette en levant les yeux vers le ciel. A l’entente de son nom, le petit écureuil perché sur sa tête lui montra le bout de sa truffe. Il émit quelques bruits indistincts que la jeune Orine sembla pourtant comprendre. Mimant la posture sérieuse des adultes, elle prit son menton entre son pouce et son index. « Mmh, tu crois ? » demanda-t-elle. « Je trouve le vert plus joli que le bleu. » commenta-t-elle. « Oh, tu as sans doute raison. Le vert ressemble déjà à celui que l’on a à la maison. » admit-elle après avoir écouté la réponse de son ami à fourrure. « Eiko ! » L’interpellée sursauta et aperçu, au loin, sa maman l’appeler. Elle la cherchait sans doute. Elle s’était échappée de sa leçon de harpe : elle préférait de loin participer à l’organisation du festival plutôt que d’étudier. Sa maman néanmoins n’était pas d’accord et avait tenu à ce qu’elle termine son entrainement avant de pouvoir venir s’amuser. Eiko ne tenait jamais en place : elle préférait partir à l'aventure plutôt que de s'assoir sagement. Seuls les légendes et mythes que lui racontait sa maman chaque soir avant d'aller se coucher lui permettait de se calmer un peu. Fronçant ses petits sourcils – malgré cette grimace, ses grands yeux sombres et son visage chérubin lui donnaient des airs de poupée – l’élève enfourna son dernier mochi dans sa bouche puis se mit à quatre-patte. Sans qu’on la remarque, elle traversa le stand et passa dans la ruelle voisine. Se remettant debout, elle s’apprêta à trouver une autre cachette – peut-être irait-elle aider ces acrobates à porter leur lourd costume de dragon. « Eiko ! Regarde ! » l’interpela cependant un petit garçon. Il tenait dans ses mains un petit carillon qu’il avait lui-même confectionné. Une brise légère l’activa, produisant un son mélodieux qui interpella aussitôt la petite aventurière. « Oh, comme c’est joli ! Même monsieur Noisette, il l’aime bien. » informa-t-elle avant de s’approcher. « Dis, tu viendras nous voir pendant le festival ? » « Seulement si tu viens aussi. » Rassuré, le garçon esquissa un sourire. « D’accord. »