Après son étrange rêve, le réveil d'Eiji avait été plus que difficile. Retourner se coucher avait été également délicat. L'impression de réalité de ce qu'il avait vécu ne le quittait pas, lui collant à la peau comme l'eau souillée de la fontaine. Pourtant, au matin, il s'était, comme toujours, préparé. Après avoir regardé ce que le ciel réservait, il enfila une tenue confortable. Ce jour, ils devaient avoir un enseignement sur l'art de la pâtisserie, façonner délicatement les mochi, les manju, les daifuku. N'importe quel autre jour, Eiji en aurait été ravi. Il n'était pas souvent le dernier à goûter ce qu'il réalisait, surtout les spécimens les moins attrayants à l'œil, ce qui représentait bien souvent une bonne partie de son panel. Ce n'était pas qu'il était mauvais, pas plus qu'il était idiot, mais il n'avait pas la patience et la délicatesse, dans ses doigts pourtant fins et prometteurs, de réaliser les tours et quarts de tours demandés. Il avait plus de facilités avec les dorayaki. Il se retrouvait donc souvent à devoir sacrifier son cheptel de moins que parfaits moutons blancs et collants, les offrant le plus souvent à sa mère. Lui-même en mangeait, mais s'écœurait après deux ou trois confections.

Armé de tout le courage possible, et d'une nausée lancinante née autant de sa mauvaise nuit que des souvenirs qui le hantaient un peu, il se dirigea lentement vers les brumes s'enroulant langoureusement autour des temples. S'il y avait bien un endroit qui l'aidait quand les pensées fusaient trop dans son esprit, c'était là. Observer la danse presque éthérée des prêtres et prêtresses faisait souvent taire, même si uniquement pour un instant, le flou. Il esquiva autant qu'il le put les odeurs entêtantes des marchands ambulants qui s'appesantissaient dans ses narines et sa gorge comme autant de grains de poussière de roche, lui rappelant, encore une fois, le lourd chagrin d'un rêve effondré. Enfin, il s'installa pour observer, peut-être pas discrètement, mais il n'avait jamais été la plus remarquable des Orines.

Peu à peu, à chaque mouvement d'air, chaque brise effleurant le casque de ses cheveux, une pensée sombre s'envolait, emportée par les rites, vers un ailleurs lointain. Enfin, apaisé, il retrouvait le Beau qu'il avait connu toute son existence et, peut-être, il trouvait un apaisement dans l'inspiration qu'il avait apportée par son acte, bien qu'il ne fut toujours pas convaincu de la réalité de ce qu'il avait vécu. Il devait apprendre à vivre avec, cependant. Être la meilleurs version de lui-même. Le changement passait par le changement de soi. L'amélioration de soi. La perfection de soi. Il ferma les yeux et inspira de grandes goulées d'un air purifiant, fortifiant, qui chassa quelques nuages de son esprit et de son estomac.

Enfin apaisé, il retourna vers le lieu de cours, apercevant les espaces déjà encombrés de farines, de sucres et de haricots rouges. Avec un peu de chance, tout irait bien. Il salua tout le monde avant de s'attacher les cheveux, se félicitant d'avoir revêtu un tangzhuang et de ne pas avoir de manches à relever. Il prit place à côté d'une très jeune Orine, écoutant avidement leur enseignante du jour, absorbant la caresse du soleil levant dans son dos, le murmure des herbes au loin, et la douce chaleur qui dénouait son esprit incertain. Il savait que le silence ne durerait pas si longtemps, ne serait-ce que parce qu'il commençait déjà à se poser cent questions sur le pourquoi de la formation de la pâte grâce à l'eau, ou de la forme des mochis, ou de la couleur des haricots. Il voulait tout savoir, tout comprendre, et ensuite, faire de son mieux.

HRP/objectif de quête: