Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1704 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Jeu 25 Mar 2021, 23:32
Objectif : Sur le toit d’un bâtiment, Leigh songe à mettre fin à ses jours. Heureusement, les passants en contrebas tenteront de l’en dissuader. Non je déconne, on est en Enfer, concentrez vous.
Leigh baissa les yeux. A ses pieds, le vide. Une dizaine de mètres la séparaient de la rue en contrebas. C’était une rue passante, étant donné qu’elle se trouvait actuellement sur le toit d’une auberge et pas très loin d’une taverne. Ils étaient plusieurs à l’avoir vue. Quelques-uns étaient restés indifférents, d’autres avaient souri en la désignant à leurs amis. Quant aux plus audacieux, ils l’avaient déjà hélée :
-Alors, tu sautes ?
Elle ne leur répondit pas. Leigh était concentrée. Concentrée sur sa mort prochaine. Elle avait longuement réfléchi à sa décision. Elle ne l’avait pas encore prise. Jamais elle n’aurait pensé terminer sa vie de cette façon. C’était trop contrôlé, abrupt et beaucoup trop fade pour celle qu’elle était. Se jeter dans le vide, vraiment ? Leigh avait songé à cette notion, celle d’une mort rapide et sans douleur. Ce n’était pas pour elle. Elle ne se reconnaissait pas dans cet acte. C’était un peu comme tout gâcher, gâcher l’œuvre de sa vie, celle qu’elle avait dévoué à la souffrance. Se résoudre à cela paraissait ridicule et dénué de sens, et pourtant elle était là, prête à le faire, prête à sauter. C’était la seule solution qu’elle avait trouvée pour en finir maintenant. La Démone avait compris qu’aucune tentative de suicide en l’honneur de Haroûn ne saurait venir à bout de sa personne. Mourir dans d’atroces souffrances aurait été la bonne chose à faire. Seulement, c’était aussi elle qui la ravivait. Si la mort n’était pas brutale, Leigh serait incapable de venir à bout d’elle-même. Son corps s’entêterait à survivre, quitte à souffrir encore plus, plus longtemps et intensément, jusqu’à retrouver le chemin de la guérison. Tout ça pour le simple plaisir de subir encore.
-Hé, tu nous fais un strip-tease ?
-Salope ! S’amusa à lui gueuler quelqu’un, sans aucune raison. Le commentaire fut accompagné d’un sifflement provoquant.
Sa vie était un véritable bordel, dans les deux sens du terme. Elle était un déchet. Une femme qui n’avait été destinée à aucun avenir. Elle avait été une piètre Sorcière et aujourd’hui, elle était aussi faible que dans sa vie précédente, avec les conditions de vie en moins. Elle avait perdu tout ce qu’elle avait gagné. Il n’avait suffi que d’un claquement de doigts pour que sa stabilité ne parte en fumée. Son frère la détestait pour un tas de raisons. Elle l’avait abandonné. Elle n’était qu’une catin stupide et sans valeur à ses yeux, et une honte aux Dogma. Sa maison avait été détruite lors de la prise de la Terre Blanche et son souffre-douleur lui avait été prise par la même occasion. Elle avait tué l’homme de sa vie sous la demande d’un roi, celui-là même auquel elle allait se marier. Elle avait tué Asborn pour lui. Cet homme la terrifiait. Elle se souvenait du regard et de la voix de son amant, lorsqu’il s’était réveillé avec un couteau lui transperçant l’abdomen. Elle se souvenait de son corps refroidissant contre le sien, du sang et de cette odeur âcre qui l’avait suivie pendant plusieurs jours. Elle se souvenait lui avoir parlé, encore, après sa mort, comme s’il était toujours là. Elias avait détruit ce qu’elle avait et il l’avait amenée à le faire de sa propre main. Bientôt, lorsqu’ils seraient mariés, il ferait d’elle son pantin. Elle ne serait que pour lui un objet de divertissement sur lequel desservir sa haine et son besoin de destruction, ils s’étaient accordés là-dessus. Elle avait consenti à tout ça. Quant à l’avancée de ses projets personnels, ils la décourageaient. Leigh était faible. Physiquement et psychologiquement. L’angoisse était devenue sa meilleure compagne et celle-ci la bouffait plus que ce qu’elle avait imaginé. A ce stade, elle n’avait même plus la force d’être désespérée. Elle était juste… vide. Son esprit était mort. L’épuisement avait raison d’elle. Il lui semblait dans l’ordre des choses d’en finir. Leigh s’approcha du vide. Ses orteils ne touchaient plus l’ardoise de la toiture.
-Attention à ne pas te fouler la cheville !
Des rires retentirent, puis des cris, pour l’encourager à en finir. Depuis tout à l’heure, le groupe qui assistait à son pitoyable spectacle s’étaient étoffé, passant de quatre ou cinq péquenauds à une dizaine, et parfois une quinzaine de personnes lorsque d’autres passants s’attardaient. Dix mètres. Serait-ce assez pour la tuer ? Ou cela se conclurait-il par un échec ? Avec un peu de chance, elle atterrirait sur l’un de ces cons qui se foutait d’elle et l’entrainerait dans son foutoir. Se retrouverait-elle à agoniser au beau milieu de la voie publique ? La laisserait-on ? Ou la sauverait-on, en échange d’une dette qu’elle serait forcée de payer malgré elle ? Pourquoi se donner la mort devait-il être aussi compliqué ? Ses yeux roulèrent dans ses orbites. Passablement blasée, elle laissa ses ailes apparaitre dans son dos. Ses deux appendices se déployèrent. Peut-être serait-ce plus facile si elle prenait de la hauteur. Une fois l’altitude choisie, elle pourrait tomber à pic et laisser la gravité faire son travail. Son corps s’écraserait sur le sol, probablement la tête la première, engendrant des craquements dans sa nuque brisée tandis que les autres parties de son corps qui se disloqueraient. Leigh se voyait facilement mourir. Voir son corps expirer ne la dérangeait pas. Elle n’était qu’un amas de chairs, après tout. Comme tout le monde. L’humiliation que l’on pourrait faire subir à son enveloppe charnelle vide la laissait indifférente. Qu’on la brûle, qu’on la découpe, qu’on la viole ou qu’on la frappe étaient des possibilités envisageables compte-tenu du nombre de chiens qui l’attendaient au pied du mur. Au moins, son corps serait utile même après sa mort…
-Qu’est-ce que t’attends ?
Bonne question. Elle attendait le bon choix. Il était impossible de savoir quand il arriverait. Peut-être dans une minute. Peut-être dans quelques heures, voire quelques jours. Ça n’avait pas d’importance. Dans le pire des cas, elle finirait par tomber de faim ou d’épuisement, étant donné qu’elle n’avait pas mangé depuis longtemps et que ses nuits étaient pour la plupart blanches.
-Hé, chérie, pourquoi tu ne descends pas plutôt nous raconter tous tes problèmes au lieu de foutre ta vie en l’air ? Y’aura de la place pour tout le monde dans mon lit.
Lui raconter ses problèmes ? Même s’il avait voulu dire ça au premier degré, il n’aurait pas voulu entendre ses problèmes. Il ne voudrait pas se fatiguer à comprendre quel était cet élément paradoxal qui définissait l’entièreté de son être : Leigh détestait ce qu’elle aimait ; elle aimait ce qu’elle détestait. Elle aimait souffrir, détruire et déchiqueter. Elle aimait la sensation de son corps soumis à la douleur, autant que cela la faisait cauchemarder. L’expérience en elle-même n’était jamais agréable, mais la scène était jouissive. C’était théâtral et dramatique. Attendre la sentence était excitant et stimulant. Le soulagement, à la fin du supplice, était libérateur. L’entre-deux était terriblement intense. Désagréable, mais intense. Leigh ne se sentait jamais aussi vivante que dans ces moments-là. Elle était accro à l’adrénaline. Elle avait peur de la monotonie d’une vie trop bien ficelée. Peut-être ne voulait-elle pas se retrouver prisonnière de l’image qu’elle s’était toujours faite des Sorciers trop protocolaires, ou pire, des Magiciens. Était-ce pour cela qu’elle avait entrainé son frère dans ce vice et ces expériences morbides ? Possible, elle n’en savait rien. Dans tous les cas, Leigh avait choisi de se vouer à une vie difficile. Ce qu’elle avait l’intention de faire à cet instant précis faisait partie de ce à quoi elle s’était engagée en empruntant cette voie. C’était un peu comme le sexe. Elle adorait cela et pourtant, parfois, ses désirs la consumaient tant qu’elle en souffrait le martyr, au point de rêver être une sainte ou une none, de vouloir retrouver sa virginité et ses fantasmes innocents qu’elle ne réaliserait jamais, cette fois.
-Bon, tu te décides oui ou merde ? On n’a pas toute la journée, nous.
Leigh considéra les misérables abrutis qui assistaient à sa mise à mort comme des chacals galeux. Quelle bande de connards. L’un après l’autre, elle éloigna ses pieds du bord du précipice. Non. Pas aujourd’hui. Elle entendait les cris de protestation de ses spectateurs, déçus qu’elle ne soit pas allée au bout de sa démarche. La Démone serra les poings. Tous ses membres tremblaient. Elle renifla. Son souffle était court, comme si elle avait été en apnée tout ce temps. Ses jambes n’en pouvaient plus de la soutenir mais elle ne les laissa pas flancher. Pas aujourd’hui. Elle n’avait pas fini de vivre et de faire de son existence un exemple de chaos. Elle était encore trop jeune, faible et insignifiante. Elle avait besoin qu’on la considère. Davantage. Un peu comme ces hommes qui continuaient de japper comme des chiots en cage. Elle ne cherchait pas particulièrement la gloire au sens global du terme. Elle voulait que ce qu’elle faisait ait du sens : elle voulait terrifier et envouter, soumettre et exalter. Que sa vie et sa mission devienne une œuvre, un concept dont on se souviendrait. Là, elle pourrait mourir. La Vile eut un rictus. Elle aimait les voir sous elle, ces gens qui s’agitaient comme des insectes. Prenant une longue inspiration, elle tourna les talons. Elle fut huée. Ils pouvaient gueuler tant qu’ils voulaient, ça ne la ferait pas revenir sur sa décision. En deux battements d’ailes, Leigh retrouva la terre ferme. D’un pas assuré, elle se dirigea vers ses groupies, qui s’étaient en partie dispersées. Elle en attrapa un par le bras. Il lui semblait que c’était celui qui lui avait proposé de coucher.
-Viens avec moi.
C’est ce qu’il fit. Elle ne lui expliqua pas, c’était bien assez clair comme ça. Ensemble, ils montèrent les escaliers de l’auberge jusqu’à la chambre qu’elle avait réservé pour la nuit d’avant, là où elle avait prémédité son suicide. Sur le pas de la porte, elle l’embrassa.
-Qu’est-ce que t’as fait changer d’avis chér-… ?
-Enlève ta chemise. L’interrompit-elle.
Tandis qu’il s’exécutait, elle ferma la porte à clef et s’occupait de sa ceinture.
-Tourne toi.
Elle avait envie de lui, terriblement. Son corps bouillonnait et elle incitait celui de l’homme à faire de même grâce à sa magie. Lorsqu’il eut obéi à ses ordres, elle fit glisser la ceinture entre ses doigts, estimant la souplesse du cuir. Se mordillant la lèvre, elle la brandit, puis l’abattit sur le dos nu de son amant. Celui-ci poussa un cri, semblable au grognement d’un buffle. Cela l’excita. Elle recommença. Plus fort. Encore. Elle voulait le marquer. Elle voulait qu’il saigne. Elle voulait lui faire mal jusqu’à ce qu’il ne sente plus rien. Lorsque ce fut fait, elle revînt à lui, passant ses doigts sur ses blessures. Leigh avait changé d’apparence, recouvrant l’aspect morbide et primaire de sa nature. Elle était redevenue aveugle et n’avait que pour repères la chair et les muscles de l’inconnu. Doucement, elle guida sa main entre ses jambes.
-Je veux que tu me baises et que tu me fasses du mal.
Elle voulait qu’il soit violent. Elle voulait lui être soumise et qu’il fasse ça comme un sauvage autant de fois qu’il le souhaiterait. Elle voulait oublier ce qu’elle avait été sur le point de faire.
