Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Léto utilise pour la première fois la Bague Angélique. C'est pas jojo.

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La retraite finale fut sonnée, alors que Thorvard Skuli termina de nettoyer sa hache, toute poisseuse de sang, au sein d'une flaque annexe. Les guerriers cherchaient à ramasser le plus de butin possible. Gona'Halv n'en était pas à son premier massacre de la faune et les Réprouvés raffolaient d'exhiber quelques trophées en rentrant. Histoire de se vanter le temps d'une soirée et de pouvoir coucher la même nuit. Le Skuli préférait laisser les plus avides passer en premier, car une victoire de leur camp ne signifiait pas toujours un retour au bercail assuré : il suffisait que deux Bipolaires – encore énivrés par le combat – se croisassent pour relancer les hostilités. Originaire de Stenfek, la prudence lui intimait ce mode de procédé. Jusqu'ici, cela lui assura une vie confortable au sein du Thur Lahvu, avec une femme et des enfants. Thorvard attendait donc l'accalmie, le concert de la pluie battante pour chercher sa part à son tour.

Les engeances qu'ils massacrèrent aujourd'hui ne furent une formalité. Heureusement que son grand frère, Billgrim, ne fût point de la partie : il aurait été déçu. Le Réprouvé croisa un confrère et ils se cognèrent l'épaule, un rire gras franchissant leurs lèvres. Il salua de la tête plus loin une autre guerrière. Il était bon de s'assurer que ses frères et sœurs d'arme favoris répondaient encore présents. Leur heure n'était pas encore venue. Il le ressentait jusqu'au plus profond de ses tripes. Arpentant des marées écarlates, Thorvard se retrouva presque tout seul dans ce coin du terrain. Il s'assurait au passage qu'aucun monstre n'agonisait ou feintait la mort. Alerte, il scruta les écailles et la moindre proéminence mouvante. Quand soudain, il aperçut un éclat. Là, au beau milieu de la Mort, des plumes immaculées se firent assaillir par le courroux céleste. Plus il avançait, plus la blancheur de ceux-ci perdirent de leur superbe à cause de la boue. À portée, le Réprouvé se montra suspicieux. La créature n'était pas uniquement dotée d'ailes blanches à l'instar des emplumés de la Bonté, mais d'une paire aux rebords carmin… et d'une autre aussi disparate que son peuple. Thorvard se méfia et préféra jouer du pied pour retourner cette personne qui n'était, en toute logique, pas des leurs. Elle baignait dans une importante marre de sang, comme si elle s'y était noyée. La stupeur le frappa en découvrant plusieurs vérités.

" Kiir’Wahlwan… " Souffla-t-il, implorant le Zaahin de le soutenir avec cette anomalie.

Ce n'était pas une Réprouvée, son faciès semblait trop lisse et aucune affliction corporelle n'était visible. Un corps aux allures parfaits, des plumes en majorité blanches, cela ne pouvait être qu'une Ange. Cela devenait, bien évidemment, commun d'en croiser chez les Réprouvés, mais qu'est-ce qu'une Ange couverte de sang – le sien, sans être blessée ? – et entièrement nue fichait au beau milieu d'un massacre ? Le processus lui évoquait presque une Kiir’Sahqon. Les ailes partiellement rouges, l'apparition postérieure à un combat… Mais non. Odon Do Dur. Le fait qu'elle fût déjà âgée. Et surtout : qu'elle revête le visage de l'Edmund'Faasnu, Léto Sùlfr.

Il se pencha pour vérifier sa respiration. Elle est vivante. Il héla au volontariat ; ils auront besoin d'être plusieurs pour ramener un tel colosse au bercail. Nul doute que sa présence inopinée allait chambouler leur quotidien.

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Les essences de la purification lui étaient montées à la tête. C'était comme un rêve éveillé, comme si un quelconque dieu hantait son esprit. Tout échappa à son contrôle et fut comme spectatrice à partir du moment où sa vision croisa l'éclat de la bague à Cerfeuil d'Od à son doigt. Une douleur lancinante la frappa au dos, ses propres pensées et souvenirs lui donnèrent le tournis. Clouée sur place, elle se sentait mal à l'aise. Elle n'entendait pas sa propre voix, elle ne sut si les Chamans répondaient réellement à son appel. Pourtant, Tiva et Minco l'avaient rejointe… alors qu'elle se rendit compte qu'elle était aux bains. La première était trempée et, entreprenante et forte comme le roc, se faufila entre les cuisses de sa Reine. Le second veillait près des coussins, là où sa Reine guettait, et plaqua ses doigts sur sa tempe pour la détendre avec sa magie mystique. À mesure que l'amante fit intrusion en elle, chaque regain de plaisir précéda un coup de poignard. Elle avait beau tirer sur leurs cheveux pour les enjoindre à supplanter sa douleur par la félicité, à les supplier de la prendre pour la faire sortir de cette tourmente, il fut vain de lutter. Elle se revit alors se lever et gigoter entre leurs corps étendus, fatigués. Elle se tint au-dessus du bassin et l'eau vira au rouge. Elle coula. Et puis… plus rien.

" Lektyhriin (Connasse) ! " Une gifle la réveilla, ses yeux papillonnèrent au rythme de la surprise.

" Ylgar, rek nid los yu fahdon. (Assez, elle n'est pas ta pote.) "

" Rek los hahnu. (Elle est réveillée.) " De la fierté s'échappait de ses lippes.

Et une haleine fétide. Si la force de l'énergumène n'était pas à prendre à la légère, c'était son odeur qui l'avait surtout tirée de sa somnolence. Léto se frotta les yeux. Elle commençait à avoir froid. On lui avait enfilé des braies et une tunique on ne peut plus simples, et couverte sur une méridienne loin d'être confortable. Sous son poids, le bois de celle-ci craquela alors qu'elle se redressait. La pièce ressemblait à un salon rustique, quoi qu'austère. Un feu crépitait pour réchauffer l'endroit, alors que l'orage fracassait son courroux sur la façade.

" Hvis, sil lost odon kom toldiir ? (Pourriture, t'as fini de pioncer ?) " Le rouquin barbu se recula, intimé par un autre plus frêle que lui. Il puait jusqu'ici.

" Io sil kest : faal Kendov Léto. (Je te dis : la guerrière Léto.) " Sembla répéter le brun, celui-ci lui accordant une œillade intéressée.

Ce vacarme la saoulait.

" Shof yu op (Silence) ! Elle serra l'arête de son nez. De l'eau… " Sa gorge était asséchée.

Aussitôt, l'autre bourru alla chercher une bouteille opaque qu'elle s'empressa de vider. Elle fronça les sourcils en cours de route, car l'accumulation de mousse en son sein la dépassa. Elle recracha aussitôt par terre et le goût de l'omble lui parvint après coup. Ces hommes ne semblaient pas se formaliser de sa maladresse.

" Qu… C'est de la bière ! "

" C'est de l'eau. " S'entêta le plus imposant. Elle notait finalement qu'il était torse nu et bien en chair.

Le plus amical du duo se proposa de lui ramener la véritable source de toute vie. Léto se sentit enfin désaltérée, comme si elle sortait d'une longue séance de musculature, sans pause, sans retenu. Un mal de crâne la hantait constamment.

" Merci… " Elle se redressa encore un peu plus, toujours cette sensation de lourdeur.

" Je t'ai trouvée au sud de l'île. Il s'accroupit à sa hauteur, une lueur bienveillante dans le regard. Tu es à Gona'Halv. "

" Gona… Commença-t-elle à répéter avant de percuter. Vous êtes des Réprouvés. "

" Tu nous as causés en Zul'Dov, fais pas l'innocente ! " Contrairement à son acolyte, celui-ci semblait vraiment à cran.

" Contrairement à toi. T'étais couverte de sang – enfin, on t'a à peine lavée, la pluie s'en est chargé – et tu avais quatre ailes dans le dos : deux blanches à contours rouges, une juste blanche, et une dernière noire. Il lui laissa le temps d'assimiler ; elle ne remarquait aucune aile dans son dos. Elles se sont rétractées. Alors dis-nous, tu es quoi ? Trois-quarts presque Ange et un peu Déchue ou Démone ? "

" Une Réprouvée ratée. "

Léto se mura dans un mutisme. Son attention fila vers son doigt… Elle y ressentit une trace. Oui, cette bague immaculée qu'elle trouvât dans les affaires de Devaraj. Elle lui était apparue comme une évidence, exactement comme l'artefact des ténèbres. Ainsi donc, dans un excès d'absurdité, la Chamane avait enfilé la bague. Entre ce geste et ce qu'elle vécut tantôt, il lui apparaissait une vérité macabre. Mais tout ceci, elle ne pouvait même pas le comprendre.

" Je suis morte… Le brun ne cacha pas sa confusion. Tout ce dont je me souviens, c'est de m'être noyée et… Grr, j'ai mal à la tête… Elle ferma les yeux et reposa son crâne contre sa paume. Si ce que tu dis est vrai… alors… Elle rouvrit les yeux. Je suis devenue une Ange ? Elle se retourna vers les Réprouvés. Mes… sensations… Les ailes blanches… L'autre paire, blanche et noire, c'était d'Odon Do Dur… "

À la mention du phénomène de leur peuple, les deux guerriers se fixèrent, leurs soupçons s'affirmèrent de plus en plus. Thorvard avait raison et il voulait qu'elle l'émît enfin.

" Qui es-tu ? " Elle relâcha sa tête.

" … Léto Sùlfr. "

" Naal Okker ! "

La brute renversa une chaise, obligeant son acolyte à se relever pour anticiper un éventuel débordement. Le rouquin revint vers elle et la pointa du doigt, accusateur.

" Tu n'es pas Edmund'Faasnu ! Sùlfr est une Kendov comme on en voit rarement ! Une Orisha, la femme du Sang et de la Force ! "

" Dreell (Merde), Bill', tu vois bien qu'elle ressemble à Léto ! "

" Rappelle-toi de Za ! N'importe quelle blondasse peut se faire passer pour la Dovahkiin ! Il la désigna encore plus violemment. Regarde-la mieux, dreell, elle n'est pas pareille ! C'est… une putain d'Ange ! "

Durant leur dispute, Léto avait constaté l'éclat étrange de sa longue chevelure. D'ordinaire plus cendré, ses cheveux tiraient pourtant, présentement, vers un blond plus pur. Et ses bras, ils ne portaient aucune cicatrice. Son épiderme dans son intégralité était vierge de toute affliction, toute histoire. Soudain, Thorvard lui saisit le poignet et l'exhiba à l'autre.

" Et ça ? Tu l'expliques comment ? "Fahdon ney kril" (Amie des braves) ? " Léto remarqua en effet le bracelet en cuir, avec la dénomination correspondante.

Lors de sa participation à la Coupe des Nations, les Réprouvés lui firent grâce de ce présent, lui donnant un droit de passage sur leurs terres. Pour l'hospitalité, il fallait croire que c'était presque raté.

" C'est quoi que tu comprends pas, Thorvard ? Je te le répète depuis que t'as ramené son fion sous mon toit : je refuse de croire que c'est Léto Sùlfr, un point c'est tout ! Il renversa des affaires par terre en allant se pieuter dans sa chambre. Le Skuli le plus conciliant allait reprendre la parole, si une voix tonitruante ne s'était pas levée de la pièce voisine. CE N'EST PAS À TOI DE LE PROUVER, C'EST À ELLE ! "

" Sacré réveil, hein ? Léto haussa les épaules, elle était encore trop confuse pour réagir. Écoute, hum… moi, je te crois. Il y a trop d'éléments en ta faveur. Toute façon, tu voudras repartir, j'imagine ? "

Étrangement, Léto hésita. Comme si cette perspective ne lui plaisait pas.

" Je… Je ne sais pas… où aller, en fait… J'ai encore mal à la tête, tout est flou, c'est… insupportable… "

" Hmm… Bon, on peut revoir ça demain si tu veux. Il rassembla ses affaires. Pour un peu, quand je t'ai trouvée là-bas, c'était comme si je t'adoptais en tant que Kiir’Sahqon. On aura qu'à dire que t'es un peu ma protégée, haha ! Il bascula son sac dans son dos. Au fait, je m'appelle Thorvard. Et l'autre grognon, c'est Billgrim, mon grand frère. Mais tout le monde l'appelle Oncle Billy. "

Il tendit sa main, Léto ne cracha aucunement sur sa bienveillance et serra cette main salutaire.

" On ne vit pas ensemble par contre, je vais devoir te laisser dormir ici. Avant qu'elle n'ait le temps de riposter, il compléta : La vérité, c'est que tu es lourde, Léto. Tu as l'air encore dans les vapes. Et Bill' ne m'aidera pas à te raccompagner. Puis… Il se gratta la tempe, sans aucune once de délicatesse : Je ne peux pas te ramener chez moi, avec ma femme et mes enfants. Sinon je devrai lutter tous les jours contre l'envie de te prendre le cul. " Et les Zaahin savaient qu'il avait pu le voir, du coup.

" Ah. " Émit simplement Léto, comme si cette justification se suffisait à elle seule.

" Hé bro (frère), tu la tues pas dans son sommeil hein ?! "

" JE NE SUIS PAS UN FODER DE SORCIER ! " Les murs tremblèrent à nouveau.

Thorvard lança une œillade complice à la miraculée ; elle dormait déjà.

2148 mots ~
Les parties "invisibles" sont sous Silence

Le boucan causé par l'ours mal léché la tira de ses rêveries. Ses paupières papillonnèrent tandis que le Réprouvé agissait de manière, disons, naturel. Il était bruyant, brutal dans le moindre de ses mouvements. Léto peinait à croire que sa demeure pût tenir encore debout avec une telle attitude. Consciente de son influence sur l'environnement, elle-même savait se modérer pour ne pas provoquer de tels dégâts ; au moins sonores. L'Ange – elle finissait par admettre cette nature – s'assit sur le rebord et termina l'offrande aqueuse dont Thorvard lui fit la veille. Ce Skuli n'était effectivement pas présent en cette matinée. L'idée de passer du temps avec Billgrim l'écœurait en avance. J'en ai vu pire. Se convainquit-elle en se relevant. La faim et la soif la tiraillaient mais son énergie la conduisait à reporter toute interaction avec l'empâté pour le moment. Elle avait une toute autre envie derrière la tête : prendre l'air. Loin de ses flatulences, loin de l'emprise nauséabonde qui régnait entre ces murs.

Naturellement attirée par la lumière du jour, Léto se traîna jusqu'à la sortie et se tint près de l'encadrement de la porte. Le soleil tapait fort sur sa peau, il asséchait l'air, empêcherait presque de respirer convenablement pour les plus faibles. Malgré tout, les vents étaient tout aussi puissants et frappaient les fondations de la maison sur pilotis un bref moment. D'ici, elle avait une vue sur la fameuse cité, Gona'Halv. Cet endroit tranchait avec leurs voisins de Lumnaar'Yuvon : le doré des champs fut troqué par le terne des terrains d'entraînement, le gris de la ferraille et le bois détrempé. Des images flashèrent dans sa tête et lui évoquèrent les camps de Zawa'Kar. Une migraine lui prit au moindre nom propre et l'obligea à se frotter la tempe, son front plissé le plus possible. La Sùlfr ignorait les circonstances de sa "mort" et se doutait que son sort s'avérait beaucoup plus complexe que cela. Pour autant, tout ce qu'elle souhaitait, ce n'était pas d'en apprendre plus mais juste éviter un énième interrogatoire avec des rustauds pareils. Par-delà ces vagues déchaînées, l'Île Maudite l'attendait. La Hǫfðingi n'était pas si loin de son foyer.

Mais pourquoi rentrer ?

L'Ange sanglante retourna à l'intérieur de la maisonnée. Le balourd fit craquer la moindre fibre de son antre, tel un ogre des cavernes. Léto le vit sortir de sa piaule, visiblement sapé pour la journée. Elle ignorait quoi penser de lui : il était mesquin, colérique, néanmoins il ne lui inspirait aucune menace. Ce ne devait pas être son genre de s'en prendre physiquement à ses invités. Elle retourna près de la méridienne, ne sachant pas trop où se positionner tant que le Skuli se contentait d'allers-retours et d'esquive de regards. Il grommelait, se débattait pour préparer un repas matinal dans une énorme marmite. La blonde devinait que son autonomie trahissait une longue traversée de solitude et de réclusion. Si elle parvenait à imaginer Thorvard avec une famille, c'en était une toute autre histoire pour Billgrim.

" Besoin d'aide ? " Tenta-t-elle alors qu'il repassait pour sortir des sacs de provision.

Il l'ignora purement et simplement. Léto retint aisément son agacement, contre toute attente. Elle était d'ordinaire conciliante mais de là à la dénigrer de manière passive… Ceci étant, il valait mieux éviter de laisser cette femme sur un plan de travail en cuisine. Oncle Billy se contentait de dresser la table. L'Ange remarqua assez vite qu'il ne présentait qu'une place, de même pour la vaisselle et les couverts. Elle fronça les sourcils, alors que sa faim grognait, audible pour quiconque dans cette pièce.

" Est-ce que je peux avoir à manger ? Il se servit son espèce de potage et s'assit, n'accordant qu'une œillade méprisante à la squatteuse. S'il te plait ? " Il grogna et tapa du poing sur la table, les ustensiles firent un bond incroyable.

" Thorvard m'a collé tes miches pour la nuit et c'est tout ! Le rouquin se leva en direction de la cuisine. Tu peux rester sur ce canapé si t'en as envie mais tes autres besoins, je m'en flagelle les couillasses ! Il prépara une seconde part qu'il lui exhiba sous le nez. T'as intérêt à te rendre utile avant le prochain dîner, Drem'lok (Ange). " Il lui donna des couverts et retourna à sa place.

Cela s'était mieux passé que prévu ; en réalité, Billgrim lui-même ne comprenait pas pourquoi il cédait aussi facilement à ses caprices. Léto ne se fit pas prier longtemps et dévora la moindre portion. Un mélange de patates et de courgettes qui assouvissait son appétit. Lourd mais énergisant. Aussitôt terminé, l'ours mal léché leur resservit une seconde tournée qu'elle dévorât, toute aussi vive. Elle osa relever son attention sur lui, il semblait se contenter uniquement de sa présence et ne demandait rien de plus. Malheureusement pour lui, Léto n'était pas quelqu'un de silencieuse.

" À propos d'hier… Son regard laisserait presque croire qu'il allait la tabasser. Ou du moins, essayer. Je t'assure que je suis bien Lét— "

" Mais bien sûr que t'es Léto ! Il se redressa sur son siège, semant le doute dans la caboche de l'Ange. J'ai vu de mes propres yeux la Kendov broyer ce Faas'Bahlok comme si de rien n'était ! Son visage, sa carrure, son sourire, n'importe quel Réprouvé serait capable de s'en rappeler. Il se pencha au-dessus de la tête. Tu es peut-être devenue une putain d'Ange, mais tu fais pâle figure pour une Réprouvée. " Elle ne broncha pas. Son insensibilité à la subtilité ne l'aidait guère à cerner ses propos, qu'ils furent sincères ou ironiques.

" Je peux être les deux. Il parut tout à coup confus. Je peux être Léto, l'Ange Réprouvée. Elle sourit. Depuis la guerre, je sais que vous avez des Anges ou des Démons comme progénitures, alors… " L'idée n'était pas si absurde ; en plus, son frère l'acceptait bien comme telle.

" Léto l'Ange Réprouvée. Répéta-t-il. T'es un lardon en fait. Là, les yeux de Léto ne s'étaient jamais autant écarquillés. L. A. R. Tu veux te faire appeler Lar, c'est ça ? Lar le lardon ? "

" Je… "

" Ça te va bien, je te le concède. Ok, Lardon, finis de manger et ferme-la. "

Elle ne pouvait que se taire tant la situation lui apparaissait si surnaturelle. Venait-il vraiment la baptiser Lardon ? Écorcher son existence en trois lettres ? La comparer à un morceau de lard ? Léto… Enfin, Lar, elle s'en retrouva dépitée au point de vraiment finir son assiette. Qu'avait-elle fait pour mériter ça ?

" Nutaar (Putain) … " Elle releva la tête, Bill' bataillait avec une chope vide.

" Quoi ? "

" On n'a plus de bière. " Les derniers centilitres avaient fini par terre la veille.

" Ah… Son récipient aussi était vide. On a plus qu'à boire de l'eau. "

" Va en chercher. Elle eut à peine le temps d'assimiler sa demande. Oh Blondasse, t'as de la graisse dans les oreilles ?! Je t'ai dit d'aller nous chercher de la bière ! "

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Malgré elle, Lar se retrouvait dehors pour quémander la sainte boisson. Tant que tu n'auras pas fait tes preuves, tu te présenteras comme Lar. Ces mots s'ancrèrent dans son esprit alors qu'elle sortit sous l'injonction d'un alcoolique en manque. Elle aurait pu s'attendre à ce qu'il éclatât de rire après tout ce qu'il lui balançât à la face ; il n'en fut rien. Billgrim était vraiment un cas. L'Ange rouspéta en se dirigeant vers le soi-disant fournisseur et bon ami du Réprouvé. Il n'était qu'à quelques mètres du voisinage.

Durant ce maigre péril, Lar en profita pour observer davantage la cité. Plutôt austère en l'état, Gona'Halv ne lui évoquait qu'un gigantesque camp militaire, sans réelle âme, si ce n'était l'esprit purement combatif des Réprouvés. Si elle pouvait admirer leur ténacité et les fruits de leur dur labeur – à force d'endurer la nature, leur nature et celle d'autrui – plusieurs aspects de leur quotidien la laissait parfois pantoise, parfois dérangée. Un soldat rota à quelques pas d'elle et l'hilarité gagna son groupe. Une Réprouvée entraîna un plus jeune qu'elle dans un coin sombre ; elle ne portait pas de culotte. Des gamins jouaient dans la gadoue et ne ressemblaient plus qu'à des pantins des marais. Les forges embrasèrent l'atmosphère plus que de raison et le fracas du métal s'apparentait à des percussions de guerre. L'Ange entendit au loin des cris rythmés par l'entraînement. Toute cette singularité qui, autrefois, l'amusait ou l'intriguait, elle s'en retrouva plus bousculée qu'à l'accoutumée. Cependant, à travers le miasme de leurs mœurs, elle distingua quelques regards intéressés à son égard. Elle entendait des murmures de son nom, des interrogations. Elle devait être dans un piteux état pour qu'il n'osât l'approcher. D'autres conversations satisfirent sa curiosité ; des nouvelles de Stenfek ou des avancées à Gona'Halv. Des nuisibles à éradiquer, des parcelles à conquérir.

" Hum hum… Le Réprouvé lui accordait déjà toute son attention, les femmes de son gabarit n'étant point communes par ici. Billgrim réclame de la bière. Il sourit, ravi et présenta deux fûts pleins. … Tout ça ? "

" Bien sûr, une poignée de lunes pour Oncle Billy. À croire qu'elle le sous-estimait. Je te laisse t'en charger, j'ai d'autres choses à foutre. " Et le voilà déjà éclipsé.

" Ah. " L'Ange se sentait déjà lésée.

Ses pupilles disparates dardèrent les tonneaux pleins à craquer. En soi, ce ne devait pas être bien lourd pour une colosse de son acabit, mais la tâche ne s'en montrerait pas moins pénible. Elle avait l'air d'une moins que rien et il fallait croire que Billgrim en profitait trop. Enhardie par ce suppôt du Mal, elle saisit l'un des fûts et l'apposa sur son épaule. Dans un équilibre plus que fragile, elle pivota vers l'autre et le fit basculer à terre. Hors de question de faire deux allers-retours, puis le ronchon ne fera que la rabaisser. Elle était Thogii'Kendov, l'Edmund'Faasnu ! Lar serra les dents et, du plat du pied, fit rouler le fût jusqu'à destination. Même si la pente était à contre-courant.

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Maintenant que le Réprouvé profitait de son nectar sacré, il semblait plus docile et se contenta d'alterner boisson et tri d'arsenal. Lar s'était couchée sur le fameux canapé, et buvait malgré elle. À défaut de boire autre chose, après tout. S'il fallait s'habituer à l'alcool, alors soit. L'Ashï lui manquait mais l'âpreté de la bière Réprouvée revêtait quelques charmes pour ses papilles. Finalement, il se pourrait que ce bracelet symbolisât une possible entente avec le peuple des Deux Rives. L'Amie des braves… Un pet gras l'extirpa de ses réflexions.

" Tu te casses quand ? Il fallait croire qu'Oncle Billy cachait des prouesses pour aborder la blonde. Elle haussa les épaules, tentant d'anticiper ces moments où le Réprouvé allait lui couper la parole dans tous les cas. Si tu étais vraiment morte, tu serais chez ces emplumés ou je ne sais où. Pour une fois, il l'intéressait. Les Anges n'atterrissent pas chez nous. " Il était vrai ; ce n'était pas comparable à un cas de Kiir'Sahqon.

" Je ne sais pas ce qu'il m'arrive… La bague demeurait sous Silence pour elle. Mais je ne veux pas partir. "

La déclaration haussa un sourcil du roux, alors qu'il dégustait ses paroles comme sa précieuse bière. Après avoir vu l'état de la cité et l'attitude de ses pairs, leurs motivations, Lar commençait à entrevoir un potentiel. Ce n'était peut-être pas raisonnable, mais elle pouvait tenter sa chance. Au moins quelques jours. Si on tenait vraiment à elle, elle ne doutait pas un seul instant que son cas remontera via la curiosité des Esprits.

" Les Réprouvés se battent tous les jours pour affermir leur emprise sur l'île. J'aime cette hargne, cette pugnacité. En fait, j'aimerais bien aider. Tu crois que je pourrais ? Elle lui lança son sourire ravageur. Peut-être que tu finiras par comprendre que je suis bien Edmund'Faasnu. " Une lueur de défi brilla dans ses yeux.

" T'as envie d'être la brouteuse d'Erza ? "

Un silence mortifiant.

" … Qu-Quoi ? " Elle rougissait sans le vouloir.

" Tu veux brouter Erza, c'est ça ? Tu fais passer tes intentions comme nobles et innocentes, mais tu ne vas pas me faire croire que t'es descendue dans l'arène de Lumnaar'Yuvon juste par honneur ? Il était impassible et cela suffisait pour déstabiliser la guerrière. Le travail fait, t'as pas attendu une seconde pour ployer le genou et brandir ton "cadeau", comme si tu t'entraînais déjà à te faufiler entre ses cuisses. Il s'accorda une longue gorgée, comme pour se récompenser de sa perspicacité. L'Ange était littéralement sur le cul. D'où vient cette obsession pour la Dovahkiin ? Raconte, ça m'intéresse. " Elle baissa les yeux, toujours aussi rouge. Elle n'arrivait pas à croire que cet imbécile déviât autant le sujet.

" Eh ben… " Elle se souvint l'avoir connue de réputation en premier lieu, mais c'était surtout lors d'une invitation à se dénuder devant la Vérité que Léto vit Erza pour la première fois. À l'époque, ni l'une ni l'autre n'était encore souveraine.

" Cul sec. "

" Quoi ? " Il tapa du poing sur la table.

" Par les Zaahin, tu vas arrêter avec tes "quoi quoi" et boire cul sec ! Je ne te demande pas de réfléchir mais de me répondre ! Ça te déliera la langue, skol (santé) ! "

Il esquissa le geste pour l'inviter à faire de même. Lar prit cela comme une provocation et obtempéra. Ce sera loin d'être sa première bière ! À la grande surprise du Skuli, l'Ange se montra forte et ne renversa pas une goutte comme la veille. À mesure que l'alcool se mêlait à son sang, elle mûrit sa réplique.

" C'est… Elle tremblait à cette idée. Ses abdominaux… ! " La justification fit hurler de rire le balourd.

Billgrim se raccrocha à la table durant son hilarité. Il ne s'était pas du tout attendu à une réponse aussi banale, aussi Réprouvée finalement. Lar ne pût réprimer un sourire, entre la gêne et la fierté. Ce n'était pas son genre de saupoudrer la vérité, et le rouquin semblait doué pour la cerner. Une fois calmé, il se reprit une maigre lampée.

" Ce n'était pas compliqué ! Malheureusement pour toi, à moins d'avoir une bite et de t'appeler Atthirari, tu peux rêver pour ne serait-ce qu'effleurer ces fameux abdos. Elle se gratta le cuir chevelu, bien au fait du rapprochement de Stenfek et de la situation de la royauté. Allez la Brouteuse, on a assez rigolé pour aujourd'hui. Il se leva. C'est l'heure d'entraîner la bleusaille. "

2568 mots ~

" Allez, frappe plus fort ! " En Zul’Dov, point aisé de suivre le cours.

L’apprenti hurla comme un ours à peine adulte et chargea son adversaire. Le bouclier de ce dernier le renversa en lui assénant un bon coup dans la tête. Sonné, l’enhardi tomba à terre sous l’hilarité collective. Le cercle de guerriers braya à l’unisson, prêts à se faire entendre dans toute la cité si possible. Donc, Billgrim était un instructeur. Lar n’en croyait toujours pas ses yeux. Comme il le disait si bien et si souvent : Nutaar'Kra. Malgré ses méthodes plutôt abruptes et sa tendance à gueuler à tout va, l’Ange ne pouvait qu’admettre qu’il se faisait aisément respecter, et surtout qu’il était un guerrier hors pair. Il avait la lame facile et cherchait constamment à provoquer les fameuses bleusailles pour qu’ils éveillassent leur graine d’audace. L’un d’eux avait profité de cette invitation pour le frapper, ce à quoi Oncle Billy répondit par un trop puissant coup de coude dans les gencives. Le gars gerbait du sang et aurait une dent à rajouter dans sa collection de chevet. Il est puissant. À ses yeux, il n’avait pas payé de mine, mais Lar ne pouvait décemment plus le sous-estimer. D’autant plus qu’avec cette nouvelle forme – dirons-nous – elle ignorait si sa force fut sauvegardée. Elle l’espérait bien ; car, au fond de sa conscience refoulée, elle rêvait de rendre la monnaie de sa pièce à ce gueulard ambulant.

" Nutaar, tu fais quoi l’trou d’uc ?! T’arrêtes de mater les seins d’Edmund’Faasnu ! " Cela faisait déjà plusieurs minutes qu’elle n’écoutât qu’à moitié les railleries du rouquin, mais ses iris se focalisèrent de nouveau maintenant qu’elle semblait concernée.

" N-Non, j-… Son visage ! " Se défendit l’adulescent, raillé par ses camarades. La situation fit quand même sourire Lar. Pas Billgrim.

" Hé, Lardon, fais-toi respecter et viens te venger ! " La tournure des événements attira toute l’attention du cercle d’entraînement. Pour Lar, c’était tout autre chose : elle demeurait cloîtrée contre ce pan de mur, les bras croisés.

" Ce n’était rien, vraiment. " Pour une ancienne Chamane, ce n’était clairement rien.

" Allez, on n’a pas toute la journée ! Tenta à nouveau l’Oncle, visiblement énervé par le flegme de la femme. Imagine que c’est un Faas’Bahlok et que si tu gagnes, t’auras une nuit avec la Dovahkiin ! " Ce fut donc de trop.

Soupirant intérieurement, l’Ange dut se résoudre à accepter ce simili de défi. Sinon, le risque de laisser le Réprouvé déverser toute sa hargne sur elle serait trop grand. Elle n’était pas une passoire. La guerrière tachetée de sang s'avança, son pas lourd fit trembler l'entièreté du malheureux élu. On donna une hache – une vraie – à son passage, tandis que le garnement gardait son épée et son bouclier. Lar ne cachait aucunement son manque d'énergie, se contentant de faire craquer ses jointures en guise de bref échauffement. Elle ne fut pas une Zawa'Kar, pas plus qu'elle ne fit parti du Solstitium. Les personnes qu'elle formât se comptait sur les doigts d'une main et se limitait bien trop souvent à son cercle familial. Elle n'était ni une instructrice, ni une instruite. La guerrière autoproclamée avait appris sur le tas, à force d'adaptation et de surpassement de soi. Le résultat en valait largement la chandelle.

Pour autant, la discipline des Réprouvés l'intriguait et instillait une sorte d'inconfort vis-à-vis de ses propres compétences. Ce jeune homme en savait peut-être bien plus sur les passes d'arme qu'elle, la battante qui encaissait bien plus les coups que les éviter. Ainsi, Lar opta pour une défensive soignée, n'ayant guère envie de pousser à bout l'apprenti. Celui-ci leva bien comme il faut son bouclier et prépara son assaut intérieurement. L'Ange attendit patiemment le premier mouvement et esquissa aussitôt un pas en avant menaçant pour ébranler la volonté du jeune homme. Il lutta et parvint à dresser son premier estoc, elle le renvoya d'un coup sur le côté. Le regard disparate de la Sùlfr se plissa, un fin sourire apparaissant au même moment : durant ce moment de vulnérabilité, il avait trouvé la force de bien maintenir son pavois entre la menace et lui. Lar ne répliqua donc pas et le laissa se reprendre. Il réitéra l'attaque et, cette fois, elle s'élança pour frapper son épaule contre le bouclier. Le guerrier tomba à la renverse. Billgrim encouragea poliment – non – l'initié à se bouger les fesses. Visiblement gonflé à bloc par son maître d'arme, il se releva avec une hargne remarquable. Il chargea, elle bloqua, il profita du rejet pour pivoter sur lui-même et colla à toute allure son épée contre le flanc de la titanide. Dans ce scénario, elle serait morte. On applaudit son exploit.

" Par les Zaahin, la Sùlfr a volé son titre, ce n’est pas possible ! Malmenée par mon petiot ! "

" Désolé… " Il se fit tout petit en se redressant, les bras ballants.

" Ne t’excuse pas, tu ne m’aurais pas fait trop mal. Elle rendit la hache et lui sourit comme une Ange. Bon combat. " Ses joues rougies témoignaient son ravissement. Il était prêt à lui confier que ce fut un honneur de croiser le fer avec la Souriante.

" Bien petit, tu peux quitter l’entraînement pour aujourd’hui. Il lui tapota l'épaule et le dégagea comme pas deux. Et toi. Grogna-t-il en se retournant. C’était quoi cette merde ? Il laissa un temps de flottement. Tu bouges comme un arbre ! " Elle haussa les épaules.

" Je suis rouillée. Elle n'avait guère manger depuis son réveil, cet imbécile l'abreuvait d'alcool… Je t’avais dit que je ne voulais pas. "

" S’il te faut trois lunes entre chaque bataille, tu n’es vraiment plus faite pour te battre ! Elle fronça les sourcils, mais ne se laissa pas pour autant déstabiliser. Elle n'était pas idiote : il cherchait à la faire sortir de ses gonds. Tu sais quoi ? Tu devrais même te casser, on n’a pas besoin de toi ! " Elle se retint de serrer les poings. Quel était donc que cette sensation qui naissait au creux de son buste ?

" Je peux te prouver le contraire : les monstres que vous n’arrivez pas à déloger à l’Est, je vous en débarrasserai. "

Effectivement, l'extermination des bestioles nuisibles faisait partie des préoccupations de Gona'Halv. Lar l'avait bien compris lors de sa première sortie pour ses tonneaux de bière. Elle avait entendu parler de ces soi-disant lézards presque aussi gros qu'un Bicorne. Depuis sa vie sur l'Île Maudite, la faune hostile ne l'intimidait pas. Mis à part les serpents.

" Je fais l'effort de te le dire dans ta langue… Il osa lui faire bien face, son bide l'empêchant de coller son front contre le sien. Casse toi. "

La bleusaille tressaillit : ils allaient se battre ! Nés de la guerre, les Réprouvés anticipaient naturellement les conflits lorsqu'ils étaient sur le point de se produire. L'Ange soutint son regard, fit abstraction de son haleine pestilentielle d'alcoolique. À bout, Oncle Billy céda à ses pulsions et la frappa au niveau des abdominaux. Lar ne sembla pas bouger mais elle avait bien ressenti le coup : il avait fait au moins vibrer son enveloppe. Les limites dépassées, elle ne se gêna pas à son tour pour lui coller un poing tout aussi fort contre son ventre. Son honneur de soldat en jeu, le Réprouvé ne broncha pas mais son visage trahissait le fait que l'encaissement fut difficile. Il recula, grommela en Zul'Dov et partit. Un climat austère s'installa sur le cercle d'entraînement. L'Ange se sentit mal…

~~~
Un énième frottement plus tard et la dernière – plus ou moins – tâche de sang s'estompa. Lar ne comprenait toujours pas comment elle avait pu finir dans une mare de sang à Gona'Halv, néanmoins, ce qu'elle savait pertinemment, c'était qu'il lui serait impossible de garder ce sang séché sur sa peau plus longtemps. Les Réprouvés ne semblaient pas bien portés sur l'hygiène, ce qui tranchait trop avec sa précédente vie et surtout son côté angélique. Ainsi, l'Edmund'Faasnu s'était isolée le plus possible vers un point d'eau pour se barbouiller. Nue comme un ver, elle avait inspecté la moindre parcelle de son enveloppe charnelle pour se débarrasser de la moindre trace sanguinolente. Ce moment lui fit tout autant comprendre que la grande majorité de ses afflictions d'antan avaient disparues, ce qui rendait son corps plus attractif selon les normes, apparemment. Cette révélation la peinait : Lar adorait et s'était habituée à ses cicatrices. Elles faisaient partie de son histoire.

Un bruissement des fourrées l'alerta. La blonde resta au centre de l'eau et constata avec une très mauvaise surprise que ce n'était nul autre que Billy. De tout ceux qui aurait pu tomber sur elle en cet instant, il était de loin le moins désiré de tous. Elle fit mine de l'ignorer et poursuivit sa toilette.

" Tu n'as pas rabattu tes ailes pour protéger tes saints nichons, t'es peut-être plus Réprouvée que je ne le pensais. "

Effectivement, elle ne s'offusquait pas de sa nudité ou qu'autrui puisse la voir. La pudeur ne faisait plus parti de son vocabulaire, en phase avec son corps, ses qualités et ses défauts. Quant aux ailes, elle ne savait pas s'en servir.

" Qu'est-ce que tu fous ? " La question lui apparaissait si étonnante qu'elle ne put s'en écarter.

" Bah, je me lave ? "

" Mais quelle idée. " Elle baissa les yeux, c'était vraiment un cas à part.

" Qu'est-ce que, toi, tu fous ? "

" T'es vraiment pas futée : je te cherchais. Inspirer, expirer, relativiser. On va te léguer une barraque, rien d'un palace hein, parce qu'ils n'arrêtent pas de parler de toi et je n'ai plus envie que tu traînes dans mes pattes. Sauf si tu te coltines la bouffe et la vaisselle à temps complet. "

" C'est… Hum, c'est gentil mais je me suis rappelé quelque chose… Elle leva les yeux vers l'horizon, les mains sur une natte. Il y a une île du nom d'Orahza. Je détiens… ou détenais, une parcelle. J'y ai dressé un cercle de combat, que je voulais faire évoluer en une véritable arène, comme lorsque le continent du Matin Calme existait encore. Je me demande si j'avais réussi à la construire… Son regard retomba sur son reflet à la surface ondulatoire. L'entraînement avec les jeunes m'y a fait repenser. Cela pourrait être bien, une arène, avec une école, et… "

" Oh ? Il attira son attention. Tu te barres pas comme ça, tu te crois où ? T'es chez nous, alors tu respectes nos règles. Il la pointa du doigt. Je vais justement t'en apprendre une, la plus essentielle à mes yeux : quand on dit qu'on va faire quelque chose, on le fait. Elle le gonflait sérieusement, mais la Colère lui faisait tout aussi mal. Va nous débarrasser de ces saloperies à l'Est, Blondasse. Je t'ai laissée des ustensiles de cuisine et des casseroles pour t'aider. Dépêche-toi. " Le roux commença à s'éloigner, sous l'expression indignée de l'Ange.

" Des… quoi ?! Hé, Oncle Billy ! HÉ ! Il la prenait vraiment pour une moins que rien. Ça suffit ! "

C'en était trop. Puisque la règle était si essentielle, Lar s'en délivrera d'un claquement de doigts.

~~~
" Je n'arrive pas à croire que tu l'ais poussée à faire une telle chose… "

D'un pas effréné, pas moins rapide, Thorvard dégagea les broussailles en direction des grottes. Sur ses traces, Billgrim suivit avec une attitude nonchalante. Ses joues étaient gonflées, retenant tout le flot d'injures qui remontaient sa gorge. Toute cette histoire le saoulait au plus haut point, et tout ça à cause de cette soi-disant Léto Sùlfr. Depuis son apparition de nulle part, rien ne tournait bien rond dans leur coin de Gona'Halv. Pour le plus petit des frères, c'était le comportement du boursouflé qui posait problème. Accueillir une telle furie du combat sur leurs terres représentait une aubaine pour le développement de leur cité, et il gâchait tout.

Car oui, Lar s'était bien emparée des fameux ustensiles en guise d'équipement et s'en était allée découdre avec les créatures belliqueuses des terres rocailleuses. Imaginer la titanide charcuter du reptile avec un couteau de cuisine lui paraissait si improbable. Pourtant, l'amoncellement des cadavres sur leur chemin leur fit bien comprendre qu'elle s'était démenée comme pas deux. Plus ils avançaient, plus le massacre s'intensifiait. Plusieurs mètres à la ronde, pas un monstre ne vivait. L'espèce semblait chassée, pour un temps. Par contre, pas une trace de la responsable.

" Eh ben, si c'était bien Edmund'Faasnu, elle ne serait pas morte ! " Thorvard grogna.

" T'as marché sur son cadavre, peut-être ? Ne l'enterre pas si vite et aide-moi à la retrouver ! "

" Tss, elle a disparu, et ça, c'est un fait. " Grommela-t-il en faisant mine de continuer les recherches.

D'instinct, l'attention du jeune Skuli s'éperdit sur une mare de sang plus importante. Si compacte. Celui des lézards ou de l'Ange Réprouvée ?

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