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 [Q] - Ouvre les yeux | Latone

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Miles Köerta
~ Orisha ~ Niveau III ~

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◈ Parchemins usagés : 1157
◈ YinYanisé(e) le : 20/09/2014
◈ Activité : Traqueur [Corvus Æris] | Marcheur
Miles Köerta
Dim 02 Jan 2022, 01:38



Partenaire : Latone.
Intrigue/Objectif : Après le siège à Arcadia, quelques membres de la Marche Terne planifient un voyage à Megido afin de se reposer et de reprendre des forces. C’est l’occasion pour Latone de se familiariser à la culture orisha et pour Miles de renouer avec des racines depuis trop longtemps ignorées.


« Ce paysage est toujours aussi déprimant… »

Le soupir de l’Oklilleirro Anesa Ravier fût rapidement repris par les autres membres de la Djötchi Kan présents, qui contemplaient eux aussi le panorama ravagé et gris du Désert de Mow. Rabattant de nouveau les voiles de sa fenêtre, la Marcheuse s’écrasa contre le siège de la voiture à chevaux, bras croisés, songeant certainement que le temps actuel était mieux que les fines précipitations de cendres qui étaient survenues près d’une heure plus tôt. En leur jetant brièvement un regard en biais, je reportais mon attention sur ma propre fenêtre, un sourire détendu jouant sur la commissure de mes lèvres. Est-ce que les membres de ta caravane sont aussi maussades que les miens? L’interrogation sauta de véhicule en véhicule, s’écrasant au creux de l’esprit de la Bleue, qui se trouvait dans la quatrième et dernière voiture louée par la Marche pour leur voyage à la capitale. On ne peut pas trop leur en vouloir : ils ne voient pas ce que nous voyons. De l’herbe et des chaumières bien portantes; des animaux colorés qui contrastaient au gris et au brun des rapaces que les yeux des non-Orishas pouvaient brièvement capter dans une course. Le Désert de Mow était un désert de Magie divine et de tromperies, le beau et la verdure du paysage n’étant visible que pour les Enfants du Troisième Œil. Au grand daim des amoureux des panoramas et du soleil.

« Au moins, il y a quelqu’un qui semble bien s’amuser. »

Je sentis quelques paires d’yeux s’abattre sur mes épaules, mon visage se tournant lentement dans leur direction.

« Sérieusement, je vous plains. Le paysage n’est vraiment pas si mal que ça en plus.

- Pour un Orisha, répliqua tristement Hansel, notre Eversha Lièvre, dont les oreilles longues s’étaient mollement abaissées sur son crâne, transposition de son état dépressif.

- Shhh… Ça va aller, le consola Deven en lui tapotant gentiment l’épaule. Megido ne doit plus être bien loin de toute façon. »

J’acquiesçais aux dires du Lyrienn. Seulement, l’écran de poussières qui s’étendait à l’horizon nous empêchait de voir quoi que ce soit.

« Peu importe! Une fois à Medigo, nous pourrons de nouveau profiter du soleil et du chant des oiseaux. »

Comme un seul homme, l’Oklilleirro Ravier, Hansel et d’autres Marcheurs levèrent les bras vers le plafond de notre diligence, impatients de pouvoir être à nouveau éclairés par la lumière de l’Astre-Père. Les voir ainsi m’arracha un rire.

« D’ailleurs, Anesa, c’est aujourd’hui qu’on est supposé rencontrer le nouveau, pas vrai?

- Le nouveau? »

L’interrogation de Hansel fit écho à ma propre curiosité, mais à ses côtés, Deven attira son attention d’un léger coup de coude.

« T’as vraiment oublié… » Soupira ce dernier.

Il n’était pas le seul, mais les autres n’avaient pas besoin de le savoir.

« Elle doit rencontrer le Marcheur de notre branche à Pabamiel. L’Eversha Yack, là, du nom de… Makoussi? Makruchi?

- Makuuchi, la corrigea Anesa en appuyant son coude sur l’embrasure de la fenêtre. Makuuchi Tömörbaatar.

- Ah oui! Se rappela soudain le Lièvre, ses oreilles se redressant, d’un coup, sur sa tête. Le garde-du-corps de la Maison qui a été transféré.

- Il aurait tabassé un client au point qu’on ne puisse plus le reconnaître.

- Ouais. Tout ça pour l’une des travailleuses de la Maison.

- J’ai entendu parlé de son caractère, avisa Deven en coinçant son menton entre ses doigts, pensif, prêt à poursuivre son explication, mais on le coupa brusquement :

- Et moi donc! Il serait tombé amoureux de chacune des filles!

- Je… ne faisais pas vraiment référence à ça. Non, je voulais surtout parler du fait qu’il serait–

- Mythomane.

- A-Aussi, mais je voulais plutôt dire qu’il est–

- Une véritable tête brûlée. Deven abandonna, poussant un long soupir. La Maison nous l’envoie en espérant qu’il puisse s’améliorer et changer ses mauvaises habitudes, continua Anesa en fixant, d’une expression vide, le décor désolé qui défilait derrière les rideaux. Le travail à l’air colossal, mais je ne suis pas de ceux qui baissent facilement les bras. »

Elle le fredonnait avec une conviction exemplaire, qui fit pourtant rire les autres Marcheurs aux alentours.

« J’ai vraiment hâte de voir de mes propres yeux ce fauteur de troubles. Ne serait-ce que pour constater de moi-même la véracité des rumeurs qui courent sur lui, à la Maison. »

Souriant devant tant d’emballement, mon regard fût soudainement attiré par une forme singulière à l’horizon. Je plissais des yeux, reconnaissant les contours de la capitale. Au fond de ma gorge, un malaise, que je reconnaissais tout autant, se faisait plus écrasant. Cependant, je parvins à l’avaler en déglutissant discrètement.

« Oh… Ça va vous faire plaisir! Leur partageais-je en pointant ma fenêtre. Regardez dehors. »

Précipitamment, les Marcheurs s’agglutinèrent devant les vitres, leurs yeux s’éclairant soudainement de mille feux à la vue qui se profilait devant nous.

« Megido! Enfin! »



Dès l’instant où nos véhicules avaient traversé l’entrée de la muraille, l’herbe en bordure de la cité avait laissé place à la pierre et aux dalles, mais là ne s’arrêtait pas le verdoyant, ce dernier couvrant plusieurs espaces de la capitale en raison des grands végétaux et des arbustes qui offraient gîtes pour les animaux, mais aussi abris, contre le soleil, pour les locaux. La cité était sillonnée par de nombreux cours d’eau, nos regards les ayant contemplés avec sérénité alors que nous traversions les ponceaux qui les surplombaient, depuis la hauteur de nos voitures à chevaux. Désormais arrivés à l’auberge où nous séjournerions durant nos vacances, la Marche quitta enfin ses quatre diligences, les voyageurs s’étirant pour réchauffer leurs muscles et sortir leurs valises. Armé de mon sac, je fis passer les sangles de celui-ci par-dessus les bretelles de ma salopette brunâtre. J’ajustais quelque peu les manches de ma chemise avant de m’engager derrière mes compagnons de caravane. Un nombre défini de chambres nous avait été assignées, mais le choix de nos partenaires étaient à notre discrétion. Ainsi, une fois que tout le monde se fût installé, nous nous rejoignîmes à l’entrée de l’auberge, frais et parés à attaquer cette première journée de nos vacances.

« Ça fait des années que je n’ai pas remis les pieds dans cette ville… » Chuchotais-je distraitement en rejoignant le bas des escaliers, où l’ensemble des Marcheurs s’étaient agglutinés pour admirer la grandeur de la cité.

Balayant la place des yeux – son effervescence, ses couleurs chatoyantes, son flux inarrêtable de gens qui déambulaient dans les rues et celui des enfants qui courraient les uns derrière les autres – je finis par reporter mon attention sur Latone, à quelques mètres de ma position. C’était la première fois, depuis que nous avions commencé notre traversée du Désert de Mow, que je pouvais l’observer aussi attentivement, amusé de la voir porter des vêtements aussi singuliers. Dans le froid perpétuel de Ciel-Ouvert, je ne la voyais qu’avec des fourrures et des vêtements de laine sur le dos : pour être franc, la dernière fois que je l’avais vu porter une robe, c’était le jour de sa résurrection. Cependant, celle qu’elle portait aujourd’hui était bien différente de la pièce qu’elle n’avait cessé de rejeter lorsque nous nous trouvions à l’Althiass, l’école de la Confrérie des Corvus Æris. En effet, aujourd’hui, la tenue dont elle s’était vêtue arborait le même coloris que ses cheveux, mais d’un bleu moins reluisant, plus mat, pour que l’œil puisse s’attarder davantage sur les motifs dorés qui ornaient le vêtement. Des rubans soyeux et rouges entouraient sa taille et il était possible de remarquer un style similaire se mêler à la tresse qui avait été coiffée à ses cheveux. Puis, comme plusieurs autres membres de la Marche Terne qui n’avaient encore jamais eu la chance de mettre les pieds à la capitale, ses yeux s’émerveillaient de la vie qui se profilait devant elle, au sein d’un climat particulier qu’elle n’avait pu que s’imaginer jusqu’à aujourd’hui. En la regardant ainsi, un petit sourire se devina sur mon visage. Eh bien, tu en portes vraiment une! Un rire narquois résonna entre nos deux oreilles. T’inquiètes, ça te va bien. C’est bon, parfois, de sortir de sa zone de confort. Je me retournais vers Hansel et Deven dès lors qu’Anesa, dans une exclamation, nous quitta pour aller rejoindre le fameux Makuuchi au point de rendez-vous. Nous la saluâmes d’un geste de la main, toujours aussi curieux de rencontrer le fameux garde-du-corps.

« Qu’est-ce que vous voulez faire en premier? » Déclarais-je à mes compagnons de la Djötchi Kan, ces derniers alignant, à tour de rôle, les différentes attractions qui les attiraient.

Bien vite, tous les Marcheurs se mélangèrent et se réunirent en groupes selon leurs affinités et leurs intérêts. En finalité, près de la moitié de notre convoi souhaitait se rendre dans les environs du palais de l’Eshü Legba – l’Eorishaze – que ce soit pour y apprécier l’architecture du château lui-même, les nombreuses créations en marbre et les tapisseries peints qui embellissaient la Place Sforza, ou bien pour visiter le célèbre Temple de Leëcha, construit à la gloire des Dieux Protecteurs du peuple Libre. D’autres, moins intéressés par le centre névralgique et touristique de la cité, choisirent plutôt de marcher jusqu’au Keÿshl, le Square Éternel de Megido, une oasis au cœur du fourmillement urbain, où ils pourraient se reposer et simplement discuter à la fraîcheur des espaces verts et des fontaines qui, continuellement, s’animaient. Tout cela, c’était sans prendre en compte ceux et celles qui désiraient simplement se perdre au milieu de la ville, confiant leur aventure à leurs pieds et curiosités. En toute connaissance de cause, je savais qu’ils ne seraient pas déçus de leur choix, puisque Megido recelait d’innombrables parcs et espaces verts dans lesquels les animaux se joignaient à la circulation humaine, ainsi que des commerces qui exposaient avec vantardise leurs plus beaux produits. Pour les plus gourmands et curieux du palais, les restaurants s’éparpillaient en un bouquet épars et odorant à travers les avenues de la capitale, alors que les réputées centres thermaux devaient accueillir toujours autant d’initiés. Discrètement, je me glissais aux côtés de Latone, remarquant que Deven et Hansel se greffèrent au groupe voulant partir pour le Square Éternel, alors que les autres membres de la Djötchi Kan s’étaient joints au plus gros groupe.

« Saluuut! Lui adressant un sourire, je poursuivis sans autres formalités, ayant, de toute façon, passé une bonne partie du voyage à lui communiquer mes pensées par notre lien télépathique : Tu sais, j’ai pas oublié ma promesse, faîte chez les Corvus. Elle avait voulu que je sois son guide, la première fois qu’elle mettrait les pieds à Megido : chose promise, chose due. Alors, t’as un truc qui t’intéresse? Le Temple de Leëcha? Le Keÿshl peut-être? Carrément l’Eorishaze? Ou tu veux seulement vadrouiller dans les quartiers pour commencer? »

J’attendis sa réponse d’un air avenant et calme.


1 822 mots | Post I




[Q] - Ouvre les yeux | Latone Signat16
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Latone
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Latone
Dim 02 Jan 2022, 18:46




" Personne ne veut refaire une partie d'Etuödor ? " La proposition de distraction tomba, hélas, dans l'oreille de plusieurs sourds.

Latone ne rouvrit les yeux qu'à moitié, diablement emportée par la micro-sieste qu'elle avait décidé d'entamer. Ce n'était pas tant son genre de baisser sa garde de la sorte, mais l'ambiance de la diligence eut tôt fait de lui faire comprendre qu'un tel voyage ne devrait pas leur attirer des ennuis. Difficile pour une Marcheuse résidant à la Vigilante de relâcher toute la tension constante de son corps. Affalée contre le recoin du véhicule, ses paupières closes signifièrent à Haveron qu'elle n'était pas intéressée. Il fallait dire que, malgré son enthousiasme, la précédente session de jeu l'avait faite tombée tout en bas du classement. Bercée par les remous de la diligence et les palabres de ses compagnons, une certaine compassion lui prit vis-à-vis de ce pauvre Haveron, confronté à une multitude de murs de glace. Sa professeure d'armes, Sarra, ne semblait pas encline à tenter une nouvelle partie. Faye fut la seconde à répondre que si Latone ne participait, elle ne le ferait pas non plus. Kashgar ne répondit pas, lui aussi enveloppé d'un repos salvateur ; sa compagne, Nora, secoua négativement la tête, elle-même engouffrée sous une tonne de tissus noirâtres pour se protéger du moindre rayon de soleil. Cicataz murmurait des propos inaudibles, absorbée par son bouquin sur la faune du Désert de Mow. La Fae Canna ne semblait pas présente, peut-être en train de virevolter dehors ou cachée dans une sacoche. Quant à Odee, il était bien incapable de comprendre les subtilités d'un tel jeu malgré son intérêt. Haveron soupira, abattu. Dans un sens, cette caravane n'était vraiment pas faite pour passer du bon temps ; et étant donné le but premier de sa création, cela était parfaitement compréhensible. Latone ne céda pas à l'idée de lui proposer, malgré sa fatigue, une petite manche. Si Para était présente, elle aurait très pu jouer tout le long de l'itinéraire. Malheureusement, la porteuse de Velthar était trop dangereuse pour être amené à Megido ; Bhaf et Aldis sauront l'occuper en l'absence des adultes. Le Kehaä soupira intérieurement. Dire qu'il lui manquait encore un candidat et un yack…

Soudain, un sourire fleurit sur son visage. Étonnant que son meilleur partenaire de covoiturage se situait à plusieurs voitures d'intervalle. Depuis le siège d'Arcadia, leurs contacts furent majoritairement composés de ces petits mots télépathiques, faute de pouvoir se croiser en chair et en os, surtout seuls. Dans un sens, pouvoir être en sa compagnie constamment lui faisait du bien, surtout en ces temps salvateurs qui lui permettront de décompresser, se reposer, revenir en force. La moitié n'a décroché qu'un ou deux mots depuis le début du voyage. Je m'ennuie… Cela dit, les affirmations suivantes de Miles lui donnèrent une motivation suffisante pour jeter un coup d'œil à l'extérieur. Là où désolation et abandon régnaient pour les Aveuglés, les Orishas s'avéraient capables d'admirer le véritable visage du Désert de Mow. La vie se parait de multiples couleurs, un spectacle semblable à une toile acrylique. Dans un sens, les horizons lointains du Monde Invisible lui revenaient. Être bercée de la sorte lui plaisait aussi… Jusqu'à l'avènement des premiers signes de civilisation véritable. Enfin, l'Orisha nouait avec ses racines primaires. Un nouveau pan de sa Vie semblait se lever sous ses yeux ébahis et charmés.

~~~

" C'est mieux ainsi, Faye. C'est ma décision et Odee est plus obéissant sous ton joug. " Latone n'était pas aveugle : elle voyait très bien que l'Eversha était déçue de la tournure des événements. Puisqu'il signifiait surtout le futur de ce séjour.

" Je comprends, Hurabis. Ainsi soit-il. " Si la Kirzor souhaitait séjourner entre les mêmes murs qu'un membre de la Djötchi Kan, alors le Corbeau ne s'y opposerait pas. C'était juste qu'elle aurait préféré pouvoir en apprendre plus sur sa cheffe.

" Hé, au fait… La Bleue cerna l'épaule de sa camarade. Appelle-moi Latone. Bien que je sois la cheffe, on fait parti de la même caravane. " Latone lui sourit, Faye prit une profonde inspiration pour encaisser cet élan de bienveillance.

" Compris… Latone. " C'était fichtrement plaisant.

Faye se volatilisa aussitôt à grandes enjambées, sûrement pour s'assurer qu'Odee ne s'était point égaré dans les immenses allées de la cité. Connaissant le caractère de cette entité, sûrement que l'envol de l'Eversha l'amènera jusqu'au Square Éternel. Il y aura plus d'espaces et une incroyable proportion d'animaux à rencontrer. Par suite de cette réflexion, ses prunelles bleutées retombèrent sur le reste de sa troupe incomplète. Le couple des ermites semblait s'être décidé de rester à l'auberge jusqu'au crépuscule, lorsque les activités seront plus propices pour l'engeance de la Nuit ; puis, Kashgar était habitué au mode de vie nocturne. Quant aux autres, Canna s'était greffée au duo des anciens Chevaliers – une cordiale entente prenait forme de jour en jour entre eux – afin d'aller visiter nul autre que le sublime Eorishaze. Cicataz les suivrait jusqu'à être en proie à d'autres lubies, l'Ygdraë étant un électron libre. Les saluant pour la journée, les alliés de la Hurabis en cheffe prirent congé.

À nouveau piquée à vif par un message télépathique, l'Orisha se tourna en direction de son cher ami, toute souriante. Une main passa sur sa natte, s'assurant de la solidité des rubans. Elle semblait heureuse dans cette tenue, et ce depuis sa halte à Bouton d'Or. Elle avait rejeté les robes comme la peste, alors que son antique Elle se pavanait avec de bien plus fringantes. Peut-être qu'au fond, les goûts de Lolaha se mêlaient à ceux de Latone pour lui donner ce caractère propre. Elle n'est pas blanche mais elle est bien aussi. Un clin d'œil lui fut lancé lorsque l'occasion se présenta, le Naäzkil encore en proie à ses collègues. Elle en profita d'ailleurs pour observer son accoutrement et haussa un sourcil. Je croyais que tu n'aimais pas les vêtements serrés ? Si j'avais su, je t'aurais prêté mon justaucorps de danse. Un ricanement se faufila au sein de leur connexion. Quoi qu'il en soit, l'Orisha était plutôt élégant. Cela les changeait de voir mutuellement de la sorte, sans le poids des armes, sans la chaleur des fourrures… Cela les changeait de se voir tout court.

" Salut ! Le tout avec un sourire à pleine dents. Les vacances commençaient enfin. Ah, tu n'as pas oublié non plus ! Tant mieux. Elle-même ne l'aurait pu, impossible de balayer ces souvenirs chez les Corvus, les tous premiers. Tout m'intéresse, je veux tout voir tant qu'on est là ! Mais pour commencer, hmm… Tu n'as pas non plus de préférence, c'est ça ? À vrai dire, elle n'avait pas pris de décision durant tout ce temps. Pourquoi pas une promenade sans but, hein ? Cette idée lui plaisait bien. Oui, faisons comme ça. Aussitôt dit, elle se saisit de sa main et raffermit l'entrelacement de leurs doigts. Je te suis, mon Guide. On ne se lâche pas ou tu vas me perdre. " Elle sourit à nouveau de toutes ses dents, paupières closes. Ce n'était bien évidemment qu'un prétexte.

Durant leur avancée à allure posée, Latone extériorisa son émerveillement quant à l'agencement de la fameuse cité. À Ciel-Ouvert, les bâtiments s'accolaient les uns aux autres en une masse régulière, comme si les édifices eux-mêmes se câlinaient pour se prémunir du froid. Mais ici, elle avait parfois l'impression de ne pas avoir traversé les murs de Megido. Tout était incroyablement espacé, aéré, ils pouvaient traverser une longue avenue sans croiser l'ombre d'un bâtiment mais, à la place, de vastes étendues verdoyantes et grouillantes de vies animales. La notion de cité se perdait et faisait prendre conscience à Latone qu'au fond, elle n'était pas encore bien Orisha pour comprendre une telle évolution architecturale. Malgré tout, à chaque recoin, les natifs voguaient au gré de leurs envies ou occupations. Heureusement qu'au final, ces rues se montraient bien grandes pour contenir tout ce flux populationnel. D'ailleurs, dans ce courant humain, dépassant presque tout le monde d'une tête, Miles et Latone ne cessaient de discuter de tout et de rien, la contemplation se mêlant aux palabres amicales.

" … Et je te jure que Canna m'a surprise : avec sa toute petite taille, elle est carrément allée se faufiler sous les jambières de Haveron pour vérifier les rumeurs. Elle y est restée longtemps sans qu'il ne s'en rendit compte et quand elle est revenue, elle avait l'air d'y avoir piqué un somme. Elle s'est frottée les yeux et réussit à nous confirmer que ses cuisses étaient si confortables ! Depuis, on l'appelle le Chevalier Douces-Cuisses. " Elle éclata de rire, se laissant portée par l'hilarité durant plusieurs secondes.

Malgré les circonstances qui l'ont amenée à rassembler ces Zeckeas, Latone commençait de plus en plus à apprécier leurs compagnies. Ils étaient parés, comme elle, à braver de bien gros dangers pour atteindre l'Aulos. Il leur faudra tous encore pas mal de temps avant d'y aller, mais elle était confiante. Au moins, grâce à cette accalmie dans la tempête, leurs esprits seront plus légers. Rien qu'elle souhaitait enfin clarifier certains mystères de ses sentiments.

" Haha… Ah… Le duo se tenant la main croisa un groupe entièrement féminin, ce qui rappela quelque chose à l'Éclat. Tu sais, j'ai lu quelques bouquins sur Megido. Surtout ceux que tu m'avais confiée quand j'étais encore à la roulotte. Et je me souviens que l'un d'eux évoquait l'existence d'un quartier réservé aux femmes autrefois. Comment ça se fait que mes semblables se parquaient entre elles ? Elle s'imagina la chose, difficilement. J'ai du mal à le comprendre, surtout qu'il n'y a aucune mention d'un quartier exclusivement masculin, ou… je ne sais pas, un pour les enfants ? À moins qu'elle ne se fourvoyât, cependant ce tourisme tombait à pic pour lui faire découvrir les facettes – anciennes comme nouvelles – de la capitale. Et c'est vrai qu'il y a un cabaret nommé "les Cuisses Brûlantes" ? Il existe encore ? J'aimerais bien aller dans un cabaret. Rah, il y a trop de choses à voir ! Ça fait combien de temps qu'on marche ? " Elle perdait la notion du temps. Et quand ses iris disparates retombèrent sur sa compagnie, elle comprenait pourquoi.

L'étreinte de sa main, instinctivement, se consolidant. Chaque intimité passée avec Miles lançait son cœur dans de vifs ruades. Ceci était loin d'être désagréable, bien au contraire. Petit à petit, les Liens s'effilant entre eux lui apparaissaient de mieux en mieux. Peut-être avait-elle rêvé de ce moment depuis quelques temps, depuis ces excuses exprimées et son humanité révélée.

" Sinon, comment vas-tu, depuis Arcadia ? Elle l'écouta, toute attentive, peignant en parallèle cette odyssée dans son esprit et faisant fi de ce mal constant dans son dos, ses Sereëkim. Ce coup-là était grandiose. La meilleure Marche depuis le temps de Tlaalee-Aan. Des matins, je me réveille et je me dis : "Wow. On a vraiment fait ça ?" C'est… fou. " Ce fut à la fois grisant et enivrant. Latone n'avait jamais autant apprécié son retour à Ciel-Ouvert depuis le siège. Et surtout, Miles avait été là pour la voir.


1958 mots ~



By Jil ♪
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Miles Köerta
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Miles Köerta
Lun 03 Jan 2022, 23:32



Surpris par sa soudaine envolée, je fus trainé sur moins de deux mètres par l’impulsion exultée de la Bleue. Bras tiré, ma main au creux de la sienne, je la rattrapais en quelques enjambées maladroites pour ne pas me vautrer sur les dalles de l’allée, étouffant un rire au fond de ma bouche à l’entente de sa piètre excuse.

« Admirez, chers spectateurs. C’est ainsi que le Molosse du Voile Blanc devint le gardien d’enfants de la Championne d’Hébé », déclarais-je aux lecteurs invisibles et omniscients, à voix haute, d’un ton volontairement résigné, en haussant des épaules.

Pourtant, mes doigts accueillirent la présence de sa main avec un plaisir certain, la pression légère que j’exerçais sur cette dernière répondant à son étreinte. Depuis que nous avions traversé les portes de la cité, une nervosité toute familière n’avait cessé de croître au fond de mon estomac. J’avais bien tenté de l’oppresser pour ne pas qu’elle m’asphyxie en premier, mais la force de ce malaise ne pouvait être sous-estimée car, malgré la grandeur des rues et les vastes étendues qui nous entouraient, ma respiration, elle, s’essoufflait; mon être, lui, semblait s’étioler à chaque pas que j’esquissais. Seulement, j’étais suffisamment doué pour ne pas le montrer, les Marcheurs n’ayant alors aperçu qu’un collègue souriant, certes, plus distrait que d’accoutumé, mais qui ne le serait pas après avoir remis les pieds au sein de la ville qui l’avait vu grandir et mûrir? Cela faisait des années que je n’étais pas revenu au sein de la capitale des Libérés et, pour tout vous avouer, plus je me tenais loin de la ville des Orishas, mieux je me portais. Malheureusement, lorsque ces vacances avaient été planifiées, j’avais accepté de me joindre à l’aventure avant même que la destination soit choisie. Ainsi, les responsables avaient fini par voter et la majorité avait gagné. À ce stade, je ne me voyais pas leur poser un lapin, prenant sur moi en me disant que tout irait bien. Dès que je me mêlerais aux conversations et que je laisserais les autres m’emplir de leur allégresse et de leur gaieté, je n’aurais certainement plus de place pour songer au passé, pas vrai? Petit à petit, je l’oublierais, je le rayerais de mon esprit… Seulement, c’était bien la première fois, depuis que nous nous trouvions au cœur de la cité, que je me sentais aussi… libéré. L’éclat de son sourire semblait illuminer les voies les plus sombres de notre traversée; le reflet, qui dansait allègrement à la surface de ses mirettes, m’attirait à elle dès que Latone les posait sur mon visage, m’obligeant à lui porter attention, à m’éloigner de ces ressentis qui continuaient de serrer ma poitrine. Je laissais sa voix remplir mes oreilles de ses mots, de la même manière que sa main me retenait au moment présent. Mes craintes et mon anxiété s’éclipsaient doucement, se retiraient, comme une armée qui se voyait perdre une guerre sous la lumière de l’Éclat.

Je souris. Plus par enchantement et félicité, transporté par l’agrément que me faisait ressentir Latone par sa présence, qu’en raison du nouveau titre de Haveron, et ce, quand bien même avais-je été l’initiateur de cette réputation. Je me sentais simplement bien. Je pouvais respirer convenablement, comme si l’ombre de mes regrets s’était finalement détaché de mes épaules, de ma conscience meurtrie.

« Ah… Ce fameux quartier. Hum… Je mis mes méninges à l’action, tentant de déblayer certains souvenirs, tout en gardant les autres réminiscences loin, bien loin, de mon esprit. J’étais trop jeune pour m’être véritablement intéressé aux spécificités, mais selon moi, je crois surtout que l’existence de ce quartier était due à l’excentricité du Roi de l’époque, Cocoon Sforza. Il aimait bien les élever sur un piédestal. Et aimait bien les femmes en général. Parce qu’en soi, poursuivis-je en soulevant nonchalamment mes épaules, je ne vois vraiment aucune autre raison qui pourrait justifier la mise en place d’un tel secteur. Cependant, j’eus une réflexion éphémère. À moins que ce quartier ait été dédié à d’autres… activités, si tu vois ce que je veux dire. »

Dans tous les cas, je ne m’en souvenais réellement pas, mes intérêts de l’époque n’étant tournés que sur un seul et unique objectif. Mon père se mourrait. Je n’avais pas le temps ou la volonté de me laisser séduire par quelques fantaisies.

« Ah oui, « Les Cuisses Brûlantes » Mon chemin avait plusieurs fois croisé celui du célèbre cabaret, que ce soit pendant mes vadrouilles en ville ou les quelques fois où j’avais fait des livraisons dans l’établissement. Il doit sûrement encore exister, oui. Après tout, c’était l’une des attractions les plus populaires de la ville à l’époque… Ahlala! J’ai l’impression de parler comme un vieux. Alors qu’à mes côtés, Latone s’extasiait comme une enfant survoltée devant un buffet de desserts et de friandises. Finalement, t’avais bien raison sur un truc : faut pas que j'te lâche, parce que j’ai l’impression qu’au moment où je vais laisser ta main, tu vas prendre tes jambes à ton cou et ne revenir que dans une semaine. Un rire vibra au fond de ma gorge. Après, je doute que cela puisse vraiment arriver. Je rapprochais prudemment mon visage du sien, les yeux fermés, prenant une courte respiration, une bouffée de son parfum. Je connais ton odeur par cœur après tout. Je saurai te retrouver avant même que tu aies pu crier « Merde! » Lui adressant un sourire, je repris une certaine distance, tout naturellement, la gratifiant d’une œillade en coin lorsqu’elle reprit parole : Ça va. En revanche, y’a Toto qui me harcèle à chaque jour pour que je lui raconte comment ça s’est passé. »

Est-ce que ma fille avait vraiment treize ans? Parfois, j’en doutais, tant elle se comportait comme une très jeune enfant.

« Ouais, je comprends ce que tu veux dire. Avec les autres Marcheurs de la Djötchi Kan, on s’étonne encore à quel point les événements se sont mieux déroulés que prévus. En plus de ça, on est parvenu à réunir tout ce monde et à mettre à terre un Empire de la grosseur de l’Ordre d’Hébé… C’était, effectivement, assez incroyable. Bon, par contre, y’a certaines personnes dont on aurait bien pu se passer de la présence. »

En soupirant, mes doigts vinrent pincer l’arête de mon nez. Des rumeurs n’avaient pas attendu pour se faire entendre, ici et là, à la conclusion des combats. Les Sorciers, comme d’habitude, avaient foutu la merde et, étonnamment, il n’y avait pas eu plus de sang entre eux et les Réprouvés sur le champ de bataille. Secouant la tête, je reportais mon attention sur la Bleue.

« Et toi? Comment vont tes… Je jetais un regard dans son dos. Comment vont tes bras? Est-ce que la douleur est toujours aussi vive? J’avais essayé de la supporter au mieux durant son duel, éloignant les indésirables qui avaient souhaité prêter main forte à leur Duc, mais n’étais parvenu à prévenir les dommages que le porteur de Sharlaine avait causé à l’ancienne Hozro. S’ils continuent à te faire mal, peut-être qu’il sera nécessaire de faire un tour au Temple de Leëcha durant ces vacances. »

Je lui expliquais les raisons, notamment parce que le Temple de Leëcha, auprès du peuple Libre, s’était vu offrir une réputation non seulement de lieu de culte, mais également d’apprentissage pour les Orishas comme Latone, les fameux Kehaä. Cependant, au milieu de mes explications, je perçu la vibration entraînante et sublime d’un ensemble d’instruments. Des rires se joignaient à la mélodie alors qu’il était possible de percevoir le tremblement du sol sous nos pieds. Ce dernier était assujetti au rythme endiablé des danseurs qui s’étaient réunis autour des ménestrels. Simplement par plaisir et amusement, ils sautaient et valsaient.

« Eh! Regarde par-là! Je lui montrais les musiciens du doigt, la tirant dans mon sillage pour que nous puissions nous rapprocher de la foule et des instruments. Tu penses à ce que je pense? Un sourire goguenard vint danser à la commissure de nos lèvres, avant que je l’entraîne au milieu de la joyeuse fête, lui adressant une révérence grotesque, caricature des us de la cour. M’accorderez-vous cette gigue, cher Éclat? »

Vraiment, mon esprit n’avait jamais été aussi léger au sein de Megido.


1 376 mots | Post II




[Q] - Ouvre les yeux | Latone Signat16
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Latone
Sam 08 Jan 2022, 18:07




À son approche, la Marcheuse stoppa leur avancée, ne le lâchant pas une seconde du regard. Un sourire aussi amusé que fragile éclaira son visage, sous la narquoiserie de son ami. À force de le côtoyer, Latone connaissait de bout en bout ce genre de manège ; elle le laissa étaler son plan pour la museler, humer son parfum – une note de tête à la bergamote, suivi de près par un cœur floral de roses et un fond olfactif, inévitablement, de poire – sans rébellion. Cela faisait déjà quelques temps que Miles était libre de soulever le voile glacé de sa personne ; dans le même temps, en lui tendant la main, elle l'invitait à rester. Lorsque le Molosse s'imprégnait de son odeur, aussi naturel qu'artificiel, la Bleue relevait le menton pour découvrir davantage son cou. Un réflexe qu'elle avait fini par acquérir en côtoyant cet homme, notamment avec ce tendre passage dans la roulotte. Une fois ses yeux rouverts, elle lui sourit à son tour, le dardant comme si elle se préparait à serrer les poings. Est-ce un défi ? Pouvait-ce se lire dans ces iris éclatantes, et à présent dans leur lien empathique.

Contre toute attente, la Kirzor demeura bel et bien sage. L'animosité habituelle de son attitude se dissipait sous le cadre de gaieté et en présence du Köerta. Ses propres mots comptaient pour elle : ses excuses ne furent pas du vent, ainsi se promettait-elle tout bonnement de faire attention. Peut-être même que cette initiative inattendue de sa part lui avait-elle sauvée la vie, car ses performances à Narathalia auraient pu être impactées – pour ainsi dire diminuées – et provoquer bien pires que les afflictions de ses Sereëkim. Hélas, il n'y aurait pas été possible d'engendrer d'encore meilleurs résultats, car une telle victoire au siège réclamait forcément des sacrifices.

" Elle a eu ma version une fois. J'espère que tu lui as bien dit que t'avais pris appui sur l'une de mes épaules pour t'élancer en l'air et décocher une flèche sur l'entrejambe d'un Sage. Elle sourit grandement, très fière de sa bêtise. J'ai un peu exagéré le récit pour le rendre encore plus palpitant. " Son rire corrobora ses pitreries ; des bardes se chargeront de diffuser les fausses versions sur plusieurs générations.

Quant aux autres intervenants du siège, elle se contenta de hausser les épaules. Contrairement à la plupart des Orishas de Ciel-Ouvert, elle détestait bien les Sorciers mais pas autant, car finalement, ils n'avaient instillé aucun traumatisme sur sa personne. Pas encore, du moins. À l'inverse, rien qu'avec l'audace de l'Aile de Dothasi, elle serait prête à briser les murs de Drosera – à l'instar des remparts d'Arcadia – pour rendre la pareille à ces imbéciles d'Alfars. Bien que Jun fût dans l'ombre de cette usurpation, la base demeurait la même. Enfin, les conséquences de ces présences se feront bien ressentir un jour. Il n'y avait plus qu'à s'armer à ce moment-là. Sentant le poids de son attention sur sa personne, Latone balaya ses prédictions pour répondre à Miles.

" Pas vraiment. Yeux baissés, sourire incertain, le sujet de ses bras invisibles s'avérait tabou. J'évite de les utiliser, c'est tout… Jusqu'ici, elle n'en avait jamais eu besoin. Son escapade dans le Monde Invisible l'avait faite rêver, pour le pire finalement. Non, je… "

Malgré son apparent refus, le Naäzkil lui expliqua de A à Z pourquoi le Temple de Leëcha saura traiter son cas. En vérité, lorsque Latone avait accepté ces vacances à Megido, une partie d'elle s'était montrée curieuse vis-à-vis de ses Sereëkim. Qui de mieux que les Orishas pour l'aider ? Mais elle n'avait pas voulu écouter une partie de son repos pour cela… Elle soupira, plus ou moins vaincue par la rhétorique de son ami. Elle devait encore y réfléchir, trouver du temps pour… Latone haussa un sourcil face au soudain mutisme du Köerta. Il aurait très bien pu finir par la jeter au Temple avec une sublime conclusion, pourtant, en suivant le tracé de ses iris de rubis, la Kehaä se laissa plonger dans la musicalité ambiante. À peine sa sensibilité artistique touchée que son compagnon l'entraîna sur la piste de danse. Elle regarda autour d'elle, les duos se formant avec une harmonie parfaite. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas dansé sous le regard d'autrui, pas depuis Aïkisu en tout cas… Ah non, depuis Sequela en fait. Hum, elle n'était plus la même maintenant.

" Ce sera avec plaisir, chère Mire. " Amusée, Latone décrivit à son tour une révérence pré-danse, agrippant deux pans opposés de sa robe pour les surélever et plier les genoux.


La troupe musicale poursuivit leur représentation sous l'afflux de plus en plus intéressé des passants, Orishas comme touristes. Attendant la note parfaite pour tisser son premier pas, Latone laissa l'Akaris s'écouler le long de sa peau et s'abandonna à ce pan du Monde des Chants. D'abord seule, les yeux clos, son jeu de jambes entraîna sa robe dans de furieux balancements, tels les battements d'ailes angéliques. La Marcheuse rouvrit les yeux et attrapa une portion du vêtement, afin de se synchroniser sur les mouvements de son partenaire. Depuis la soirée chez les Gandr, la Bleue connaissait très bien la souplesse de l'Orisha, son incommensurable agilité lui octroyant le titre d'excellent danseur. En ce sens, elle aussi souhaitait lui montrer qu'elle était capable de danser pour lui, et avec lui. Au détour d'une ronde, Latone attrapa à nouveau la main de Miles, effritant la distance. Yeux dans les yeux, leurs corps respectifs surent répondre aux intentions de l'autre : leurs doigts glissèrent jusqu'aux hanches, la ronde se poursuivant dans un fracas coordonné de leurs chaussures sur le sol. Souriants, ils levèrent le bras libre aux cieux durant la rotation, l'intensité du regard éveillant de drôles de frissons au niveau de son abdomen. Une fois l'étreinte défaite, les Marcheurs maintinrent le face à face. Cela ressemblait à un duel chorégraphique, mais la complicité des acteurs transparaissait dans la symbiose de leurs pas. Lorsque vint ses tours, Latone misa sur la nouvelle souplesse de son corps afin d'étirer sa jambe bien haut, reprenant aussitôt après la frénétique bacchanale. C'était un intermède intense, un moment merveilleux, aussi… oui, aussi grandiose que ce rêve. Latone regretta grandement la note finale, fort heureusement les applaudissements qui suivirent balayèrent sa déception et elle réitéra sa révérence à l'attention du Molosse.

" Hahaha… Ouf… Elle se releva, assez essoufflée. Étais-je à la hauteur de vos attentes ? " Elle passa une main dans ses cheveux, jetant la natte à l'arrière de son crâne.

Puisqu'il semblerait que les musiciens souhaitaient faire une pause, Latone se jeta sur lui pour saisir à nouveau sa main. Mince alors, j'ai failli m'échapper. En vérité, cet exercice avait réveillé quelques douleurs de son dos, mais elle se refusait de les confier. Cela passera, se disait-il, malgré son souffle un peu court. Son œillade finit par s'évader à l'instant où son odorat lui signala un fait important : elle avait quand même faim.

Tiens donc, la gastronomie Orisha… Alors que, sans un mot, la Bleue entraîna le Molosse sur son sillage, elle tenta de se rappeler si ses livres culinaires contenaient quelques spécialités de son nouveau peuple. Arrivée au niveau du comptoir de la cuisine à ciel-ouvert, il ne lui semblait vraiment pas. Ces effluves et ces couleurs ne lui évoquaient rien, et cela l'intrigua. Elle était bien là pour en partie découvrir les Orisha, n'est-ce pas ? Alors autant aller jusqu'au bout.

" T'as faim ? Elle sortit sa bourse bien garnie. C'est moi qui régale. Fais-toi plaisir. " Le montant n'avait point d'importance si c'était pour lui.

Cela étant, même avec les noms – en Arshalà d'ailleurs, ce qui lui rappela ses quelques lacunes en matière linguistique – la pauvre Orisha ne saurait se décider elle-même. Les flux olfactifs étaient point suffisants : le ravissement du palais comptait le plus. Et sans support, sans souvenir, impossible de choisir dans cette mare de possibilités. L'une des Orishas affairées au contact client les remarqua alors et intervint.

" Dahäihk (Bonjour). Ils étaient Orishas mais elle devina bien vite qu'ils n'étaient pas du coin, ainsi bascula-t-elle sur la langue commune. Qu'est-ce que je vous sers ? "

Un coup d'œil du côté de Miles : Latone n'en savait rien… toutefois, elle remarqua une boisson intrigante dans le lot.

" Qu'est-ce que c'est ? "

" Oh, je me disais bien que vous étiez de passage à Megido. Ceci est la spécialité de la région. Elle présenta l'un des contenants. Nous l'appelons "Teniola Vierola", ce qui peut être traduit par "boisson perlée". Nous raccourcissons souvent par "Tevi". Et le Tevi est une boisson à base de perles de tapioca, qu'on fait cuire dans du sirop. Elle chercha des perles crues dans leurs réserves pour les présenter à l'étrangère. Ensuite, nous laissons libre court aux fantaisies : soit on rajoute du thé, soit du lait, ou les deux, des fruits aussi… Je peux vous orienter vers la carte. "

Jouant avec les fameuses perles dans sa paume, les iris de la Bleue se gorgeaient d'étoiles. Le bon goût de cette boisson devait être aussi prononcé que la bizarrerie de la recette. Elle se laissa alors tenter par un Tevi à base de thé vert et également par un crumble de kakis au pain d'épice. Sa commande prête, la Marcheuse n'attendit pas une seule seconde pour aspirer avec la paille en bois, alors surprise par l'arrivée d'une perle qu'elle engloutit d'un coup sec. A son expression ravie, le charme s'opéra.

" Par Senere, c'est excellent ! Tu connaissais ?! Miles s'était longuement absenté de la cité, peut-être que les ères passées lui firent manquer cette découverte. Et ça aussi, c'est exquis ! Assura-t-elle la bouche gavée de crumble, des miettes s'agglutinaient aux rebords de ses lèvres. Goûte ! " L'invita-t-elle en présentant ses parts, généreuse.

Rien de tel que l'évasion culinaire pour oublier tous ses soucis, y compris la douleur.


1742 mots ~
Pour la danse, je me suis inspiré de cette vidéo (à partir de 1:22) : ICI. Pour celle de Latone, c'est en grande partie celle des dames à 2:03, entre autres.
Et pour le Tevi, c'est du bubble tea quoi 8D Les Orishas possédant l'exploitation du tapioca ♪



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Miles Köerta
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Miles Köerta
Lun 17 Jan 2022, 06:24



Une fois la ronde engagée, plus rien ne sembla pouvoir nous arrêter. Nos mains liées, nos silhouettes unies, yeux dans les yeux, nous nous laissâmes posséder par les démons de la danse – parce que ceux de minuit n’avaient leur place à cette heure-ci. Nous nous mîmes ainsi à tournoyer au rythme de la chanson vaillante, l’irrépressible s’échappant de ma gorge dans un rire incontrôlable dès que nos bras s’étirèrent pour plonger au cœur du ciel. Toutefois, balayés par la course de nos cabrioles, les cumulus et l’ensemble des cieux virevoltaient au-dessus de nos têtes, s’altérant, se déformant, comme si nos mains redessinaient la carte du firmament. Nos doigts semblaient effleurer le turquoise de sa surface, créant des raies blanchâtres lorsqu’ils frôlaient un nuage dans l’horizon; l’intérieur de nos paumes repoussait le poids des vents, façonnant une brise qui nous englobait, tel un cocon protégé d’un doux zéphir; tandis que le sol à nos pieds s’était complètement dérobé, nos êtres paraissant flotter sur une piste entre ciel et terre, à l’image de la capitale magicienne. En vérité, sous ma perspective, le monde tout entier oscillait à notre mouvement rotatif, ne devenant alors plus qu’une multitude de banderoles colorées qui se succédaient à une vitesse surréelle. Le seul ancrage dans ce tourbillon nauséeux était Latone qui, propulsée par la même lancée, m’accompagnait dans cette gigue sublimée.

L’euphorie naissant, la musique plein les oreilles, nous ralentîmes peu à peu la ronde tout en abandonnant la consolidation de notre étreinte. Ce ne fût qu’une question de secondes avant que l’étourdissement n’en soit plus un, permettant à nos sens de retrouver les différents repères de notre environnement en quelque instant. Le ciel s’était stabilisé et les nuages n’arboraient plus d’innombrables queues dans leur sillage; nos pieds retouchaient au sol sous l’effet de la gravité alors que nos esprits reconnectaient avec le chant qui embellissait la mélodie. Souriants et enhardis, prêts à faire trembler de nouveau la piste de danse, nous nous engageâmes dans une nouvelle valse rythmée, nos semelles claquant et balayant les dalles de l’allée dans une foulée fluide et trépidante. Ces valses sans véritable organisation me faisaient songer à toutes ces nuits où Léto et moi avions passés à nous inventer des chorégraphies pour m’apprendre à bien bouger. Bras dessus, bras dessous, elle m’avait enseigné les danses traditionnelles de la cour et des bals. Cependant, c’était toujours inévitable : à défaut de casser notre cadence par un pied qui lui écrasait l’orteil, je finissais presque toujours par inverser le tempo de notre ballet, que je trouvais parfois trop insipide, parfois trop lent, établissant une nouvelle mélodie qui nous était plus appropriée et qui transformaient nos foulées répétitives et monotones en déhanchés et farandole. À chaque fois, mon cœur s’emballait, emportant mon esprit et le sien, pour que nous ne faisions plus qu’un avec notre symphonie. Il s’agissait de moments inoubliables, et l’idée de lui proposer une nouvelle valse, à notre prochaine rencontre, s’ancra et ne quitta plus ma mémoire.

La dernière note s’essouffla sans que je m’en rende véritablement compte, perdu dans mon subconscient et l’allégresse de l’instant, mes jambes et mes bras bougeant à la frénésie de plus en plus posée. Ce n’est qu’à l’explosion des applaudissements que je perçus l’arrêt complet de la musique, mon corps se redressant à la manière d’un suricate en alerte.

« Quoi? Déjà fini? Mais la promesse d’une prochaine ronde me faisait déborder d’impatience, mon buste s’inclinant malgré tout en une révérence galante en réponse à la politesse de la Kirzor. C’était absolument génial! » M’extasiais-je en reportant un regard plein d’espoir en direction des ménestrels, attendant la nouvelle chanson pour savoir sur quelle cadence il nous serait alors possible de bouger.

Malheureusement, ils avaient enchaîné plusieurs œuvres musicales depuis une bonne heure déjà et s’excusèrent auprès du public pour nous annoncer qu’ils feraient une pause, histoire de se ragaillardir et revenir plus en forme que jamais sur leur scène improvisée. D’ici là, la troupe joignait les gens à les attendre, si elles le souhaitaient. Désappointé par cette conclusion, je relâchais une expiration remplie de déception. Toutefois, la main de Latone me tira soudain, m’arrachant à cette brève grisaille qui venait de couvrir mon esprit. Narquois, un rire trembla sur les coins de ma bouche; l’innocence ne lui allait pas du tout. Prochaine fois, jeune fille, je t’attache. Tu es avertie, plaisantais-je en examinant son faciès, remarquant que son regard détalait sur les kiosques qui nous entouraient. Par curiosité? Pour trouver une distraction en attendant que la piste de danse nous soit de nouveau ouverte? Seulement, après une poignée de secondes, je constatais qu’elle dévisageait plus que nécessaire les stands de nourriture, la direction prise par sa foulée me le confirmant bien rapidement.

« Si c’est toi qui invite, comment puis-je refuser? »

Naturellement attiré par l’odeur émanant des plats étalés, je me rapprochais de certaines localités qui me parurent plus familières que les autres. La nourriture n’éveillait pas que l’appétit : elle faisait également émerger les mémoires du passé, comme ces – trop – nombreux moments où, vadrouillant sans but au milieu de la cité, je m’étais arrêté devant un comptoir pour commander deux croquettes de manioc afin de les ramener à la maison et les partager avec mon père. Lorsque je les avais en main, je prenais aussitôt la poudre d’escampette, me dépêchant de rentrer pour que l’on puisse tous deux profiter de la saveur des boulettes tant qu’elles étaient encore chaudes…

Je fermais les yeux, prenant une profonde inspiration. Puis, je reportais mon attention sur les deux jeunes femmes qui échangeaient à mes côtés, toujours à la recherche de cette félicité intérieure qui saurait gaver mon esprit par tous les moyens possibles.

« Et qu’est-ce que vous avez dans vos Tevi sucrés? L’employée me guida à travers le menu, me proposant deux de ses boissons préférées, mais la couleur flamboyante de l’une parvint à me décider. Je vais vous prendre le Tevi au citron avec sirop de pêche dans ce cas! Pendant quelques secondes, mon regard vogua distraitement sur un autre produit du comptoir : Ainsi que deux croquettes de manioc, s’il-vous-plaît. »

Rapidement, la demoiselle passa nos commandes et nous pûmes les admirer au creux de nos mains après seulement quelques minutes à peine. Curieux, je me précipitais pourtant avec moins d’ivresse sur la paille de mon Tevi, humant tout d’abord son parfum pour l’étudier et le mémoriser, avant d’avaler une toute première gorgée. La sapidité du citron et du sirop de pêche – un peu moins prononcé que ce que j’aurais cru – ravirent instantanément mon palais, et en décollant mes lèvres du cylindre cartonné, ma langue, par réflexe, vint pourlécher mes babines avec gourmandise.

« Je n’avais jamais goûté, mais j’en avais déjà entendu parler grâce à Asche, puisqu’il retourne de temps en temps à la capitale pour vendre son surplus de viande de chasse. Reprenant une aspiration forte convoitée, je laissais échapper un soupir de satisfaction, l’œil pétillant. Bon sang, c’est trop bon! Imagine s’il y en avait à Ciel-Ouvert : Toto ne voudrait même plus de mon chocolat chaud, ce serait absolument terrible! »

Rigolant à cette simple vision de la benjamine qui se délecterait de la boisson perlée, je ne pus malheureusement profiter d’une troisième gorgée de ma propre liqueur, Latone me plaçant l’un de ses crumbles sous le nez. Un sourcil s’arqua à l’entente de son invitation, mais je ne me fis pas prier, me prêtant rapidement au jeu : de la bouffe gratuite était de la bouffe gratuite après tout.

« Bon appétit! Rapprochant mon visage de sa main, j’allais directement chercher ma part entre ses doigts, faisant disparaître le crumble au fond de ma bouche, la nostalgie repoussant le goût fruité du Tevi pour envahir ma langue d’un pur délice. Ætheri! Ça faisait si longtemps que je n’en avais pas mangé… C’est comme dans mes souvenirs. »

En reculant de quelques centimètres tout en laissant le croquant du crumble et le goût savoureux du kaki assaillir mon palais, mon regard tomba inévitablement sur les croquettes emballées que j’avais en main. Deux croquettes… Deux croquettes? À ce constat, mes yeux s’écarquillèrent. En avais-je vraiment commandé deux? Le malaise commença à enfler au plus profond de mon estomac, mon bras se tendant, par à-coups, jusqu’à la position de la Bleue.

« Hum… Un instant, j’hésitais, mais poussais presque la boulette chaude entre ses mains la seconde suivante. Tiens, si tu veux essayer, tu peux prendre cette croquette. J’ai dû en commander une deuxième par erreur… »

Nerveux, je finis par verrouiller mes lèvres autour de la paille, aspirant avec plus de force que nécessaire le liquide de mon contenant, quelques perles escaladant tout le verre jusqu’au fond de ma gorge par la même occasion. Je n’aimais pas ça. Je n’aimais vraiment pas ça. Pourquoi je n’arrivais plus à me replonger dans cet état de quiétude et de prospérité? Oh. Latone… Comme une évidence, son nom résonna au creux de mon esprit. Je me retournais prestement dans sa direction, creusant son expression dans l’espoir d’y cueillir un fragment de sa sérénité, mais inconsciemment, mon regard retomba sur la croquette que je venais de lui passer, mes yeux s’assombrissant malgré l’éclat du Soleil au-dessus de nos crânes.

« Dis… Est-ce que ça te dérange si on fait un détour? Lentement, le vermillon rencontra l’améthyste azuré. Je voudrais aller quelque part. Je ne savais pas si je le regretterai ou si, au contraire, c’est ce qui pourrait définitivement soulager ma conscience, mais… Qui sait? Rajoutais-je en la gratifiant d’un sourire qui se voulait plaisant. S’il est toujours dans les parages, tu pourras rencontrer l’un de mes vieux amis. »

La toute dernière fois que j’avais posé les pieds à l’intérieur de cette maison, le fidèle Gardien vagabondait dans les différentes pièces, chassant les petites proies qui avaient élues domicile dans la chaumière abandonnée. Quoi qu’il en soit, si Latone acceptait, nous pourrions y aller tous les deux, sans problème. Dans le cas contraire… je me demandais si ce serait une bonne idée de rejoindre, seul, la vieille maison de mon enfance.


1 677 mots | Post III




[Q] - Ouvre les yeux | Latone Signat16
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Sam 22 Jan 2022, 16:08




L'échappée gustative s'opérait, elle emportait tout son être et la fit danser vers des contrées nouvelles, bien plus éloignées que les givres de Ciel-Ouvert. Ainsi étaient des vacances, une occasion de s'oublier et de profiter de ce que la Vie avait de plus beau à offrir. Latone se sentait bien mieux et ce n'était que le début de son repos. Point qu'une question de forme physique, son âme semblait plus légère, d'où sa gaieté à faire rougir les plus sensibles. Elle se découvrait et apprenait à aimer toutes ces petites richesses lui ayant fait défaut si longtemps. Vivre à travers les yeux de Lolaha Kirzor ou de Léto Sùlfr ne transcendait point autant ses sens. Elle n'était plus seulement spectatrice et actrice. Elle ne se contenait plus d'admirer le tracé archaïque des perles dans sa boisson, ni d'imaginer le croquant de ce crumble de kakis. C'était mieux ainsi et Latone en fut bien heureuse.

Ce qui l'énergisait d'autant plus, c'était de partager ce moment avec Miles. Il représentait à la fois son catalyseur et son défouloir, ne ratant alors pas une occasion de l'entraîner dans son élan et de lui confier tout ce qu'il lui passait par la tête. Le Molosse s'y accommodait à merveilles, ayant plus ou moins dompté la bête qu'elle était, afin que celle-ci acceptât d'au moins lui tenir la main pour ne pas déguerpir et provoquer un scandale. Ce fil rouge – ou ce ruban – qui le liait à lui gagnait de la valeur à chacune de leurs interactions. La Kirzor se montrait plutôt contente de l'avoir emmenée manger un bout avec elle, sachant pertinemment qu'elle lui réclamera d'autres conseils en termes de gastronomie régionale. Aspirant avec avidité son Tevi, Latone lorgna l'Orisha en se dandinant sur place. Il avait l'air ailleurs, mais bon, elle aussi. Son crumble dévoré, il ne lui manquait plus qu'à diluer le tout avec ce divin thé vert. Au fil du breuvage, ses iris disparates s'attardèrent sur les environs, sur les commandes d'autrui, sur les autres kiosques plus loin, un bref coup d'œil vers la troupe musicale pour vérifier si leur pause était terminée, sur les édifices au loin qui s'étendaient vers les cieux. D'ici, l'Eorishaze était visible, les trésors qu'il renfermait donnerait à n'importe quel curieux l'envie irrésistible de s'y aventurer. À côté, la Vigilante faisait pâle figure ; mais le charme de cette dernière ne résidait pas par sa façade, plutôt par sa ténacité. À quoi bon être une belle coquille vide ?

Toujours affairée à réduire drastiquement la quantité de Tevi, la Kehaä se retourna vers son compagnon Naäzkil, ses grands yeux attentifs lui donnèrent un air aussi naïf que ridicule. La jeune femme avait capté son approche et reçut la croquette, plutôt dubitative. Il était bizarre mais de la bouffe gratuite ne se refusait.

" Eh ben… merci ! " Elle croqua aussitôt d'une bonne bouchée et acquiesça, guillerette, pour confirmer le ravissement de ses papilles.

Hmm ? Malgré tout, l'intonation télépathique l'intriguait, car il était plutôt rare que le Köerta l'usât pour autre chose qu'à but humoristique. Il lui faisait face et Latone ne parvenait à capter autre chose qu'un miasme sombre et inconstant dans leur connexion. Ses lèvres se délièrent de la paille et elle ancra le turquoise et le violet dans l'écarlate. Ne se sentait-il pas bien ? Aurait-elle dû lui laisser cette deuxième croquette car ce n'était finalement pas une erreur ? Oh non, elle l'avait limite gobée… Fort heureusement, cette possibilité ne fut que fabulation, Miles lui confiant très vite – malgré son hésitation remarquable – de l'entraîner ailleurs, sans plus de précision. Aussitôt, Latone lui sourit, au moins pour éclairer un peu plus son visage si assombri.

" Ça ne me dérange pas. Elle leva l'index en l'air. On a une blinde de temps, on peut faire plein de détours si ça te chante. Les actuelles éclaircies démontraient que leur journée n'avait fait que commencer. Je te suis. " Assura-t-elle en prenant une nouvelle bouffée de perles de tapiocas.

Puisqu'il n'avait pas l'air plus dans son assiette, Latone n'hésita pas une seule seconde et, après avoir balayé les quelques résidus de panure de sa paume, alla chercher la main libre du Marcheur. Il était son guide mais bien évidemment son ami. Si elle pouvait l'aider de quelque manière que ce fût, alors sa présence – sa proximité – le lui rappellera à tout instant. D'autant plus qu'elle était curieuse, car elle ne se souvenait pas de la mention d'un quelconque "ami" à Megido.

Honnêtement, la Kirzor ne s'attendit pas à s'éloigner autant des quartiers populaires. Enfin, la configuration des bâtisses lui fit bien comprendre que des habitations s'entassaient ici et là, toutefois la qualité plus ou moins déplorable des façades lui notifia que les plus démunis se réunissaient ici. Les ruelles pauvres se succédèrent sans accroc, les Orishas de ces recoins se montrant plutôt fatalistes quant à leur condition ; elle décela quelques espoirs ici et là, comme par un exemple un garçon qui distribuait de la nourriture, sans une once de jugement ou de retour sur investissement escompté. L'entraide prédominait et chacun continua d'œuvrer du mieux qu'il pût dans son rôle afin de satisfaire la communauté globale. Latone resserra un brin son étreinte entre les doigts de Miles. Elle avisa de son gobelet quasiment vide ; si elle avait su, elle l'aurait donné ou en aurait apporté d'autres. Néanmoins, cette réflexion lui parut fade lorsqu'elle se convainquit de ne pouvoir aider le plus grand monde sans en payer le prix. Puis… elle n'était pas encore pleinement Orisha. Avait-elle ne serait-ce que le droit de songer à mettre son grain de sel ? Une main tendue devait-elle forcément l'entraîner dans une spirale aussi infernale ? Elle aspira vainement les dernières gouttes de son Tevi, son regard perdu sur ses propres sandales. Ce devrait être ce genre d'interrogations qui l'assaillira lorsqu'elle posera ses fesses sur l'unique trône de l'Empire. Ce sera éprouvant, elle devra s'y préparer.

Emportée par le flot de ses pensées – accablée par le poids du silence dressé depuis tout à l'heure – Latone subit le soudain virage que Miles entreprit. Juste sous son nez se présentait alors une autre maison. Apparemment inoccupée, inanimée, celle-ci lui paraissait plutôt petite. Elle se demandait même si ses propres quartiers à la Vigilante n'étaient pas plus grands ; dans tous les cas, rien n'égalait sa roulotte en termes d'étroitesse. Le Köerta ouvrit la marche et la Kirzor le suivit à la trace jusqu'au palier, respectant son mutisme ou ses explications s'il y en eurent. Le grincement de la clé dans la serrure et celui des gonds lui donnèrent envie de s'arracher les tympans, au moins elle résista. Dès le premier pas à l'intérieur, elle fut plutôt frappée par le côté sombre et surtout la poussière. Quiconque vivait ici ne semblait pas avoir entretenu les lieux depuis des semaines, même des années en fait au vu des multiples toiles d'araignée, de l'état de certains meubles peinant à tenir debout. Quelques faisceaux solaires tranchèrent dans le noir via les orifices, principaux ou involontaires. Il lui sembla avoir entendu des petits pas, comme des rongeurs, mais elle se les était peut-être imaginés. En s'aventurant dans la pièce, elle passa sa main sur une table, un léger voile de particules se dégagea alors de son passage. Elle se retourna vers le Zeckea, sérieuse, intriguée.

" Où sommes-nous ? " Le motif de leur venue attendra.

La Hurabis avait bien compris que Miles était lié à cette maison d'une manière ou une autre, étant en possession de la clé et de même suffisamment confiant pour rentrer sur une propriété privée sans accord extérieur. Bien sûr, la Bleue avait quelques idées sur la question, d'autant plus avec l'embarras de tout à l'heure, pourtant, respectueuse, ses lèvres se scellèrent afin d'accueillir la Voix de son aphélie.


1382 mots ~



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Miles Köerta
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Miles Köerta
Dim 23 Jan 2022, 05:49



Une première inspiration, qui dilata aussi bien mes narines que ma cage thoracique; un premier geste distrait, qui engagea la clé jusqu’à la serrure de l’entrée. Dans cette respiration unique, ma poitrine prit en expansion, mes poumons s’emplissant d’une vaillance qui chancelait pourtant. L’intégralité de mon esprit, assaillit par mille déluges, se laissait frapper par les diluviennes du passé, les intempéries qui emportaient les réminiscences lavant toutes autres réflexions de ma pensée. J’étais assujetti et détrempé, lentement noyé, ma conscience se diluant aux mémoires que j’avais cherché à esquiver jusqu’ici. Mais qui pouvait échapper à l’averse, une fois la tête sous son assaut torrentiel? Je pouvais la sentir glisser sur les cicatrices de ma chair, éroder les traits de mon faciès pour y tracer cette nervosité qui n’avait eu de cesse de me ronger depuis que nous étions arrivés dans la célèbre Cité des Libérés – non… depuis bien plus longtemps que cela en réalité. Pourtant, dès l’instant où le panneton de la clé pénétra le verrou de l’entrée, brusquement, tout sembla s’arrêter : la pluie à l’intérieur de mon crâne cessa de s’abattre violemment, les images d’antan se figèrent dans leur farandole et chœur effroyables, mais la culpabilité d’autrefois muta en un sentiment affreux, horripilant, désagréable; une transformation qui remplaça soudainement le cocktail météorologique au sein de mon esprit en une peur battante et menaçante.

Au fond de ma gorge, je luttais pour avaler ma salive, mon poignet poursuivant, malgré tout, la rotation afin de déverrouiller la porte au plus vite. Le temps l’avait vieilli et rouillé, la serrure résistant quelques secondes jusqu’à ce que le déclic se fasse entendre. Au son qui s’en extirpa, aussi grinçant que déplaisant, mon cœur se mit à frissonner, affaibli par une impression glaciale; aux planches que j’entraperçus depuis le seuil de l’entrée, mon nez se mit à me chatouiller, la poussière se soulevant dès l’ouverture du battant. Distrait, je m’obligeais à faire un premier pas au cœur de la maisonnée, ne serait-ce qu’afin de dégager le passage pour mon amie qui, observatrice, scrutait attentivement l’intérieur de la propriété. Quelques lueurs du dehors perçaient les verres salis des fenêtres, nous permettant de mieux distinguer le contour de la chaumière, la forme des meubles délaissés. Je refermais la porte dans notre dos, n’échappant encore aucun mot. Tranquillement – et pourtant, mon pied tremblait furieusement – j’esquissais une nouvelle enjambée vers l’avant, laissant flotter l’apex de mes doigts sur le tissu du vieux canapé.

« Rien n’a changé… » Soufflais-je, si faiblement, que Latone ne l’avait certainement pas perçu avec distinction.

De fait, la configuration de la salle à manger et du salon, que nous pouvions aisément contempler depuis l’embrasure de l’entrée, était exactement comme je l’avais laissé avant de quitter le continent Dévasté. La table à manger trônait au centre de la cuisine, deux assises aux couleurs délavées s’enchâssant entre ses pattes. Le tout était encadré, sur trois côtés, par le vieil équipement de cuisine, un mur sur lequel pendait un tableau aux peintures effacées, ainsi que la porte menant sur la cour extérieure et le jardin. Juxtaposé à la cuisine par une grande ouverture, le salon ne disposait que de quelques meubles et d’aussi peu de décorations : un grand canapé, une table basse, un foyer pour les nuits plus froides… Néanmoins, il y avait de particulier, au cœur de la pièce, un nombre plutôt excessif d’horloges, aujourd’hui inanimées. Je les admirais longuement, sans un mot, me remémorant le tic-tac, tic-tac régulier qui avait bercé une grande partie de mon enfance et de mon adolescence. Et même si, aujourd’hui, tout était si sombre et silencieux, rien n’avait changé…

« Où sommes-nous? »

Finalement, Latone parla et l’inflexion de sa voix m’arracha à ma contemplation. Pourtant, si je tardais à la fixer droit dans les yeux, l’hésitation ne perdura, mon visage se tournant dans sa direction pour rencontrer le sien. Par automatisme, mes lèvres s’écartèrent pour lui adresser un sourire, aussi doux qu’incertain.

« Je te laisse deviner? »

Seulement, le sérieux et la perplexité de son expression m’incitèrent à ne pas laisser la taquinerie dissimuler mes véritables ressentis, l’idée de la plaisanterie finissant simplement par être rejeter, au loin. Inspirant une profonde bouffée d’air, tout en tournant le bout de mon nez jusqu’au plafond au-dessus de nos têtes, je repris sur un ton songeur :

« Nous sommes dans la maison où j’ai grandi. Un soupir, cette fois, fit chemin jusqu’à la barrière de mes lèvres. Est-ce que tu t’es déjà demandée pourquoi je n’ai plus voulu remettre les pieds à Megido après toutes ces années? Retirant ma main du mobilier, je me tournais entièrement vers Latone, m’appuyant sur le derrière du canapé, les bras croisés. Pourquoi j’évite cette ville comme la peste même si une bonne partie de mon passé y est rattaché? »

Je la laissais réfléchir quelques secondes, observant attentivement les impressions qui altéraient sa figure. Peut-être n’avait-elle-même pas remarqué cela jusqu’à aujourd’hui, puisqu’en réalité, je parlais très peu de Megido dans mon quotidien, à moins que la conversation ne puisse être évitée. Par conséquent, il m’était encore plus rare de discuter de ce qui était survenu, et des raisons qui m’avaient poussé à tout abandonner. Maison, patrie, souvenirs et mémoires : tout, dans leur intégralité, j’avais voulu les faire disparaître de ma vie.

« Viens, je vais te faire un tour », dis-je en commençant par lui présenter la cuisine et le salon dans lesquels nous nous trouvions.

D’un doigt, je lui indiquais la porte menant à la cour arrière : elle était libre de l’ouvrir et d’y contempler l’état – certainement désolé – du jardin. Connaissant son intérêt pour la botanique, je ne fus guère surpris de son expression faciale, un sourire franc se dessinant à la commissure de mes lèvres. Quand elle eut terminé, je me détachais définitivement du divan, faisant signe à la Bleue de me suivre. Traçant notre chemin dans la petite habitation, je lui montrais la salle de bain, qui avait vu de bien meilleurs jours que ceux-ci, ainsi que l’intérieur de mon ancienne chambre, pratiquement vide, si ce n’était du lit, du petit bureau – de la grosseur d’un pupitre scolaire – coincé dans un coin de la chambre, et de ma table de nuit. En étudiant brièvement son visage, j’exhalais dans un ricanement léger :

« Comment tu dis, déjà? C’est petit mais cosy? Puis, en finalité, je la guidais jusqu’à la dernière pièce de la maisonnée. La chambre de mon père… Lui dévoilais-je en ouvrant la porte, une nouvelle agression poussiéreuse s’attaquant à nos yeux, que nous prîmes soin de balayer avec vivacité. C’est ici qu’il bossait, la majorité du temps. M’avançant dans la pièce, je m’arrêtais à moins d’un mètre de la couche, les draps s’étant depuis longtemps effilés avec le fil des années. Seulement, quand la maladie l’a frappé, il passait le plus clair de son temps coincé au lit, perdant peu à peu de sa motricité, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus sortir de sa couche sans risquer de se vautrer sur le plancher… »

Détachant de peine et de misère mon regard du lit, mon cœur détonnant, je parvins à poser le vermillon de mes iris sur son minois interrogateur. À ce constat, je souris, encore, toujours, par réflexe angoissé.

« Sais-tu ce qu’est le Kurbus, Latone? »


1 210 mots (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post IV




[Q] - Ouvre les yeux | Latone Signat16
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Latone
Dim 23 Jan 2022, 17:32




Le gobelet vide fut déposé sur la table. Son sourire la dérangea. Il y avait quelque chose d'étrange, une sorte de gêne qui s'opérait à force d'analyser l'expression faciale du Köerta. Qu'il plaisantât était un fait auquel elle s'attendait bien sûr, mais ce sourire… Il ne lui plaisait pas autant que d'habitude. Balayant très vite cette invitation, Latone se contenta d'attendre de plus amples explications au lieu de se tracasser davantage avec son ressenti. Ainsi donc, c'était bel et bien la maison d'enfance de Miles. Le fait qu'il n'y ait plus âme la troublait un chouïa, et l'envie irrépressible de voir les Esprits revenait à la charge. Malgré tout, seule la Voix de Miles prédominerait pour elle. Hélas, le Naäzkil se fit d'autant plus mystérieux, pourtant elle ne décela pas plus d'étincelles narquoises. Par réflexe, Latone ouvrit la bouche, amorçant un départ de réflexions, pour finir par se confronter à un silence effroyable. Elle plissa les yeux, se rendant compte qu'elle n'en savait pas plus finalement. Oui, Miles ne lui avait que trop parlé de Megido, et encore moins de son passé. Ses lèvres se scellèrent à nouveau, cherchant à se raccrocher à un point aléatoire au sol, afin de se concentrer un peu plus. C'était drôle dans un sens car il devait en savoir bien plus sur son propre passé à elle alors qu'elle n'en connaissait qu'une brève portion. Dans un sens, c'était plutôt injuste, car elle l'appréciait suffisamment pour être curieuse à son sujet, pour en apprendre bien plus sur la personne qu'il était, qu'il fût et qu'il aspirait à être. Ce mépris que Miles semblait éprouvé pour la cité l'intrigua autant qu'il la dérangea, car au-delà de l'incompréhension, elle se sentait bien ici, pourtant…

Machinalement, la Hurabis se laissa entraîner par le tour du propriétaire. Même s'il n'y avait pas grand-chose à voir, tout un pan mémoriel n'attendait qu'à être dévoilé par ses illustres visiteurs, anciens comme nouveaux. La quantité astronomique d'horloges l'avait frappée d'emblée, la notion du Temps oppressant sa cage thoracique. Aucun son ne s'en dégagea et la Linèsienne au fond d'elle commençait sérieusement à se demander si c'était une bonne chose ou non. Fort heureusement, son attention finit par dévier sur l'arrière-cour, la mention du jardin tiqua aussitôt son esprit. L'horticultrice en herbe s'évada à l'extérieur, sans pour autant s'éloigner bien loin du portique, car elle constata avec déception qu'il n'y avait plus rien à sauver ici-bas. D'un pas religieux, la Bleue s'accroupit au niveau du jardin et sa main effleura la terre vierge ; des résidus de racines gisaient ci-et-là, réminiscences de plantes abandonnées depuis si longtemps. Une longue et lente agonie les attendait au moment même où les propriétaires légitimes s'en étaient allées, pour le meilleur ou pour le pire.

Attristée par ce portrait, la Kirzor se détourna aussitôt de ce cimetière pour retourner à l'intérieur, Miles l'attendant pour lui montrer le reste de la maison. Pour une fois depuis son entrée, un fin sourire prit naissance sur son visage.

" Il y a un petit Miles qui traînait ici ? Comme c'est mignon. " Le taquina-t-elle en détaillant un peu plus la chambre.

Petit et cosy, oui. Dommage que l'état des lieux n'aidât pas à peinturer un plus beau décor dans sa caboche. Elle aurait voulu savoir dans quel monde baignait le Köerta : les couleurs et les possessions aidaient à s'imaginer quelle petite tête brûlée il faisait à l'époque. Avec quels jouets se distrayait-il, quelle vue se présentait-il à lui lors de ses réveils. Elle voulait vraiment le savoir. Zyurm aurait pu l'aiguiller autrefois, en tant que Conservatrice. Enfin, il était simplement dommage que seul le gris et la poussière persistaient encore après toutes ces années.

Quand vint le tour de la dernière pièce et que le ton s'était aiguisé, un nœud se noua en son être. Attentive et sage, Latone laissa Miles décrire la figure paternelle de son enfance. Elle s'était attendue au pire, évidemment, mais pas de cette façon. Le Kurbus. Oui, elle savait très bien ce que c'était, pour l'avoir plus ou moins vécu.

" Une maladie incurable. Ses yeux fixaient le vide, comme si elle entrait dans une sorte de transe. Le Kurbus est une longue descente vers la Mort. Elle est inévitable et douloureuse. Au début, tu penses entendre des sons, des voix qui n'existent pas. Tes sens te trompent et ça te travaille durant des heures, des jours. Les nuits sont de plus en plus courtes, le sommeil n'émiette et les rêves n'existent plus. Elle passa sa main sur son visage, un brin livide. Lorsque le diagnostic tombe, on n'a plus qu'à te mettre directement dans la tombe. Après tout, les ères se succédèrent sans trouver une échappatoire. Et ce n'est pas faute à la Magie d'avoir évolué encore et encore. Le mot "maladie" semble si faux, parce que c'en est pas une avec du recul : c'est une malédiction, un appel d'Ezechyel que tu ne peux ignorer. Des mois, des années, cela prendra le temps qu'il faudra mais ton corps meurtri te le rappellera plusieurs fois, à coup de lames entre tes côtes ou d'étincelles naissantes sous ton épiderme. Elle trembla sur place. Ce n'est que lorsque ton Esprit lâchera enfin prise que ton Corps retournera à la poussière. "

Tout s'arrêta, l'angoisse disparut d'un claquement de doigt. Elle avait presque sursauté lorsque sa conscience releva cet étrange épisode. L'Orisha secoua la tête et fit un signe que tout allait bien.

" Excuse-moi, c'était… Déjà mal placé, puis pas vraiment ses propres mots. Tu savais qu'Oberon, le premier Hozro de Léto, était mort du Kurbus ? Son air se fit plus grave. Ce sont leurs fusions qui m'ont forgée. Au fond, j'avais un peu leurs mémoires. Elle soupira. Enfin… Je suis bien au fait du Kurbus, oui. Elle releva les yeux sur lui. Je suis désolée pour ce qui est arrivé à ton père. Ce devait être atroce pour vous deux. "

Dans un sens, c'était drôle, car il n'y avait qu'à travers la Vie qu'elle comprenait l'importance de cette dernière. Pourtant, Linos, l'Opéra, ses propres sœurs, elle avait vécu tout ça bien avec son trépas, bien avant de devenir une folle à lier dans les pattes d'une Chamane inexpérimentée. Sa bouche se tordit, perplexe et plutôt morose, jusqu'à qu'une étincelle de lucidité apparut au sein du flux de ses réflexions. Peut-être le couperait-elle dans son élan nostalgique, mais Latone ne pouvait décemment plus se contenir ; sa nature revenant au galop.

" Tu ne voulais pas venir à la base, c'est ça… ? Elle se raccrocha à l'écarlate, ferme. Si tu avais eu le choix, tu aurais évité ce séjour à Megido, parce que ça te rappelait cette maison, ça te rappelait cette partie de ton enfance. Elle fronça les sourcils. Arrête de me regarder comme ça. Un silence, le temps qu'il défait ce masque de légèreté. Je suis dans ta tête, tu te souviens ? Malgré la sévérité apparente de sa voix, la Kirzor ne chercherait pas une telle confrontation et elle ne lui laissa pas l'occasion de répliquer, esquissant un pas déterminé en sa direction. Ça ne te plait peut-être pas, mais cette fois, c'est différent. Elle s'arrêta à quelques centimètres. Et tu sais pourquoi ? "

Qu'il répondît ou non n'avait point d'importance, car Latone se jeta sur lui, ses bras s'enroulèrent à grand galop tout autour de son buste, se rejoignant sur sa colonne vertébrale afin de l'attirer à elle. Elle reposa sa propre tête sur l'épaule du Molosse, puis contre sa joue, son souffle allant titiller le lobe de son oreille.

" Parce que je suis là pour toi ! La douceur de sa voix laissait deviner qu'elle souriait. L'une de ses mains remonta jusqu'à la racine de ses cheveux pour les caresser avec tendresse. Ça va aller, tu n'es pas seul. On va te rendre ce séjour inoubliable, et pour les bonnes raisons. L'étreinte s'éternisa le temps nécessaire, suffisamment longtemps pour qu'elle sentit la chaleur de son être l'atteindre. Ce point-clé franchi, la Marcheuse se dégagea juste assez pour lui faire face, sans pour autant le relâcher de son emprise et de son éclat. Tu ne repartiras pas d'ici sans le sourire sincère que j'aime bien. "


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Miles Köerta
Sam 29 Jan 2022, 10:04



Une malédiction. Lorsque ce mot, aussi solitaire que poignant, traversa la barrière de ses lèvres, tout mon être se pétrifia sur place, plus glacé encore qu’il ne l’eût été durant toute la durée de sa prise de parole. Impuissant mais extrêmement attentif, je laissais pourtant sa voix tomber entre mes deux tympans à la manière de pierres que l’on me jetait à la figure. Des tremblements remplis d’inconfort vibraient à l’intérieur de mon esprit, ces derniers prenant brièvement d’assaut l’intégralité de mon anatomie; une répercussion violente, certes, mais rien que je ne pouvais camoufler une fois que j’eusse pris conscience de la situation, une chair de poule se devinant malgré tout à la surface de ma peau. Parce que plus son inflexion étalait les faits, sans filtre ou réticence, plus la sensation de froid et de malaise qui m'asphyxiait grandissait en moi. Cela étant dit, je n’intervins d’aucune façon pour l’arrêter dans son impulsion. Je n’avais peut-être pas la force ou le courage de le faire, mais plus tard, à bien y penser, je crois que la surprise à elle seule était parvenue à me paralyser. Comparativement à ce que j’avais initialement envisagé, me préparant mentalement à lui définir mon impression sur ce mal du corps et de l’esprit, Latone était parfaitement au courant de ce qu’était le Kubus, de sa vile nature jusqu’à sa cruelle vérité. Cependant, elle décrivait sa loi avec tant de précision et de réalisme que je me retrouvais à ne plus savoir quoi faire, si ce n’est m’immobiliser, l’écouter et me remémorer.

Chacune de ses paroles perçait le matériel pour venir frapper mon âme, afin de l’obliger à reculer dans le temps, afin de me rappeler de tout ce que mon père avait traversé, les sensations, les cris, les odeurs et les impressions rugissant soudainement au sein de ma conscience. Je revoyais l’agonie de mon paternel, chacune de ses phases, avec une netteté aussi agressive que surréelle. Je me rappelais péniblement des premiers jours où il s’était senti plus épuisé que jamais, songeant qu’il ne s’agissait que de fatigue accumulée en raison de son travail parfois accablant. Je me rappelais amèrement des jours qui avaient suivi où il n’arrivait tout simplement plus à fermer l’œil, perturbé par des bruits imaginaires, tout droit sortis de son subconscient. Je me rappelais sinistrement de cette nuit où, abattant la fatalité, le médecin qui l’avait ausculté nous avait annoncé la terrible réalité. Je me rappelais douloureusement des mois qui s’étaient écoulés dans l’angoisse, dans l’agonie latente et insupportable, et durant lesquels je m’étais défoncé pour trouver ne serait-ce qu’un brin d’espoir pour contrer cette destinée. Je me rappelais cruellement de ce jour où j’avais fini par la trouver, cette lumière au bout du tunnel, en la personne d’Ardwick. Il fût le seul à m’insuffler cette foi qui chancelait dangereusement en moi, et qu'on avait mainte et mainte fois voulu étouffer; cette même espérance qui avait fini par me pousser à tout tenter afin de sauver son existence. Père n'avait pas aimé cela, il n’avait pas aimé me savoir si loin et proche à la fois. Chaque jour et chaque nuit, je quittais le confort de la maison pour vagabonder il ne savait trop où sous les ordres d’un parfait étranger après tout. Il aurait apprécié profiter de ces derniers instants sur Terre en ma compagnie, loin des illusions qui le meurtrissaient et de cette terreur lancinante qui le poignardait, si proche de la fin. Je comprenais ses sentiments, je comprenais ce qu’il souhaitait, mais une fois qu’il serait guéri, avais-je naïvement songé, nous aurions alors tout notre temps – toute notre vie! – pour profiter de chaque instant. J’en étais convaincu, les efforts d’Ardwick pour m’en persuader n’ayant fait que renforcer ma résolution. De tous les pronostics et de toutes les croyances, je pensais parvenir à sauver mon père de la Mort elle-même.

Entre mes deux oreilles, le tambourinement de mon cœur battait d’un rythme furieux, les images d’antan frappant ma rétine sauvagement. Mes doigts se contractèrent, les jointures de mes phalanges se frictionnant avec animosité au creux de mes poings serrés, l'envie irrésistible de me frapper m'étranglant. Par chance, Latone termina en prononçant le nom d’Oberon, mon attention divaguant brièvement sur les quelques échanges que j’avais eu auprès de Léto à son sujet. À force de nous côtoyer, de panser mutuellement nos blessures du passé, ma femme et moi avions fini par nous confier l’un à l’autre. Déchargeant ainsi le poids de nos consciences, nous avions espoir qu'un compagnon puisse partager les fardeaux de notre existence. La présence d’un pair, d’une âme forgée par la peine, nous avait rapproché, nous avait naturellement attiré dans une étreinte de laquelle nous ne voulions nous séparer. Nous nous étions révélés l’un à l’autre. Amers et meurtris, nous avions comblé le vide et éloigné les ténèbres de nos vies par notre présence commune; nous avions reconstruit nos esprits brisés, mais étions-nous véritablement guéris? Ou avions-nous plutôt enfouis, bien profondément, les horreurs d’antan sous une montagne de délice et de félicité, souhaitant simplement museler les aboiement d’autrefois au lieu de les apprivoiser?

« Oui, je suis au courant pour Oberon, finis-je par répondre en exhalant un soupir, lui adressant une œillade à la dérobée ainsi qu’une mimique se voulant rassurante et attendrissante. Crois-moi, c’était plus atroce pour lui que pour moi. »

Si mon regard se détacha de sa personne tout de suite après, il revint pourtant s’ancrer à la surface de son visage, les couleurs froides de ses iris m’étudiant intégralement, mais je compris rapidement que ce n’était pas que son regard qui m’analysait ainsi, un sourire vague s’esquissant à la commissure de mon faciès. Difficile de l’oublier, répliquais-je doucement, relevant la tête à son premier pas. Mais ce qu’elle fit par la suite me pris de court, mes bras réceptionnant son saut à la dernière seconde. Sans oser esquisser le moindre mouvement, j’écoutais son timbre me bercer par sa chaleur, percevant vaguement les gestes d’affection de ses mains contre ma nuque. Petit à petit, je me détendais, mes bras englobant plus encore sa silhouette; l'animal effarouché que j'étais se calmait désormais.

« Est-ce un défi? Me moquais-je en me retirant également avec légèreté, la gratifiant d’un sourire, yeux fermés. Que ferais-je sans toi, hein? Mais, cette fois, je tournais mon regard en direction du lit abandonné, le scrutant avec regret. C’est ce qu’il avait souhaité aussi. Que je puisse me construire des souvenirs heureux afin de marquer notre nouvelle vie. »

Cependant, je n’avais jamais réalisé son vœu, préoccupé par mes propres souhaits… Me détachant définitivement du câlin de la Bleue, je fis volte-face vers le lit, effleurant précautionneusement les draps effilés et vieillis. Puis, sans un mot, je soulevais mes mains jusqu’à la hauteur de mon visage, les scellant l’une à l’autre dans une position bien particulière, où chacun de mes doigts touchait l’extrémité de son homologue, sans que mes paumes ne se collent : il s’agissait de notre posture de prière, chez les Orishas. Et je priais, dans l’espoir que mes paroles soient entendues, dans l’espoir qu’il puisse pardonner mon égoïsme, mon incompétence, mon innocence, ma lâcheté. J’avais gâché nos vies et je… tout ce que j’étais parvenu à faire fûr de fuir au plus vite, loin, très loin d’ici; loin de lui et de cette vie que nous nous étions bâtis…

« Au revoir, Papa. En rouvrant les paupières, je fixais le lit, ne sachant s’il était encore présent ou si son Esprit était déjà parti de cet endroit maudit. Je suis désolé. Lentement, je laissais tomber mes bras de chaque côté de mes flancs, prenant une profonde inspiration. Ne t’en fais pas, murmurais-je à l’attention de Latone, reportant mon visage dans sa direction. Ça va déjà beaucoup… Oh! »

Passant rapidement une main devant mes yeux, je contournais calmement la silhouette de Latone, mon regard ayant capté un mouvement bien singulier à travers les ombres et la poussière. Dans l’encadrement de porte, une forme gracile, recouverte d’une longue fourrure à la couleur des flammes, se tenait là, nous observant de ses grandes pupilles. Immédiatement, un sourire sautilla à mes lèvres tandis que ma foulée m’entraîna aussitôt dans sa direction.

« Hey. Salut toi. Tu me reconnais? »

À mon approche, le renard recula d’un pas, mais remarquant mon allure et mon semblant de sérénité, le canidé finit par se rapprocher, humant la main que je lui tendais avec prudence.

« Tu me reconnais, Kira? Une fois de plus, nos regards se raccrochèrent, et je posais un nouveau sourire sur mon visage lorsque l’animal finit par se laisser flatter, avec parcimonie. Viens voir, Latone, l’invitais-je avec un entrain renouvelé. C’est le vieil ami dont je te parlais tout à l’heure. En vrai, je suis assez surpris qu’il soit encore ici… L’ombre de la Bleue effaroucha le petit rouquin qui fléchit de nouveau, craintif. Pas besoin d’être aussi méfiant, Kira. C’est mon amie. Elle ne te fera aucun mal. »

Mais le renard s’accrochait à sa méfiance, instinct animal, ses iris contemplant intensément l’Éclat de Ciel-Ouvert. S’il avait reconnu la sonorité de ma voix, l’odeur altérée, mais bien reconnaissable de mon essence, il n’était pas encore certain de cette effluence qu’il percevait à mes côtés. Accroupi, je me levais le menton jusqu’à rencontrer le regard de Latone.

« Excuse-le. Il a toujours été une bébête farouche. Je soupirais, secouant distraitement la tête. On devrait y aller. Y’a encore plein d’endroits qu’on doit visiter. Tiens, on pourrait même faire un tour dans le quartier où se situe le cabaret des Cuisses Brûlantes pour voir s’il est toujours sur pied! Il n’est pas si loin : une vingtaine de minutes à pied environ. Quant à Kira, le renard dévisageait toujours la Marcheuse avec attention, sur le qui-vive et, en finalité, je me remis à la contempler. Tu veux essayer de gagner son cœur, à lui aussi? »

Je… ne savais pas pourquoi j’avais dit ça de cette manière.


1 645 mots | Post V




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Latone
Dim 30 Jan 2022, 21:41




S'il y avait une chose de bien certaine, c'était que, depuis son dernier passage à Linos, sa connexion avec les Échos s'était affinée. Les doutes, les hésitations, les impressions floues, tout cela n'avait plus lieu d'être lorsqu'il était question des vibrations. En l'occurrence, ces mots qu'avaient prononcé Miles ne lui avait point échappé. D'ailleurs, il était d'autant plus vrai que sa Voix était très claire avec cet individu, leur empathie naturelle tissée au fil de leur relation flamboyante. La tournure de la phrase l'avait faite tiquer, mais au vu de sa réaction, il semblerait que Latone ne s'était bel et bien point tromper. Un sourire franc et plutôt fragile habilla son visage, alors que l'une de ses tenaces mimiques lui fit repasser une mèche derrière son oreille. Elle contemplait le fameux vieil ami à fourrure, mais toutes ses réflexions étaient tournées vers ce défi en particulier. Ses joues s'empourprèrent à nouveau, incontrôlables. Comme quoi, elle n'était pas la seule maladroite ici. Quoique, ça aurait pu être prémédité, une petite bêtise aussi incommensurable qu'un bisou au beau milieu du Voile Blanc, par exemple. Hélas – plus ou moins – ce n'était pas le cas.

" Gagner son cœur… Répéta-t-elle, sur un ton amusé. Je ne suis pas sûre de réussir pour cette fois. Ses iris bleutées, éclatantes, voguèrent en sa direction, avant de se rabattre aussitôt sur le renard. Ça ne coûte rien d'essayer. " Acquiesça-t-elle malgré tout.

Fléchissant les jambes, Latone préservait son impressionnante stature et comprendrait qu'un canidé aussi chétif la craignit. Toutefois, si Kira ne broncha pas sous le poids de son regard et de sa corpulence intimidante, il ne dressa pas non plus le moindre signe amical. Une mine faussement attristée prit naissance ; elle s'était attendue à un tel scénario. Quelques fois, elle se remémorait ce gros pacha de Mambo et se disait qu'il lui manquait. La présence même d'un animal l'apaisait, à l'instar d'un champ fleuri tout autour d'elle. Peut-être était-ce dû à cette connexion qu'elle avait eu avec les Kangelas, ou mieux encore : peut-être que cela faisait parti de sa nature, de sa sensibilité. Étonnant, vraiment. Dans un élan d'espoir – elle était bornée quand même – elle tendit sa main, prudemment. Elle demeura dans cette position quelques secondes, pour ne récolter qu'un autre vent monumental. Visiblement, cet exploit lui était inaccessible.

" Grrhmpf… Elle se releva, croisant les bras et haussant les épaules. Je m'avoue vaincue. Elle avait perdu la bataille, mais pas la guerre : elle reviendra, fais attention, Kira. Mais ce n'est pas grave. Soudainement plus rayonnante, elle se tourna vers le Köerta. Un seul cœur me suffit. "

La Kirzor se perdit une nouvelle fois dans l'écarlate, contemplative et songeuse. Les réminiscences du Neru firent frissonner son épiderme et caressèrent les contours de son esprit. Pour en être arrivé là, il y avait eu du chemin, et elle peinait encore à croire que cela lui était possible, autorisé, accordé. Bien sûr, avec du recul, ce lien s'avérait plus compliqué qu'il n'en avait l'air, mais elle n'en avait cure : elle le savourait à sa juste valeur et le chérirait tant qu'elle le pourra encore. Dans un sens, elle espérait, au fond, que Miles serait sur la même longueur d'onde.

Latone se détourna un brin, ne parvenant pas à chasser ce sourire qui lui collait à la peau. Kira commençait déjà à vaquer à ses occupations primaires, conscient qu'ils ne resteront de toute façon guère longtemps. Il était en effet vrai, puisque la Naäzkil avait mentionné le cabaret qui avait émoustillé son imagination. Les Cuisses Brûlantes étaient l'une des attractions dont elle souhaitait profiter avant de partir de Megido ; même si l'idée de revenir la traversera sûrement, son impatience et son entêtement conjugués l'encourageaient à découvrir le plus possible la Cité de Mow.

" Bon, allons-y. Allons voir si le cabaret est toujours ouvert. Puis sur le chemin de la sortie, elle s'arrêta juste avant de franchir la porte. Mais… Elle se tut, dévisageant l'Orisha avant de sourire bêtement. Non rien, oublie. Je te le dirai devant le cabaret. " S'il existait encore.

~~~

Toujours debout et encore bien en forme. Les Cuisses Brûlantes s'élevèrent, hautes et fières, sous leurs yeux ébahis. De toutes, ce devait être l'attraction la plus prisée des touristes – surtout à l'époque où la cité était plus encline à accueillir des étrangers – et il y avait de quoi le comprendre : la devanture de l'édifice était tape-à-l'œil et masquait à peine le gigantisme du bâtiment. Là derrière, entre ces murs immenses, l'esprit débridé et libre des Orishas se manifestait, étirant les liens et les distordant à répétitions. S'il y avait bien un reliquat de l'époque révolue de leurs ancêtres, c'était celui-ci. Curieux par ailleurs, lorsqu'il suffisait de se tourner vers les monuments religieux pour se rendre compte que la foi des Orishas était bien plus fluctuante que leurs mœurs. Pour Latone, le cabaret à l'opéra de Linos : il lui donnait tout bonnement envie de franchir les portes de l'interdit, malgré l'heure précoce. Bien évidemment, cela lui serait impossible. Néanmoins, cet effet que lui procurait cette façade la rendait curieuse. Était-ce de la nostalgie ? Était-ce si attirée par le pétulant sous toutes ses formes ? Latone finissait par convaincre qu'au fond, Lolaha adorerait être ici ; car elle pourrait s'échapper à ses devoirs. Finalement, c'était son cas aussi.

" Tu es déjà rentré là-dedans ? Elle apposa sa main sur sa propre bouche, faussement scandalisée. Quelles cochonneries tu as dû y faire. Le taquiner était si addictif. J'aimerais bien y aller ce soir, avec toi. Elle exprima le sérieux de sa proposition. Et avec d'autres Marcheurs, si cela les intéresse. Sans retenue, elle le scruta de haut en bas. Par hasard, aurais-tu emmené le costume que tu avais à Sequela ? Face à sa réaction, elle fit danser ses sourcils, aussi emballés que son imagination. Moi... j'ai une tenue en réserve. Et elle se garda bien de lui gâcher le moindre détail. Enfin bref. Ce que je voulais te dire, tout à l'heure… Le bleuté de ses yeux se mêlèrent au rouge. C'est que j'ai une idée de notre prochaine destination. AH ! Je ne connais pas le chemin ! Attends une seconde… Elle s'empara aussitôt de sa carte et l'analysa, de sorte à ne pas laisser le Marcheur une chance de découvrir son intention. Hmm, bien, ok, allez ! Le parchemin rangé, elle lui saisit aussitôt la main. Suis-moi donc, c'est moi le guide maintenant ! "

C'était peut-être une mauvaise idée. C'était peut-être même inappropriée. Mais si Latone n'avait plus le moindre scrupule à s'engouffrer dans cette valse, elle savait pertinemment que Miles saurait l'emporter au sein du meilleur courant. Entièrement d'accord et sur le même tempo, ou réticent mais pas moins motivé à lui proposer une alternative, la Bleue s'attendait à être satisfaite dans tous les cas. La vie était faite de déceptions, mais surtout de belles surprises. La naissance de son aphélie en était une preuve irréfutable.

Ce fut pourquoi l'Aäsho l'avait entraîné à l'autre bout du quartier, guère loin du cabaret avec cette cadence effrénée et digne d'une enfant surexcitée. Ce fut pourquoi il se retrouvait devant cet établissement imprévu, pourtant point si surprenant lorsque l'on connaissait l'histoire de la cité. Ce fut pourquoi Latone serrait la main de Miles devant l'entrée des thermes, son palpitant exaltant une musicalité assourdissante. Plus remarquable étant que l'idée lui était venue sans anticipation. Plus elle passait du temps avec lui, plus le flux de ses pensées débordait, affolant son esprit déjà bien assez étriqué. Ce n'était pas que de la fantaisie, loin de là : elle se sentait capable de l'attirer dans la ronde, partout où elle ira. Il ne tenait alors qu'à lui de succomber ou de la faire cesser.

Malgré tout, depuis cette nuit à la roulotte…

" Voilà… L'une des pires présentations possibles, mais bon, on ne se refaisait pas. Elle pivota un brin vers lui, relâchant doucement la main pour lui faire comprendre qu'il avait bien sûr le choix. Je me suis dit que… Bon, avec mes bras, et ton retour en enfance, on aurait bien besoin de se détendre. Elle fixa à nouveau l'entrée, pas moins incertaine. Tu fais une drôle de tête depuis qu'on est allé dans cette maison. Te baigner devrait te changer les idées. Les livres sur les Orishas contaient bien souvent les bienfaits des thermes sur la psyché du peuple opprimé. Et ouais, promis, j'irai au Temple de Leëcha pour mes bras. Mais je ne vais pas t'abandonner comme ça pour le moment ! Elle s'était apprêtée à lui ébouriffer les cheveux, avant de se raviser. Souriante, en phase avec ses sentiments, la Kirzor soutint son regard. Réservons un bain, rien que pour nous deux. " Öm criosior. (Mon aphélie)


1565 mots ~
Criosior = Aphélie ; contraction de Criosh (Éloigner) et Iherior (Soleil) en Arshalà



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Miles Köerta
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Miles Köerta
Sam 12 Fév 2022, 03:56



« Un seul cœur me suffit. »

Pourtant distrait par la fourrure enflammée du renard, mon regard se braqua aussitôt sur son visage. Ainsi, le vermillon se mêla au violet céruléen presque en un instant. La Marcheuse souriait de toutes ses dents, une aura lumineuse l’enveloppant intégralement, tel un uniforme chatoyant dont elle aurait recouvert sa robe parée d’azur. Cela étant dit, malgré tant de pétillant, une accalmie m’assaillit le temps que ses paroles soient analysées et assimilées par mon esprit. Seulement, à la seconde qu’elles furent enregistrées… Décidément. Un esclaffement frôla mes lèvres dans un soubresaut inopiné; un moyen comme un autre de libérer ma nervosité. S’échappant de ma gorge dans une goulée exhalée, je parvins de justesse à l’étouffer à l’intérieur de mon poing avant qu’il ne devienne un éclat déconcertant et retentissant entre les quatre murs de la pièce.

« Tellement cliché », murmurais-je en reprenant un semblant de contrôle.

Sans intervention préalable de la pensée, les paroles avaient naturellement été formulées. Réaction instinctive? Tentative de désamorcer la nouvelle houle qui allait me secouer? Je n’avais pas réfléchi, et ne réfléchissais pas encore sur le moment. Malgré tout, pendant cette poignée de secondes, je me remplissais de sa gaieté, je me réchauffais sous la lueur qui magnifiait les charmes de son rire. Au cœur de cette recherche inconsciente de félicité, je tentais ainsi de graver dans mes rétines chacune des petites étincelles que ses mimiques libéraient. Peut-être qu’en les immortalisant de cette manière, je serais de nouveau en mesure de retrouver cette paix intérieure qui me manquait cruellement au moment présent : cette paix qui saurait apaiser ma culpabilité, celle-là même qui réussissait actuellement à étancher mon chagrin avant qu’il ne déborde sur mes cils, insurgé. Je ne savais pas par quel miracle je pourrais, un jour, parvenir à les faire disparaître – et peut-être ne mourront-ils jamais – mais au moins pour ces vacances… les peines et les regrets pouvaient-ils simplement se cacher? Se faire temporairement oubliés? Je me sentais toujours aussi lourd, en perte de mon souffle, certes, mais j’avais quelqu’un à mes côtés qui s’évertuait à éloigner les ombres du passé, qui cherchait à illuminer cette obscurité dans laquelle je m’enfonçais. Je ne voulais pas que ses efforts soient vains, l’inquiéter et risquer de dissoudre sa lumière en raison de la morosité de mon état. C’est pourquoi je continuais de la contempler, de me baigner dans sa béatitude euphorique, le trait d’un sourire se distinguant à travers le dédale de mes cicatrices.

« Oui, quittons cet endroit. »

Pourtant, cela me pris quelques secondes avant d’esquisser les premiers pas, mes yeux se reportant aux tissus désagrégés qui recouvraient le lit du défunt. Quand reviendrais-je ici, songeais-je silencieusement. Quand parviendrais-je à traverser le seuil de cette porte, sans que le poids des remords et des tourments ne viennent oppresser ma respiration et broyer mon estomac? Quand serais-je suffisamment courageux pour te faire face, Papa? Je clos mes paupières un infime instant, inhalant une profonde inspiration à l’intérieur de mes poumons. Seulement, l’accent de mon amie s’éleva au sein de la maisonnée, brisant ma concentration, contraignant l’ouverture de mon regard afin de le poser sur sa silhouette, à proximité.

« Mais…? »

Je la fixais dans l’attente d’une suite, mais Latone me promit qu’elle me partagerait sa réflexion une fois arrivés à destination. D’instinct, un sourcil se souleva jusqu’à mon front. Pourquoi tant de mystères, soudainement?



« … »

Je comprenais un peu mieux maintenant. Enfin, pas totalement…

… …
Je me grattais le cuir chevelu. En fait, non : je ne pense pas que je comprenais quoi que ce soit. Faisant volte-face, je la dévisageais brièvement. Pourquoi avait-elle tu son souhait de venir jusqu’ici?

« Voilà… »

Sa main s’était étirée droit devant nous, emportant à mon insu toute ma concentration dans son mouvement. Dès lors, ma vue n’arriva plus à se détacher de la devanture face à laquelle nous nous tenions, alors que dans un saut, Latone se posta juste au-dessus de ma tête, sa foulée l’ayant conduite sur la première marche des escaliers de l’établissement. Plus aiguisée encore, une attention consciencieuse accapara mes sens et convergea dans sa direction. La curiosité barbouillait mes traits à la manière d’un dessin qu’un enfant aurait griffonné directement sur mon faciès. Toutefois, je ne posais aucune question, parfaitement muet, laissant à ma partenaire le soin d’introduire plus clairement son idée après tous ces secrets. Cependant, plus elle élucidait ses intentions, plus mon visage se distordait. Un instant, je laissais la malice envahir l’intégralité de ma figure; pupilles rieuses et sourire narquois. Malgré cela – et après une tentative à vouloir en placer une pour me venger de ce qui s’était produit devant le fameux cabaret – ma bouche ne s’ouvrait toujours pas. De fait, l’élan de provocation qui m’avait lancé fût brusquement stoppé par la voix qui tinta au creux de mon esprit et, à ce moment précis, je ne pus dissocier mon regard de l’éclat de son visage. Décidément. Comment faisait-elle pour sourire à ce point? Était-elle si emballée que ça de mettre les pieds dans les célèbres bains de Megido? Ou s’obligeait-elle à sourire afin de compenser celui que je n’arrivais plus à afficher en toute spontanéité? Or, une fraction de seconde après avoir songé à cette idée, je souris. J’étais conscient que Latone ne se forçait pas. Elle semblait – et était – tout simplement heureuse.

« Tu as raison : un bain ne nous ferait pas de mal. Par réflexe, je basculais ma tête vers l’arrière tout en craquant et étirant mes bras le plus haut possible – peut-être dans le vain espoir de toucher au ciel. Nous sommes en vacances, et repos rime avec thermes au cœur de la Belle. Je montais la première marche à mon tour, dépassant sa hauteur tout en la lorgnant un moment. C’est quand même incroyable que tu puisses énoncer ce genre de choses sans même ressentir le moindre embarras, ou avoir la moindre idée derrière la tête. Je me rapprochais de son visage, l’auscultant des yeux tout en riant d’un rictus espiègle. Ou alors, t’es une sacrée comédienne. »

Mettre ainsi en doute son ingénuité : l’ancienne Latone se serait immédiatement énervée. Je rigolais tout en prenant de la distance, observant un certain temps la paume de ma main avant de la lui présenter.

« Tu viens? »

La salle qui nous fût offerte était spacieuse et comptait trois pièces bien distinctes. La première était la chambre dans laquelle nous débouchâmes dès que nous ouvrîmes la porte de l’entrée. Il n’y avait pas de lit, mais plutôt une table et quelques assisses qui permettaient de s’installer confortablement pour admirer des frises animées, ou simplement pour relaxer. Laissant Latone admirer la chambrée – son architecture, ses couleurs et ses statues de marbre – je me rapprochais bien rapidement de la deuxième pièce. Un grand paravent divisait la chambre du bain et du vestiaire, et les deux dernières pièces n’étaient aucunement séparées par un obstacle, si ce n’était du trio de marches qui menait directement au bain.

Dès que le paravent fût repoussé, les vapeurs chaudes du bassin vinrent aussitôt titiller nos peaux et le parfum apaisant des chandelles vrilla nos odorats. En continu, en ambiance sonore, le ruissellement d’une coulée d’eau berçait nos oreilles. J’inhalais une grande bouffée d’air, sentant presque immédiatement les effets relaxants de l’effluve des huiles et des bougies qui nous englobait.

« Je sais pas toi, mais moi, je plonge tout de suite. »

Ni une ni deux, je commençais à retirer les bretelles de ma salopette derrière le paravent, profitant de la quiétude des lieux pour expirer une tranquille mélodie.


1 261 mots (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post VI

Notes : La chanson que Miles chante/fredonne est celle de mon post (King And Lionheart de Of Monsters and Men)





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Latone
Dim 13 Fév 2022, 00:58




Alors que le Köerta énonçait leurs attentes à la réception, Latone se remémora ces mots qui lui avaient cloué le bec. Devrait-elle vraiment éprouver de l'embarras ? C'était si bizarre ? Elle n'en savait vraiment rien. Elle se sentait légère, prête à prendre de l'élan pour tout et n'importe quoi. Elle se mettait soudainement à trop réfléchir parce que Miles… Le flux de ses pensées s'arrêta net, et un fin sourire en coin lui prit. Bien sûr, c'était ce satané filou qui la faisait tourner en bourrique, encore une fois. Elle aurait pu s'énerver, lui coller au moins un petit coup aux côtes. Mais c'était bien la gaieté qui lui montait à la tête. Comme toutes ces dernières fois, finalement. Quant à la possibilité qu'elle ait une idée derrière la tête… Il fallait comprendre que mentir à un Orisha, même en étant une, semblait futile, idiot. L'accueil des thermes leur indiqua l'itinéraire jusqu'au bain privatif, Miles la tirant alors de cette réflexion comme elle l'entraînait ainsi aux quatre coins de la ville. Sur le chemin de ce répit salvateur, son ultime moquerie lui revint : Latone avait cessé la comédie dès le moment où leur danse s'était terminée, à la seconde où ce rêve lui était parue limpide et que son élan, d'ailleurs, l'avait entraînée dans ses bras et contre ses lèvres. C'était du moins ce qu'elle croyait, puisque sa rhétorique, inconsciemment, masquait bel et bien ses désirs enfouis.

Ni une ni deux, la Kirzor rit de l'enthousiasme de son camarade, la mélodie clapotant en rythme avec l'écoulement de l'eau, des échos de celui-ci. Le fameux plongeon plus tard et la Bleue comprit que c'était donc son tour. Malgré le fait qu'elle fût l'initiatrice de cette situation, elle n'avait point imaginé les bains privatifs de la sorte. Mais après tout, c'était bien l'une des découvertes qu'elle souhaitait vivre en Mégido. Elle ne pensait peut-être pas que ce serait aussi spacieux ; ce qui n'était pas plus mal, au fond. Quant au bain en lui-même, à l'instar de Miles, l'envie irrépressible de s'y immerger lui montait à la tête, les vapeurs capiteuses s'insinuèrent dans les pores de son enveloppe charnelle, la caressant pour mieux l'attirer dans leur étreinte tentatrice. Baisser sa garde pouvait avoir du bon, elle en ressentait les effets insoupçonnés. La jeune femme ferma les yeux et huma à nouveau les effluves maintenant que le Molosse les avait remuées durant son impulsion. Un peu plus et l'entièreté de ses muscles pourrait l'abandonner une poignée de secondes. Toutefois, la tentation de son regard riva sur l'instigateur de ces vibrations, le corps – presque – nu du Corvus lui apparut pour la première fois. Tout comme elle s'en était doutée, la totalité de son apparence semblait être en proie aux séquelles des mutations. Elle le savait déjà, bien sûr, mais le constater par elle-même était différent. Dans la roulotte, elle n'avait qu'effleurer ces fissures, tentée et pourtant apeurée à l'idée de les découvrir une à une, de les décompter durant cette fiévreuse expérience, de le Voir.

" Hum, hum. " Émit-elle en se détournant pour se rapprocher du vestiaire.

Le moment était mal choisi pour rester hébétée comme devant une œuvre d'art. Le vide en son esprit, elle omit toutes ces vilaines ondes pour desserrer les rubans autour de sa taille et passer la robe par-dessus sa tête. Des sous-vêtements banals et monochromes préservaient sa pureté, alors qu'elle défit les lacets de ses sandales. S'en débarrassant par un simili de coup de pied, son attention termina son aventure sur les liens de sa chevelure, les libérant dans un ultime et furieux mouvement de tête ; comme si elle remontait à la surface. La main dans ses cheveux, un caprice la prit au dépourvu face au linge mis à disposition pour les usagers : avec ses tresses, elle ne souhaitait effectivement pas trop les mouiller. De ce fait, la Kehaä s'empara de l'une des serviettes blanches pour l'enrouler autour de son crâne, afin de préserver le bleu nuitée de cette vilaine humidité. Fière, trop hautaine pour une si insignifiante prestation, la Marcheuse se retourna enfin vers son collègue dans le bain, mains sur les hanches. Pour un peu, son assurance pourrait faire penser aux prémices de sa danse à Sequela.

" Oh… Au premier orteil noyé, la chaleur aqueuse alerta ses récepteurs d'une plénitude imminente. Oooooh… ! Continua-t-elle en s'engouffrant jusqu'au cou, profitant quelques secondes de la relaxation de ses muscles avant de rejoindre un recoin du bassin. C'est encore mieux que mon bain à ciel ouvert… Sa tête bascula en arrière, ravie, ses deux coudes raccrochés chacun de leur côté au rebord. En un peu plus chaud, quand même. Précisa-t-elle en se redressant, ses iris braquées sur le Zeckea. Forcément, ledit bain se situait en extérieur, enfoncé dans les bois montagnards, aux côtés de sa chère roulotte. Une fois, je suis allée à Utopia. C'était… peu de temps après que j'ai défoncé cette salope d'usurpatrice. J'y étais avec des collègues quand les Humains ont commencé à initier des échanges commerciaux. Nous avons alors proposé un avant-poste frontalier entre leur Désert et le Voile Blanc, afin de tempérer le changement brutal de climat et faciliter les échanges. Elle sourit, peu fière. Et je peux te dire que là-bas, même dans leur capitale, j'étais en train de cuire ! Elle expira un soupir, abattue rien qu'en imaginant à nouveau ce poids sur sa sensibilité. Il faut croire que je suis bien une fille de Ciel-Ouvert, nous autres Marcheurs, nous ne supportons pas spécialement un tel soleil. Vraiment, je ne suis sans doute pas friande du "trop chaud", mais là, ça va. Une pause, songeant qu'ils étaient après tout deux à supporter la chaleur. C'est agréable. "

Ça l'était, puisque les thermes prodiguaient bel et bien une fonction revigorante et que la présence de Miles l'apaisait tout autant. Même dévoilée de la sorte, Latone ne se sentait guère opprimée par un quelconque trouble vis-à-vis de lui. Avant toute question de pudeur et de sagesse, c'était le bien-être de l'albinos qui l'importait. Alors qu'en réalité, sa concentration devrait se focalisée sur sa propre santé ; revêtus du nuage vivifiant, ses Sereëkim oublièrent les séquelles de leurs traumatismes, le temps promis de quelques heures. Rien ne servira de les anesthésier de la sorte tant que la Hurabis n'aura pas consulté un spécialiste, néanmoins elle se contenterait à merveilles de cette accalmie pour n'avoir qu'à s'occuper que de l'objet de son attrait.

" Alors ? Le ton de sa voix montrait son intérêt. Ça va mieux ? Ils resteront le temps qu'il faudra, ou elle réfléchira à un autre plan. D'ailleurs, à l'éclat dans ses prunelles, Latone venait justement d'en monter un. Tu sais qu'ils proposent des massages, ici ? Avec une attitude énigmatique, la guerrière nagea jusqu'à lui. Parce que sinon… – elle s'arrêta près de lui, même trop près – moi… – visiblement taquine, elle laissa le mystère s'étendre avant de rapprocher, doucement, sa bouche de son oreille – je ne t'en ferai pas. " Trois secondes, la période suffisante pour lui faire encaisser la plaisanterie.

Elle-même toute fière de sa bêtise, la Kirzor lui fit à nouveau face pour lui montrer ce grand sourire ancré à son visage. Naturellement, son petit rire agita ses épaules et les eaux qui maintenait leur proximité. Étudiant sa réaction, Latone ne résista pour autant pas à réprimer son œillade sur les scissures du Naäzkil. Lors de leurs quelques embrassades, elle n'avait jamais songé à cette question qui lui brûlait à présent les lèvres. Cantonnée à son instinct primordial, sans hésitation, elle leva, avec douceur, sa main pour l'apposer sur l'épaule de son aphélie, là où se terrait l'une des failles de l'altération. Son œillade vogua entre elle et ses iris vermeilles, sa sollicitude de nouveau annoncée sur son faciès et la profondeur de son regard.

" Ça fait mal ? " Fut son écho, alors que ses doigts effleurèrent les contours de la marque.


1403 mots ~



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Miles Köerta
Dim 13 Fév 2022, 06:05



En toute tranquillité, ne faisant plus qu’un avec l’eau du bain, je me défis pourtant de cette union spirituelle dès que les exclamations de la Bleue vinrent à mes oreilles. De nouveau, mon regard coula jusqu’à sa haute silhouette, spectateur silencieux de son immersion. Elle traçait son chemin jusque dans les profondeurs du bassin et rapidement, tout son corps se précipita dans l’eau, bien au chaud. S’étant calée à l’autre extrémité, la Marcheuse profita elle aussi d’un moment pur et parfait de relâchement. Du muscle jusqu’à l’esprit, nos êtres s’interrompaient et se détendaient en toute simplicité et durant ce temps, personne n’osa prononcer ne serait-ce qu’un seul mot, peut-être par peur de briser la symphonie et le calme de cette musicalité qui nous balançait. Le ruissellement des eaux nous plongeait dans une quiétude plus qu’inespérée, alors que les différents parfums, libérés au cœur de la pièce à la manière d’un lancer de bouquet, nous imprégnaient d’une agréable plénitude.

« C'est encore mieux que mon bain à ciel ouvert…

- N’est-ce pas? »

Je la soutenais à cent pour cent sur cette affirmation et, comme pour illustrer cette allégation, je m’enfonçais plus encore dans le bassin, les yeux clos, ne laissant à découvert que le haut de ma figure. De fait, la surface de l’eau effleurait de temps à autre la ligne supérieure de mes lèvres, juste avant de les submerger dans l’irrégularité de ses oscillations. La dernière fois que j’avais eu la chance de goûter à une telle expérience, c’était à ma dernière visite sur l’Île Maudite afin de rattraper le temps perdu auprès de ma femme… Pour des raisons complètement différentes, j’avais passé un moment tout aussi exquis et plaisant. À ce souvenir, mon visage se para d’un sourire, quelques bulles se libérant depuis sa bordure lorsque je me permis de laisser aller un petit soupir sous l’ondulation des eaux.

« Hmm, hmm? »

Automatiquement, le marmonnent s’était vaguement échappé à la soudaine prise de parole de la Hurabis. Une partie de moi lui consacrait toute mon attention, tandis que la seconde partie se remémorait cet instant passé aux bras de Léto. Lentement mais sûrement, c’est pourquoi mon expression se métamorphosa, un air béat et un sourire niais s’appropriant mon faciès. Cependant, c’était peut-être aussi pour cette raison que Latone voulut savoir si j’allais bien désormais. Sans piper mot, je le confirmais d’un signe de tête, me sentant – et étant – mieux. En revanche, le fil de mes rêveries se coupa dès l’instant où je pris conscience de la subite proximité entre Latone et moi.

« Bien sûr que je sais. À quel moment s’était-elle dirigée dans ma direction, au juste? Sinon toi…? »

Elle était terriblement proche et pourtant, je ne bougeais pas d’un iota, curieux de connaître ce qui allait bien sortir de sa bouche cette fois. Or, dès qu’elle se recula, je me mis à la dévisager, tiraillé entre l’éclat de rire et la désillusion. Pas mal… Mais ce n’était pas suffisant pour me faire frémir. Cependant, avant que j’eusse la possibilité de placer une quelconque répartie, j’aperçus l’œillade de Latone se décaler de mon visage pour s’accrocher à mon épaule; une fraction de seconde plus tard, et ce fût sa main qui suivit. Je les analysais toutes les deux pendant un certain temps avant de secouer la tête en signe de négation.

« Non. Pas depuis longtemps. À mon tour, j’étudiais plus particulièrement la cicatrice que sa main frôlait. Y’a que durant les journées de très grand froid que ça m’accable plus que d’habitude, au point où j’en ai du mal à me lever de mon lit parfois. En prenant connaissance de son expression, je souris : Eh! T’es amie avec un vieux, qu’est-ce que tu veux? Prenant une expression plus pensive, je poursuivis : Ma peau a beau être plus résistante que la moyenne, avec le froid extrême, c’est comme si elle se solidifiait comme ça (Je claquais mes doigts) pour devenir de la pierre – ou n’importe quelle autre matière pas du tout flexible, élastique et malléable. Puis, quand j’essaye de bouger, j’ai l’impression que mon corps tout entier va se désagréger et tomber en morceaux; qu’en pinçant ma peau, je pourrais littéralement l’arracher à mes os. C’est PAS DU TOUT confortable. Je laissais entendre un rire avant de m’appuyer plus confortablement à la bordure du bassin. Mais à part ça, ça va en vrai. »

Et encore plus présentement, maintenant que je m’étais complètement immergé dans la chaleur des eaux. En revanche, la nonchalance avec laquelle j’avais conclu cet aveu détonait terriblement avec le sujet à propos, mais Latone ne pourrait m’en tenir rigueur : je ressentais déjà les bienfaits prodigués par les vapeurs et les odeurs de la pièce, au point d’en oublier la douleur vivace de ses afflictions spontanées. Par contre, ce que je n’avais pas oublié… Sourire en coin et sourcil arqué, je maintenais le contact de son regard sans flancher, et ce, jusqu’à ce que j’entoure ses épaules de mes bras, les entrelaçant sur sa nuque afin de soutenir ma clé. Rapprochant ainsi mon visage du sien, cette fois, ce fût à mon tour de lui chuchoter au creux de l’oreille :

« Je trouve ça quand même dommage. J’aurais pourtant apprécié profiter de tes services. »

Conservant une mine enjôleuse, je me reculais tranquillement tout en détachant mes mains de derrière sa nuque. Cependant, l’une d’entre elles vint frapper son épaule en plusieurs tapes amicales, et mon expression s’altéra du tout au tout pour arborer un sourire plus résigné – et d’autant plus badin.

« Mais t’as sûrement raison : tu risques de me briser les os avec ta force de brute si tu viens à pétrir mes muscles. Un professionnel saura mieux faire. »


945 mots (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post VII




[Q] - Ouvre les yeux | Latone Signat16
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Latone
Dim 13 Fév 2022, 23:51




Malgré son initiative, sa main ne prolongea pas la caresse. Même si le contact était maintenu, Latone ne souhaitait pas associer son geste à une curiosité mal placée. Comme tout être normalement composé, elle s'était posée des questions, elle imaginait des choses, des sons, des sensations. Elle aurait pu s'en tenir aux souvenirs de Léto qui se mêlaient aux siens pour trouver un semblant de réponse. Néanmoins, ce n'était pas sa manière de faire, et ce n'était pas non plus le mieux pour une mortelle. Rectification : pour une amie. Car oui, la Kirzor voulait surtout l'entendre de sa propre bouche, recevoir ces mots qu'il adresserait à elle seule, les choix qu'il entreprendrait à son égard. C'était ça de vivre en compagnie. Ainsi, dans un silence religieux et une attention centrée, Latone imprima ses dires en son esprit, hochant quelques fois la tête, éperdant d'autres fois son regard sur cette fameuse cicatrice. Durant sa nouvelle vie, elle aura l'occasion d'en récolter à son tour et de marquer son histoire à même la peau.

" Et pourtant, tu résides à Ciel-Ouvert. Douce, elle rompit le contact, un sourire taquin. Nous n'avons pas les contrées les plus tempérées. Tu dois vraiment aimer cette ville. Puis, sous d'autres circonstances, ils ne se seraient peut-être pas rencontrés. Enfin, le Voile Blanc est encore pire, mais tu t'y aventures malgré tout. Son attention s'en retourna sur la profondeur de la fissure, comme si elle y était happée. Tu es fort. " Laissa-t-elle planer au gré des effluves.

Ce devait être une certitude qu'elle l'admirait. Reconnaître la force d'autrui lui était bien plus difficile d'admettre sa propre faiblesse, puisque pour cette dernière, il lui suffisait de dépasser ses limites. Mais lorsqu'il était question de l'autre, elle se rabaissait alors pour l'élever sur le piédestal. La seule fois où Latone avait reconnu, verbalement, cette puissance, c'était auprès de Léto. Si la Bleue n'avait jamais battu la Chamane sur bien des plans, elle comprenait aussi bien que c'était le cas avec l'Orisha : il avait dompté sa folie sous son toit, il l'avait canalisée avec sa nouvelle enveloppe charnelle, et il l'avait guidée jusque dans ses songes. Elle plaisantait sur l'appropriation de son cœur tantôt, alors qu'avec du recul, c'était lui qui le lui avait arraché.

Au moins, tout allait bien. Tout allait même très bien puisque sans crier gare, la Kirzor se retrouva dans ses bras, ce fameux sourire redouté aux lèvres. D'abord surprise par l'étreinte, elle se plongea volontiers dans ses yeux pour anticiper ses intentions. Futile offensive, puisqu'il lui était quasiment impossible de lire dans un esprit aussi malicieux, même avec leur connexion. Alors, comme à chaque fois, elle se laissa berner, dans le doute d'être agréablement surprise. Et avec une certaine satisfaction, elle le fut : sa voix à l'orée de son tympan lui apparut comme plus chaude que le bain. Un délicieux frisson parcourut son échine et elle sentit son imagination entonner les prémices d'un emballement. À son tour guillerette, la Kehaä s'ancra à l'écarlate, l'affronta.

" Je ne travaille pas ici. C'est dommage, hein ? " Laissa-t-elle couler sur le même ton empli de malice.

Au fond – et même de manière plus limpide – elle souhaitait qu'il continuât cet ersatz de jeu qui se créait entre eux. D'entretenir cette tension qui animait son cœur et titillait son envie de se jeter sur lui pour le couvrir de baisers… Seulement, Latone fut bien naïve et se retrouva bien bête, écroulée sous la manipulation du Molosse. Cette tête, cette fichue main sur son épaule, tout ressemblait à l'époque où il l'associait à une enfant capricieuse. Cela lui déplût vraiment et elle le montra bien, cherchant à mordre la paume qui l'accablait pour la chasser, avant de lever le menton pour assurer sa domination.

" Tss. Sifflant telle une vipère, ses iris trahissaient hélas une demoiselle vaincue à son propre jeu. Mince alors ! J'attends cette occasion de te briser les os depuis si longtemps. Elle fronça les sourcils. Depuis la fois où tu m'as embrassée au Voile Blanc. Consciente de sa potentielle réplique, elle recula un brin et lui décrocha une mimique bien moqueuse avec ses mains. "Nianiania, c'est ma femme que j'embrassais." Dixit l'Orisha incapable de voir au-delà du Corps. Pense à faire changer ton Troisième Œil, il est sûrement défectueux. "

Évidemment saoulée, Latone réprima du mieux son envie de violence physique, ce qui s'extériorisa par ses palabres assez basses de plafond. Décidemment, elle n'était vraiment pas douée pour répliquer avec malice à une telle énergumène. Comment faisaient-ils pour la faire tourner en bourrique de la sorte ? Pourquoi était-ce si compliqué d'user de plaidoirie finement ficelée ? Elle croisa les bras et l'observa lui décrocher son plus beau sourire pour la déstabiliser. Quelle indignité. Il était vraiment pas possible. Elle ne le troquerait pour rien au monde.

" Toute façon – elle baissa les yeux sur son buste entaillé une multitude de fois – tu ne peux pas savoir si tu n'as pas déjà essayé. Elle laissa planer le mystère, avant de remonter sur lui. Tu n'aurais pas le meilleur mais le plus mémorable des massages, car avec ces merveilles… Elle désigna son dos d'un pouce assuré. Tu aurais toutes mes mains parcourant ton corps tout fragile, en même temps. Elle bomba le torse, fière comme un paon. Eh oui ! Va te trouver une autre Kehaä pour voir. Je ne suis pas une professionnelle, mais je fais de mon m— A-Arrête de rigoler ! Elle lui asséna une tape sur la tête, le rouant alors de frappes somme toutes amicales une fois coincé contre le rebord. Idiot. "

C'était ainsi, en dehors de la dimension guerrière, Latone semblait incapable de maîtriser Miles par rhétorique ou éloquence. Finalement, c'était bien cette dynamique qui la rendait plus forte et qui la poussait à fréquenter toujours plus le Köerta, au-delà du plan émotionnel. Elle était attirée à lui et cherchait à lui montrer qu'elle était capable, qu'elle se surpassait, qu'elle existait. Sa frustration évacuée, la Bleue termina de lâcher prise et alla se poster à ses côtés contre le contour du bain. Dans un calme salvateur, elle ferma à nouveau les yeux pour laisser l'eau et les bougies apaiser ses maux. Son palpitant tambourinait toujours autant, l'obligeant à rouvrir ses paupières et lui décocher une œillade en coin. Il ne manquait qu'une poignée de centimètres pour l'atteindre et Latone n'attendit pas une seconde de plus pour combler cet écart entre leurs épaules. Attirant ainsi son attention, elle songea à cette réflexion qui la travaillait et la manière de l'exprimer, de la partager pour la modeler ensemble.

" Tu sais, quand tu as voulu me Voir… Je regrette de t'avoir dit "stop". "


1178 mots ~



By Jil ♪
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Miles Köerta
Sam 19 Fév 2022, 19:47



Et pourtant, je résidais à Ciel-Ouvert, effectivement. Suivant la direction de ses yeux, un trait retroussa inconsciemment mes lèvres avec délicatesse, tandis que mes doigts, aériens, vinrent effleurer la fêlure qui entaillait profondément ma chair.

« Fort, je ne sais pas trop, admis-je tranquillement, ne songeant guère à abonder ou à clarifier le sujet. Mais cette cité… Elle m’a conquise par ses danses et par ses Chants. J’ai fini par m’y attacher, bien plus que ce que je l’aurais cru. »

Je lui souris. Mon établissement à Ciel-Ouvert remontait à plus d’une décennie déjà – et se rapprochait inévitablement de la deuxième. C’était bien avant que mes enfants soient nés, bien avant que mon apparence soit ainsi altérée. En quittant la cité des Orishas et en fuyant les mémoires du passé, je croyais me séparer temporairement de la capitale; une affaire de quelques mois, voire d’une année entière seulement. J’avais besoin de temps pour digérer tout ce qui s’était produit entre les déceptions et la terreur, entre la désillusion et la fureur, entre la tristesse et les regrets : j’avais besoin de temps pour songer à notre histoire entre mon père, Ardwick et moi, mais j’avais aussi besoin de temps pour me pardonner les agissements inconscients et ahuris que j’avais posé. Cependant, ce fût sans compter l’affection que j’avais commencé à développer pour la Cité des Chansons, et ce, plus j’écartais de mon esprit la réflexion de retourner à Megido. Au milieu de ces montagnes à la glace éternelle, de ces forêts aux troncs frêles, bercé jour et nuit par les Chants qui parvenaient à me faire oublier l’antan, et même si cela pris du temps, j’avais petit à petit eu l’impression de pouvoir repartir à neuf, de pouvoir – et de vouloir – rebâtir une vie qui saurait m’apporter du bonheur. Là où Megido enfonçait des couteaux dans mes plaies, Ciel-Ouvert les soignait et les pansait avec patience; là où Megido me replongeait dans la douleur et les remords, Ciel-Ouvert, au contraire, faisait trembler mon cœur et mon âme d’une sereine félicité. Je ne souhaitais pas oublier le passé, pas après tout ce que j’avais commis, pas après qu’il se fusse agit d’un autre qui en paya le prix, mais en même temps, comment pouvais-je vivre heureux s’il me fallait sans cesse songer à ces afflictions? Comment pouvais-je avancer si je restais enchainé? Décamper et ignorer le passé : voilà ce qui m’était apparu comme un bon compromis, et Ciel-Ouvert s’était alors élevé en tant que refuge sur le piédestal de cette idée. Alors si j’étais fort? Je ne pensais pas pouvoir être décrit de la sorte. Après tout, j’avais simplement fui dans la première calèche qui avait filé sous mon nez, espérant me tenir suffisamment loin des cafards et des chagrins que j’abandonnais dans cette cité…

Tient. Me revoilà à divaguer… Au moins, Latone était là pour me distraire, sa naïveté ne cessant de me surprendre et de m’amuser. Lorsque ses dents voulurent se refermer sur ma main, j’éloignais rapidement cette dernière de sa trajectoire, le frisson d’un rire chatouillant le fond de ma gorge dès que je remarquais sa posture et son air rempli de fierté blessée.

« En fait, j’allais plutôt dire que tu en avais déjà eu l’occasion, quand tu as voulu me tabasser, le soir, après le spectacle de Toto, déclarais-je avec un grand sourire, comme si de rien n’était. D’ailleurs, tu me dois un tapis depuis cette nuit. »

La Marcheuse croisa les bras, visiblement irritée et malgré cela, ce petit échange semblait lui avoir donné le goût de me faire quelques massages. Seulement, la Bleue avait véritablement un don pour introduire ses idées, mais surtout pour me les partager. Ce n’était pas la première fois qu’elle réalisait ce genre de déclaration sur le feu du moment et à chaque fois, cela m’offrait un spectacle merveilleux. L’intégralité de mon corps fut secoué sous le choc de l’hilarité, mais plus elle parlait, et plus mes défenses s’effondraient, jusqu’à l’instant fatidique où un éclat ininterrompu s’arracha à ma bouche pour résonner dans toute la pièce.

« Par la grâce des Ætheri, j’ai mal au ventre! Ma paume se fracassa à plusieurs reprises contre le carrelage du pourtour. Je n’ai même plus besoin de dire quoi que ce soit : tu t’enfonces toute seule maintenant, comme une grande! Hahahaha! »

Et les coups, dans une pluie torrentielle, m’assaillirent sans sommation. Je parvins tout de même à relever mes bras devant moi, limitant ainsi le contact hasardeux de ses poings avec ma figure. Je n’en pouvais plus. Elle savait comment s’embarrasser avec brio.

« Idiot, grogna-t-elle.

- Mains baladeuses », répliquais-je, le rire aux lèvres.

Un silence nous couva, nos regards se défiant, jusqu’à ce que Latone reculât en signe de paix, un petit sourire s’esquissant au coin de sa bouche. Je lui répondis par un rictus similaire, suivant son exemple en posant de nouveau mon dos contre le bassin. Une accalmie légère nous enveloppa, nos esprits profitant de nouveau du calme et de la sérénité des lieux. Toutefois, lorsque je perçus l’épaule de Latone s’appuyer contre la mienne, je lui adressais aussitôt un sourire narquois. Cherchait-elle encore la confrontation ou…?

« Tu regrettes? »

La surprise avait inutilement délié ma langue, mais je ne m’attendais aucunement à revenir sur le sujet de cette nuit particulière… Une poignée de secondes s’écoula sans que j’eusse le courage – ou la conscience? – de me mouvoir. Néanmoins, mon visage finit par trembler légèrement, mes yeux s’abaissant au-dessus de la surface des eaux.

« Je me rappelle que tu as eu peur à ce moment-là… Je couvris brièvement mes yeux de mes paupières, ébouriffant ma tignasse dans une secousse de la main. Et, dans ce sens, ce que tu as ressenti me fait comprendre qu’on allait faire une erreur. Je suis soulagé que tu ais mis un terme à tout ça, parce que je ne sais pas ce que j’aurais fait dans mon état. Je libérais une expiration. Voir quelqu’un nécessite de la patience, de l’écoute et de l’attention. Ce n’est pas quelque chose que l’on doit forcer, pour l’autre ou pour soi, et encore moins pervertir par d’autres… idées. »

Ce que je n’avais pas réalisé cette nuit-là lorsque je m’étais mis à la surplomber, lorsque je m’étais mis à la toucher et à l’embrasser sous l’impulsion de la détresse. Le Karäna uu devait se passer dans la détente et la confiance, dans le bien-être et la chaleur que l’on se partageait entre pairs. Mais pas de la manière dont j’avais mené cette danse… J’avais voulu prouver que je serais en mesure de la Voir, j’avais espéré ne pas la décevoir, mais ce que j’avais réalisé, n’était-ce pas comme forcer un amour ou une amitié? De nouveau, je soupirais. Ma tête bascula vers l’arrière jusqu’à reposer au rebord du bassin.

« On touche l’autre personne pour mieux se dessiner son être dans son esprit. On se parle et on écoute pour mieux percevoir le timbre de nos voix, notre accent, les variations de notre inflexion lorsque nous parlons d’un sujet embarrassant ou simplement d’un souvenir qui nous emballe. Nous sommes aveugles et voyants à la fois, et c’est ce qui fait la beauté du Karäna uu. Je me tus, dissimulant mon visage sous l’un de mes bras. Autrement, Voir ne devient que du sexe et du tripotage. T’entendre dire « stop » m’a fait prendre conscience que j’étais en train de déraper. »

Et que je t’entrainais dans ce dérapage sans même que tu en ai connaissance… Je dégageais finalement mon bras de sur mon faciès. Je suis désolé. J’étirais un maigre sourire sur le pan de mes lèvres, que je lui adressais.

« Finalement, t’es peut-être pas si loin que ça de la vérité quand tu dis que je n’arrive pas à voir au-delà du Corps. Peut-être qu’il faudrait vraiment que je change mon Troisième Œil. Si seulement ça pouvait être aussi simple, rigolais-je tout en tapotant doucement la pierre du bout de mon ongle. Cependant, je sais aussi que je suis complètement paumé avec mes sentiments. Je scellais brièvement mes lèvres, retournant mon faciès dans sa direction tout en me redressant. Mes séparations avec Léto crée à chaque fois un énorme vide en moi, et même si à chacune de nos retrouvailles, le creux se remplit de nouveau, il se vide pourtant tout aussi rapidement dès qu’elle n’est plus auprès de moi. »

L’une de mes mains se posa sur ma poitrine. Je pouvais entendre mon cœur qui s’affolait.

« Mais quand t’es là, cette absence me paraît moins insupportable. J’arrive à m’amuser, à travailler et à rigoler, au point où j’en oublie parfois que cela fait des mois que je n’ai pas eu la chance de voir ma femme. J’atteignis sa hauteur, pour mieux laisser tomber ma tête contre son épaule. J’aime Léto du plus profond de mon cœur. Je serais prêt à sacrifier ma vie afin de préserver la sienne. Conviction inébranlable. Et à ses côtés, je suis le plus heureux de tous les hommes. Alors pourquoi je me sens si bien en ta compagnie? Pourquoi je m’épanouis? Distraitement, je perdis le vermeil de mes yeux sur la surface de l’eau, incapable de poser un regard sur son éclat. Je pensais que ce que je ressentais à ton égard n'était qu’une réflexion des sentiments que j’ai pour Léto, mais peut-être que ce n’était pas le cas depuis le début? Peut-être que je me voilais la face? Peut-être que je désirais te Voir, mais n’étais pas prêt à assumer ce que je verrais ensuite? Je déglutis. Parce que j’aime ma femme. Je ne veux pas la blesser avec… ça. Avec ce qu’on a. Je me décalais définitivement, retirant ma tête de sur son épaule. Tu me diras, c’est sûrement déjà trop tard. Elle est certainement déjà au courant à cause des Esprits et de tous ses tours de passe-passe avec l’Au-Delà. Peut-être qu’elle cache le fait qu’elle est blessée ou elle s’en fiche complètement… »

Mœurs chamaniques, tout ça, tout ça, mais je ne pus empêcher une morsure de serrer mon palpitant à cette réflexion. Rapidement, je secouais la tête. Je ne devais pas penser ainsi. L’amour que nous nous partagions était bien trop fort pour qu’elle s’en fiche tout simplement puis, même si c’était le cas, était-ce parce qu’elle doutait déjà de mon amour pour elle? Ou s’était-elle fait une raison? Ou… … Je me figeais, reprenant brusquement contact avec la réalité – et avec la présence de Latone, qui se tenait à mes côtés.

« D-Désolé… Je ne pensais pas en dire autant et je… raaaah! »

D’un bond, je plongeais tout mon visage à l’intérieur de la colonne d’eau, retirant celui-ci quelques secondes après, peut-être histoire de rafraîchir mes pensées.

« Mon esprit s’éparpille. Pardon. Je sais pas ce qui me prend, aujourd’hui. »


1 803 mots (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post VIII




[Q] - Ouvre les yeux | Latone Signat16
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