Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

Partagez
 

 Découverte en nature | Ft. Tekoa

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Dim 15 Nov 2020, 00:56


Découverte en nature





« Alors là, nous avons la constellation du Tambour. »

Tu fronces les sourcils. Tu as beau réfléchir, c’est un mot que tu n’as jamais entendu dans la bouche de ta préceptrice.

« Ça veut dire quoi constellation ? »

Elle te regarde avec un sourire amusé, mais le ton de sa voix ne laisse pas transparaître ce détail, qui t’échappe complètement.

« C’est un dessin formé par des étoiles dans le ciel. »

Ce mot là, tu le connais. Tu as déjà entendu certains adultes l’utiliser. Pourtant, tu n’arrives pas à concevoir cette notion. L’idée reste floue dans ton esprit, abstraite. Personne ne comprend la difficulté que tu as à te représenter des évidences. C’est pourquoi aucun d’entre eux n’a jamais pris le temps de s’assurer que tu avais saisi le sens de ce vocable. Le bruit d’une robe qui se froisse te permet de localiser ton interlocutrice. Tu tournes la tête vers elle, et lui pose la question qui te brûle les lèvres.

« C’est quoi une étoile ? »

Ses yeux s’écarquillent de surprise. Ces notions sont la base de ton enseignement ; tu aurais déjà dû les intégrer de nombreuses lunes auparavant. Elle croise les bras sur son torse, et te toise avec un air de reproche que tu n’aperçois pas.

« Mais enfin A’Hawé, je pense qu’on t’en a déjà parlé, non ? Les étoiles ce sont les points lumineux qui brillent dans la nuit ! »

Une pointe d’irritation colore le timbre de voix de l’institutrice. Sa tessiture est légèrement plus aiguë. Tu as appris à reconnaître ce point de non retour ; si tu persistes, l’agacement - puis la colère - prendront le pas sur sa gentillesse. D’abord, elle se mettra à parler plus vite et plus fort, à monter plus haut dans sa tonalité. Et puis, quand elle sera convaincue de ton ignorance, elle commencera à hurler et à s’agiter dans tous les sens. Tu n’aimes pas ce changement de comportement chez les autres. Mais chez elle, c’est différent. Lorsque la tension redescend, elle est toujours accompagnée par le murmure des sanglots et des regrets.

« Tu as compris maintenant ?

— Oui, Kari, mens-tu

— Alors qu’est-ce qu’une constellation ?

— Une constellation c’est un dessin formé par des points lumineux qui brillent la nuit dans le ciel.

— Ah tu vois, quand tu veux ! » t'encourage-t-elle avec enthousiasme

En réalité, tu n’as fait que répéter les phrases qu’elle voulait entendre. Car tu as appris à comprendre ce que les gens attendaient de toi - c’est désormais une seconde nature. Tu fais toujours de ton mieux pour ne pas les décevoir, bien souvent au détriment de ta compréhension des choses. Comme aujourd’hui. Malgré tout tes efforts, tu es toujours incapable de te figurer ce qu’est une étoile, alors une constellation… Tu te notes mentalement de demander à Bourgeon. Ton ami au doux parfum fougère est beaucoup plus patient que ceux de ton espèce. Malheureusement, il est aussi beaucoup moins cultivé.

Ta leçon dure encore de nombreuses heures. Tu hoches mollement la tête, feignant de saisir les subtilités de ton enseignement. L’astronomie était pour toi un sujet tout aussi complexe que la peinture ou la danse. A nouveau, tu te dénigres, te remémorant les critiques acerbes de ton entourage. Mais c’est un sourire qui accueille ce reproche : tu te promets de travailler dur pour qu’ils soient fiers de toi.

« C’est tout pour aujourd’hui, A’Hawé.

— Merci, Kari »

La douceur et la joie qu’exprime ton visage lui réchauffe le coeur. Elle t’aide à te relever et te mène jusqu’à l’entrée de sa tente.

« Tu veux de l’aide pour rentrer ? s'inquiète-t-elle

— Non, merci. Je ne suis pas très loin. Je sais me débrouiller. »

Tu restes debout un long moment avant de faire ton premier pas. Ce n’est pas comme cela que tu préfères te déplacer, mais c’est le seul moyen qui est accepté par la tribu. Alors tu places tes mains droit devant toi et marches lentement, un pied devant l’autre. Depuis le temps, tu sais combien de pas il te faut pour rejoindre la hutte que tu partages avec ta tante. Pourtant, ce n’est pas la direction que tu empruntes. Tu as un rendez-vous à honorer ; Bourgeon t’attends à l’orée de la forêt. Il a promis de te guider à travers les bois, pour te faire découvrir cette nature qui lui tient tellement à coeur.

L’air est soudain plus frais, plus vivifiant. La caresse du soleil est moins imposante. L’odeur d’humus est plus forte. Tu sais que tu es à proximité de la forêt.

« Bougeon, tu es là ? »

Ta petite voix est amplifiée ; elle rebondit sur les arbres.

‘ Je suis sur ta droite, près du buisson de baies amers. Pour toi, ça devrait faire… vingt pas vers l’avant et dix sur le côté ? »

Tu souris. C’est un guide hors pair. A force de pratique, il avait appris à communiquer avec toi à ta façon. Loin des regards de tes congénères, et consciente des dangers de la sylve - tu t’étais déjà cognée plusieurs fois en suivant Bourgeon au milieu des arbres -, tu te laisses tomber vers l’avant. Tes mains rejoignent le sol pour assurer tes appuis. Bras et jambes tendus, reniflant les odeurs alentours, tu marches comme un ours à la recherche d’un encas. Mais c’est plus simple pour toi, cette position te permets de mieux ressentir l’environnement qui t’entoure.

Grâce aux indications du Lesovik, et au parfum si caractéristique des fleurs de sureau, tu ne tardes pas à rejoindre ton compagnon. Il s’accroche à tes nattes tressées et se hisse sur le haut de ta tête. C’est comme cela que vous fonctionnez. Une fois bien installé, il te donne une petite tape sur l’épaule. Tu avances. Votre duo fonctionne à la perfection. Il est tes yeux dans cette nature mystérieuse. Vous avez même développé votre propre code : en fonction de la natte et de la pression qu’il exerce, tu te tournes dans la direction qu’il te désigne. C’est comme cela que vous pouvez vous lancer dans des discussions interminables, sans vous interrompre à chaque fois qu’il est nécessaire de bifurquer.

Soudain, tu te souviens d’une question capitale à ton existence.  

« Dis Bourgeon, tu sais ce que c’est, toi, une étoile ? »


Post I - 1 018 mots
Revenir en haut Aller en bas
Lyz'Sahale'Erz
~ Chaman ~ Niveau I ~

~ Chaman ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 285
◈ YinYanisé(e) le : 19/12/2019
Lyz'Sahale'Erz
Mer 18 Nov 2020, 17:41



Découverte en nature


J’étais accroupi derrière un buisson. Ma concentration aurait dû être parfaite mais ce n’était pas le cas. J’avais découvert un drôle de phénomène : une sorte de champignon orangé. À l’intérieur de son chapeau, ça remuait. J’étais curieux, forcément, et avais décidé de me cacher là, dans l’attente qu’il se passât quelque chose de notable. Je patientais, dans l’espoir que la bête qui y habitait en sortît afin de l’attaquer et de l’attraper. J’étais encore et toujours à la recherche de la reconnaissance des miens. Personne ne me prenait au sérieux en tant que chasseur. Néanmoins, si j’arrivais à capturer l’animal alors ils verraient, tous, que Tekoa, moi, serait bientôt le plus grand chasseur de tous les temps ! Le seul problème c’est que j’avais mal aux jambes. Je n’arrêtais pas de changer de position et dès que je faisais du bruit, le truc arrêtait de remuer quelques secondes. Ça me contrariait. Il savait que j’étais là mais ne voulait pas pointer le bout de son nez. Mon esprit vagabondait également, déjà à la recherche de la gloire et de la reconnaissance, alors que mes nourrices ne cessaient de m’expliquer que ce n’était pas digne d’un véritable chasseur et que, au lieu de rêver à la grâce des Dieux, je devrais plutôt apprendre à tanner la peau correctement. Chaque chose en son temps, disaient-elles. Pourtant, s’il y avait bien un trait de caractère que je ne possédais pas, une grande qualité, c’était la patience. Je voulais trop souvent tout, tout de suite. Je n’avais pas de temps à perdre ! Si je voulais égaler Mior, il me fallait acquérir le statut de chasseur rapidement. J’avais déjà treize ans ! En plus, je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas chasser tout seul ! Je soupirai, ce qui provoqua l’arrêt des mouvements de la chose. Je soupirai encore une fois, comme pour lui signaler qu’elle m’agaçait. D’une position accroupie et douloureuse, je finis sur les fesses. C’était bien plus confortable, même si ce n’était pas l’idéal pour débuter une chasse de façon satisfaisante. La proie aurait forcément de l’avance, le temps que je me redressasse.

Après quelques minutes supplémentaires, je fronçai les sourcils. Ce n’était pas normal. Ce que je ne comprenais pas c’est que la chose en question n’était pas une proie mais bel et bien un prédateur. La proie, ici, c’était moi. Ce qui se trouvait dans l’espèce de champignon cherchait à m’attirer. Ça marcha à la perfection. J’inspirai et bloquai ma respiration dans mes poumons d’un air déterminé. Je me relevai et m’approchai, mon bâton à la main. De la fourrure recouvrait mes hanches et un collier pendait à mon cou, fait de dents d’animaux. C’était une fille que me l’avait offert. Je l’aurais bien jeté mais il m’avait plu. Ça n’engageait à rien. Ce n’était pas parce que j’avais accepté son cadeau que j’étais obligé de lui adresser la parole, si ? Depuis, je passais devant elle, le nez haut, en faisant mine de ne pas la voir. J’étais un chasseur ! Je n’avais pas le temps pour les filles et leurs histoires de filles ! « Hum… » J’approchai le bout de mon bâton de l’étrange champignon et d’un mouvement mal assuré, le plantait dedans, pour dégager l’espèce de texture gluante qui le recouvrait. À ce moment-là, je vis plusieurs choses tenter de me sauter au visage. Je poussai un cri. La peur prenant le pas sur mes qualités guerrières, qualités imaginaires soit dit en passant, je me mis à courir, abandonnant le bout de bois là, ainsi que ma fierté de chasseur. Je détalai à toutes jambes, sans regarder où j’allais, l’adrénaline me maintenant dans une course plus longtemps que ce que j’aurais été capable de faire en temps normal. Je finis par me casser la figure de tout mon long entre les branchages. Je me roulai sur moi-même, pour me dégager de l’emprise de ces bestioles. Elles n’étaient déjà plus là mais j’avais tellement les pétoches que je m’inventais des ennemis qui n’existaient plus. Essoufflé et à bout de forces, je finis par rester étalé par terre comme les crêpes trop molles que cuisinait l’une de mes nourrices. Certains Esprits riaient. Je fis la moue, blessé, et me relevai, avant d’être mis en face de la réalité : il y avait une personne ici, une fille. « Oui bah j’ai échappé à des DÉMONS horribles ! J’en ai mis trois par terre et le dernier était trop fort alors… » Alors… « Alors j’ai préféré battre en retraite pour mieux le défaire plus tard ! » Je la regardai. « Regarde-moi quand je te parle ! Oh ! Qu’est-ce que tu fais sur mon territoire déjà ? C’est chez moi ici ! » Absolument pas. J'essayais juste de paraître confiant et plus adulte que je ne l'étais vraiment. « Si tu es sur mon terrain de chasse, il ne faudra pas t’étonner si je te prends pour un ours ! »

818 mots
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38027-lyz-sahale-erz
Invité
Invité

avatar
Sam 21 Nov 2020, 18:21


Découverte en nature




‘Une étoile ? Hmm… C’est difficile à t’expliquer.’

Bourgeon connaît mieux que quiconque tes difficultés à appréhender le monde qui t’entoure. Tu marches longuement dans le silence pendant qu’il semble se perdre dans ses réflexions. Parfois, ton compagnon te gratifie d’une tape ou d’un geste qui te permet d’esquiver les obstacles qui se dressent sur ta route.

‘Ce sont des petits cailloux qui sont très loin au-dessus de nous. Les étoiles brillent - comme le feu - et ça permet de s’éclairer dans la nuit pour voir. Car, quand il n’y a pas de lumière, les gens n’arrivent pas à voir - un peu comme toi.’ finit-il par expliquer.

« Alors une constellation, c’est un dessin dans le ciel fait avec des petits cailloux ? »

Ce n’est pas tellement une question et tu n’attends pas de réponse. Tu t’étonnes simplement de l’ampleur de cette révélation. Tes pensées se bousculent dans ton esprit ; tu ne perçois pas le monde comme les autres et - de ce fait - tu n’arrives pas à comprendre certains concepts de leur culture. Tu te perds un peu trop profondément dans ton esprit, et revient avec une nouvelle interrogation qui te brûle les lèvres.

« Kari m’a dit que les étoiles et les constellations sont importantes. Ne devrions-nous pas également nous intéresser aux cailloux qui forment des dessins sur le sol ? »

Bourgeon n’est pas réellement au fait des coutumes de ton peuple mais son esprit est vif. Il étudie ta proposition avec soin et cherche une justification plausible à t’avancer.

‘ Peut-être est-ce parce que les cailloux sur le sol ne brillent pas ? Ou peut être est-ce parce que les étoiles ne peuvent pas être touchées qu’elles sont si remarquables ? ’

Tu hoches de la tête. C’est vrai que les adultes de ta tribu portent aussi un grand intérêt au feu - et ça aussi ça brille. Tu en arrives à croire que - pour les autres, ceux qui voient - les objets qui étincellent sont tous importants. Tu te convaincs soudain que l’explication tient au fait que cela leur permet de voir dans des endroits ou à des moments où ils ne seraient normalement pas en mesure de le faire.

Tout à coup, Bourgeon se raidit et t’invite à t’arrêter. Toi aussi tu l’as entendu. Le cri ne ressemble pas à celui d’un animal que tu connais ; puissant, il vacille quelque part entre les graves et les aigus. Il véhicule une sensation désagréable que tu identifies comme de la peur. Tu frissonnes. Le son se rapproche rapidement. Ton coeur palpite. Tu ne sais pas ce qui t’attends mais tu es convaincue que tu ne pourras pas l’éviter ; tu n’es pas assez rapide. Les branchages craquent sous le poids de la chose, tu perçois les feuillages qui vibrent sous son passage. Tu es triste : les arbres souffrent eux aussi, c’est ton compagnon qui te l’a dit. Soudain, tu entends un bruit sourd à quelques mètres de toi. Tu te tournes lentement vers l’origine du tohu-bohu, légèrement effrayée.

Tu ne reconnais pas cette voix - pas plus que cette odeur particulière qui accompagne celle du cuir, de la transpiration et de la peinture. Est-ce le parfum d’une plante qui t’es inconnue ? Son coeur bat vite alors que tu l’entends raconter ses exploits. Tu t’émerveilles devant son histoire comme une fillette crédule. Mais si tu le voyais, Plume, je suis certain que tu ne croirais pas à cette justification pitoyable. Un sourire gêné apparaît sur tes lèvres alors qu’il te demande de l’observer et tu baisses la tête. C’est un reproche que l’on te fait souvent. Tu t’attends à ce qu’il te frappe ; certaines personnes ne comprennent pas le fardeau qui est le tien. Mais il se contente de te gronder pour avoir outrepasser tes droits.

« Je suis désolée… Je ne pensais pas que cette partie de la forêt vous appartenez. J’explorai simplement la nature en compagnie de Bourgeon. » expliques-tu

Tes excuses sont sincères mais ton ami s’est déjà dissimulé dans tes cheveux. Seuls quelques pétales dépassent de ta tignasse flamboyante, signe de sa présence à tes côtés.

« Je m’appelle A’Hawé, de la tribu de Raya. Et vous, qui êtes vous ? Vous devez être sacrément fort pour avoir battu des démons. Je n’en ai jamais rencontré moi… mais je serai sans doute morte si cela avait été le cas. Je suis incapable de voir quoi que ce soit. » avoues-tu avec un sourire franc.

Tu te laisses tomber sur les fesses pour t’asseoir sur le sol. Tu relèves la tête et cherches ton interlocuteur de ton regard voilé. En te basant sur tes autres sens, tu définis qu’il doit se trouver un peu plus sur ta droite. Tu rectifies ton positionnement.

« Si cela ne vous dérange pas trop, j’aimerais bien que vous me racontiez votre aventure. Je me demandes bien à quoi ça ressemble un démon. En plus, je suis sûr que votre histoire est passionnante ! »

Ta voix déborde d’enthousiasme : tu adores les récits.


Post II - 820 mots:
Revenir en haut Aller en bas
Lyz'Sahale'Erz
~ Chaman ~ Niveau I ~

~ Chaman ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 285
◈ YinYanisé(e) le : 19/12/2019
Lyz'Sahale'Erz
Mar 01 Déc 2020, 23:17



Découverte en nature


Je la regardai. « T’es bizarre, pour une fille. » dis-je, après un certain temps. Je n’avais pas spécialement de standards associés aux filles. Je savais juste que c’était chiant. Généralement, elles cherchaient à me faire jouer à des jeux idiots, me racontaient des trucs stupides et essayaient de me faire des bisous. Je ne voulais pas de bisous ! Les bisous c’était mouillé et en fonction de ce qu’on mangeait, souvent, ça puait. En plus de ça, l’une de mes nourrices commençaient à me traiter d’adolescent et à me dire que, bientôt, je pourrais honorer les Dieux en participant au cycle. Ce n’était pas pour tout de suite mais ça ne tarderait pas, selon elle. Une deuxième nourrice disait que j’étais trop petit et que, de toute façon, si je ne changeais pas de caractère, aucune fille ne voudrait de moi. C’était tant mieux ! Parce que, moi, Tekoa, celui qui deviendrait le plus grand chasseur de tout l’univers, je ne voulais pas de fille ! Mes nourrices n’étaient jamais d’accord. C’était bien le signe qu’elles racontaient n’importe quoi. Leurs Hozros étaient pareils, tous des moralisateurs qui voulaient m’empêcher de courir dans la forêt.

Face à la fille, ma peur avait drastiquement diminué. Avoir à impressionner quelqu’un me donnait du courage. C’était surtout gage d’une témérité mal placée. Pour ça, je n’avais pas besoin d’elle. Je courais après tous les dangers et finissais toujours dans de mauvais draps tout seul. « Oui ça m’appartient ! Parce que je l’ai décidé ! » Je disais n’importe quoi. « C’est quoi Bourgeon ? » demandai-je. Comme c’était une fille et qu’elle était petite, j’étais sûr qu’elle se trimballait une sorte de doudou, comme les bébés. « Ici, ce n’est pas le territoire des pleurnichards, je te préviens ! Si tu veux rester, il faudra que tu sois forte et que tu apprennes à chasser les ours ! Comme moi ! » La présence des Esprits ne me dérangeait pas. Je redoutais simplement qu’ils lui confiassent que je n’avais pas vraiment combattu des Démons mais que des animaux bizarres m’avaient sauté dessus et que, de là, j’étais parti en courant et en hurlant. J’allais tout faire pour oublier cet épisode de mon existence. Avec un peu de chance, les Ætheri n’étaient pas en train de regarder à ce moment-là.

« Quoi ? T’es une Raya ? » Il y avait deux choses à noter sur les Raya d’après moi. La première c’était que les Raya ne servaient à rien. Ils ne chassaient pas et ne faisaient que se pavaner dans leurs tenues bizarres. On ne mangeait pas encore des bijoux et du tissu, à ce que je susse. La deuxième c’est que les filles Raya savaient chanter et ensorceler les garçons qui n’avaient rien demandé, comme moi ! Lorsque j’étais allé chez les fanatiques, qui méritaient de finir au feu pour croire en des faux Dieux, l’une d’elle avait chanté et ça avait provoqué chez moi un truc que je ne voulais pas qu’une fille provoquât ! « C’est sûr que tu aurais été morte. Les Raya c’est fait pour servir de décoration, pas pour se battre contre des Démons ! » déclarai-je, sûr de moi. « Pourquoi t’es pas avec les autres à te trémousser avec tes fesses et à faire des trucs qui ne servent à rien ? » Si l’une de mes nourrices avait été là, j’aurais pris une tape derrière la tête. Aucune d’elles n’aimait que je médisasse sur les autres tribus. D’un autre côté, ce n’était pas ma faute à moi si la mienne était la meilleure d’entre toutes ! « Moi on m’appelle Tekoa. »

Je finis par m’asseoir à côté d’elle. Je n’aimais pas les filles mais comme elle venait de dire qu’elle ne voyait rien, j’avais décidé de rester. « Pourquoi tu vois rien ? T’as attrapé une maladie ? C’est à cause du maquillage des Raya ? T’as fait une réaction allergique et tes yeux ont gonflé ? » Je m’approchai un peu, en décalant mes fesses petit à petit. Je me méfiai quand même. Celle-là était petite mais quand même : les Raya étaient des plaies. En l’observant, je ne vis aucune trace de gonflements. Je ne pensai pas une seule seconde qu’elle pût être aveugle tellement c’était horrible pour un Chaman. Si elle ne voyait pas, elle ne devait pas non plus voir les Esprits. « Bien sûr qu’elle est passionnante ! » objectai-je, tout en me rendant compte qu’elle semblait plus qu’intéressée. « Bon, je te raconte mais c’est juste parce que t’es petite. Je me promenais par là-bas. » Je fis un signe de la main, qu’elle ne vit pas, forcément. « Quand soudain, des Démons sont apparus ! Des Démons c’est comme… comme des Réprouvés mais avec des ailes noires et moches, comme… les chauves-souris. » Je ne me rendais pas compte du fait qu’elle ne devait rien comprendre. « Alors je les ai attaqués avant qu’ils n’essayent de m’enlever pour me faire prier des faux Ætheri ! Les Démons enlèvent les enfants pour les convertir ! Tu peux demander à n’importe quel Esprit. » Les Esprits en question ne semblaient pas convaincus. Au mieux, ça les amusait. Au pire, ça les désespérait. « Bon mais y en avait un qui était trop puissant alors j’ai dû courir jusqu’ici en poussant un cri qui repousse les Démons. C’est pas vraiment un cri de chasseur mais c’est comme ça. Plus c’est aigu et plus ça leur fait peur. » Ou comment essayer de justifier mon cri suraigu en inventant une histoire à coucher dehors. « Voilà. » Je la regardai. « Et toi, tu fais quoi là ? T’es perdue ou quoi ? Tu vas te faire manger si tu restes là. » Les filles, ça ne comprenait vraiment rien à rien !

967 mots
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38027-lyz-sahale-erz
Invité
Invité

avatar
Sam 12 Déc 2020, 15:48


Découverte en nature




Bizarre. C’est un qualificatif que tu entends parfois lorsque les gens te décrivent. Tu en es presque venue à l’associer à ta personnalité. Tu aimes ce mot - sans nécessairement comprendre la connotation qui s’y cache. Tu es heureuse, presque flattée qu’il t’honore de ce titre - et non des autres qualificatifs que tes oreilles ont trop de fois perçus : malade, handicapée, débile, retardée, maudite… Derrière la sécheresse de ses paroles, l’inconnu qui se dresse devant toi te semble presque amical. Il ne te perçoit pas comme différente - et c’est ce qui fait que tu apprécies ce premier contact. Au fond de toi, tu espères qu’il t’acceptera telle que tu es - qu’il n’aura ni l’envie de te ‘soigner’, ni la sensation de pitié que ton état inspirait parfois.

« Bourgeon, c’est mon ami. Il est un peu timide, mais il est très gentil. » expliques-tu alors que tes mains glissent le long de ta nuque pour attraper l’énergumène. Il se débat, étirant ses rhizomes à la recherche d’une prise qui lui permettrait de se fixer contre l’arrière de ton crâne - trop craintif pour dévoiler sa présence. Ton ton se fait plus ferme. « Allez, arrêtes donc de faire le peureux, montres-toi ! ». Le Lesovik finit par céder devant ton insistance. Tu le sors de sa cachette et le glisses dans le creux de tes bras. Ses petits yeux noirs croisent le regard émeraude du garçon. Alors, pour se soustraire à sa vue, il disparaît sous un voile d’invisibilité. Toi, tu ne le remarques pas. Tu sens ses muscles noueux se détendre et il se blottit un peu plus contre toi. La chaleur de son petit corps contre le tien est agréable. Tu le serres davantage, lui offrant ta protection.

« Je ne suis pas une pleurnicharde ! assures-tu à ton interlocuteur d’une voix fluette. (Bourgeon se raidit. Tu esquisses une grimace.) Mais pourquoi voulez-vous chasser l’ours ? Il vous a fait quelque chose de mal ? »

Tu connais la valeur d’une vie. Qu’elle soit animale ou végétale, Bourgeon t’a inculqué le respect de la nature. Tu sais qu’il n’apprécie pas celles et ceux qui la dévastent sans raison. Au plus profond de ton être, tu espères qu’il possède une quelconque explication. Tu es convaincue que - si vous deviez en arriver au mains - tu ne pourrais pas gagner contre lui. Pourtant, tu préférerais l’affronter que de le laisser blesser une pauvre créature. Tu frissonnes soudain. Et s’il était dangereux ?

« Personne ne vous a jamais dit qu’il fallait respecter la nature et les êtres vivants ? »

Le murmure de ton ami qui résonne dans ta tête te remercie de ta sollicitude. Tes doigts caressent sa tête dénudée en cette période de Wazikaw. Tu relèves tes yeux voilés de blancs pour fixer avec ardeur la direction d’où provient la voix. Tu ne vois pas sa réaction et tu espères que ta phrase a fait mouche dans son esprit.

« Vous ne devriez pas vous moquer. Tante Koko m’a expliqué que toutes les tribus étaient importantes et devaient s’unir autour du Hǫfðingi pour honorer les Aetheri. Pensez-vous que les vôtres pourraient survivre sans les soins des Delawam ? Qu’ils pourraient commercer dans les Aylimr ? Se défendre contre les envahisseurs sans les Zawa’Kar ?  Alors oui, peut être que je ne suis pas une Raya comme les autres, que je ne sais pas danser ou peindre pour honorer les Dieux, mais moi aussi je suis utile ! C’est quoi votre tribu à vous d’abord ? »

L’attaque contre ton clan te blesse au plus profond de toi. Tu te sens offensée dans ton amour propre. Non pas parce qu’il critique les tiens, mais davantage parce qu’il réveille en toi ce sentiment d’incapacité que tu luttes pour oublier. Tu ne veux pas être un fardeau pour les autres. Tu n’es pas inutile - qu’importe ce que les gens pensent de toi. Tu le crois, aussi fermement que tu respires, et tu le leur prouvera. A moins qu’ils ne te convainquent du contraire avant que tu aies l’occasion de faire tes preuves… En cet instant, plus qu’en tout autre, je regrette de ne pouvoir te dire ce que tu rêverais d’entendre.

Tu te radoucis lorsqu’il se présente. Et lorsqu’il accuse le maquillage de ton malheur, tu éclates d’un rire involontaire. Des larmes coulent le long de tes joues rosies par l’air frais. Les mouvements saccadés de ton corps emprise avec l’hilarité gênent ton compagnon qui bougonne soudain. Finalement, tu te ressaisis pour lui avouer la triste vérité.

« Vous me faites rire, Monsieur Tekoa ! Lorsque je vous disais que je ne voyais rien, c’est parce que je suis aveugle. Je n’ai jamais rien vu de ce monde qui nous entoure. (Tu embrasses de ton regard vide toute l’étendue qui se dressent devant toi). Ce n’est pas très grave, avoues-tu en haussant les épaules, cela me donne l’opportunité de percevoir la réalité différemment de vous. Mais ce n’est pas très facile de vénérer l’Art et la Beauté lorsque ces concepts nous sont en partie inaccessibles…»

Cette fois-ci, c’est une pointe de tristesse qui se mêle à ta voix alors que tu avoues tes difficultés à l’inconnu. Mais cette dernière est bien vite balayée par l’histoire qu’il te raconte. Tu te recroquevilles pour écouter le récit de ses aventures. Tu ne comprends pas l’entièreté des termes qu’il utilisait - mais tu ne veux pas l’interrompre pour  lui demander. Tu mets de côté tes questions, les réservant pour plus tard. Tu hoches la tête à intervalle régulier, comme subjuguée par les mots qui sortent de sa bouche. Tu ne captes pas les rires et les moqueries des Esprits alentours. Pour toi, cet homme est valeureux, courageux et brave.

« Vous avez l’air drôlement fort ! Par contre, je n’arrive pas bien à me figurer ce qu’est un démon… ni un réprouvé en fait… Mais ça a l’air très dangereux ! J’espère qu’ils ne m’enlèveront pas… S’ils reviennent, vous voudrez bien me protéger ? Je sais pas me battre moi… »

Tu réalises soudain que tu n’as jamais entendu personne parler de combat dans ta tribu. Tu te demandes alors comment ils font pour se protéger des démons. Peut-être ne le peuvent-ils pas ? Tu te mets en tête de les prévenir du danger, avant d’avoir une autre idée : peut-être que toi, tu pourrais te rendre utile en combattant pour eux ? Cela les impressionnerait sans doute et ils t’accepteraient peut-être plus facilement.

« Monsieur Tekoa, tout le monde est aussi fort que vous dans votre tribu ? Je veux apprendre à me protéger des Démons moi aussi ! Vous m’apprendrez ? Comme ça, quand nous retournerons nous balader en forêt avec Bourgeon, nous ne risquerons plus rien !»


Post III - 1097 mots
Revenir en haut Aller en bas
Lyz'Sahale'Erz
~ Chaman ~ Niveau I ~

~ Chaman ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 285
◈ YinYanisé(e) le : 19/12/2019
Lyz'Sahale'Erz
Jeu 21 Jan 2021, 12:21



Découverte en nature



Lorsque mon regard se fixa sur le fameux Bourgeon, un « Ooohhh » sortit d’entre mes lèvres. Mon air étonné fit néanmoins bientôt place à un air qui marquait une intense réflexion de ma part. Il me semblait avoir déjà vu des trucs comme ça, notamment dans la forêt, quand il m’arrivait pleins de bricoles. Faisait-il partie des créatures qui aimaient me faire des farces ? Comme si les Esprits n’étaient pas déjà suffisants ! Je n’en étais pas sûr, ce qui évita au concerné quelques accusations bien placées. « Aaah ? » fis-je, lorsqu’il disparut. Mon visage penché sur le côté, j’observai un moment les bras de la fille sans oser la toucher pour m’assurer de la présence ou non de la chose. Cependant, les mots qui franchirent ses lèvres par la suite me firent froncer les sourcils. Pour qui me prenait-elle, celle-là ? Croyait-elle que je chassais les ours pour le plaisir ? Tel un hérisson, je venais de me parer de ma combinaison d’épines. Dans ma tribu, notre quotidien consistait à vénérer la nature. Chaque vie que nous prenions, pour la survie des autres Chamans et la nôtre propre, nous l’honorions au-delà de tout. Le respect de l’animal était total. Chaque partie de son corps était utilisée, rien n’était gâché. Nous ne cessions jamais de remercier les Dieux pour nous offrir ainsi la vie de leur création. « Je vois pas ce qu’une fille qui remue ses fesses pourrait comprendre à la nature ! » lui lançai-je, de mauvaise foi, en bougonnant. Bras croisés sur le torse, j’avais actuellement la tête de celui qui boude, à mi-chemin entre l’enfant de quatre ans et l’adolescent en pleine crise injustifiée.

Mes yeux, ayant rejoint le sol pour le fusiller, se relevèrent sur la fille. « Ma tribu c’est Mior ! » dis-je, toujours courroucé. Heureusement, mes états d’âme ne duraient jamais longtemps. Un rien pouvait me ramener à la raison et me faire continuer comme si de rien n’était. Il n’y avait que les filles qui essayaient de m’embrasser à qui je ne pardonnais pas, et à cette Raya avec sa danse des hanches de l’enfer. La beauté était dans la nature et sur les ours, pas sur le corps des Raya. Je me fichais totalement de leur ventre avec leur nombril décoré de pierres précieuses. C’était ridicule ce petit trou, pile à cet endroit. Il n’y avait pas de quoi devenir fou, comme certains des garçons de ma tribu qui viraient complètement cons dès qu’ils voyaient un nombril. Quand c’était le cas, ils n’avaient plus du tout envie de parler de la chasse et des ours. On vivait majoritairement nus alors je ne voyais pas ce qui leur prenait. Un trou n’était jamais bon signe. Ça faisait s’enfoncer et tomber ! Puis on ne savait pas trop ce qu’il y avait à l’intérieur, en plus de ça !

Lorsqu’elle se mit à rire, mon incompréhension se lut sur mon visage très facilement. Comme elle était aveugle, elle ne pouvait heureusement pas profiter du spectacle que mon faciès offrait. J’étais très mauvais pour cacher mes sentiments. Lorsque j’en ressentais que je ne désirais pas, la colère venait souvent remplacer le reste, pour cacher la honte. « Comment ça t’es aveugle ? Comme un caillou ? » Première comparaison à me venir en tête. Peu pertinente mais efficace. J’amenai mes doigts sous mon aisselle et la grattai, incrédule. Puis, sans crier gare, j’agitai ma main devant son visage. C’est vrai que son regard n’était pas très vif, à celle-là. « La Beauté c’est les ours ! L'Art c'est la chasse ! » déclarai-je. « Et oui je suis trop fort ! » Je grimaçai après quelques secondes. Les Ætheri allaient peut-être me punir de lui dire que j’étais trop fort alors qu’elle ne pouvait pas le vérifier. Surtout que je mentais. « Bon, en fait, je suis plutôt sur le chemin pour devenir trop fort ! Mais je progresse ! » Malgré ce que mes nourrices avaient l’air de penser. Il faut dire que ce n’était qu’une bande de rabat-joie. « Un jour je pourrai nourrir tout Awaku No Hi à moi tout seul ! Phoebe me mettra à l’épreuve en m’envoyant les plus grosses créatures du monde ! J’habiterai dans une grotte et je serai une légende que personne ou presque n’aura croisé ! Comme mon chef de tribu ! Même si, lui, je l’ai vu au mariage du Maître des Esprits ! Il a l’air tellement puissant ! » Mes yeux brillaient, à présent. Je m’étais un peu emporté, comme à chaque fois que je parlais d’un sujet qui me plaisait.

Après un moment à continuer à vanter les mérites de Mior et des gens de ma tribu, je m’arrêtai. « Attends, je vais te montrer comment c’est un Démon. » Je me déplaçai pour venir la coller davantage. « Attends… Mais fais un effort aussi. Décolle tes bras. Bourgeon il va aller se mettre ailleurs. » J’avais tendance à être légèrement impatient, sans que mes commentaires ne fussent méchants. « Voilà. Donne-moi tes mains. » Je les lui pris et les mis sur sa tête. Je traçai des cornes imaginaires. « Bon, déjà, les Démons parfois ça a des sortes de pics que la tête. Je crois que c’est la mode chez eux. Mais surtout… » Je lui descendis les mains sur ses épaules, avant de les monter vers le ciel et de lui redescendre sur le bas de son dos. « Ils ont de grandes ailes comme ça. Avec, ils peuvent voler dans le ciel. Ils ne sont pas obligés de marcher quoi. Comme les oiseaux. En fait, les Démons, c’est un peu comme des gros pigeons noirs. » Je la lâchai et l’inspectai. « T’es petite quand même. T’es pas vraiment une vraie fille encore. » Notion très tekoaienne. « Ton nom c’est A’Hawé c’est ça ? Bon. Parce que tu ressembles à une sorte de navet, je veux bien te protéger des Démons ! Mais n’en profite pas pour essayer de me faire un bisou ! Sinon… » Sinon quoi ? « Sinon… Bref. Sinon ! »

Je la contournai pour venir me positionner en face d’elle. Là, je m’assis en tailleur. « Je vais t’apprendre à te battre. T’as déjà combattu avant ? Tu dois bien faire quelque chose de tes journées, à part te maquiller je veux dire. » Personne ne me convaincrait jamais que les Raya servaient à quelque chose. Non mais. « Vas-y, essaye de me frapper pour voir ! »

1085 mots
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38027-lyz-sahale-erz
Invité
Invité

avatar
Mar 02 Fév 2021, 22:51


Découverte en nature




« C’est vous qui remuez les fesses ! » rétorques-tu de ta voix fluette en tirant la langue.

Tu croises les bras et détournes la tête. Ton visage affiche un air boudeur qui ne te convient pas. Tu es convaincue d’en savoir beaucoup plus que lui sur la nature ; après tout, Bourgeon n’est-il pas un représentant de cette dernière ? Alors que lui, il ne fait que courir après un ours pour… pour quoi d’ailleurs ? Tu constates qu’il n’a pas répondu à ta question. Mais tu t’en fiches désormais. Il ne présente plus aucun intérêt pour toi. Et quand il te donne finalement le nom de sa tribu, tu fais mine de ne plus t’y intéresser. Mais sa bêtise te fait sourire et tu lui pardonnes presque instantanément son offense.

« Comme un caillou ? Mais ça n’a pas d’oeil un caillou ! »

Tu aurais pu te moquer, mais tu ne rigoles pas. Tu te contentes de l’observer d’un regard vide - comme si tu cherchais à percevoir le vrai du faux. Et si les cailloux avaient des yeux ? Personne ne te l’a jamais dit - mais aucun adulte ne l’a jamais démenti non plus. Tu te noies sous un flot de pensées qui remet tout ton univers en cause. Comment réussir à percevoir ce monde si les autres oublient de te mentionner les détails les plus futiles ? Tu ouvres la bouche pour répliquer et la referme aussitôt. Tu n’as pas envie de paraître idiote ; pas devant lui. Tu gardes ta question pour plus tard - pour quand tu seras seule avec Bourgeon - et reprends le cours de la conversation comme si de rien n’était.

« Je suis aveugle, ça veut dire que je ne vois rien. J’imagine que ça doit être un peu comme vous quand le feu s’éteint pendant la nuit. J’ai déjà entendu des gens crier ‘on y voit rien’ dans ces cas là. »

Une légère modulation de la brise te portes une exhalaison forte, aigre, désagréable. Elle t’évoque celle des draps humides lorsque la fièvre emporte les malades. Elle te fait également penser à celle des Danseurs, après des heures de pratiques assidues. Ton nez se retrousse de dégoût. L’odeur de sueur te déplaît ; tu préfères celle du savon, de l’encens et du parfum. Mais elle s’estompe bien vite, en même temps que ce vent léger qui caresse ton visage.  

« Si vous le dites. Chez moi, il faut savoir peindre, chanter et danser. Mais moi je ne sais ni peindre ni danser alors bon… Je chante, et puis voilà », expliques-tu d’un ton neutre.

L’assurance et la passion avec laquelle il te parle ne laisse aucun doute sur sa puissance. Tu te sens en sécurité auprès de lui. Pourtant, tu ne sais pas trop si tu dois vraiment le considérer comme un ami ; après tout, ses humeurs sont aussi fréquentes qu’incompréhensibles. Il te fait penser à un petit animal apeuré qui refuse de se laisser approcher. Tu en as déjà rencontré en forêt. Tu sais qu’ils agissent tous de la même manière : ils approchent furtivement, mordent et - lorsqu’ils s’aperçoivent que tu n’es pas une menace - te lèchent pour s’excuser avant de se laisser caresser. Alors tu es convaincue que, lui aussi, tu l’apprivoiseras. Ce n’est qu’une question de temps.

« Mais… Les gens de votre tribu vous aurons déjà croisé… Et puis, moi - et probablement d’autres personnes aussi. Donc on sera beaucoup à vous connaître, non ? Et puis si personne ne vous croise, qui pourra bien raconter vos exploits ? Sans histoire, on ne pourra pas vous connaître et puis vous ne pourrez pas être une légende, si ? Enfin, je dis ça parce que, dans ma tribu, les conteurs et les bardes parlent de ce qu’ils ont vus au cours de leurs voyages, indiques-tu alors que tout cela te paraît d’une évidence enfantine. Et puis, les Esprits aussi ils pourront vous voir, il parait qu’il y en a partout. Mais moi je n’en ai jamais entendu, alors je ne sais pas trop. Et c’est vraiment utile de vivre dans une caverne ? Il parait que c’est froid et humide et pas très confortable ; et parfois il y a des animaux dedans aussi… »

Tu essayes d’imaginer le futur de Tekoa. Tu te projettes dans un endroit isolé, seule, sans autre compagnie que ces Esprits dont tu as tant entendu parler. La grotte est humide et le sol est dur. Les crépitements du feu rebondissent sur les murs de pierre, s’intensifiant en un grésillement agaçant. Tante Koko n’est plus là pour te câliner, te coiffer et te raconter des histoires merveilleuses. Tu te débrouilles seule, sans personne pour t’aider à surmonter les difficultés de la vie quotidienne. Non, cette vie n’est décidément pas pour toi.

« En tout cas, moi je n’aimerais pas vivre toute seule dans une caverne. Ça doit être triste et ennuyeux.  »

Le jeune homme t’apprend beaucoup sur la tribu des chasseurs et ses coutumes. Mais la conversation prend brusquement un nouveau tournant.

« Un démon ? » répètes-tu incrédule.

Tu n’es pas réellement sûre de vouloir en voir un. Tekoa lui-même a fui devant eux. Tu te tétanises sur place. Bourgeon s’écarte tandis que le chaman s’approche. Son corps dégage une chaleur douillette, t’inspirant un peu de courage. Son parfum t’agresse le nez ; tu reconnais la senteur de transpiration qui t’as titillé quelques instants plus tôt. Mais tu es trop ébranlée - et polie - pour lui faire une remarque. Sa main chaude et rugueuse attrape ton bras. Tu as peur. Tu lui fais confiance. Pourquoi ? Tu l’ignores.

Finalement, il ne t’emmène pas au loin. Il se contente de faire des mouvements étranges en t’expliquant les choses. Les traits de ton visage se relâche et tu arrives même à lui révéler ton plus beau sourire. Ton esprit dessine les contours de la silhouette qu’il te décrit. Un pigeon noir. Tu arrives presque à l’imaginer.

« Merci » le gratifies-tu, le visage illuminé de gratitude.

Il se perd ensuite dans un charabia incompréhensible. Une histoire de fille, de navet et de bisou. Le rouge te monte aux joues alors que tu essayes de te retenir d’exploser de rire. Trop tard. Tu t’esclaffes malgré toi.

« Vous êtes bizarre ! Je suis pas un navet, je suis une fille. Et j’ai six ans et demi ! J’aurai bientôt sept ans et je serai une grande ! ta voix trahit une certaine fierté. Je sais pas pourquoi vous parlez de bisou aussi soudainement… C’est une coutume dans votre tribu ? Les personnes sous votre protection doivent vous faire des bisous ? C’est bizarre. Moi je fais des bisous qu’à ceux que j’aime, comme Bourgeon ou Tante Koko ! Enfin, c’est gentil de bien vouloir me protéger. Merci. »

Les bruissements d’herbe t’indique que ton protecteur s’agite. Il s’installe face à toi. Ses genoux frôlent les tiens. Sa chaleur est plus forte, son odeur aussi mais elle ne t’incommode plus autant qu’avant. Quand il parle, son haleine chaude caresse ton front. Il est plus grand que toi.

« Hmm… Non. Je ne me suis jamais battue, conclus-tu après quelques secondes d’hésitation. Vous savez, je pense que vous vous trompez sur la tribu de Raya. Les membres de mon clan ne se maquillent pas tout le temps. C’est souvent pour les rituels. (A dire vrai, tu ne le remarques pas mais les autres se maquillent bien plus souvent que toi.) Moi c’est Tante Koko qui me maquille avant les cérémonies, je ne sais pas vraiment le faire toute seule. Mais j’espère en être capable bientôt ! Sinon, je suis des cours avec Kari. Elle m’apprend plein de choses : le dessin et la peinture - mais elle dit que je ne suis pas très douée pour ça… ; la danse - mais j’ai du mal, je me cogne toujours contre les autres ou alors je ne fais pas les bons gestes en même temps qu’eux ; la musique et le chant. Après, elle m’enseigne aussi l’histoire, les légendes, la vie des Aetheri et les con… (tu cherches le mot que tu as appris le matin même) con… tullations, lâches-tu pleine d’hésitation. Enfin, vous savez, les dessins dans le ciel avec les étoiles. Et sinon, le reste du temps, je me balade en forêt avec Bourgeon ou alors je passe du temps avec Tante Koko. Puis elle me raconte des histoires aussi ! »  

Tu n’oses pas lui dire que les autres enfants ne veulent pas jouer avec toi. Tu as peur qu’il se détourne de toi lui aussi. La surprise se lit sur tes traits alors qu’il te demande de le frapper. Ce n’est pas dans tes habitudes.  

« Vraiment ? Mais ce n’est pas très gentil… Et si je vous fais mal ? »

Si Tante Koko l’apprends, tu te feras sûrement gronder. Mais elle n’est pas là - et Tekoa semble trépigner d’impatience.

« Bon d’accord, alors si tu es sûr…»

Tu fermes le poing et plies le bras. Ton buste se tourne légèrement vers l’arrière, sous l’impulsion de ton épaule qui cherche à donner de l’amplitude à ton mouvement. Tu te crispes et fermes les yeux alors que tu balances le coup de toute tes forces vers le visage de ton ami.


Post IV - 1 550 mots - Oups !
A toi de voir si tu veux esquiver le coup, je songeais que son poing partait vers le nez de Tekoa nastae
Revenir en haut Aller en bas
Lyz'Sahale'Erz
~ Chaman ~ Niveau I ~

~ Chaman ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 285
◈ YinYanisé(e) le : 19/12/2019
Lyz'Sahale'Erz
Lun 15 Mar 2021, 22:38



Découverte en nature



« Qu’est-ce que tu en sais, que ça n’a pas d’œil ? » dis-je, d’une mauvaise foi absolue. « Ça dépend des cailloux. » Bon, j’avais peut-être raté ma comparaison. Elle n’était pas aveugle comme un caillou. Les cailloux, ça ne respirait pas, ça ne mangeait pas, ça n’urinait pas et, surtout, ce n’étaient pas des filles microscopiques. Cette histoire d’aveuglement était étrange. Comment faisait-elle pour se diriger sans tomber ? Awaku No Hi était pleine de bêtes sauvages. C’était étonnant qu’aucune d’elles n’eût essayer de la dévorer toute crue. Finalement, elle avait peut-être besoin d’un protecteur. Je fis la moue. Je n’étais pas sûr de vouloir le devenir. Les adultes étaient faits pour ça. En plus, rien ne garantissait que je la revisse à l’avenir. Je ne voulais pas m’engager pour rien, surtout avec une fille. Peut-être qu’elle ne ressemblait pas aux autres ? Je me questionnai. Peut-être que sa cécité avait provoqué chez elle une sorte de mutation ? Sans doute ses jeux n’étaient-ils pas ceux des autres filles ? D’un autre côté, c’était une Raya. Les Raya ne servaient qu’à la décoration et celui qui m’ôterait cette idée de la tête n’était pas encore né.

Alors que j’étais en train de réfléchir au peu de savoir-faire de la fille au sein de sa tribu, elle commença un monologue qui me laissa sans voix. Moi qui avais toujours explication à tout, j’ouvris la bouche d’un air choqué. « T’es un peu bête quand même. » commençai-je, en fronçant les sourcils. « Je m’en fiche s’il y a des bêtes sauvages dans ma caverne parce que je serai moi-même une bête sauvage ! » Je changeai d’expression en m’imaginant à l’avenir. « J’aurai des poils partout et une longue barbe ! Je ferai beaucoup plus peur qu’un ours. » Puis, comme un coup de massue, je me rendis compte de ce qu’elle avait dit précédemment. « Comment ça tu n’entends pas les Esprits ? » questionnai-je, avant de réfléchir. « C’est naturel pourtant… » Je plissai les yeux. « T’es bien une Chamane au moins ? » Je ne voyais pas ce qu’elle pouvait être d’autre. Personne ne pénétrait ici sans invitation. J’avais vu des étrangers sur l’Île Maudite qu’en de très rares occasions. Il s’agissait de Corvus Æris. Je voulais partir avec eux en mission. J’étais trop petit pour l’instant. Je soupirai. Tanner la peau commençait à m’agacer et j’avais hâte que les Ætheri fissent comprendre à mes nourrices que j’étais prêt à faire de la vraie chasse. « Je serai une légende, je te dis. » conclus-je, soudainement bougon. Cette fille, qui ne voyait et n’entendait même pas les Esprits, n’avaient rien à dire. Elle n’était manifestement pas une bonne Chamane. Peut-être même qu’elle avait été maudite à la naissance par un fait honteux de ses ancêtres ? Peut-être sa mère avait-elle piqué la nourriture destinée aux Dieux ou peint le corps d’un homme de peinture marron alors qu’il ne le méritait pas ? J’écarquillai les yeux et chassai ces pensées.

Quelques minutes plus tard, j’avais changé d’avis. En la considérant comme un navet, je lui retirais son statut de fille. Je pouvais protéger un navet. Pas une fille. Elle serait donc mon navet et tant mieux si elle ne me faisait pas de bisou. C’était dégoûtant et, que les Ætheri m’en fussent témoins : jamais je ne ferais de bisous à personne. « Constellations. » lui soufflai, en constatant avec désespoir que ses activités au sein de sa tribu n’arrivaient pas à la cheville de la chasse. Des heures en nature, le repérage des empreintes, la prière silencieuse au divin, la beauté de l’environnement, le combat, la mort : tout ceci était bien plus exaltant. J’avais l’impression qu’un monde nous séparait.

Dans un élan d’orgueil, j’émis un petit ricanement. « Ne t’inquiète pas. De toute façon, même si tu me touches, tu ne me feras pas mal. » C’était un navet, après tout. Du moins, en théorie. La pratique s’avéra bien différente. Puisque j’étais convaincu que jamais elle ne réussirait à me toucher, je ne me préparai pas à l’attaque. La puissance de son poing atteignit mon nez et mes yeux se fermèrent sous une surprise qui se transforma bien vite en honte quand, pataud, je me rendis compte que je saignais du nez. « Ah ! » fis-je douloureusement, étonné. Je la fixai. Elle n’avait rien vu, parce qu’elle ne voyait rien. Je reniflai. Je devais reprendre le dessus sur cette situation. « Hum… C’est un peu nul. J’ai simulé pour que tu entendes le son d’un adversaire quand tu le tapes ! Il va falloir travailler ta technique parce que c’est pas terrible. » Je portai l’articulation de mon index à ma narine pour en bloquer le liquide. C’était un navet plutôt costaud. « Puis faut pas fermer les yeux quand on tape quelqu’un. Sinon la personne peut en profiter pour te mettre à terre. Je ne l’ai pas fait parce que je ne veux pas te faire mal. » Ou parce que je n’y avais pas pensé mais elle n’avait pas besoin de le savoir. « Bon. On arrête l’entraînement pour aujourd’hui. Après tu risques d’avoir des bleus. On pourra en refaire un plus tard. » Je réfléchis. Que pouvais-je demander à mon navet ? « T’as dit que tu chantais. T’as qu’à me montrer. » J’espérais que Bourgeon ne cafarderait pas.

899 mots
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38027-lyz-sahale-erz
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

Découverte en nature | Ft. Tekoa

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [Vampirel] Reconversion religieuse | Tekoa
» [Vampirel] - On fait quoi en attendant ce soir ? (Tekoa)
» De cœur et d'entailles | Dastan, Érasme, Lucius et Tekoa
» [Q] - A la découverte du Lin
» [Q] - Découverte (pv Asuna)
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Mers :: Mers - Ouest :: Mer Maudite :: Awaku No Hi-