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 [Q] L'impliable oiseau de nuit | Solo

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Jeu 05 Nov 2020, 11:36



L'impliable oiseau de nuit

Thème.

Intrigue : Après son séjour auprès de Deccio, Calanthe décide de retourner à l'Antre. César la rejoint alors, et trouve une jeune femme anéantie. Rongée par la culpabilité, elle cherchera, sur ses conseils, à expier ses fautes.

e4oj.jpgPar un mouvement dont elle ne percevait pas l’origine, la jeune femme avait réussi à s’extraire du cabanon. Hébétée, elle avait longuement marché entre les hautes herbes. Sur sa rétine, des impressions persistaient. Des lèvres. Du sang. Une aiguille. Le regard de Sebastian. En arrière-plan, sa raison lui murmurait vaguement de retrouver son guide. Il ne fallait pas laisser ses pensées l’anéantir. Contre toute attente, ses pas la menèrent à bon port. Au lieu de croiser le chemin d’un Vampire affamé, elle défia les probabilités, et au bout de longues minutes passées à errer entre les troncs bruns, elle tomba finalement sur son accompagnatrice. Les joues rouges d’avoir couru en tous sens pour retrouver sa cliente, cette dernière lui fit promettre de ne plus s’évanouir ainsi dans la nature. Les malheureux qui s’égaraient sur les terres du Fjord ne passaient jamais la nuit ; les Enfants de Lubuska n’hésitaient pas à semer les cadavres des étrangers sur leur passage. Au-delà du sort fatal qui les attendait, la perspective de ne pas toucher son salaire l’avait poussée à ne pas lâcher l’affaire. D’une voix molle, la Déchue lui demanda de la ramener à l’Antre. D’autres dangers que les buveurs de sang rôdaient dans les parages : elle-même, malgré ses efforts, n’avait rien d’un Ange. L’autre ne se fit pas prier. Le temps de retrouver la blonde avait vu le soleil considérablement décliner à l’horizon, et il ne faisait pas bon traîner dehors à l’approcher du crépuscule.

C’est ainsi que, dans le plus grand silence, la guide et sa cliente firent le chemin inverse. Grassement rémunérée, la première ne chercha pas à en savoir davantage, et, réjouie de ne pas avoir été dévorée à cause de l’imprudence commise, fila au bar. Comme un fantôme, Calanthe loua à nouveau une chambre et monta les escaliers. Lorsque le battant de bois se referma enfin, elle éclata en sanglots. Vague trop violente pour ses frêles épaules, la culpabilité fondit sur la jeune femme. Comment avait-elle pu ? Dans le calme de l’alcôve, l’horreur de son acte lui sautait au visage. Ses jambes flageolèrent. Quel genre de monstre dormait donc en elle ? Pourquoi ne savait-elle pas le faire taire ? Écorcher le corps de la jeune femme lui avait semblé si naturel. Comme si l’aiguille au bout de ses doigts avait toujours été destinée à coudre la chair. Son œuvre lui avait valu le respect de Sebastian. Personne n’avait jamais regardé son travail avec admiration. Le cœur au bord des lèvres, elle tomba à genoux devant le lit. La barre de fer lui meurtrit le front. La fraîcheur de son contact ne parvint pas à apaiser ses tourments. Que n’aurait-elle pas donné pour prendre la place de sa victime ! À défaut de pouvoir revenir en arrière, elle sanglotait misérablement. Le grincement de la porte interrompit son apitoiement. En colère d’être ainsi dérangée, elle ne releva même pas la tête. « Vous n’avez rien à faire ici. Sortez ! » Contre toute attente, l’indésirable s’aventura à l’intérieur.

e4oj.jpg Son champ de vision embué par des vapeurs salines, la Déchue ne remarqua pas son entrée. Écrasée par le poids de ses méfaits, elle eut l’idée insensée d’éteindre sa conscience pour renvoyer ses démons au néant. La gorgée nouée, elle renversa la tête en arrière. Il ne fallait pas y aller de main morte pour obtenir le résultat voulu. « Je ne suis pas sûr que vous ayez envie de me parler sur ce ton. » La voix derrière elle interrompit son geste. La crainte s’invita sur sa peau. Qu’allait-il lui arriver, à présent qu’elle désirait autant se détruire que le voulait l’homme qui venait d’entrer ? « Vous. » Incapable de se redresser pour l’accueillir, elle conserva sa position misérable. À quoi bon s’encombrer de bonnes manières ? Comme un insecte attiré par les couleurs chatoyantes d’un prédateur, elle ne put s’empêcher de le regarder. L’envie de se jeter dans ses bras pour y trouver du réconfort la prit ; elle n’en avait pas le droit. Devant sa mine larmoyante, le Sorcier s’étonna. « Vous n’avez pas l’air dans votre assiette. » Jamais il n’avait eu l’occasion de la voir pleurer, et il se savait innocent. Qui d’autre que lui osait susciter sa détresse ? La mâchoire contractée, il laissa chuter ses affaires de voyage. Avec tendresse, il s’agenouilla à sa hauteur et lui saisit la main pour l’aider à se relever. « Asseyez-vous, et racontez-moi. » Molle comme une poupée de chiffon, la jeune femme s’exécuta. Qu’aurait-elle pu faire d’autre ?

Lorsque la Déchue eut achevé son récit, son interlocuteur garda le silence. Le visage blanc, elle n’avait pas lâché sa main. Se confier ne soulageait en rien sa culpabilité. Les traits déformés de la jeune femme revenaient danser devant ses yeux. Encore et encore. Un sanglot pitoyable lui échappa. « Comment faites-vous pour supporter de blesser les autres ? » Le Sorcier se leva pour faire quelques pas dans la pièce. Certains de ses congénères l’accusaient, mais la magie qui pourrissait ses veines n’était pas la seule fautive. Provoquer le chagrin d’un être, faire naître la peur sur des visages ; depuis l’enfance, il n’avait jamais eu des passions ordinaires. « Tout le monde ne peut pas se trouver du bon côté du miroir. » Contempler la souffrance finit par la rendre désirable : alors, rien ne compte plus. « Je ne comprends pas. » Ramenant ses bras autour d’elle, elle se recroquevilla sur le lit. Ses genoux vinrent supporter son menton. Qu’il prenne le temps d’écouter ses mésaventures la touchait ; la douceur de son caractère la prémunissait de découvrir la raison de sa gentillesse. César esquissa un sourire qu’elle ne vit pas. « Vous ne pouvez pas. » Savoir que sa victime s’était par mégarde égaré sur le chemin du mal ne le réjouissait pas. Pour leur bien à tous les deux, elle devait conserver son innocence. « Je voudrais pouvoir effacer ce que j’ai fait. » La naïveté, symptôme de son destin, ajoutait de la saveur à l'exercice. Satisfait par avance de la tristesse qui s’imprimerait sur ses traits, il se tourna vers elle. « Vous ne pouvez pas. »

Pendant un instant, la jeune femme cessa de respirer. La déferlante s’abattit sur elle de plein fouet, et, frêle esquif, elle bascula sur le côté. Submergée par une vague infâme, elle suffoqua. Lorsque l’oxygène pénétra à nouveau dans ses poumons, elle n’osa pas bouger. Enfant éplorée. « Je voudrais tant me faire pardonner. » Le blond retint un ricanement. S’il devait laisser de côté son programme initial, la tournure des évènements ne lui déplaisait pas. « Comment le pourriez-vous ? » D’un souffle, elle murmura la solution qui lui était venue à l’esprit. « Je devrais retourner là-bas. » Sans être stupide, elle ne brillait d’ordinaire pas par la vivacité de son intellect, et la tempête en elle l’empêchait manifestement de réfléchir plus loin que le bout de son nez. Volontairement, le ton de César se durcit. « Et que vous feriez-vous, alors ? Ne croyez-vous pas que cette femme vous égorgerait, si elle recroisait un jour votre chemin ? Imaginez-vous sincèrement que le Démon l’ait laissée en vie ? » L’argument fit mouche. Les yeux écarquillés par l’effroyable vérité, Calanthe se mit à trembler. Vers quel cruel destin avait-elle conduit l’inconnue ? Quel plaisir elle y avait pris ! C’était insoutenable. « Si au moins j’avais pris la peine de demander son nom… J’aurais pu… J’aurais pu retrouver sa famille, et accepter la sentence qu’ils auraient choisi pour moi. » Qu’elle tienne à recevoir un châtiment éveilla en lui un instinct sournois. Puisqu’elle le souhaitait avec tant d’ardeur, il allait se montrer bon, et lui donner les moyens de sa repentance.

Doucement, le Sorcier s’approcha de la jeune femme, et posa sa valise au pied du lit. Avec la tendresse qu’exigeait l’amitié, il prit place à ses côtés, et d’un revers du pouce, essuya les gouttes qui s’attardaient sur l’une de ses joues. « Il est vrai que vous avez commis une erreur. Mais je suis certain que celle-ci vous a fait passer l’envie de recommencer. Ne soyez pas si dure envers vous-même. » Surprise par sa bonté, la Déchue se laissa volontiers aller à son étreinte. Sous les assauts de la culpabilité, ses émotions chaviraient d’un instant à l’autre. Chagrin, colère, reconnaissance. Un tourbillon dont elle avait été l’instigatrice, et qui provoquait chez elle une nausée mentale. « Chez certains peuples, lorsque de telles mésaventures surviennent, la coutume veut que les responsables soient suppliciés. » Le blond avait sensiblement baissé la voix, comme s’il lui murmurait un secret. La jeune femme ne répondit pas, pensive. L’information méritait d’être sérieusement considérée. « Pour obtenir le pardon des Aetheri, ils se soumettent volontairement à la souffrance. » De sa main libre, il défit lentement les attaches de son bagage. Sous des vêtements impeccablement pliés, il dissimulait l’armurerie d’un bourreau. De son attirail de cauchemar, il sortit un objet qu’elle n’avait jamais vu. « Laissez-moi vous aider. » Le Sorcier fit sa proposition d’un ton neutre. D’un geste qui les surprit tous deux, la blonde s’arracha à sa léthargie pour récupérer l’engin. « Non. C’est à moi de le faire. » Aux heures les plus sombres, le courage s’échappait toujours des tréfonds de son inconscient pour lui permettre de retrouver la lumière. Quelque peu excité par l’initiative, César se pencha à l’oreille de Calanthe, effleurant ses cheveux du bout des lèvres. « Mettez-y du coeur. »

Des phalanges que la honte rend tremblantes s’emparent du fléau ; néanmoins, elles n’hésitent pas. La jeune femme dénoue le ruban noir qui retient sa robe. Expose son dos nu à des regards invisibles. Le temps des regrets, immondes limaces qui rongent le cœur, doit s’achever avant que la raison ne cède. Elle ferme les yeux. Salut et châtiment, la douleur frappe. Comme une terre asséchée, la chair se craquelle. Des sillons écarlates se forment. Les premières fois, le sang se refuse pourtant à couler, offensé du contact des lanières. Seule la peau rougit de ses erreurs. Sous les caresses du cuir, elle éclate en morceaux. Se détache peu à peu d'un hôte qui ne veut plus d'elle. Libère une source carmine. Formidable champ de bataille. Pas un cri, pas une larme. Semblable à l’implacable mécanisme d’une horloge, un claquement résonne dans la chambre à intervalles réguliers. C’est un sursaut du poignet qui en est la cause. Infime, discret, il n’est plus corps mais instrument. Parfois, la poitrine se soulève brusquement, et retombe dans un soupir à peine exhalé. Être qui n’ose plus tout à fait vivre. Dans la chambre, tout ou presque retient son souffle. La scène se joue en un mouvement. Ses lentes répétitions le changent en une mélodie qui crisse. Entre chaque note, l’horreur se ménage un refuge. Sordide spectacle. Assis sur une chaise de bois, le Sorcier regarde la malheureuse expier ses fautes. Il pense. Elle est belle.

Lorsque le dos de la jeune femme ne fut plus qu’une masse sanguinolente, elle cessa son œuvre. Humblement, elle rendit l’objet à son propriétaire, songeant qu’il lui faudrait en faire l’acquisition. « Je recommencerais demain, et le jour d’après. » Le blond fronça les sourcils, désapprobateur. Il ne fallait pas qu’elle s’abîme ; il aimait la voir de bonne humeur, et éteindre par ses manigances la flamme dans ses yeux. Soigneusement, il rangea ses affaires. « Le but de tout ceci n’est pas de vous détruire. » De sa valise, il sortit ensuite un onguent. Attentif à ne pas la blesser davantage, il appliqua le remède sur sa chair lacérée. Elle avait suffisamment souffert pour aujourd’hui. Docile, elle ne bougeait pas. « C’est ce dont j’ai envie, pourtant. » S’ils soulageaient pour l’heure la fureur de son amertume, les coups ne parvenaient pas à effacer le poids de ses fautes. César releva les mèches blanches. Un instant, il les garda en main. « Je suis le seul à en avoir le droit. » Une inflexion menaçante dans la voix, il les relâcha finalement. Quand bien même il avait apprécié le spectacle, la briser demeurait son privilège. « Le mieux que vous puissiez faire, à présent, est de vous rappeler cette expérience, et de vous servir de son souvenir pour ne jamais recommencer. » Sitôt son crime accompli, la Déchue s’était juré de ne plus céder à l’Envie. Ses intentions avaient beau être louables, elle doutait sincèrement de pouvoir contrôle le monstre. Raison et sentiments s’évanouissaient lorsqu’il frappait à la porte. « Vous devez rester douce, Calanthe. Sinon, nous ne pourrons plus être amis. » Pareille possibilité le chagrinait presque. Aucun d'eux ne souhaiterait en arriver là. Soudain, la jeune femme parut se rappeler qu'elle ne connaissait pas le motif de son invitation, et qu'elle n'avait même pas songé à demander. « Pourquoi vouliez-vous me voir ? » D’un geste négligé, il chassa sa question. Il n'y pensait plus. En voyant les larmes de la Déchue, il avait oublié tout le reste. « Ce n’est pas important. Reposez-vous, maintenant. » Sans lui laisser l'occasion de protester, il l’aida à se coucher. Ereintée par les récents évènements, elle rejoignit bien vite le royaume des rêves. Longuement, il resta à observer sa poitrine se soulever, et le sang sécher sur les draps.

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