[Q] Agazio | Solo

Jeu 17 Sep 2020, 12:39

Rp précédent : In nomine mater, et filii, et spiritus mali (oui, je suis en retard et je m'en fiche nananère !)
Objectif : Agazio retrouve sa soeur Leigh suite au couronnement d'Elias. Cette dernière essaye de gérer la confrontation (pour s'en sortir sans égratignure).
Partenaire : /

Leigh & Agazio (PNJ)

Agazio

Sur les pavés retentissait le claquement rythmé de ses talons. Elle marchait vite, bordant les rues, les mains jointes et la tête légèrement inclinée en avant. Elle ne prenait pas le temps de contempler les rues d’Amestris, son architecture, ses gens, le tout dans une allure assurée. Elle ne s’attardait pas. Elle n’élaborait aucun plan délectable. Elle ne souriait pas. En fait, il n’y avait rien d’habituel chez elle, que ce fut dans sa démarche, sa gestuelle, ou son comportement. Son objectif était simple : retourner à sa chambre pour ne plus en sortir jusqu’au lendemain, quitter cette tenue trop couvrante qui l’enserrait de partout, se reposer puis quitter cette ville pour rejoindre l’Enfer.

-Leigh.

Elle retînt son souffle un instant, ne releva pas les yeux, continua sa route d’un pas un peu plus pressé. Elle n’avait rien entendu. Aucune présence quelques mètres derrière elle, aucune voix si familière qu’elle l’aurait reconnue entre mille, aucun nom. Plus personne ne l’appelait comme ça ici. On l’avait oubliée.

-Leigh.

Elle continua. La confrontation était inévitable, pourtant. Putain. Les pas derrière elle se rapprochèrent. Elle se mordit la lèvre, songea, puis décida de s’avouer vaincue, arrêtant soudain sa marche. Il faillit lui rentrer dedans. Il fallut quelques secondes encore à la Démone pour se résoudre à se retourner. D’autres encore pour poser ses yeux sur le visage qui l’attendait. Cela lui fit un effet étrange. De la colère, de l’angoisse, puis un peu de soulagement. Sur le visage crispé de son frère, en revanche, elle ne lisait que la colère et la rancœur. Elle ne dit rien. En cet instant, il l’impressionnait sans qu’elle ne sache trop pourquoi. Elle ne s’était jamais sentie aussi petite face à lui. Plus jeune, elle s’était considérée comme son égale malgré la différence d’âge et de taille. Elle n’avait jamais reculé devant ses menaces lors de leurs disputes, et il n’y avait pas une seule fois où elle ne s’était pas vengée de lui pour une raison ou pour une autre. Non, Agazio ne devait pas être une source de peur. Leigh n’était pas du genre à avoir peur, au contraire : elle aimait vivre dangereusement. Rien ne l’avait arrêtée jusqu’ici.

Agazio n’était pas très doué avec les mots, ou du moins pas lorsqu’il s’agissait de retranscrire ses propres émotions. Il en était très détaché. Si ses traits n’exprimaient pas l’impassibilité, généralement, c’était qu’il était en colère. Le Sorcier était un être austère, parfois trop pessimiste, qui appréciait contrôler son environnement. Leigh était en quelques sortes son opposée : elle privilégiait le sourire et s’adaptait aux aléas, changeant sans hésiter ses plans à la dernière seconde pour pouvoir tirer son épingle du jeu. Il y avait cependant deux choses qui les liaient très fort : leur confiance en soi et leur goût prononcé pour la douleur.

-Salut. Commença courageusement Leigh pour briser la glace. Elle sourit pour balayer son trouble. Elle n’avait aucune raison de le trouver si intimidant. Ça faisait longte-…

-Ferme-la.

Sa voix grave résonna tout autour d’eux. Un frisson lui parcourut l’échine. Si, elle avait raison de le trouver intimidant. Il l’était. Elle venait de le tendre encore plus. Il y avait une autre chose qui les séparait : Agazio était un homme fier et orgueilleux. Il n’aimait pas qu’on se foute de sa gueule. Elle, elle savait que le ridicule ne tuait pas. Le Sorcier la prit par le bras et l’entraina avec lui. Il lui faisait mal, il le savait, et Leigh ne disait rien car c’était inutile. Elle tâchait de garder son calme. Agazio avait besoin de vider son sac et rien en pourrait avancer tant que ce ne serait pas fait. Cela serait long et peut-être lui en voudrait-il jusqu’à la fin de ses jours, mais c’était nécessaire.

Leigh n’avait pas la moindre idée d’où il l’emmenait. Il allait dans des rues et des quartiers qu’elle ne connaissait pas, le coin de la classe plus aisée où elle n’avait jamais mis les pieds, par dédain. Il tourna plusieurs fois. Le trajet était long. Elle avait fini par perdre l’orientation, se laissant mener au gré de la force qui tenait fermement son poignet, jusqu’à ce qu’il s’arrête devant une haute maison. Elle était sombre, coincée entre deux autres un peu plus grandes. Cela ne la rendait pas moins remarquable : l’encadrement des fenêtres et la porte d’entrée en bois massif étaient aussi joliment décorés que ses voisins. Agazio sortit un trousseau de la poche intérieure de son long manteau noir et fit pivoter la clef dans la serrure. Il poussa la Démone à l’intérieur avant de refermer derrière eux. Leigh entendit le cliquetis du verrou. Elle était coincée là jusqu’à ce qu’il en décide autrement.

784 mots

Bijin

:

Jeu 17 Sep 2020, 17:42

Leigh & Agazio (PNJ)

Agazio

Elle s’avança dans le couloir qui donnait sur les différentes pièces du rez-de-chaussée. L’endroit était plutôt sombre à cause du peu de fenêtres et du temps nuageux à l’extérieur. Aucune chandelle n’était allumée, ce qui laissait supposer qu’ils étaient seuls. A gauche, la salle à manger, au centre de laquelle trônait une grande table ovale. Devant, une cage d’escaliers et deux portes fermées. A droite, un large salon muni de fauteuils, de tapis et d’une cheminée. L’ensemble des murs était décoré de tapisseries au style ancien ainsi que de peintures. Des portraits, plus précisément, de personnes qu’elle ne connaissait pas. Il n’y avait que celui au-dessus de la cheminée ou elle croyait discerner son frère, debout, une main portant un enfant, l’autre posée sur l’épaule d’une inconnue qui elle-même tenait un bambin assis sur ses genoux. Elle voulut le voir de plus près, admettant qu’ils discuteraient dans le salon, mais Agazio préféra la diriger vers la salle à manger. Obtempérant, Leigh prit place autour de la table. Il s’assit en face d’elle. Silence. Leigh se tenait droite. Ses doigts serraient nerveusement le bas de sa robe. Elle prit une inspiration pour se détendre.

-Tu as vieilli.

Il ne fit aucun commentaire face à ce qui n’était pour lui qu’une provocation futile. C’était donc ça. Ces années lui avaient fait prendre de l’âge mais aussi de la prestance. Ses quelques rides et ses cheveux grisonnants le grandissaient. Il était vrai que pour sa part, Leigh n’avait pas changé d’âge depuis qu’elle était morte. Elle promena ses yeux vers le mobilier. Il était fourni. Des vases, des vitrines, de l’argenterie, un serpent empaillé enroulé autour d’une branche comme s’il se prélassait continuellement. Il y avait beaucoup de choses.

-C’est ta maison ?

-Oui.

Il avait fait un bon bout de chemin sans elle. Tant mieux pour lui. Elle avait aussi fait le sien sans lui. Agazio passa ses mains sur son visage, cherchant comment amorcer la discussion. Il avait tellement de choses à lui dire et en même temps si peu envie de lui partager sa vie, puisqu’elle avait choisi de couper les ponts. Peut-être fallait-il commencer par le plus simple.

-Je peux savoir pourquoi tu ne m’as rien dit ?

La question était aussi bête que la réponse : elle-même n’en savait trop rien. Elle n’en avait pas eu envie, puis elle était passée à autre chose. Elle avait réussi là où le reste de sa famille avait échoué, et ça n'était pas son problème. Elle avait toujours envisagé des retrouvailles dans un futur lointain pour dire « Surprise ! Je suis encore là ! » puis retourner vaquer à ses occupations. La Coupe des Nations avait accéléré le processus. Ce n’était pas de sa faute ; c’était celle des Aetheri.

-Moi qui croyait que tu étais morte depuis tout ce temps, qui ait changé de vie pour qu’au final, je découvre après tout le monde qu’une certaine Démone, Lysistrate Dogma, est candidate à la Coupe des Nations sorcière. Et que cette même Démone est sur le point de devenir Dame Noire. J’essaye de la contacter parce qu’elle me dit franchement quelque chose. Rien. Quatre lettres, pas de réponse. J’aurais besoin de ton avis : penses-tu qu’elle me déteste ? Qu’elle vaut mieux que moi ? Ou que depuis qu’elle fait partie de ces sauvages de Démons, elle a perdu la capacité d’écrire ?

-J’étais occupée.

-Occupée à quoi ? S’écria-t-il en tapant du poing. N’obtenant aucune réponse, il se leva pour faire le tour de la pièce, comme un fauve en cage. Un mot, un simple mot, une réponse pour me dire que tu existais encore, c’était trop demandé ? Tu avais une bonne raison de le faire, j’espère ?

-Arrête de hurler.

Il revînt pour la gifler. La bouche entrouverte par la surprise, Leigh passa sa main sur sa joue. Assurément, il avait pris de l’expérience en la matière.

-Je n’arrêterai pas tant que tu ne m’auras pas répondu ! Il l’attrapa par le col pour lui en foutre une autre. Maintenant que tu n’es plus qu’une sale chienne, tu aimes encore plus ça, c’est ça ?

-Lâche-moi. Siffla-t-elle.

-C’est ça alors, tu t’amuses toujours à faire la putain sur la place publique ? Tu te mets à quatre pattes et tu demandes qu’on te foue-…

-FERME-LA !

La main de l’Autre se referma sur l’étreinte du frère, comme des ronces fermement accrochées à un tronc mort. Il la lâcha, surpassé par sa force. La main de Leigh reprit son apparence normale. Elle haletait. Elle n’était pas contente.

-Je ne t’ai rien dit parce que je n’en avais pas envie. J'ai travaillé pour obtenir cette éternité, mais cela a eu un prix. Chacun doit trouver le sien. Tu ne m’aurais rien dit non plus si ça avait été toi. Tu serais parti, tu aurais refait ta vie comme moi j’ai essayé de refaire la mienne. Tu serais rentré dans un engrenage quelconque pour survivre et faire exactement la même chose que ce que tu fais aujourd’hui : avoir une belle baraque dans un joli quartier, avec une famille pour faire tout aussi joli. Je n’avais pas l’intention de revenir ici ou d’avoir le moindre lien avec les Sorciers. Si tu crois que j’ai choisi de vivre une putain d’invasion et de participer à la Coupe des Nations dans la foulée de mon plein gré, sache que t’es devenu profondément con. Tu n’as aucune idée de ce que j’ai fait là-bas, alors ton avis, tu te le mets où je pense.

Elle avait parlé sans réfléchir. Il ne dit rien. Il se mordait l’intérieur de la joue. Il n’aimait pas la façon dont elle lui parlait, ni son comportement acerbe. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait continué de la frapper jusqu’à ce qu’elle se soumette. Mais il savait comment sa sœur fonctionnait. S’il voulait tout pour lui, elle ne ferait que lui compliquer la tâche. Il devait donc garder son calme pour que les choses aillent dans leur sens à eux deux. Les secondes défilèrent, rythmées par la pendule par un tic tac pesant. Au bout d’un moment, il inspira, puis reprit place à table.

-Très bien. Il se pencha en avant, s’appuyant sur ses avant-bras. Dans ce cas, dis-moi ce que tu as fait là-bas.

1011 mots

Bijin

:

Ven 18 Sep 2020, 18:35

Leigh & Agazio (PNJ)

Agazio

A vrai dire, elle n’avait pas pensé qu’il s’intéresserait à ce qu’elle avait fait en Enfer aussi rapidement. Agazio était du genre à se foutre des histoires des uns et des autres tant qu’il n’était pas directement concerné. Qu’il ait pu travailler sur ce défaut durant son absence ne lui traversa pas l’esprit. Ce n’était même pas envisageable, selon elle.

-J’ai…

Elle s’arrêta pour réfléchir. Elle avait commencé trop vite. Il leva un sourcil, puis réunit ses mains devant son visage. Elle sut dès lors qu’il ne la prendrait pas au sérieux.

-J’ai continué les expériences… De différentes manières. C’est plutôt facile de se procurer des cobayes, là-bas. Après ça j’ai… Elle déglutit. J’ai rencontré quelqu’un. En Terre Blanche. Il leva son deuxième sourcil. Il créait des instruments de torture. Je les testais pour lui. C’était instructif.

-Et tu as décidé de te marier à l’Empereur Noir plutôt qu’à lui ?

Il lui semblait qu’elle avait pris la pire des décisions. Un tortionnaire d’une nature aussi brute dans une prison pour Anges, c’était bien la seule chose qui pouvait lui sied. Revenir aux normes sorcières dans une position intéressante certes, mais lourde, aux côtés d’un homme dix fois plus puissant qu’elle, c’était absurde. Leigh n’était pas faite pour être une Dame, bien qu’elle voulût s’en donner des airs.

-On en avait l’intention avec Asborn. En tous cas, elle en avait eu l’intention. Se rappeler de ce qu’elle allait lui raconter lui brisa le cœur à nouveau. Ses mains jointes se serrèrent pour éviter de trembler sous le coup de l’émotion. Mais le fait est que je voulais gagner et qu'Elias a su me faire des propositions intéressantes.

Il plissa les yeux, peu convaincu. Il attendait la suite.

-Je l’ai tué. A sa demande.

Il eut un rictus amusé. Elle eut un peu honte d’avoir obéi aussi aveuglément. Elle ne regrettait pas son geste, car elle s’était trouvé une raison. Cependant, peut-être n’avait-elle pas assez longuement réfléchi à la question, que sa décision avait été trop précipitée.

-Il m’a proposé bien mieux qu’une vie paisible d’un jeune couple qui finirait comme n’importe quel ménage de n’importe quel peuple du monde. Tu sais que je ne mange pas de ce pain-là.

Elle détourna le regard, concentrant son attention sur le portait d’une jeune femme. Cette dernière avait un visage fin et un teint pâle qui lui donnait un air fragile. Ses cheveux châtains étaient coiffés en un chignon serré et sa robe verte dévoilait la naissance de ses épaules et de ses clavicules. Elle ressemblait à la femme sur la toile du salon.

-C’est ta femme ?

Il fallait qu’elle change de sujet si elle ne voulait pas pleurer. Pas devant lui.

-Oui. Helena. Nous nous sommes mariés peu après ton décès. Severus a trois ans et Ogini en a deux.

Leih hocha la tête, le regard dans le vague, au fur et à mesure qu’il lui passait l’information.

-J’espère que ça lui plait d’être une femme battue.

Il ne répondit pas et il n’avait pas à le faire : il était évident qu’il la battait. Agazio était colérique. Il avait besoin de se défouler de temps à autres. Elle doutait qu’Helena ne l’apprécia. Agazio devait être un mari bien détestable et antipathique. Leigh n’était même pas sûre qu’il fut doué d’amour. Heureusement, l’affection dans les mariages sorciers était un aspect de dernier plan. Autrement, le frère aurait fini seul et rabougri, entouré d’une ribambelle d’esclaves de compagnie.

-Sa famille est dans le commerce d’esclaves. La situation nous est très favorable en ce moment, inutile d’expliquer pourquoi. Je suis resté dans la torture et je les aide dans l’administration.

-C’est bien.

Les esprits se calmèrent. Ça se passait mieux que ce qu’elle avait craint. Elle avait cessé de tordre ses doigts et le tissu de son vêtement, reprenant une attitude plus naturelle. Son frère ne l’impressionnait plus autant qu’au départ. Elle reprenait ses marques, associait de nouveau son caractère à celui de ses souvenirs. Elle le considérait avec plus de nostalgie.

-Je suis curieux de savoir ce que t’a proposé l'Empereur ?

Elle regretta aussitôt d’avoir songé aussi vite. Cette question la fatiguait déjà.

-Il a des projets pour moi en Terre Blanche.

-Comme te foutre dans une cage ? Il rit, non pas amusé par l’idée mais plutôt désespéré par sa connerie. Leigh, je veux bien que tu aimes prendre des risques, mais se jeter dans la gueule du loup…

-Ce sera moi le loup.

-Sais-tu qui est cet homme, Leigh ?

Non, elle ne savait pas. Elle l’avait vu à son couronnement, entendu son nom parcourir les rumeurs et les annonces, échangé des lettres avec lui, mais elle ne le connaissait pas plus que ces inconnus sur ces tableaux. Elle pouvait seulement dire qu’il la terrifiait.

-Nous avons été très clairs sur nos intentions respectives, qu’elles soient bonnes comme mauvaises.

-Penses-tu vraiment que cela suffit ?

-Il n’aurait pas accepté sans raisons.

-Quelles raisons ?

Elle haussa les épaules. Elle ne savait pas ce qu’elle avait le droit de dire ou non. Elle ne savait pas non plus si elle connaissait toutes les raisons. Elle le découvrirait – ou pas – au moment venu. C’était aussi par curiosité qu’elle faisait cela, à ses risques et périls.

875 mots

Bijin

:

Ven 18 Sep 2020, 20:42

Leigh & Agazio (PNJ)

Agazio

-Avais-tu signalé à la famille d’Helena que tu étais susceptible de la battre après votre mariage ? Ça faisait partie du contrat ?

-Bien sûr que non.

Elle se tourna vers lui et tenta d’afficher un sourire. Elle battait des paupières pour empêcher ses larmes de perler. Elle détestait lui parler de tout ça alors qu’il tentait de détruire la vie à laquelle elle se préparait.

-Moi, ça en fait partie. Peut-être que je vais mourir. Finir au fond d’un caniveau, violée et découpée en rondelles, bouffée par des chiens errants. Mon nom sera peut-être effacé de l’histoire, si bien que ce sera comme si je n’avais jamais existé. Il m’a bien demandé de le tuer. Ça fait partie de l’accord, je le sais et je l’ai accepté. Alors il me semble que notre contrat à nous est suffisamment clair. Bien plus que le vôtre, en tous cas.

Et lui haïssait qu’elle jugea sa vie ainsi alors qu’elle n’y connaissait rien. Il lui était de plus en plus difficile de garder son calme.

-Je ne te permets pas de critiquer mon mariage. Nous avons des enfants et une entreprise. Toi, tu n’as rien. Tu ne feras que dépendre de quelqu’un qui te considèrera à peine. Après tous les efforts dont tu m'as fait mention, tout ce travail, tu ne resteras qu’une putain au final. Au mieux, tu seras la risée de ce monde, la femme d’un peuple incivilisé et décadent, bientôt ridiculisé par ce que tu vas faire. Quel gaspillage.

-Je m’en fous.

Du bout des doigts, elle caressait les statuettes alignées sur une commode, à droite de son frère. Elle se concentrait sur elles pour réguler sa respiration et ne pas exploser. Certaines méritaient d’être dépoussiérées.

-Quel est ton but à faire tout ça ?

-Il y a quelque chose que tu ne comprends pas.

Leigh ne voulait pas dépendre du regard des autres. C’était d’ailleurs une chose qu’elle appréciait grandement depuis qu’elle vivait en Enfer : tant que ses desseins étaient sombres, les avis extérieurs ne comptaient au final qu’assez peu. La seule manière de s’imposer était par la force, que cela fut juste ou non. C’était bien plus simple. Le problème n’était donc pas de créer des polémiques et des scandales à tout va, ni même d’être la risée de qui que ce fut. La Démone se pencha vers son frère.

-Je fais ce que je veux. Quoi que tu en dises. Quoi que quiconque en dise. Voilà ce qui m’intéresse.

Faire les choses sur le moment, ne pas s’imposer de limites, c’était des concepts qu’Agazio n’était pas apte à comprendre. Malgré tout ce qu’ils avaient pu faire par le passé, le Sorcier avait toujours tenu à avoir une image propre de lui-même, celle d’un homme soigné et charismatique qui répondait parfaitement à ce qu’on attendait de lui. Rares étaient ceux qui connaissaient le Sorcier, qui, sous le coup de la colère et de la haine la plus profonde, se laissait aller à des pratiques primitives. Sa sœur, sa femme, ainsi que celles et ceux qui étaient morts sous ses coups étaient les seuls à en avoir été témoin.

-Tu es devenue complètement folle. Et stupide.

-Tu es jaloux.

Sa chaise grinça bruyamment lorsqu’il se leva. Ses pas firent trembler le sol alors qu’il allait jusqu’à elle pour l’attraper à la gorge. Il la plaqua contre la commode, bousculant une statuette qui roula le long du meuble avant de tomber par terre. C’en était trop. Le temps l’avait déshabitué à ses provocations incessantes. Maintenant qu’il avait une femme sous son joug, et ce jusqu’à la mort, il n’était plus accoutumé à voir son autorité être remise en question. Leigh garda son sang-froid.

-C’est dommage, je lui ai parlé de toi.

Il la relâcha un peu.

-Qu’est-ce que tu racontes ?

-Je t’ai mentionné en pensant qu’il renoncerait à se marier avec moi. Histoire que ma lettre ne soit pas totalement inutile.

-Ne me prends pas pour un idiot.

-Je ne te prends pas pour un idiot. T’as qu’à aller lui demander si tu ne me crois pas. Si tant est que tu aies les couilles de le faire.

Si une femme accompagnée de deux jeunes enfants n’avait pas fait irruption dans la maison à ce moment-là, Leigh n’en serait pas ressortie indemne. La Démone profita de la surprise occasionnée pour se dégager à l’aide de la force de l’Autre.

-Bonjour.

Les nouveaux visages lui étaient familiers maintenant : c’était Helena et leurs enfants. La Sorcière semblait stupéfaite par cette rencontre. Ses yeux allaient de son mari à l’invitée, trahissant son inquiétude.

-Bonjour. Répondit-elle finalement.

Leigh lui sourit mais n’eut cette fois rien en retour. De toute évidence, Helena savait très bien qui elle était et cela ne lui plaisait pas. La Vile s’intéressa aux deux enfants qui lui tenaient chacun une main. Malgré sa peau foncée, le garçon, qu’elle supposait être Severus, ressemblait déjà beaucoup à sa mère : un visage fin pour son âge et les yeux doux d’un esprit calme. Ogini, quant à elle, gardait l’allure d’un bébé capable de tenir debout sur ses deux jambes, avec des grosses joues et des billes noires qui l’observaient avec perplexité. Ses cheveux bruns et brillants formaient des boucles parfaites. Elle se surprit à les trouver mignons.

-Salut vous deux. Dit-elle en se baissant à leur hauteur.

-Severus, prends ta sœur et allez jouer à l’étage.

Le gamin s’exécuta sans un mot. Le silence qui s’ensuivit fut terriblement pesant. Leigh s’éclaircit la voix. Elle était vexée. Elle n’allait plus tenir longtemps.

-Ce fut un plaisir de voir mon neveu et ma nièce pendant... dix secondes. Puis, à Helena, puisqu’elle bloquait le passage. Je peux partir ? Nous avions terminé de toute façon.

La femme obtempéra. Leigh se dirigea vers la porte d’entrée.

-Ce fut un plaisir d’à nouveau discuter avec toi.

Elle fit un signe de la main à sa femme, qui allait sans l’ombre d’un doute se faire amocher dans les minutes qui suivraient, ouvrit la porte et disparut.

Lorsque le cliquetis retentit derrière elle, Leigh sentit son corps s’endolorir. Elle expira doucement. Elle tremblait. Dehors, il s’était mis à pleuvoir. Cela l’incita à rester quelques instants sous le porche avant de songer qu’il n’était pas temps de se faire rattraper par Agazio. Elle quitta la rue à pas vifs. Le quartier était désert, chacun était rentré chez lui s’abriter. Elle, elle était perdue, incapable de calmer son rythme cardiaque ni même de se souvenir du chemin parcourut à l’allée. Elle frissonna. Elle avait froid. Leigh termina sa route aux abords d’une ruelle vide, là où les murs lui accordèrent quelques centimètres de sol sec, grâce à la bordure d’une toiture. Là, elle laissa ses jambes céder sous son propre poids et éclata en sanglots.

1112 mots

Bijin

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