La vie au Rocher au Clair de Lune

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C’était le grand jour ! Les Magiciens avaient finalement décidé de permettre à Dhavala et à sa meute d’emprunter le Ponton qui les mènerait au Rocher au Clair de Lune. Enfin, après plusieurs années d’errance, l’Eversha allait retourner sur sa terre natale. L’heure était donc aux réjouissances, et réjouissances il y aurait jusqu’à l’heure du départ.

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Dhavala se réveilla entouré de carcasses dans un camp délabré. Puisque les changeurs de forme passaient leurs dernières journées aux Terres du Lac Bleu, bien des corvées étaient laissées de côté, au profit d’activités plus intéressantes, comme manger, copuler, se baigner et faire la sieste. Éveillé, le tigre délogea la tête d’Échidna, sa compagne, de son ventre pour se dégourdir les pattes. À force de festoyer, la meute avait outrepassé leurs capacités humaines, mais plutôt que de ralentir le rythme, ils adoptèrent leur forme d’animaux géants pour s’empiffrer de plus belle.

Cette débauche n’était pas tout à fait sans raison. Dhavala c’était absenté du Rocher au Clair de Lune depuis si longtemps qu’il n’avait plus aucun repère. Il ne connaissait même pas la saison actuelle dans sa terre natale. Il allait falloir du temps à la meute pour s’établir et par extension, retrouver une alimentation stable. Considérant que le plus petit de la meute, Renart, avait un renard de la taille d’un élan à nourrir, il était important d’accumuler des réserves pendant que c’était possible.

Une fois sur ces pattes, le tigre engloutit quelques kilos de viande supplémentaires avant d’aller prendre place dans la source d’eau. Son gros ventre était lourd à soutenir sur la terre ferme, alors il était plus plaisant de s’immerger le temps de bien dissiper la léthargie de la sieste. Une fois fait, Dhavala comptait aller trouver de nouvelles proies pour ses compagnons.

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Bien que Vervallée dispose de plusieurs tailleurs de renom, dont plusieurs ayant plusieurs fois prêté leurs services aux changeurs de forme, Dhavala et sa meute s’étaient vêtus de cuirs et de fourrures pour leur voyage jusqu’au Rocher au Clair de Lune. S’il y avait là une grande valeur à ces habits à Vervallée, c’était tout le contraire dans l’environnement plus primitif des Evershas. À l’inverse, le tissu ouvragé des Magiciens serait particulièrement prisé des brigands. Ce choix vestimentaire s’avéra fort peu utile, puisque c’est dans un environnement enneigé que les Béluas arrivèrent. Neeha, la Saison des Neiges, avait pris possession du Rocher.

Aucun des trois changeurs de forme n’avait une formation de couturier. Échidna savait comment faire des assemblages de fortune, tel que portait actuellement la meute. Cela dit, ces habits étaient bien mal adaptés à un environnement froid et enneigé. Le vent s’infiltrait partout dans ces vêtements, le cuir se mouillait dû à la neige qui fondait au contact de la chaleur corporel. Même la fourrure était trop légère pour être utile.

« Nous allons devoir nous transformer pour continuer, annonça Dhavala. »

La semaine passée à se goinfrer avait permis à la meute d’anticiper un grand nombre de scénarios quant à leurs premiers jours au Rocher au Clair de Lune. C’est pourquoi les changeurs de forme ne transportaient avec eux que le strict minimum. L’expérience de Dhavala, aussi désuète soit-elle, ne pouvait pas être si loin de la réalité contemporaine. La majorité des saisons de cet endroit comprenait leurs propres difficultés. L’idéal aurait été de tomber sur la Saison de Phœbe, avec ces températures douces et agréables de jour comme de nuit. Au grand désespoir d’Échidna, le chef de meute ne tenta même pas une lecture des signes à ce sujet. Phœbe était une déesse, pas une annonciatrice de la météo.

« Pas étonnant que le monde ne soit pas dirigé par des devins, soupira Échidna. Tu le sais, au moins, que si tu avais lu l’avenir, nous aurions pu nous préparer ? »

Pour toute réponse, la Wynmeris reçut un sourire de son mâle. C’était déjà ça, il ne confondait plus lire les signes de Phœbe et lire l’avenir. Malheureusement, toutefois, lire l’avenir n’était pas une science et Dhavala ne pouvait répliquer cette capacité autrement que par la lecture des signes de sa déesse.

***

Dhavala et ses compagnons trouvèrent refuge au sein d’un petit attroupement d’Evershas. Il s’agissait d’un campement de fortune en piteux état. Pour cause, les habitants étaient soit trop vieux ou trop jeunes. Le plus âgé parmi les jeunes ne dépassait pas les douze ans, alors que le plus jeune des vieux faisait deux fois l’âge de Dhavala. Il fut rapidement apparent pour les voyageurs qu’ils avaient bien plus à offrir à l’attroupement qu’ils pouvaient recevoir.

Avant de reprendre forme humaine et de devenir redevable d’une manière ou d’une autre, Échidna et Renart cherchèrent à convaincre leur chef de passer leur chemin. Les nouveaux venus cherchaient à s’implanter au Rocher au Clair de Lune et devenir eversha. Cet attroupement était un ramassis d’indésirables qui ne formait même pas une meute. Aider la veuve et l’orphelin ne figuraient pas dans les valeurs evershas, alors il n’y avait aucun gain pour Dhavala et ses compagnons de finir embourber dans les supplications des faibles. L’avis de la Wynmeris et du réceptacle fut toutefois promptement ignoré et un subtil, mais menaçant grognement les rappela à l’ordre.

Le défunt clan Himsaru avait connu une longue et lente agonie. Ce clan avait bien des défauts, mais la valeur de l’entraide était inculquée dès le plus jeune âge. Le Rocher au Clair de Lune était impitoyable envers ceux qui ne vivaient pas dans les bonnes grâces de la Déesse Totem et des Dynasties. Entre infortunés, l’entraide avait plus de valeur que toutes les richesses matérielles.

La meute obéie donc à son chef, malgré la futilité de ses efforts. Originaire de l’Antre des marais, Échidna avait appris qu’il n’y avait aucun avantage à se faire respecter des faibles et des pauvres. Elle avait toujours obtenu de meilleurs résultats en exploitant tous ceux qui pouvaient être exploités. Pour s’élever, il fallait pousser les autres vers le bas, car tel était la société en ce lieu maudit. Renart, pour sa part, avait passé sa jeunesse sur un navire esclavagiste. Il avait vu son lot de héros se faire briser par le fouet et la famine. L’une comme l’autre ne comprenait pas comment leur chef, pourtant issue d’un milieu tout aussi pauvre et hostile que le leur, pouvait autant se soucier du bien-être d’autrui. Cela dit, c’était précisément ce dévouement envers ses pairs qui mena Dhavala à former, et malgré lui, sa meute.

C’est en prenant place dans la tente des chefs que la différence entre les voyageurs et les vieillards était la plus apparente. Échidna et Renart n’avaient jamais brillé par leur force physique, mais force était de constater qu’en évoluant auprès de Dhavala, ils étaient devenus beaucoup plus imposants qu’ils l’auraient cru. Bien en chair, fort et en bonne santé, le plus faible du trio dominait les quatre chefs combinés. Assis les uns devant les autres, Échidna comme Renart prenaient conscience qu’ils pouvaient fort probablement dévaster l’attroupement s’il leur en prenait l’envie. En se comparant de la sorte, ils eurent un peu honte de leur ventre bien rond et ferme face aux corps mal nourri de ceux qui faisaient leur possible pour donner un avenir aux jeunes sous leur charge.

***

Aucun vêtement n’était de taille à habiller les voyageurs, alors ils reçurent de modestes couvertures pour se couvrir alors qu’un faible feu fournissait à peine assez de chaleur pour éviter aux occupants de la tente de geler.

« દુર્ભાગ્યમાં મારા સાથીઓ વતી, હું અમારા નમ્ર શિબિરમાં તમારું સ્વાગત કરું છું. »
(Au nom de mes compagnons d’infortune, je vous souhaite la bienvenue dans notre modeste camp.)

« મારા પેક વતી, હું તમારી આતિથ્ય સ્વીકારું છું, répondit Dhavala. »
(Au nom de ma meute, j’accepte votre hospitalité.)

Un échange de politesses se poursuivit pendant un moment, où les compagnons de Dhavala peinaient à suivre leur chef. Leur maîtrise du Grimwyn n’était visiblement pas encore assez raffiner pour comprendre les nuances de l’accent régional. De fait, ledit chef, aussi eversha soit-il, avait lui aussi du mal à suivre son interlocuteur par moment. Les deux individus étaient issus de régions bien différentes du Rocher au Clair de Lune, alors la discussion connaissait quelques difficultés. Évidemment, le vieillard ne parlait pas un mot de langue commune et Dhavala avait beaucoup de mal avec le parler de Dhitys, qui servait de dialecte commun aux Evershas qui n’employaient pas le commun.

À la grande surprise d’Échidna, cette incapacité de communiquer efficacement ensemble sembla rapprocher les deux hommes. La Wynmeris ne comprenait pas les subtilités qui semblaient rapprocher les deux Evershas, mais l’atmosphère dans la tente se détendit dès lors, arrachant même quelques rires entre les ainés. C’est seulement de longues minutes plus tard que Dhavala peut s’adresser à ses compagnons en commun et les informer de la situation.

« Apparemment, les choses vont mal ici. Il y a beaucoup de dissidence avec la Déesse Totem.
— Alors, c’est bon pour nous ! S’exclama Échidna. En pleine révolte, ils vont être trop occupés à s’entretuer pour se soucier de nous !
— Non. La Déesse Totem a été choisie par Phœbe. Les signes ne présagent aucun remplaçant.
— Dhavala, tu n’es plus un gamin. Vos Augures, ils sortent des signes de leur cul. C’est juste une insurrection. La reine va reprendre le contrôle ou se faire assassiner. Nous, on reste sagement dans notre coin, on laisse passer la tempête et on jure fidélité au vainqueur.
— Tu ne comprends pas. La Déesse Totem ne sera pas assassinée. Il n’y aura pas de révolte. Ce qui arrive, c’est que les Evershas seront plus divisés et hostiles les uns envers les autres.
— Oh…
— Oui. C’est chacun pour soi. »

La réalité du Rocher au Clair de Lune était que oui, la Déesse Totem était la représentante de Phœbe pour diriger les Evershas. Or, tout ce qui n’émanait pas directement de la bouche de ladite régente était sujet à interprétation. Ainsi donc, plus l’on s’éloignait de la Déesse Totem, moins ses ordres étaient appliqués. C’est pourquoi à un certain point, les grandes Dynasties prenaient la relève, ce qui leur permettait d’instaurer un peu d’ordre au Rocher au Clair de Lune. Dans le cas présent, même les Dynasties commençaient à se distancer avec la monarchie et à agir selon leur bon vouloir. Somme toute, la Déesse Totem ne pouvait plus se fier qu’à sa propre meute. Aussi puissante fût-elle, une meute seule ne pouvait diriger le peuple Eversha.

« Il y a plus, repris Dhavala. Ils sont de plus en plus nombreux à être exilé dans l’Antre des marais.
— Par le cul de Phœbe ! »

Les anciens chefs eurent un mouvement de recul à la réaction brusque de l’imposante Wynmeris. Qu’elle ne puisse pas communiquer en Grimwyn n’arrangeait rien. Échidna comprenait maintenant la situation dans laquelle le trio débarquait. La conviction religieuse des Evershas les empêchait de se révolter contre la représentante de Phœbe, alors ils ne l’écoutaient plus. Celle-ci exilait ses opposants à gauche et à droite, alors l’on se distançait encore plus du monarque. Du coup, Échidna avait plus de chance d’être à nouveau exilé à l’Antre des marais que de s’établir comme Eversha au Rocher au Clair de Lune. Ça, la changeuse de forme se le refusait. Elle avait passé sa vie à souhaiter une vie meilleure. Il n’était pas question que cette vie lui soit retirée, alors qu’elle avait enfin atteint son but.

Retrouvant son calme et baragouinant quelques excuses en Grimwyn, Échidna laissa son mâle reprendre la discussion avec les chefs. Il était eversha, après tout. Il ne s’était écoulé que cinq ans depuis qu’une mésaventure précipita Dhavala hors de sa terre natale. Ce climat d’incertitude et d’injustice ne pouvait pas lui être étranger. Il devait forcément avoir une idée, n’importe laquelle, pour donner à sa meute la chance de bien s’établir à la terre de Phœbe.

1994 mots
1er message

Le territoire de Gargantua

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Échidna eut un pincement au cœur lorsqu’elle mangeait le copieux festin que fournit l’attroupement aux voyageurs. Visiblement, Dhavala ne ressentait aucune gêne à engloutir sa part devant les Evershas mal nourris qui l’observaient attentivement. Avec Renart, les trois invités dévoraient ce qui aurait dû être le repas de toute la communauté. Plus encore même, puisqu’on s’assura que chacun mangea à sa faim, insistant au point que la Wynmeris ne pouvait que se résigner et imiter son chef.

Au soir, la plus belle tente fut laissée à la disposition de la meute, forçant les anciens occupants à prendre place dans de plus petites tentes mal chauffées. Échidna aurait souhaité se faire aussi discrète que ses 150 kilos lui permettaient, mais Dhavala choisit ce moment pour laisser libre cours à ses désirs charnels.

« Qu’est-ce qui te prend ?!? demanda Échidna. Tu n’as jamais exploité les miséreux avant…
— Et c’est à toi que ça pose problème ? questionna Dhavala.
— Non… Oui. Argh ! C’est un autre de tes trucs traditionnels, c’est ça ?
— Les Evershas sont fiers. Ils ne demandent ni la pitié ni la charité. En tant qu’hôte, ils vont faire tout ce qui est en leur pouvoir pour nous satisfaire.
— Vous autres, les Evershas, vous ne pensez vraiment pas à l’avenir… »

***

Échidna se réveilla seule sous ses couvertures. Renart dormait lui aussi, non loin, et sous forme humaine. C’était particulier pour lui de prendre une forme aussi vulnérable pour dormir. D’habitude, il se cachait dans un coin dans la forme de son Totem et la Wynmeris ne retrouvait l’apprenti de son amant qu’après son réveil. Or, le voilà maintenant qui dormait paisiblement. Comme quoi, il progressait. Ce n’est que lorsqu’Échidna daigna enfin se lever pour faire sa toilette matinale qu’elle remarqua que Dhavala s’entretenait à nouveau avec les chefs. À la vue de son amante, toutefois, la conversation pris fin.

« Bonjour ! déclara Dhavala. Les anciens pressentent la venue d’une tempête. Nous sommes invités à rester jusqu’à ce que le temps se calme.
— Je vois. Tu n’as pas l’air content par contre. »

Échidna connaissait son mâle. C’était lui qui avait fini par donner une conscience à la Wynmeris, alors il était évident que la situation ne lui plaisait pas. La convenance voulait qu’il accepte l’hospitalité de l’attroupement, puisqu’il n’avait nulle part d’autre où aller. Cela dit, la situation était critique pour eux. Leurs réserves de nourriture étaient presqu’épuisé. Il n’y avait pas assez de bois pour le feu. S’ils devaient gérer des invités en plus, nul doute qu’ils ne sortiraient pas tous vivants de la saison.

« Alors, gros matou ? demanda Échidna. Tu veux qu’on les dévore pour abréger leurs souffrances ?
— Non. Je prends possession du territoire.
— Ah ! Vous et vos traditions… Tu vas voler leurs terres pour faire d’eux des invités chez eux.
— Ce sont nos traditions maintenant. Je te rappelle que c’est toi qui veux devenir eversha. Moi, je n’ai fait qu’ouvrir la cage.
— C’est bon, je te suis. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?
— Je te conseille de boire beaucoup d’eau. Tu vas en avoir besoin. »

Dès qu’elle eut posé la question, Échidna s’attendit à une réponse de ce genre. Évidemment qu’ils allaient marquer leur territoire. C’était ça, ou bien Dhavala s’était développé un sens de l’humour. Tout comme Dhavala l’avait mentionné, la Wynmeris avait suivi son mâle depuis qu’il la libéra de la cage qui la prédestinait à une vie d’esclave. Résultat, Échidna obtenait ce qu’elle voulait et les conséquences qui en découlaient.

***

Avant de « chasser » l’attroupement de miséreux et d’en faire ses invités, Dhavala et sa meute devaient encore acquérir en bon et due forme ledit territoire. C’est Renart qui demanda si ce lopin de terre enneigé valait la peine. Il s’agissait là d’une question qu’Échidna n’osa pas poser, supposant que son amant y avait vu un quelconque intérêt. La réponse surprise donc la changeuse de forme. Il n’y avait rien de vraiment intéressant en ce lieu.

« Ce n’est pas pour rien que ces evershas se sont établi ici. Il y a un vieux Hessha du nom de Gargantua qui saccage l’endroit et fait fuir la plupart des proies qu’il ne dévore pas. Depuis, les meutes environnantes évitent cette terre. Mais, comme le monstre hiberne pendant la Saison des Neiges, ils sont plusieurs à venir y trouver refuge. Selon les chefs, ça fait une trentaine d’années que des aspirants cherchent à tuer le monstre pour prouver leur courage et leur force. On tue le Hessha et le territoire est à nous. »

Échidna ne comprenait pas pourquoi des Evershas viendraient vivre dans un territoire qu’il savait pertinemment dépourvu de proies, surtout un territoire abritant un monstre qui pouvait se réveiller à tout moment. L’explication qu’elle reçut était fort simple. Les meutes se formaient et se brisaient régulièrement. Ceux qui étaient trop jeunes ou trop vieux pour mériter leur pitance étaient abandonnés aux étendues sauvages. Ces laissés pour compte survivaient comme ils le pouvaient. Les plus chanceux réintègreront une meute lors d’une saison plus généreuse. Les moins chanceux périssaient.

Cela dit, miséreux ou pas, ces changeurs de forme demeuraient des Evershas. Quitte à mourir, ils préféraient mourir fiers. C’est l’une des raisons qui expliquaient le traitement de faveur que recevait Dhavala et sa meute, qui était techniquement encore plus pauvre que l’attroupement. L’autre raison était celle de l’espoir que Dhavala accepte certains des jeunes dans sa meute. Si ne serait-ce qu’une poignée de jeunes pouvaient être sauvées, alors le sacrifice de l’attroupement en valait la peine. Échidna comprenait un peu mieux la logique de ces miséreux, mais le résultat était qu’elle avait encore plus honte d’avoir profité de leurs offrandes.

« Tuer le Hessha ne devrait pas être trop difficile pour nous. Le problème, c’est que nous allons attirer l’attention des meutes du coin. Ils vont tous nous disputer ce territoire. Il va falloir les prendre de court. »

Dhavala expliqua qu’en tant que meute, lui et ses compagnons n’avaient qu’une seule option. Ils devaient s’imposer sur les autres meutes et se tailler une place dans l’échelle sociale. Dans le cas contraire, ils finiraient morts, exilés à l’Antre des marais, ou pires. Nul besoin de dire que ni Échidna ni Renart ne souhaitaient l’une de ces funestes options. Or, prendre les meutes de court, comme le disait Dhavala, c’était les attaquer dans le but de prendre possession de leur propre territoire.

***

La tempête eut bel et bien lieu comme prédit et Dhavala et sa meute continuèrent de profiter des largesses des miséreux. Ceux-ci n’étaient pas dupes. Ils pressentaient les bouleversements à venir, mais c’est en connaissance de cause qu’ils choisirent d’honorer la tradition. D’une part par curiosité, d’une part par espoir, ces laissés pour compte étaient attentifs aux faits et gestes de leurs invités.

Dhavala passa une bonne part de son temps avec les anciens chefs, afin de mieux comprendre les territoires avoisinants et les meutes qui y vivaient. Pour leur part, Échidna et Renart poursuivaient leurs entraînements au combat dans les moments d’accalmies, ce qui attirait chaque fois une foule de curieux, qui souhaitaient voir ces énormes animaux en action. Comme Renart, une bonne partie de ceux-là étaient des réceptacles. Tout comme lui, ils ne maîtrisaient pas encore totalement leur Totem, et il ne s’agissait pas uniquement des plus jeunes. Ils étaient quelques-uns parmi les plus âgés à n’avoir jamais eu la chance de se développer au sein d’une meute. Somme toute, la majorité des miséreux étaient des enfants de Phœbe, tout juste assez stable pour œuvrer en communauté, alors que les quelques gardiens parmi les anciens offraient soins et conseils aux réceptacles dans l’espoir d’améliorer leur situation.

Lors de ces trois jours de tempête, Échidna et Renart découvrirent la réalité de ces « échecs » de la civilisation des changeurs de forme au Rocher au Clair de Lune. C’est uniquement à ce moment qu’ils prirent connaissance de la difficulté de la tâche qu’il avait déléguée à leur chef. Dhavala n’avait jamais caché son passé de vagabond et de son clan en perdition. Échidna et Renart avaient quand même cru que la force brute de celui qu’ils nommèrent chef suffirait à leur offrir un minimum de décence au Rocher, quitte à ne pas vivre dans la luxure. La réalité était tout autre. Cette décence minimale, elle n’était possible que pour les meutes assez nombreuses et craintes pour vivre avec un minimum d’altercations avec ses pairs. Et encore, il suffisait d’une saison de pénurie pour que deux meutes alliées se retournent l’une contre l’autre.

Il était toutefois trop tard pour les regrets. Pour le meilleur et pour le pire, Dhavala avait souhaité revenir parmi les siens et ses compagnons le suivirent de plein gré. Maintenant, il fallait vivre avec les conséquences de leur réussite. Ils étaient devenus des Evershas du Rocher au Clair de Lune. Maintenant, il fallait trouver un moyen d’y vivre.

***

Coller contre son mâle sous les couvertures, Échidna cherchait tant bien que mal à trouver une position confortable qui n’offrirait pas une voie de passage au froid qui se répandait dans la tente en l’absence de feu. La tempête perdurant, il ne restait plus de bois à brûler et donc, s’en était terminé du traitement de faveur. Il en allait de même pour les vivres. Et encore, même en ces temps difficiles, l’attroupement faisait son possible pour satisfaire leurs invités.

« Tu penses qu’ils iraient jusqu’à s’attaquer à nous ? questionna Échidna, incapable de trouver le sommeil.
— Non. Il n’y a que toi pour engraisser tes invités avant de les dévorer.
— Elle ne va pas me lâcher celle-là…
— Entre meutes hostiles, peut-être, mais les communautés respectent leurs morts. »

La meute eut tôt fait de tous prendre place sous les mêmes couvertures. La tempête se calmait dehors, mais le froid n’en était que plus intense. Si Dhavala et ses compagnons étaient en assez bonne forme pour passer la nuit, l’on ne pouvait pas en dire autant du reste de l’attroupement. Il y aurait inévitablement des morts. Cela dit, ces miséreux avaient un avantage, ils pouvaient prendre leur forme animale, aussi affaiblis fussent-ils.

Bien que tous les trois voyageurs disposent d’un Totem avec une fourrure assez dense pour mieux supporter la température glaciale, Dhavala insistait pour rester le plus possible en forme humaine. À partir de maintenant, le trio n’avait plus que leur réserve de graisse pour se sustenter. Or, c’était la forme humaine qui était la moins gourmande. Plus ils passeraient de temps en forme animale et plus vite ils s’affaibliraient.

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Les trois animaux géants quittèrent l’attroupement des miséreux dès l’aube suivant la fin de la tempête. Deux ou trois curieux assistèrent au départ, mais la plupart tâchaient maintenant de survivre jusqu’à la prochaine saison. Certaines y arriveraient, d’autres non. La plupart préféraient d’ailleurs lors sort à celui de leurs invités. De bouche à oreille, la rumeur avait fait son chemin et toute la communauté savait pour la tentative en cours de détrôner Gargantua. Figure de légende, ce monstre avait attiré plus d’un brave dans son antre et des années plus tard, il restait invaincu.

1890 mots
2ème message

Une place dans l’échelle sociale

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Dhavala dirigea sa meute vers l’antre de Gargantua. L’Evergrim savait instinctivement où il devait se rendre, mais les dangers du Rocher au Clair de Lune imposaient bon nombre de détours afin d’éviter des zones de crevasses et les falaises trop abruptes. Les régions reculées du Rocher étaient les moins bien balisées et seule la tradition orale permettait à la population locale d’y faire face. Le chef de meute avait écouté autant d’histoires que possible des anciens de l’attroupement, mais même eux ne savaient pas tout.

Cette progression lente jouait contre les changeurs de forme. Contraints de voyager dans la forme de leur Totem, ils dépensaient leur énergie à un rythme effréné. Ce n’était tout simplement pas possible de voyager lors de Neeha sans un équipement approprié. Puisque cet équipement faisait défaut, le trio devait se contenter de leur forme animale. Ils avançaient de jour et se reposaient la nuit. Cela dit, le chef et meneur disposaient de nombreux atouts magiques. Inexorablement, la meute se rapprochait de son but.

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Il fallut creuser dans la neige pour atteindre l’antre de Gargantua. Si près du but, Échidna et Renart subissaient les contrecoups du stress, du froid, de la fatigue et de la faim. Même avec les difficultés de leurs vies d’antan, les deux changeurs de forme n’avaient que bien peu d’expérience pertinente pour soulager leur conscience. Il faut dire que jamais l’un ou l’autre n’était allé au-devant du danger de la sorte. Sans la conviction inébranlable du chef, le duo aurait abandonné et serait retourné à l’attroupement dans l’espoir d’un avenir meilleur. Évidemment, la chance souriait rarement à ceux qui attendaient passivement que leur vie prenne un meilleur tournant.

C’est dans ces moments que brillait leur chef. Son obstination, sa détermination, sa combativité, rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Il continuait d’avancer, peu importe les obstacles. C’est ultimement pourquoi il devint chef de meute, même s’il ne réclama jamais un tel titre. Quand l’arrière-train dudit chef s’engouffra dans la neige pour pénétrer dans la caverne de Gargantua, il y eut un moment d’hésitation. Pendant un bref instant, Échidna et Renart étaient laissés à eux-mêmes. Ils pouvaient s’enfuir, comme ils l’avaient si souvent fait, ou braver le danger à la suite de leur meneur. C’était là une décision de vie ou de mort. Or, contrairement à ces moments passés, où la lâcheté motiva la fuite, c’est le désir qui motiva la progression. Le désir d’une vie meilleure et d’un avenir sans regret.

***

Gargantua, le Heshas invaincu se dressait devant la meute de changeurs de forme. Ce monstre portait encore en lui des morceaux d’armes brisés, si profondément enfoui dans sa chair que les plaies cicatrisèrent autour. Le mastodonte devait faire dans les trois tonnes, mélangeant les traits de l’éléphant, du serpent et de l’ours. Prédateur ultime, il n’offrait aucune faiblesse, seul le désespoir de la mort.

Aussi grands étaient-ils devenus, Dhavala et sa meute ne représentaient même pas le tiers de la masse du monstre. Il s’agissait du genre d’adversaire qui aurait pu vaincre la forme lunaire de Dhavala, alors le chef de meute n’en était que plus chétif, en comparaison, en ce jour ordinaire. Malheureusement, la pleine lune eut lieu lors de la précédente tempête. Attendre un mois complet pour une possibilité de nuit dégagée ne pouvait être envisagé dans cet environnement dépourvu de nourriture.

En un rugissement, Dhavala fondit contre son adversaire. Pris par surprise, il fallut un temps au Heshas de reprendre pleinement conscience, mais bien trop peu pour permettre à l’imposant tigre de faire plus qu’entailler la chair de Gargantua. Maintenant éveillé, toutefois, le maître des lieux ne retournerait pas paisiblement dans son sommeil. Il n’aura de repos tant qu’il ne resterait qu’un vainqueur et un vaincu.

Maintenant que le chef de meute s’était accaparé l’attention du monstre, Échidna et Renart prirent part à la mêlée. La première resta en retrait, déchainant la pleine puissance de sa magie pour briser l’esprit combatif du Heshas. La grande force et vigueur de Gargantua se traduisait par un esprit quasi impénétrable, mais les assauts mentaux ne laissaient personne indifférent. Même Dhavala, aussi blindé était son esprit, avait des moments de faiblesse. En plein combat, avec le sang et l’adrénaline, la résistance mentale était mise à rude épreuve. Malheureusement, l’imposant tigre ne faisait pas le poids dans ce combat et il ne pouvait à la fois combattre et protéger sa femelle. C’est là qu’intervenait Renart. Invisible, l’apprenti choisissait ses moments pour mordre une partie sensible et retourner se cacher.

Ces attaques coordonnées ne laissaient guère de chance au monstre qui ne savait plus où donner de la tête. Entre le tigre qui régénérait ses blessures à même la force vitale de son adversaire, la chatte qui infligeait le désespoir et l’apathie et le renard qui attaquait aux endroits les moins probables, Gargantua compris que c’était la fin. Ses coups perdirent en puissance, il cessa peu à peu de se défendre et sous peu, les trois prédateurs plantèrent leurs crocs dans la gorge du Heshas.

***

L’attroupement d’Evershas observait, abasourdi, la carcasse de Gargantua être trainée jusqu’au centre de leur camp de fortune par le tigre couvert de sang et de glace. Il y avait là un double non-sens. D’abord, le monstre était mort. C’était une légende qui n’était plus. Ensuite, en plus significatif encore, sa carcasse avait été trainée sur des kilomètres de terrain traitre et accidenté, donnant naissance à une nouvelle légende. Parce que non content d’avoir vaincu l’invincible, le guerrier avait décidé de pavaner avec la dépouille de plusieurs tonnes.

Délaissant sa victime, Dhavala repris forme humaine, ignorant le froid mordant pour s’adresser à la foule qui s’était rassemblée. Ces derniers restaient à distance respectable, d’autant plus qu’Échidna et Renart étaient toujours dans leur forme animale, prêts à passer à l’attaque, malgré l’évidente fatigue qu’ils ressentaient suite à leur mésaventure. Il n’y avait que leur chef qui pouvait, par on ne sait quelle raison, trouver la force de se tenir droit en les circonstances.

« આ જમીનોનો ચેમ્પિયન મૃત્યુ પામ્યો છે. મારા વર્ચસ્વને પડકારવા માટે કોઈ છે?
(Le champion de ces terres gît mort. Y a-t-il quelqu’un pour contester ma dominance ?) »

Aussi rapidement qu’ils s’étaient approchés, les miséreux de l’attroupement se dépêchèrent de reculer. Seuls les anciens chefs restèrent sur place. À leur âge, il était difficile de déterminer s’il s’agissait de bravade, ou de leur incapacité à fuir même si leur vie en dépendait. Cérémoniellement, le plus ancien des ainés s’approcha du jeune chef. Il lui mit sa main à l’épaule et le mouvement fut imité par Dhavala.

« આપણે કોઈને પડકાર આપી શકતા નથી. આ જમીનો તમારી છે. અમને છાવણી તોડવા દો અને અમે તરત જ નીકળીશું.
(Nous ne pouvons contester qui que ce soit. Ces terres sont tiennes. Permets-nous de lever le camp et nous partirons sur le champ.) »

« હું સ્વીકારું છું. દરેક જે મારા પેકમાં નથી તે મારી જમીન છોડી શકે. તમારી પાસે પરો. સુધી છે.
(J’accepte. Que tous ceux qui ne font pas partie de ma meute quittent mes terres. Vous avez jusqu’à l’aube.) »

Le vieillard recula, s’inclinant respectueusement, puis retourna avec les autres. Dhavala reprit dès lors sa forme animale, incitant ses compagnons à venir prendre place à ses côtés. Échidna et Renart avaient à peu près compris l’échange qui venait d’avoir lieu. Plutôt qu’une discussion avec un fort accent, les paroles semblaient plutôt cérémonielles, donc plus faciles de compréhensions pour ceux qui œuvraient toujours à la maîtrise du Grimwyn. C’était donc une surprise pour eux que leur chef demande aux miséreux de partir. Échidna était pourtant certaine que son amant souhaitait venir en aide à ces derniers.

La suite surprit les Evershas en devenir. La foule se dispersa rapidement. Une partie des miséreux s’appliqua à défaire leur tente et rassembler leurs maigres affaires pour quitter le camp et braver les dangers de la Saison des Neiges. La majorité, toutefois, se présenta l’un après l’autre pour apporter une offrande à l’imposant tigre. Il ne fallut pas longtemps à Échidna et à Renart pour comprendre que ces miséreux offraient leur bien le plus précieux afin de recevoir une place dans la meute de Dhavala. Au terme de la journée Dhavala, Échidna et Renart avaient de quoi se vêtir, ainsi que divers bijoux et accessoires en tout genre.

À la tombée de la nuit, Dhavala, Échidna et Renart étaient confortablement installés dans une tente avec plus de fourrures qu’ils ne pouvaient utiliser. Le manque de feu se faisait toujours sentir, mais bien moins cruellement que lors des premières nuits de la meute en tant qu’invités. Il faut dire qu’ils bénéficiaient alors que de quelques dons, alors qu’ils possédaient maintenant tout le contenu de la tente. Échidna avait encore une petite pensée pour tous ceux qui dormiraient moins bien cette nuit, mais entre l’épuisement et le stress, la Wynmeris n’en était que plus heureuse de profiter de cette relative luxure.

« Alors ? demanda Échidna. Ça y est, nous sommes des Evershas, maintenant ?
— Oui, lui répondit Dhavala à moitié endormi. »

Visiblement, ce n’était pas ce soir qu’Échidna allait obtenir grand-chose de son mâle. C’était dommage, elle avait une montagne de questions à poser.

***

Le lendemain, le camp de la meute avait bien changé depuis la veille. Ils étaient assez nombreux à avoir quitté l’attroupement. Il y avait donc de grands vides entre les tentes autrefois serrées les unes contre les autres. Dhavala expliqua que ceux-là considéraient que leurs chances de survie étaient meilleures en tentant leur chance contre le froid et la neige. Même parmi ceux qui étaient restés, plusieurs ne s’attendaient pas à ce que la meute n’atteigne la prochaine saison.

« Je vois que ce n’est pas la grande joie… soupira Échidna.
— C’est normal, affirma Dhavala. La plupart des nouvelles meutes ne durent pas longtemps. Si ce n’était pas du gros bloc de viande gelé, ils auraient été encore plus nombreux à partir. »

C’était là le prochain questionnement d’Échidna. Comme ses compagnons, elle avait pu se repaître à la mort de Gargantua. Le monstre avait été éviscéré et Dhavala avait fait de son mieux pour préserver autant de viande que possible. Accessoirement, il n’aurait jamais eu la force de trainer la carcasse sans la délester du plus de poids possible. Or, depuis le temps, le corps gela complètement. Sans feu, il allait être difficile d’avoir accès à cette nourriture. Échidna n’eut pas de réponse, mais elle fut invitée à rejoindre son amant dans une rencontre avec les anciens.

Les anciens chefs sont tous partis au cours de la nuit. Peu importe leur âge, un chef de meute demeure chef jusqu’à sa mort. Ceux-ci acceptèrent de coopérer puisque personne n’avait autorité sur l’attroupement. Après avoir acquis le territoire, Dhavala forçait ces vieillards à l’exile ou à la soumission. Puisqu’ils avaient tous quitté, ça en disait long sur leur foi en les capacités du nouveau maître des lieux.

Les anciens avec qui Dhavala voulait s’entretenir étaient les quelques gardiens de Phœbe qui veillaient sur le reste de l’attroupement. Ils n’avaient pas l’autorité ou les convictions des anciens chefs. Cela dit, de par leur expérience avec les réceptacles, ils étaient plutôt désirables. Si ce n’était de la rigueur de la Saison des Neiges et de leur âge avancé, ils auraient facilement pu rejoindre l’une des meutes environnantes. Des six, quatre choisirent de prêter allégeance envers Dhavala. Évidemment, il s’agissait des plus mal en point du lot.

À la surprise d’Échidna, Dhavala débuta la conversation en langue commune, plutôt qu’en Grimwyn. Malgré un fort accent, les gardiens réussirent tant bien que mal à communiquer leurs idées. Dhavala chuchota à sa compagne qu’en tant que son amante, elle était deuxième dans la hiérarchie de la meute. Maintenant que les anciens chefs étaient partis, il n’y avait plus aucune raison de respecter la tradition d’autrui. C’était donc au reste de la meute de s’ajuster.

1979 mots
3ème message

Bienvenu au Rocher au Clair de Lune

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La nouvelle meute de Dhavala avait une trentaine de bouches à nourrir. Cela dit, à part lui-même et ses compagnons, Échidna et Renart, ils étaient tous trop âgés, ou trop peu, pour réellement apporter leur juste contribution à la meute. Et encore, la plupart souffraient de malnutrition. Le chef de meute n’avait pour le moment pas grand-chose en sa faveur et il devait déjà entamer des manœuvres hostiles envers les meutes voisines.

« Pour l’instant, personne ne viendra nous attaquer pendant Neeha, mais dès Teanvi, ça va changer, déclara Dhavala.
— Il y a trois meutes qui ont des droits ancestraux sur le territoire de Gargantua, précisa l’un des anciens. Quand le monstre a tué le grand chef et ses guerriers, la meute d’origine s’est divisée entre ses descendants. Aujourd’hui, il en reste trois et chacune veut restaurer la meute d’antan.
— Est-ce qu’on a moyen de négocier avec une de ces meutes ? demanda Échidna. Ça permettrait d’équilibrer les forces.
— Non, lui répondit un autre ancien. J’étais dans la meute d’origine. Celles-là n’ont rien à voir. Ce sont des bâtards, des charognards sans foi ni loi ! À la moindre occasion, ils vont nous trahir.
— Ça simplifie les choses. Est-ce qu’ils savent où est ce camp ?
— Je ne pense pas, affirma un troisième ancien. Les chasseurs évitent le territoire de Gargantua. Les rivières sont riches en poissons, mais entre la neige et la glace, c’est trop d’efforts.
— Je peux confirmer pour une de ces meutes, déclara le dernier ancien. Elle évite le territoire comme la peste.
— Si je comprends bien, vous venez tous d’une ou l’autre de ces meutes ? questionna Échidna. Est-ce qu’on peut vraiment vous faire confiance ? »

Le commentaire de la Wynmeris laissa un froid à la discussion. D’abord, parce qu’ils n’avaient aucun moyen de démontrer leur bonne foi à leur nouveau chef. Ensuite, parce qu’eux-mêmes réalisaient qu’avant leur exile, ils avaient été ennemis. Tous les yeux étaient tournés vers le chef qui resta silencieux pendant un moment. Un profond gargouillement d’estomac ne laissait présager rien de bon.

« Des Totems de toutes sortes ont rejoint la meute, Échidna. Chacun n’a que deux aspirations, vivre et prospérer. À la moindre occasion ils nous trahiront sans hésiter. Cela dit, ce n’est pas ceux qui sont restés qui sont à craindre, mais ceux qui sont déjà partis. »

Dhavala expliqua que la fidélité d’un Eversha était relative à son bien-être. Ceux qui ont rejoint la meute l’ont fait parce qu’ils y ont vu leur meilleure chance non seulement de vivre, mais aussi de prospérer. À l’inverse ceux qui sont partis ont vu une meilleure opportunité ailleurs. En d’autres mots, ceux-là s’en sont allés rejoindre les trois meutes pour leur apporter la nouvelle de la mort de Gargantua et des informations sur la meute qui s’est approprié le territoire.

« Je ne pense pas que quiconque encore ici à quoi que ce soit à apporter à nos adversaires qu’ils n’ont pas déjà, précisa Dhavala.
— C’est aussi de notre avis, avoua le plus âgé des anciens dans un soupir de soulagement.
— Bon, ajouta Échidna. Alors on une trentaine d’incapables à nourrir, un territoire pauvre en ressources, trois meutes sur le dos et nos ennemis savent déjà tout sur nous. J’oublie quelque chose ?
— Ah ! Ça me rappelle mes jeunes années avec le grand chef… radota l’un des vieillards, une larme aux yeux.
— Parce qu’en plus ça vous fait plaisir !?! fulmina Échidna. »

La Wynmeris était à deux doigts d’étrangler ces vieillards quand son mâle éclata de rire. La sincérité et la satisfaction de son amant prisent Échidna de court. Les anciens souriaient eux aussi, trouvant une satisfaction à la situation qui échappait à la changeuse de forme.

« Bienvenu au Rocher au Clair de Lune ! »

***

Les jours qui suivirent, Dhavala, Échidna et Renart rapportèrent une bonne quantité de bois pour alimenter les feux de la meute. Grâce à leur taille et à leur poids, ces Totems surdimensionnés pouvaient grimper aux arbres et briser de larges branches. Ainsi, le bloc de viande pouvait être graduellement dégelé et consommé par la meute. Les talents de cuisiniers du chef de meute furent mis à rude épreuve, accomplissant des miracles avec presque rien. Somme toute, l’artéfact magique en sa possession lui assurant une réserve inépuisable d’épices comptait pour beaucoup. Même de la viande de Heshas devenait passable après être passée par les compétences en cuisine sauvage du chef de meute.

Très vite, les miséreux de la meute reprirent des couleurs et le camp devint graduellement plus actif. Échidna réorganisa le camp de sorte de réduire le nombre de tentes, entassant un plus grand nombre d’Evershas dans celles qu’elle choisit, réduisant la consommation de bois et permettant d’accéder aux matériaux composants ces tentes afin de concevoir quelques outils. L’économie de bois permit d’installer un abri de pêche sur glace, où plusieurs vieillards se relayaient pour surveiller les lignes.

Au bout de deux semaines, les besoins élémentaires de la meute de se nourrir, de se réchauffer et d’avoir un abri décent furent suffisamment comblés pour s’occuper de l’état de santé des individus. Il restait de nombreuses séquelles des précédentes conditions de vie à gérer avant de pouvoir répartir les corvées du camp. Pour certains, c’était la première fois en de nombreuses semaines qu’ils reprenaient forme humaine. Pour d’autres, c’était l’inverse, ils pouvaient enfin se servir de leur imposant Totem pour apporter leur contribution à leur nouvelle communauté.

***

La nouvelle réunion avec les gardiens de Phœbe se passa dans une ambiance beaucoup plus chaleureuse et conviviale que la précédente. Cette fois, elle avait lieu autour d’un grand festin et les quatre anciens paraissaient en bien meilleure forme. Ils demeuraient des vieillards au crépuscule de leur vie, mais l’on pouvait sentir qu’ils leur restaient encore quelques années de vigueur, preuve de la résilience des hommes-animaux. Pour l’heure, ils encourageaient l’appétit vorace de leur chef et de sa compagne, mais ils savaient que cette réunion était de funeste augure.

« Mieux vaut commencer si on ne veut pas y passer la nuit, déclara Dhavala aux cinq individus dans sa tente.
— Mais non, prenez votre temps. Je ne voudrais pas qu’Échidna nous dévore !
— Aucune promesse ! rota Échidna en réponse à la blague de l’aîné. »

L’appétit sans limites d’Échidna était le signe que son cycle débutait. D’une part, le couple allait avoir une nuit très active au terme de la réunion. De l’autre, la pleine lune approchait, marquant le début de la fin pour la Saison des Neiges. Les prochaines saisons apporteraient avec elles leurs propres difficultés et il y avait fort à parier que les premières attaques seraient lancées pour le contrôle de la terre de Gargantua.

La Wynmeris se laissa tomber sur ses couvertures, exposant son énorme ventre, implorant son mâle de lui faire un massage en retirant ses vêtements. Elle ne se souciait absolument pas des anciens ou de la réunion. Dhavala se leva pour prendre place plus près de sa femelle. Maintenant que Gargantua n’était plus, le couple était les individus les plus grands et les plus gros de la région, que ce soit dans leur forme humaine ou celle de leur Totem. C’était d’ailleurs particulièrement intimidant de se retrouver devant ces immenses changeurs de forme. Lorsqu’ils étaient debout, la plupart des interlocuteurs de Dhavala ou d’Échidna ne dépassaient guère leur nombril. Il y avait là une source d’inquiétude pour leurs adversaires et de réconfort pour leurs alliés.

Le massage d’Échidna permis au chef de lui aussi détourner son attention du festin et de débuter la réunion pendant que la Wynmeris ronronnait de plaisir. Les quatre gardiens prirent l’un après l’autre la parole pour dévoiler sa pensée.

« D’après moi, il n’y aura pas d’attaque d’ampleur avant Renha. Après trente ans à nous battre pour venger la mort du grand chef et de retrouver la prospérité perdue, des brutes écervelées et des traitres perfides ont profité de la situation pour prendre le contrôle de la région. Ça fait un bon moment qu’ils se servent de Gargantua pour écarter leurs rivaux. La mort du monstre va les forcés à l’action, mais ils sont trop couards pour risquer leur position. »

« Je suis d’accord. Je suis convaincu que dès qu’un des chefs se démarquera, la majorité se ralliera à lui. D’ici Renha, ce sera une horde qui déferlera sur nous. Ils n’épargneront personne. »

« Je ne pense pas. Ça fait trop longtemps que ces meutes se battent les uns contre les autres. Ils s’en fichent de l’honneur ou de la tradition. Moi, je dis qu’ils vont s’entretuer bien avant de s’en prendre ouvertement aux tueurs de Gargantua. En revanche, ils ne vont pas nous rendre la vie facile. Sans le monstre, ils n’hésiteront pas à voler nos ressources. »

« Pour ma part, je pense que les trois meutes vont nous harceler dès qu’ils le pourront. Selon moi, plus personne ne veut vraiment reconquérir le territoire du grand chef. Ils vont quand même se débarrasser de nous pour s’assurer que nous ne devenions pas une menace. »

Plus ou moins concentrer sur les dires des gardiens, Dhavala continuait le massage de sa partenaire, engloutissant de copieux morceaux de viande à l’occasion. Le chef de meute remercia les anciens pour leurs conseils, puis dévoila son opinion.

« Je ne vais pas attendre que nos adversaires se préparent. Nous attaquerons à la prochaine pleine lune. Si Phœbe le veut, la lune sera bien visible dans le ciel et ce sera un massacre. Dans le cas contraire, nous agirons avec prudence, mais nous agirons quand même. »

La discussion se poursuivit pendant quelque temps, mais se détourna rapidement du conflit à venir pour se concentrer sur l’état de la meute. Il n’y avait pas grand-chose à dire, puisque seuls Dhavala, son amante et son apprenti étaient d’une réelle valeur au combat. Quand le chef de meute disait qu’il attaquerait, le reste de la meute n’avait guère plus que des rôles de soutien. La rencontre avait davantage comme but de démontrer une relation privilégiée avec les gardiens et d’établir une notion de hiérarchie dans la meute.

Au bout d’un moment, Échidna n’en put plus d’attendre et chassa les gardiens de la tente afin de recevoir la pleine attention de son mâle. Les tentatives infructueuses d’aboutir à une naissance jusqu’à présent ne faisaient que motiver davantage les relations entre la femelle et son mâle.

***

Les jours qui suivirent se déroulèrent sans problème. La Saison des Neiges tirait à sa fin, alors le temps s’assouplissait. En cette troisième semaine d’existence, la convalescence des blessés de la meute progressait. L’un des gardiens, qui possédait la maîtrise de la magie curative, fut d’un grand secourt afin que la plupart s’en sorte avec des séquelles moindres, surtout pour la dizaine de jeunes. C’était d’ailleurs avec ceux-ci que Renart passait la majorité de son temps, maintenant. C’était l’ordre de son chef et mentor. Puisqu’il évolua en solitaire loin de siens, Dhavala considérait primordiale pour sa progression qu’il apprenne à vivre en communauté.

Accessoirement, que Renart développe une meilleure relation avec ces réceptacles permettait à Dhavala lui-même de s’en approcher plus facilement, puisque Renart adoptait naturellement la position de chef de bande. Plus fort, plus âgé et plus expérimenté, le renard se retrouva bien entouré, parfois malgré lui. La solitude lui était dès lors impossible. Même l’invisibilité ne suffisait pas à empêcher ces inlassables boules d’énergie de suivre et d’apprendre par l’exemple.

Les gardiens furent plutôt excités que leur chef prenne part à l’éducation de ces jeunes. Ils étaient deux ou trois à avoir éveillé leur Totem, alors que les autres le feraient d’ici quelques années. Avoir un modèle avec plus de vigueur et de fougue que des vieillards en exiles allait être particulièrement bénéfique. C’est en jouant avec ceux-ci que Dhavala eut une idée. Lui-même, Échidna et Renart avaient été transformés par leur séjour aux Terres du Lac Bleu. Cette transformation, le chef de meute pensait être en mesure de la répliquer.

2022 mots
4ème message

Les géants de Gargantua

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Dhavala, Échidna et Ladon, le plus jeune des gardiens de Phœbe, prirent place à l’intérieur de la tente des chefs. Le chef de meute avait eu une idée risquée pour assurer la prospérité de sa meute ainsi que de sa place au Rocher au Clair de Lune. Dans quelques jours à peine, Dhavala mènerait sa meute dans son premier raid contre ses adversaires, désireux d’acquérir le territoire de Gargantua, le monstre vaincu par Dhavala et ses compagnons. Il s’agissait d’une manœuvre risquée, qui allait précipiter l’inévitable confrontation avec les meutes environnantes.

***

Mis à part Dhavala, sa compagne et son apprenti, la meute comprenait quatre groupes d’Evershas. Le premier groupe était composé d’une dizaine de jeunes, seulement trois assez vieux pour avoir éveillé leur Totem. Le deuxième groupe était composé d’une poignée de réceptacles adultes, mais trop instables et imprévisibles pour participer activement à la vie communautaire. Le troisième groupe était composé d’une douzaine d’enfants de Phœbe assez âgés pour être grands-parents. Finalement, il y avait les quatre gardiens de Phœbe, dont le plus jeune, Ladon, dépassait les soixante ans. En d’autres mots, la force combattante de cette meute se restreignait à Dhavala et ses deux compagnons.

La situation n’était pas désespérée pour autant. À eux seuls, Dhavala et Échidna étaient bien plus fort que l’Eversha moyen. Puisqu’ils vainquirent Gargantua, alors que personne d’autre n’y arriva en trente ans, il était plus que probable qu’aucun de leurs adversaires n’ait la force de triompher d’eux en combat équitable. Cela dit, la force d’un chef de meute ne se limitait pas à sa force individuelle, mais à celle de sa meute. C’est là que les rôles s’inversaient et Dhavala devenait le plus faible des quatre chefs en droit de réclamer le contrôle du territoire de Gargantua.

Il n’existait que deux méthodes pour augmenter la puissance d’un chef de meute : acquérir une meute plus nombreuse ou augmenter la force individuelle des membres la composant. Dhavala ne pouvait espérer aucun nouveau membre, alors il n’avait d’autre choix que d’œuvrer avec les ressources présentement disponibles. Pour ce faire, le chef de meute se servit de Renart comme point de référence et força chacun à démontrer ses talents. Sur la trentaine, deux réussirent à tenir plus de quelques minutes contre le renard surdimensionné et un triompha : Ladon.

***

« Ladon, déclara Dhavala.  Je veux faire de toi mon bras gauche. Tu deviendrais mon principal conseillé et ton autorité ne sera éclipsée que par moi ou mon amante.
— Ces jeux de pouvoir ne sont plus de mon âge, répondit-il. Qu’on me laisse avec les anciens à enseigner mon savoir aux jeunes.
— Justement, répliqua Échidna. Sous peu, ces vieillards ne seront guère utiles pour s’occuper des réceptacles. Savais-tu que dévorer la chair de Gargantua permettait d’acquérir son pouvoir ?
— Sottises. Vous ne vous servirez pas de moi pour enseigner des faussetés aux réceptacles.
— Oh, et si c’était vrai ? On s’en moque du pourquoi, mais si ceux ont dévoré ce monstre gagnait du pouvoir, ne crois-tu pas que ce serait la conclusion la plus logique ?
— Humph ! Je suis un guérisseur. Ils vont me demander conseil bien avant de croire à une supercherie.
— Je suis d’accord. Toutefois, comment expliqueras-tu la chose si les réceptacles de la meute venaient à soudainement gagner en puissance ? Que leur diras-tu pour les convaincre qu’ils ne tirent pas ce pouvoir de la chair de Gargantua ? Que feras-tu quand ils cesseront de t’écouter ?
— Je… Je vois. Effectivement, le temps que je découvre la vérité, plusieurs auront trouver leurs propres explications. Ils n’accepteront pas tous les faits.
— Donc, nous sommes d’accord. Il y aura au moins un hurluberlu pour clamer que c’est la chair de Gargantua qui est la source du pouvoir. Et puis ? Ça va rester tranquillement dans le rang ? Moi, je dis qu’ils vont commencer par ignorer les conseils des anciens, puis ils vont se rebeller contre leurs chefs.
— C’est possible. Il n’y a pas de lien de sang entre la plupart des membres de la meute.
— Et selon toi, vont-ils se rallier à nous ennemis, ou vont-ils affaiblir la meute et nous rendre encore plus vulnérables aux attaques ennemies ? D’après moi, le pouvoir va leur monter à la tête et ils se croiront les maîtres du monde.
— Je te le redemande, Ladon, acceptes-tu de devenir mon bras gauche ?
— Humph ! Ai-je vraiment le choix ? »

Dhavala expliqua alors comment lui et sa meute se transformèrent en géants lors de leur séjour aux Terres du Lac Bleu. La source d’eau abreuvant les changeurs de forme et les animaux qu’ils chassaient contenait de minuscules cristaux magiques. Lentement, mais sûrement, cette magie imbiba leur corps, jusqu’à ce que la lueur de la pleine lune devienne la catalyse d’une transformation physique. Or, si la conclusion des Magiciens qui analysèrent le phénomène était juste, cette transformation était davantage un effet d’une surcharge de magie sur la physionomie transformative des Evershas, qu’un effet des cristaux eux-mêmes. En d’autres mots, il était théoriquement possible de répliquer cette soudaine croissance et à l’extérieur des Terres du Lac Bleu. Si cette théorie s’avérait véridique, une magie assez forte, telle que celle de Dhavala et d’Échidna, pouvait répliquer cette transformation.

Ladon écouta les dire de son chef et compris ce qui était attendu de lui. En acceptant ce don en premier, il pourrait par la suite adéquatement enseigner aux réceptacles qui le recevraient par la suite. Du moins, tel serait sa vocation s’il survivait à la transformation. Visiblement, il serait le premier candidat âgé à subir un tel fardeau. Le gardien de Phœbe resta silencieux pendant un long moment, réfléchissant aux conséquences à long terme de sa décision, non seulement pour lui, non seulement pour la meute, mais pour la région tout entière.

« Je serai franc. Sans ce pouvoir, notre meute n’a aucun avenir. Aujourd’hui, trois meutes réclament notre territoire. Si nous triomphons, nous aurons de nouveaux adversaires. Sans ce pouvoir, aucun lien ne nous unit. Tôt ou tard, la meute se divisera.
— Humph ! C’est bon, j’accepte. Foutue vieillesse et la sagesse qui vient avec. Je vois bien que si ce n’est pas moi, ce sera un autre, puis un autre et un autre encore… Vous ne vous arrêterez pas jusqu’à ce que vous ayez transformé toute la meute. Ce n’est plus de mon âge ces conneries…
— Faut voir le bon côté, vieux schnock, maintenant, la meute devra te torcher le cul au lieu de te laisser croupir dans ta tente à attendre de crever ! »

Ladon demanda combien de temps il avait pour se préparer. Dhavala déclara qu’il comptait entamer le processus à l’instant même, afin que s’achève la transformation dès la prochaine nuit de pleine lune. Échidna, pour sa part, ajouta que si le vieillard était chanceux, tout serait fini d’ici trois jours. Autrement, il passerait les prochains mois à engraisser, ce qui n’était pas pour ravir l’intéressé.

« Tu es du Totem de la couleuvre, non ? Quand se sera terminé, tu seras un immense serpent ! Ne t’inquiète pas, ça ne fait pas mal. C’est même plutôt plaisant comme expérience ! »

***

La meute ne réagit que très peu à la nouvelle que Ladon devint le bras gauche de leur chef de meute. Personne ne revendiquait vraiment cette position, plutôt déconnecté avec leurs chefs. Cette tentative de rapprochement ne fonctionnerait pas. Comment le pouvait-elle ? Les plus jeunes quitteraient la meute à la première occasion et les autres ne souhaitaient qu’un peu de répit avant leur inévitable trépas. La principale source de commérage se tournait plutôt vers l’attaque imminente de leur chef contre l’une des meutes rivales.

Toute la meute avait ordre de s’impliquer lors de l’attaque, mais pratiquement personne ne devait combattre. C’était une situation plutôt absurde. Le chef Dhavala avait organisé la meute en diverses petites équipes qui avaient pour tâche de piller des biens et d’éviter les combats. Il y avait donc de l’hésitation quant à la marche à suivre. Si plusieurs parlaient de désertion, ils ne trouvaient guère d’oreilles attentives confrontées à l’appât du gain. Après tout, la désertion ne serait-elle pas plus facile avec des biens précieux pour marchander ? Le chef avait été clair, seule une partie du pillage lui reviendrait. Du coup, ne valait-il pas mieux retarder la désertion après le pillage, ou au minimum, après avoir eu la chance d’acquérir quelques biens ?

La curiosité et la convoitise semblèrent l’emporter, puisque le jour de l’attaque, la meute ne comptait encore aucune désertion. Cela dit, cette soudaine fidélité envers la meute était bien fragile. L’instinct de survie primait toujours sur la convoitise.

***

La journée précédant la pleine lune fut une journée ensoleillée, un bon présage pour une nuit éclairée par l’astre lunaire. Dhavala et Échidna passèrent pratiquement tout leur temps de la journée dans leur tente en compagnie de Ladon. Ils étaient nombreux à penser qu’ils s’affairaient à préparer le raid de la nuit, mais la réalité était toute autre. Si la pleine lune prenait bel et bien place dans le ciel nocturne, Ladon pourrait compléter dès lors sa transformation en géant. Le rituel pour arriver à cet effet étant encore trop incertain, Dhavala et Échidna combinaient leurs efforts pour infuser suffisamment de magie dans le cor du vieux gardien. Nul doute que la manœuvre était excessive, mais pour l’avenir de la meute, le rituel ne pouvait échouer.

La nouvelle des géants de Gargantua devait se répandre et il fallait une preuve que ce n’était pas exclusif à Dhavala et sa compagne, mais à toute sa meute. Ainsi seulement, l’on y réfléchira à deux fois avant d’attaquer cette meute de géants. Une fois le premier rituel réussi, il sera possible de l’améliorer et de faciliter la transmission du gigantisme. Renart n’avait pas une force magique assez puissante pour transmettre ce pouvoir, mais Échidna espérait que Ladon en était capable. Il n’était pas aussi puissant que ses chefs, mais il se démarquait de la moyenne.

Avec son aide, Dhavala espérait transmettre son pouvoir à trois membres de sa meute à la prochaine pleine lune, possiblement d’autres parmi les gardiens de Phœbe. Le chef de meute n’avait toutefois pas l’intention d’imposer une telle transformation à ses membres. Somme toute, il suffisait d’une ou deux transformations et d’une attaque réussie pour que la rumeur se répande et incite les meutes environnantes à prioriser des relations amicales, plutôt qu’hostiles.

Renart, pour sa part, profitait des derniers conseils des anciens pour se montrer digne de son mentor. Selon ces derniers, et avec l’approbation de Dhavala, le jeune réceptacle serait reconnu enfant de Phœbe si l’attaque de la nuit réussissait. Plus qu’une reconnaissance de ses pairs, il s’agissait du droit d’assister aux cérémonies religieuses et par le fait même, la reconnaissance de Phœbe elle-même, de son cheminement.

Dès lors, Renart ne serait plus simplement l’apprenti de Dhavala, mais un membre à part entière de la meute. Pour peu que la meute survive assez longtemps, il s’agissait d’un immense privilège. Renart serait ainsi le seul enfant de Phœbe en âge de se marier de la meute, ce qui lui accorderait un statut privilégié dans les années à venir.

***

L’astre lunaire illumina les cieux du Rocher au Clair de Lune et changea à jamais la vie dans l’une de ses régions reculées. La meute de Dhavala ne s’était jamais vraiment souciée de la force de son chef. Les jeunes ne regardaient pas plus loin que la nourriture qui suivit l’arrivée de ce géant. Les vieux, qui ne pouvaient réellement appréhender la mort de Gargantua, s’imaginaient que leur jeune chef avait profité de l’hibernation du monstre et fait appel à la ruse pour en venir à bout. Même les anciens gardiens de Phœbe, qui pourtant avait passé du temps avec le chef, sa compagne et son apprenti, étaient trop enracinés dans leurs expériences contre le puissant Heshas pour croire qu’une force avait réellement pu opposer Gargantua.

Tout changea la nuit de la pleine lune, où Dhavala et Échidna adoptèrent leur forme lunaire. À ce moment, tous comprirent que la mort de Gargantua ne fut précédée d’aucun astuce ou artifice, mais d’une force encore plus puissante. Et encore, la précédente pleine lune fut voilée par une intense tempête de neige. Ce ne fut donc même pas la pleine puissance de ces titans qui triompha du monstre.

Incrédule, la meute suivit ses chefs vers le camp ennemi. Personne n’osait ne serait-ce qu’envisager une désertion, hypnotisée par les imposantes silhouettes illuminées par le clair de lune. Le sillage du chef et de sa compagne dans la neige dessinait une route bien définie dans le paysage. Le tigre géant surpassait Gargantua dans toutes ses mesures, éclipsant à la fois sa compagne et son apprenti, qui dominaient à leur tour l’ensemble de la meute.

Et au centre de ces trois monstres, il y avait Ladon, qui réalisait seulement maintenant dans quoi il s’était laissé embarquer. Toute crainte avait été chassée de son esprit par l’anticipation d’un tel moment. Le fardeau des années semblait s’alléger tout d’un coup, à l’idée qu’il puisse obtenir un tel pouvoir. Il n’avait que soixante-deux ans, avec ses talents de guérisseur, il pouvait espérer encore une bonne décennie de vie active. L’opportunité qui s’offrait à lui tenait d’un miracle de la déesse de la lune et de la nature.

***

Avec l’aide des anciens, Dhavala avait ciblé la plus puissante meute rivale pour sa démonstration de force. Sans contrôle sur la météo, l’Eversha ne pouvait assurer qu’il bénéficierait de sa forme lunaire, alors ce plan comportait plusieurs risques. Cela dit, maintenant que le ciel était bel et bien dénué de nuages, l’échec devenait fortement improbable.

2286 mots
5ème message

Un nouvel augure

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« L’attaque » de Dhavala n’eut jamais lieu finalement. Les anciens qui conseillèrent le chef de meute avaient une vision un peu trop romancée de leurs anciennes meutes. Trente années à envoyer leurs jeunes les plus prometteurs combinés au faible taux de naissance qui affligea le monde pendant quelques temps avaient fait des ravages sur cette communauté. Ces vieillards n’avaient probablement pas exagéré la malice de leurs anciens confrères, mais leurs capacités militaires étaient douteuses. Cela dit, les conseillers de Dhavala avaient quand même raison sur un point. Aussi fort fût-il, le chef de meute ne pouvait sécuriser son territoire à lui seul.

Gargantua n’étant plus de ce monde, il fallait donner une raison à ces Evershas pour respecter le territoire. Sans dire que Dhavala devait compenser les lacunes de sa terre. Échidna comprise assez rapidement la situation pour reprendre sa forme humaine. Même si cette nuit s’achevait sans bain de sang, sa meute avait des besoins à combler et le rituel de Ladon devait être mené à bien. La seule déception de la Wynmeris, était qu’elle ne profiterait pas autant de la situation qu’elle l’aurait pu.

« Gargantua est mort et nous nous sommes repu de sa chair ! Ce qui était sien est maintenant nôtre, mais n’allez pas croire que vous vous en sortirez à si bon compte ! Notre appétit est vorace et nos besoins sont grands. Résistez si vous voulez, nous nous repaîtrons de votre chair et nous nous soulerons de votre sang ! »

Tel qu’elle le prévoyait, les paroles de la Wynmeris et le grognement de son mâle surdimensionné suffirent à dépouiller la meute tout entière de sa volonté de combattre. Au nombre de tentes, cette meute devait avoir pas loin de deux cents membres, mais même avec la pleine lune, ils n’avaient aucune intention de se battre.

« Dévorer le monstre nous a conféré un grand pouvoir et je vais vous le démontrer ! Approchez Ladon. »

Jouant le rôle qui lui avait été donné, Ladon s’approcha. Comme les trois autres gardiens, Ladon provenait de la meute qui précédait la venue de Gargantua. Ce n’est pas dans cette meute qu’il évolua après la mort du grand chef, mais quelques-uns parmi les aînés pouvaient possiblement le reconnaître. Or, il ne s’en souciait guère. Il s’agissait là de la vie qu’il laissait derrière, au profit de la nouvelle vie promise par son nouveau chef.

« Comme nous, ce gardien de Phœbe à goûter à la puissance et cette nuit, son pouvoir se manifestera. Soyez tous témoins de son ascension ! Comprenez votre place et nourrissez-le jusqu’à satiété, ou nous vous dévorerons vivants ! »

Un nouveau grognement de Dhavala suffit à faire comprendre de l’urgence de l’ordre donné par sa femelle. Ladon adopta la forme de son Totem, une couleuvre, attendant les offrandes qui lui étaient dues aux pieds d’Échidna. Ce serpent normalement chétif d’un mètre de long, se retrouva enhardi par la lueur de la pleine lune, adopta la forme d’un naga, un serpent aux traits humanoïdes. Cette forme était alors tout aussi longue que l’était Ladon dans sa forme humaine, mais bien moins imposante à une fraction de son poids.

À la surprise de tous, le naga engloutit aisément chaque offrande qui lui était offerte, ne cessant de croître au cours du processus. Plus il mangeait et plus vite il grandissait et plus il avait faim. Cela dit, ce serpent n’était rien en comparaison avec le tigre qui demeurait paisiblement couché à la lisière du camp. Aussi affamé était ce serpent en pleine croissance, c’était bien peu comparativement à l’appétit du félin. Enfin, c’est ce que pensèrent les Evershas, mais le serpent dévora plusieurs centaines de kilos de la réserve de la meute, engloutissant à lui seul plus de trois jours de nourriture pour la meute entière.

Au terme de sa transformation, quelques heures plus tard, Ladon était devenu un naga de plus de sept mètres de long et de deux-cents kilos. Il ne s’agissait pas d’une transformation aussi impressionnante qu’Échidna l’aurait souhaité. Somme toute, cette meute s’en tirait bien. Il aurait été une tout autre histoire s’il leur avait fallu nourrir Dhavala. Il faut dire que le serpent n’était pas le plus massif ou le plus vorace des animaux. Cela dit, Ladon comptait maintenant parmi les plus puissants Totems présents, plutôt que l’un des plus faibles.

« Constatez la force que nous avons acquise de Gargantua et réalisez que tous ceux qui ont mangé sa chair pourront en faire autant !  »

***

Le stratagème d’Échidna porta ses fruits. Sous peu, Dhavala reçut de nombreuses offrandes de ses trois meutes rivales dans l’espoir de préserver le statu quo. Cette réaction n’était pas étonnante, à leurs yeux, Gargantua avait été remplacé par une force encore plus puissante. Entre la forme lunaire de Dhavala, les géants de sa meute et les menacent d’Échidna, c’était plus que nécessaire pour démontrer que l’équilibre des forces avait été rompu. Ces trois meutes étaient maintenant vouées à se disperser d’elles-mêmes. Que se soit les jeunes qui désertent, la pression imposée par les offrandes ou les chefs eux-mêmes qui s’exileraient, ces meutes n’avaient plus aucun avenir.

À l’inverse, la meute de Dhavala était en effervescence. Les offrandes reçues n’étaient pas que matérielles. Il y avait plusieurs Evershas dans le lot, des artisans, des adultes en bonne forme et même une promise pour Renart. S’il n’y eut aucun combat, la meute ennemie fut « pillée » en bon et due forme par la meute de Dhavala, car telle était la méthode employée pour déterminer les offrandes dignes de ce nom. Il n’y avait là rien d’honorable, ou même glorieux, mais les Evershas n’offraient aucune pitié aux vaincus. C’était là la voie de la nature. Les forts prospéraient et les faibles dépérissaient.

Comme convenu, Renart fut proclamé enfant de Phœbe devant ses pairs. C’était le premier membre de la meute à ainsi accomplir une partie de son cheminement sociale, qui lui ouvrirait de nouvelles portes au Rocher au Clair de Lune. Dès lors, il accompagnerait sa meute lors des cérémonies dédiées à Phœbe, l’élevant ainsi au-dessus de la masse instable et socialement inapte des réceptacles. Combiné à sa promise, le jeune garçon devenait homme.

Ladon s’adapta assez rapidement à ses nouvelles dimensions. Le rituel avait été un franc succès et la transformation lui donna une force et une vigueur renouvelées. Cela n’effaçait pas pour autant le poids des années, mais lui donna un second souffle, bien assez pour assumer sa position de bras gauche tout en profitant de l’expérience que lui conférait son âge. Cette métamorphose fit l’envie des autres anciens, dont les trois acceptèrent d’être les prochains à recevoir le don du gigantisme.

Somme toute, tout allait pour le mieux pour Dhavala et ses compagnons d’origines. Une fois que la région retrouva son calme et s’adapta à sa nouvelle réalité, la meute se prépara à célébrer ses premiers mariages, celui de Dhavala et Échidna, ainsi que celui de Renart et d’Herméline, sa jeune promise. Il s’agissait du signe indéniable de la prospérité à venir, ce qui ne manqua pas d’attirer quelques voyageurs, aspirants à rejoindre la nouvelle meute. C’était là la réalité de la vie au Rocher au Clair de Lune. Les meutes se formaient et se déformaient sans cesse, engendrant un éternel chaos. Seule la foi envers Phœbe, de sa représentante et les quelques Dynasties, assez vastes, puissantes et influentes, réussissait à unir ce peuple sauvage.

***

Les préparatifs des cérémonies de mariages furent interrompus par des visiteurs si prestigieux que même Dhavala n’eut d’autre choix que de tout laisser tomber pour accueillir comme il se doit. Il s’agissait non plus ni moins de Rakel, l’un des Grands Totems qui avait fait le déplacement jusque dans cette région reculée dans le but spécifique de rencontrer le nouveau chef de meute. Le visiteur fut dès lors invité dans la tente des chefs, pendant que son escorte se vue offerte quelques morceaux de viande séchée pour se repaitre après un si long voyage.

« અમારા વિનમ્ર ટેન્ટ, ગ્રાન્ડ ટોટેમ રાકેલમાં આપનું સ્વાગત છે.
(Bienvenu dans notre modeste meute, Grand Totem Rakel.) Déclara poliment Dhavala.
— Je vous en prie, faite comme chez vous, ajouta Échidna.
— Ainsi donc, le Tigre d’Odon do Dur à fini par revenir au bercail. Arrivé depuis moins de trois mois et déjà la mainmise sur la région, je suis impressionné ! Mais trêve de flatteries. Je ne suis pas venu me geler le cul en fin de Neeha pour interrompre votre mariage sans raison.  »

Le choix de Rakel de s’exprimer en commun était révélateur de ses intentions. Il agissait de la sorte pour signifier qu’Échidna était impliquée dans la discussion, mais aussi pour démontrer qu’il n’avait que faire des protocoles en ce moment. Dhavala comme Échidna se raidirent instinctivement. Il y avait une chance pour qu’ils ne s’en sortent pas vivant si le Grand Totem n’obtenait pas satisfaction.

« J’en ai plein le cul des Vampires et de leurs manigances. J’en ai plein le cul d’Ava et de son incompétence. J’en ai plein le cul de notre race pas foutu de se tenir ensemble ! Je me suis bien fait comprendre ? »

Le Grand Totem reçu de vifs hochements de tête en signe de compréhension. Aussi démesurés étaient le chef de meute et son amante, en comparaison de l’Eversha de taille normale assis devant eux, le rapport de force était hautement inégal. La force combinée de Dhavala et d’Échidna, qui avait eu raison de Gargantua, ne faisait pas le poids contre l’un des Evershas le plus influent et puissant de leur race. De plus, il y avait fort à parier que chaque membre de l’escorte de Rakel soit au moins aussi fort que Dhavala lui-même.

« Toi, la Wynmeris, que sais-tu de l’invasion de Vampires qui se déroule à l’Antre des marais ?
— Presque rien… Je sais juste qu’il y a un coin où les Vampires rôdent. Ils aident les Sorciers à faire du trafic d’esclaves.
— J’y crois pas ! Ça a vécu sa vie là-bas et même pas foutu de savoir qu’on est envahi et qu’on perd du terrain ! Rah!!! On se calme, une respiration, deux respirations…
—   Je sais que les Vampires ont pris possession d’une partie de l’Antre des marais qu’ils ont baptisé Durienrisda. J’ai entendu dire qu’on se bat toujours pour reconquérir ce plateau.
— À la bonne heure ! Tu es le moins con des connards que j’ai rencontrés en six mois ! Félicitation, je fais de toi mon nouveau représentant. Tu t’en vas à Durienrisda et tu te débarrasses des Vampires une bonne fois pour toutes !
—   Je… Ce sera un honneur, Grand Totem !
— Mouais… de l’honneur, hein ?!? C’est une denrée rare par ici. Et on se détend, nom de Phœbe ! Je ne suis pas là pour vous bouffer ! Je peux être généreux aussi. La preuve, je fais de vous des Augures. Et en plus, voilà, vous avez ma bénédiction pour vous marier ! Mais bouger vous le cul, mariez-vous qu’on en vienne au festin ! Il parait que tu es cuistot, tant mieux, comme ça je n’aurai pas l’intention de perdre totalement mon temps.

Et par Phœbe, c’est quoi ça comme nom, Dhavala ? Si tu as les couilles pour enfourcher une femme, tu le fais avec un nom d’adulte, bon sang ! Je te nomme Typhon, une force que nul ne peut opposer. Comme ça, j’aurai l’air moins con quand faudra que je te présente à la Déesse Totem. Allez hop, mariage, festin, bisous-cul-cul ! »

La venue du Grand Totem allait précipiter Dhavala… Typhon et Échidna dans de nouvelles péripéties. Comme quoi, une vie normale au Rocher au Clair de Lune ne leur était pas destinée. Cela dit, maintenant, ils savaient pourquoi ils étaient si nombreux à être « exilés » dans l’Antre des marais. Ce n’était pas tant un exile, plutôt que le conflit avec les Vampires qui prenaient de l’ampleur. La conscription militaire était un concept qui échappait à l’Eversha moyen, alors ceux-ci confondaient avec l’exile.

2010 mots
6ème message et fin du RP