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 Nuit d'insomnie

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Sam 13 Juin 2020, 22:18


Nuit d'insomnie
[Aylivæ]

« S’est-elle endormie ? » Ma voix n’était qu’un doux murmure. Mes yeux, eux, se posèrent sur Karsath qui revenait de la chambre de la petite. Je savais qu’il m’avait entendu. Il hocha la tête, une expression neutre sur son visage. Je souriais doucement, pensant à Sæl : cette enfant apparue par magie dans mon foyer. « Vous devriez faire de même... » Je soupirais. Karsath s’appuya sur le chambranle de la porte de ma chambre, tout en croisant les bras. Assise sur mon lit, je baissais les yeux. « Je resterais avec vous, pendant que vous dormez. » « Ça ne changera rien… » Il y eut un petit silence. J’étais fatiguée. Je ne voulais pas dormir. J’appréhendais mes cauchemars. « Souhaitez-vous que je replace les attrape-rêves dans votre chambre ? » Je levais les yeux vers lui. Sur mon visage, la colère rayonnait. Qu’Harabella soit maudite, elle et ses bibelots inutiles. Je l’avais prié. J’avais imploré sa clémence. Mais pourquoi ? Hein ? Qu’avais-je vraiment fait pour la chagriner à ce point ? Qu’avais-je donc fait pour mériter son abandon ? Je ne trouvais pas cela juste. Non, ça ne l’était pas. Et cette déesse cruelle ne méritait plus rien venant de moi. Tant qu’elle me boudait ou réalisait les vœux de cette pimbêche de Lily-Lune – parce qu’il devait bien s’agir de cela, non ? –, je ne lui accorderais plus un mot. « Je t’avais dit de jeter ces… » Je retins de justesse la vulgarité qui voulait franchir mes lèvres. « Je pensais que vous auriez pu changer d’avis. » « Non. » répondis-je, catégorique.

Je tournais mon regard vers la fenêtre de ma chambre, en face de mon lit. Karsath s’approchait mais s’arrêta au niveau de ma table de chevet. Là, il aligna convenablement les livres qui y étaient posés et fit un peu de rangement en silence. Je quittais l’horizon enneigé pour le regarder faire. C’était une nouvelle manie chez lui. Il l’avait attrapé du jour au lendemain. À chaque fois que je lui rappelais que sa maniaquerie était inutile, il me disait que des livres mal ordonnés pouvaient attirer des visiteurs nocturnes. Je souriais doucement et regardais son profil. « Pourrais-tu t’occuper des documents relatifs au chantier ce soir ? Je travaille dessus depuis des lunes et… Je t’avoue que j’ai l’impression que mes yeux vont éclater à force de voir toutes ces lettres de retards, ces constats d’imprévus, ces… » Je soupirais. Cela faisait presque deux ans que j’avais ouvert un chantier dans le but de construire un temple. « J’ai l’impression qu’il ne se terminera jamais, Karsath… » soufflais-je, légèrement démotivée et désemparée. Le Mur posa sa main à plat sur le tas de livres, enfin parfaitement alignés, et tourna son visage vers moi. « Je me chargerais de vous avancer au maximum. » Il enleva sa main des livres.  « N’ayez crainte. Je sais que vous y arriverez. » Mon sourire se fit tendre tandis que Karsath continuait d’avoir son expression neutre. J’aimais bien ce visage. Il me laissait imaginer les pensées qui lui traversaient l’esprit. « Karsath ? … Finalement, reste avec moi jusqu’à ce que je m’endorme, veux-tu ? » J’aurais dû m’habituer à ces nuits terribles mais… je n’y parvenais pas. La peur était instinctive et je ne savais pas comment la combattre. Oui : j’avais peur de sombrer dans la nuit. J’avais peur de me réveiller l’esprit si tourmenté que la raison m’aurait abandonnée... Karsath, interrompant mes pensées, se contenta de hocher la tête et s’installa dans un des fauteuils de la chambre, dirigé vers mon lit. « Je suis avec vous, Aylivæ. Vous pouvez aller dormir, maintenant. » Mon sourire se fit plus discret. Oui, il était temps que je me mette au lit, moi aussi.

Après avoir retiré mon peignoir, je m’installai sous les couvertures épaisses. Je traînais un peu, faisant durer mes mouvements. Mes pieds rentrèrent en contact avec la bouillotte qui chauffait agréablement le lit. Je les écartai légèrement, de façon à rester à proximité sans me brûler. Un bâillement lutta pour sortir de ma bouche mais je l’en empêchai pour ne pas paraître impolie, bien que je ne fusse qu’avec Karsath. Après quoi, je regardais le plafond de ma chambre, le regard légèrement vide. Quelques secondes passèrent en silence. « Karsath ? » « Oui, Aylivæ ? » « Pourrais-tu fermer la porte ? La lumière me dérange... » J’entendis le cuir du fauteuil crisser un peu alors que le Mur se levait. « Tout de suite. » « C’est curieux. Tu n’oublies jamais d’habitude. » lui faisais-je remarquer. Il ne contesta pas et laissa ses pas le mener à l’entrée de la pièce. À mesure qu’il poussait la porte, les ténèbres plongeaient dans ma chambre. Pourtant, alors qu’il ne restait plus qu’un filet de lumière, il s’arrêta. « Hum… La bestiole veut rentrer. » La bestiole ? Parlait-il de Sæl ou du chat ? Je n’étais jamais certaine. Aussi, je tournais la tête vers l’entrée. C’était la boule de poils. « Laisse-la rentrer… Elle risque de gratter à la porte sinon et je n’arriverais pas à dormir. Et, finalement, laisse la porte comme cela. C’est suffisant. » Un peu de lumière ne pouvait pas me faire de mal si elle luttait contre les monstres qui se tapissaient dans mes cauchemars. « Très bien. » Il s’éloigna de la porte pour retourner sur son fauteuil. Pendant ce temps, le chat sauta sur le lit pour se blottir contre moi. Je souriais et soulevai un peu la couverture pour qu’il puisse s’y faufiler. Le chat, qui était en fait une femelle, se coucha tout contre moi, la tête sur mon bras. Avec ma main libre, je la caressais doucement. Ses ronrons s’élevaient doucement tandis que ses petits yeux se fermaient. C’était apaisant. Peut-être pouvais-je m’endormir plus sereinement ce soir. Je déglutis alors que mes paupières se refermaient.

Un temps passa, sans que je ne cède au sommeil. La chatte, surnommée Quartz, était finalement un peu lourde. J’hésitais à enlever mon bras. Je n’en fis rien, me contentant d’ouvrir les yeux. Je soupirais discrètement. « Voulez-vous que j’aille vous chercher une boisson chaude au chocolat ? » Je souriais. Mes yeux pivotaient dans la direction de Karsath. « Non, ce ne sera pas nécessaire. » Toujours couchée, je le regardais longuement. « Ça va ? Tu n’as pas trop froid ? » Il n’avait pas allumé la petite cheminée de la chambre pour ne pas me gêner avec la lumière et l’odeur de fumée. Dehors, la neige tombait. La température de la pièce était presque glaciale. Je bougeais légèrement pour me redresser un peu. Cela dérangea Quartz qui finit par se lever pour aller sur l’oreiller à ma gauche. « Tout va bien. Je me réchaufferais en allant dans le bureau, dès que vous vous serez endormie. » Je levais les yeux au ciel et me déplaçai vers Quartz qui s’était rendormie. D’un geste rapide, je soulevais la couverture à ma droite. « Viens. » Je tapotais le matelas à mes côtés. En silence, Karsath se leva pour rejoindre le lit. Après s’être assis, il enleva ses chaussures pendant que je regardais son dos. Enfin, il finit par se glisser sous les draps. « C’est mieux, non ? » Il tournait sa tête vers moi. « Oui… Rien ne vous y obligeait. » Je souriais doucement. « Je dois aussi prendre soin de toi. Comme tu prends soin de moi. On est une équipe tous les deux. » Il détourna ses yeux sans rien ajouter, se contentant de regarder le plafond. J’observais son profil un instant en silence, essayant de décrypter ses pensées. Il me semblait étrange.

« À quoi réfléchis-tu ? » « Rien d’important. » Je fis une moue. « Ne me mens pas. » Il n’ajouta rien. Je soupirais avant de me rapprocher. Doucement, je posais ma main sur sa joue pour l’obliger à me regarder. « Je ne veux pas vous blesser par mes mots, Aylivæ. » finit-il par avouer dans un murmure. Je plongeais mes yeux dans les siens. Était-ce de la tristesse que j’y voyais ? Je me blottis contre lui, posant ma tête sur son torse fin. J’entendais son cœur battre. « Parle-moi, Karsath… » Une seconde passa. « Parle-moi, c’est un ordre. » « Bien. » Il marqua un silence, comme s’il cherchait ses mots. Je continuais d’écouter son cœur. « En réalité… Notre situation me trouble, Aylivæ. Je ne pensais pas que vous quitteriez le domaine familial si longtemps. Je ne pensais pas non plus que vous choisirez de rompre vos épousailles avec l’un des Princes des Mers et des Océans. Et pour ce qui est de la bipède que nous avons trouvée… Notre situation m’échappe. Je ne sais plus ce que je dois faire. Je ne sais plus ce qui est bien pour vous. Je ne sais plus rien. » « Karsath… » Je m’éloignais de lui. « Je suis désolée… » C’était moi qui l’avais blessée. « Je suis sincèrement désolée. » « Vous n’avez pas à vous excuser envers moi. » « Si. Je le dois. » Je me retournais pour observer le plafond à mon tour. « Je suis égoïste. Je ne pensais pas que tout cela te pesait autant. Je voulais simplement partir. Fuir mes problèmes. Penser différemment… Trouver des solutions. » « Cela a-t-il fonctionné ? » Je le sentais pivoter sur le matelas pour me regarder. « Non. Je crois que je ne sais pas régler mes problèmes. » « Pouvons-nous rentrer au manoir, dans ce cas ? » Je ne répondais pas, les lèvres crispées. L’optique ne me plaisait pas du tout. Je préférais encore disparaître à jamais plutôt que de faire aussi plaisir à ma famille. Et puis… J’avais légèrement peur du retour du bâton à mon retour. Plus le temps passait et plus je réalisais que j’étais une femme terrorisée…

« Avez-vous au moins lu la dernière lettre que votre père vous a adressée ? » finit-il par dire, comprenant que je n’allais pas répondre à sa dernière question. À mon tour, je pivotais pour lui faire face. « À quoi bon ? Je n’ai pas envie de lire une nouvelle fois ses mots blessants… » « Cette lettre est différente. » Je ris, amèrement. « Ah oui ? Il me dit enfin que je suis son petit corail des mers à la place d’être le pire de ses échecs ? » Karsath me regardait, sérieusement. « Votre mère va mourir. » annonça-t-il brusquement. Je perdis toute envie de rire. « Il vous invite à lui rendre visite avant qu’elle ne pousse son dernier soupir. » « C’est un piège. Il veut juste que je revienne. » Le déni était soudainement préférable à la réalité. « Aerchise… » souffla-t-il. Je m’approchais instinctivement de mon Mur, me blottissant à lui de nouveau. Il refermait ses bras autour de moi. « Il fallait bien que cela arrive… » Il ne dit rien. « Elle ne m’a jamais aimé. » La main de Karsath passa dans mes cheveux. « Allez-vous vous rendre au domicile familial ? » Je ne répondis pas tout de suite, me contentant d’enfouir mon visage dans la chemise de ma peluche vivante. « Je ne veux pas qu’elle parte. » « Vous n’y pouviez rien. » Était-ce vrai ? Peut-être pouvais-je tenter une expédition dans la Mer Miroir, à la recherche d’un artéfact sauveur ? L’entreprise était dangereuse, puisque des Enetaris y avaient été aperçues mais… Je ne terminais pas ma pensée. Il fallait qu’elle murisse.

« Alors ? Irez-vous ? » « Oui. » Karsath poussait un soupir de soulagement qui aurait pu me vexer si je n’avais pas pris conscience de son mal-être. « Qu’allez-vous faire pour Sæl ? L’emmener avec nous ? » « Avec Tante Yolanæ, et Père, c’est trop dangereux. Je verrais pour engager quelqu’un. Je sais que tu n’es pas à l’aise avec elle. » « Je ne l’aime pas. Je ne trouve pas la place qu’elle peut occuper dans votre avenir. » « Mon avenir… » Je levais ma tête, posant mon menton sur sa poitrine pendant que je le regardais. « Tu as déjà tout prévu, n’est-ce pas ? » Je souris. D’une certaine manière, il était comme les membres de ma famille ; toujours à vouloir m’entraîner vers les hautes sphères pour me faire briller. Et si je décidais soudainement que je serais bien plus heureuse à élever des petits concombres de mer ? « Je ne comprends toujours pas pourquoi vous avez rompu vos fiançailles. » dit-il, cherchant à esquiver ma question. Je reposais ma joue sur son torse. « Des… rumeurs avérées sont parvenus à mes oreilles quant à sa fidélité. Je refuse d’épouser un homme aussi vulgaire et dépravé. Notre couple aurait eu mauvaise réputation si je le laissais butiner à côté. » énonçais-je, tel un automate. En réalité, le fait m’avait plutôt servi d’excuse pour me dépêtre de ces fiançailles qui ne plaisaient pas à mon cœur. Ce dernier était bien ailleurs, perdu dans des fantasmes où un Sorcier brun le capturait, encore et encore.

Karsath semblait deviner le fond de mes pensées. « Vous l’aimez ? » Un frisson désagréable parcourut mon épine dorsale. Mes lèvres semblaient soudainement closes. Je ne voulais pas me l’entendre dire. La vérité était toujours dure à prononcer et à écouter. Surtout pour une femme qui avait été éduquée à coup de faux-semblants. « Il est dangereux. Ne pensez-vous pas qu’il pourrait vous causer du tort ? Vous faire du mal ? » Je souris, sans joie. Ma joue reposait toujours sur le buste de mon Karsath. Je savais que l’homme dont nous parlions avait commis des atrocités. « S’il est un tueur en série, que peut-il arriver à une femme qui est déjà blessée ? » répondais-je, rhétorique. « Vous l’aimez. » Je fermais les yeux, fronçant les sourcils. Mon cœur battait soudainement plus fort. « Ne dis plus cela. Plus jamais. » Je m’écartais et me retournais, dos à lui. Doucement, Karsath m’enlaça d’un bras avant de me blottir contre lui. Positionnés en cuillère, nous ne disions plus un mot. Il n’y avait rien de romantique entre nous. Il était tel un tendre animal de compagnie. Je possédais une affection certaine pour lui, mais rien d’amoureux. Je ne pouvais oublier ce qu’il était : un serviteur monstrueux qui n’agissait et ne réfléchissait que pour se rapprocher du pouvoir. Pourtant, je m’étais attachée à ce qu’il était. « Reste avec moi, finalement. » « Très bien, Aylivæ. » Je soupirais, essayant de détendre mes muscles pour me préparer au sommeil. Celui-ci ne vint jamais cette nuit. J’étais soudainement torturée par des pensées répétitives. J’allais bientôt revoir ma famille. Personne n’échappait à son Destin.

Fin | 2326 mots

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