Dans ta glace tu n'es personne, juste le reflet d'une petite sotte

Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif :  Lorsque Seïh, le frère d'Astriid, quitte Melohorë pour suivre son propre chemin, Astriid se retrouve désemparée. En proie au doute, elle va chercher à se remettre en question. La quête la verra donc rejoindre Dhrosca à temps plein pour poursuivre intensément ses études. Elle y rencontrera d'autres personnes et ira visiter des lieux sur Melohorë dans le cadre de ses études. Elle en ressortira grandie émotionnellement, aura acquis les connaissances nécessaires à tout Eblaë et trouvera aussi un but dans sa vie

Hrp:

    Cela faisait maintenant plusieurs semaines que Seïh avait quitté Melohorë. Les Eorbeth n'avaient pas perdu de temps et l'avaient envoyé chercher une relique à peine un jour après l’Équinoxe d'Estella. La mission étant confidentielle, Astriid n'avait aucune idée de la nature de l'objet qui avait envoyé son frère loin d'elle, elle savait juste qu'il était probable qu'elle ne revoit pas Seïh avant plusieurs années. Elle en aurait hurlé de frustration, elle avait à peine eu le temps de dire au revoir et de cligner des yeux et déjà il n'était plus là. Tout lui paraissait insupportable et elle ne voyait pas comment elle pourrait continuer à vivre dans cette maison où tout criait l'absence de son frère. Elle avait conscience que c'était ses hormones qui se réveillaient et qui lui faisait dramatiser quelque peu la situation mais elle ne pouvait s'empêcher de broyer du noir.  

    Un petit sifflement se fit entendre loin en bas et Astriid leva les yeux au ciel. Qui avait encore décidé de venir troubler sa retraite ? La jeune Ygdraë avait pris refuge dans un de ces arbres immenses avec un manuscrit pour compagnon qui portait sur les stratégies de combat utilisées lors des guerres des autres races. L'ouvrage était passionnant et avait été écrit avec l'aide de plusieurs Ygdraë qui avaient parcouru le monde pour le compte des Cyraliel. Ils avaient pu étudier les tactiques utilisées par les chefs de guerre et en rentrant avaient tout transcrit par écrit pour en faire profiter tous les elfes. Très vite, le manuscrit avait eu un succès immense parmi les elfes sylvestres, naturellement avides de connaissances et le livre avait été recopié au moins une centaine de fois et formait la base de la partie militaire de l'éducation des Eblaë.
    Elle sursauta et manqua basculer dans le vide quand une main agrippa soudain la grosse branche sur laquelle elle était assise. Un oiseau qui logeait sur la branche à côté prit son envol non sans jeter un regard plein de rancœur à la jeune Eblaë qui avait troublé sa tranquillité en s'agitant ainsi. Traen finit de se jucher sur la branche et s'installa en tailleur face à elle, ignorant royalement le regard noir de sa camarade. Il lui adressa au contraire un large sourire comme s'il était le bienvenu ici.

"Toujours en train de bouder à ce que je vois ? Tu es vraiment une sale gosse !" Il évita le petit poing qu'elle chercha à lui mettre et éclata de rire. "Ce n'est pas aujourd'hui que tu arriveras à m'avoir mon amie." Elle lui répliqua vertement : "Je t'aurai sans courir Traen, et tu ferais mieux de partir si tu ne veux pas tomber de l'arbre par accident. Je sais ce que tu vas me dire et je n'ai pas envie de l'entendre." Elle se savait parfaitement infantile de réagir ainsi. Elle se remémora la matinée qu'elle avait passée. Après sa toilette matinale, elle s'était trouvée face à son reflet dans la salle d'eau. Elle avait alors marmonné "Mais qui es-tu ?"; ce à quoi une petite voix intérieure avait susurré "Juste une petite sotte". La voix sonnait désagréablement comme le voix de sa mère et elle avait échangé des œillades meurtrières avec le miroir. Elle avait toujours eu confiance en elle, depuis quand se posait-elle tant de questions aussi idiotes ? Depuis quand doutait-elle autant ?

    Presque conscient du trouble intérieur de son amie, Traen cessa de sourire et l'observa, il avait des iris bleus comme un ciel d'hiver mais qui restaient toujours chaleureux pour elle. Elle vit qu'il s'inquiétait sincèrement pour elle et elle céda."J'ignore ce que je dois faire Traen, je ne crois pas pouvoir rester plus longtemps chez mes Nerestfi. Je les aime et je sais qu'ils m'aiment mais je ne supporte plus de voir la déception dans leurs yeux quand ils me regardent. J'aimerai qu'ils réalisent que même si j'ai l'air de n'en faire qu'à ma tête, je travaille dur malgré tout, je garde un niveau correct à l'école. Ce n'est pas parce que je peux faire plus que je devrais non ? Comme si j'allais finir Cyraliel de toute façon... Ça ne m'intéresse pas de briller devant mes professeurs, je veux juste partir explorer le monde."

    Traen était resté silencieux, ce n'était pas la première fois qu'ils en discutaient mais il sentait intuitivement qu'Astriid était à une période charnière et qu'elle avait besoin de conseils. Il fallait qu'elle change son quotidien et il lui fit part de ses réflexions. "Tu es toi et tu ne devrais pas avoir à te justifier à tes parents ni douter de toi. Si tu ressens qu'ils tes parents te tirent vers le bas au lieu de t'encourager, alors pars. Je sais que tu n'aimes pas l'idée de quitter le village mais partir habiter dans les dortoirs de l'école à Dhrosca serait sûrement bénéfique pour toi. Tu pourrais ainsi t'investir encore plus dans tes études et passer le regard de l'Enelyë bientôt ?"

    La jeune elfe resta silencieuse, perdue dans ses pensées. Elle n'avait pas songé à cette option, enfermée comme elle était dans sa routine. Mais ladite routine venait de se briser au sol avec le départ de son frère. Que signifiait quitter le village ? C'était quitter son nid douillet, c'était ne plus voir Traen les soirs, ne plus participer aux entraînements des chiens avec ses parents. Mais ce serait aussi de nouvelles expériences, explorer la capitale, trouver un travail, rencontrer de nouvelles personnes. Elle connaissait déjà Dhrosca évidemment mais elle n'y restait que pour les cours élémentaires. Le reste se faisait dans son village. Elle était à un âge où elle partageait son temps entre participer aux leçons les plus importantes avec un professeur à Dhrosca et il lui était demandé ensuite de travailler ensuite seule sur des manuscrits et de rendre alors ses devoirs et réflexions sur ce qu'elle apprenait par elle-même. Le regard des Enelyë était exclu pour le moment, elle savait qu'elle n'était pas prête malgré son désir ardent de partir en exploration. Il lui fallait encore beaucoup apprendre et faire ses preuves en tant qu'étudiante. Et quoi de mieux qu'être directement sur place et montrer qu'elle prenait vraiment au sérieux leurs recommandations ?
Un sourire s’esquissa lentement, découvrant sa fossette. "Parfois je t'aime un peu Traen !"

***

    Les premiers jours d'Eliël s'installaient et elle pliait soigneusement ses tuniques les plus chaudes dans un grand sac en toile quand sa mère entra dans sa chambre. "Naleth", Astriid la salua brièvement, marquant son respect et qu'elle notait sa présence mais signifiant aussi qu'elle était occupée. Sa mère garda le silence en la regardant s'activer. La jeune elfe tentait de se décider entre telle et telle ceinture mais le regard acéré de sa mère sur sa nuque la déconcentrait. N'y tenant plus, elle se retourna : "Quoique tu puisses penser ou dire Naleth, je partirai quand même à Dhrosca et je trouverai moi-même un petit travail là-bas pour payer le dortoir. Je suis tes conseils et ceux des professeurs et je te promet que tu n'as plus besoin de me surveiller pour t'assurer que j'étudie comme il se doit. Je vais faire mes preuves et prouver que je suis digne d'être la soeur de Seïh. Quand le moment viendra, je passerai le regard des Enelyë et je vous rendrai fiers, Altar et toi."
   A sa grande surprise, une larme coula le long de la joue toujours lisse et hâlée par le soleil de sa mère. Cette dernière sursauta devant les yeux effarés d'Astriid, elle essuya sa larme et lui répondit sur un ton ferme comme si tout était parfaitement normal :"Gwend, je suis fière de toi. Je suis dure avec toi car tu as besoin qu'on soit sévère avec toi. Je te connais mieux que personne et j'ai confiance en toi. Sache qu'Altar et moi supportons ta décision et que nous t'aiderons comme nous pourrons pour tes frais à Dhrosca. Ràmana, gwend, tu dois vivre ta vie, tu ne seras pas toujours ma petite fille et c'est ma faute de mère si tu es toujours un peu immature, je t'ai trop protégée et il faut que tu apprennes à te débrouiller pour progresser et faire ta place parmi nous."

    C'était à la fille maintenant d'avoir les larmes aux yeux et elle se jeta dans les bras de sa mère et les deux elfes éclatèrent de rire pour soulager le nœud dans leur gorge.

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    Astriid chantonnait une comptine elfique en balayant le sol de la bibliothèque. Non sans détermination, elle se donna pour objectif de terminer en moins de vingt minutes la tâche qui lui avait été attribuée. Plus vite ce serait fini, plus elle aurait du temps pour aller étudier un grimoire qui détaillait les différentes plantes et leurs vertus. La décision de prendre des cours en plus avait tellement choqué ses professeurs que l'un d'entre eux avait failli tomber de sa chaise tandis qu'un autre remerciait avec ferveur Estella de lui avoir ouvert les yeux. En plus de ses nouveaux cours, elle devait participer aux tâches ménagères depuis qu'elle habitait au dortoir. C'est ainsi qu'elle se retrouvait cette semaine à s'assurer que la bibliothèque restait propre pour l'usage des étudiants et des professeurs.
    Le claquement de langue agacé d'une Ygdraë étudiante lui ramena ses pensées sur sa tâche et lui fit comprendre qu'il n'était guère approprié de s'amuser à faire des vocalises dans un lieu de travail. Astriid résista à l'envie furieuse de lui tirer la langue et préféra baisser la tête sur son balai pour éviter de recevoir un blâme pour irrespect envers ses pairs. Malgré ses récents efforts, elle gardait une étiquette semblait-il de petite idiote irréfléchie et certains Ygdraë prenaient plaisir à la critiquer, la traitant avec mépris. Elle savait bien qu'elle n'allait pas inventer le prochain théorème astronomique mais elle était persuadée qu'avec plus de travail, elle tiendrai le niveau aussi bien que n'importe quel sylvestre. Elle ne ferait pas honte à sa race même si la tentation était grande, juste pour voir leurs visages outrés.

    Soudain, quelqu'un attrapa son bras en l'entraîna dans une allée plus sombre de la Bibliothèque. Elle rosit légèrement et agrippa nerveusement son balai en voyant le visage de son kidnappeur. Valÿn était un Eblaë comme elle qu'elle avait rencontré dans un des nouveaux cours qu'elle prenait. Le courant était immédiatement passé entre eux, découvrant chez l'autre un niveau équivalent d’espièglerie. La différence tenait dans leurs capacités en cours toutefois. Valÿn était ce type d'elfe très agaçant qui excellait partout, la musique, le dessin, les stratégies militaires et il dominait assez souvent les autres dans les examens. Non content de toutes ces qualités, il était beau à se damner avec sa haute taille, ses soyeux cheveux gris ondulés qui encadraient un visage fin sans défauts. Ses parents étaient tous deux Cyraliel et imposaient une pression infernale sur leur fils unique pour qui ils prévoyaient de grandes choses. Astriid avait vite compris que le seul moyen pour Valÿn de ne pas devenir fou sous la pression parentale était d'aller s'amuser pour évacuer son stress. Chaque temps libre était donc passé par les deux complices à préparer un mauvais tour.
    De son côté, le jeune elfe avait accueilli avec joie la nouvelle venue dans les dortoirs de leur école. Elle était un vent de fraîcheur parmi tous les Eblaë très sérieux et toujours concentrés sur leurs études où à parler de l'épreuve du regard des Enelyë. De plus, il était très jalousé et ne comptait pas beaucoup d'amis sincères, la plupart restant à ses côtés par intérêt. Astriid au contraire se fichait pas mal de toutes ces histoires et plutôt que d'envier ses capacités, elle appréciait qu'il l'encourage à progresser. Il prenait parfois même le temps de l'aider à comprendre tel concept d'algèbre ou allait volontiers s'entraîner avec elle au lancer de couteaux.
    La vérité est qu'elle n'arrivait pas à se soucier de l'avenir qui attendait son brillant ami car elle était trop occupée à se perdre dans ses beaux yeux gris. A la réflexion, elle était prête à décrocher les étoiles quand il la regardait de si près. Elle pouvait presque sentir ses cheveux lui chatouiller le nez et elle oublia momentanément de respirer.

"Astriid ! Tu m'écoutes ? Quand tu auras fini, viens me rejoindre dans la cour Est de l'école, j'ai une idée parfaite pour faire une farce à Lenya, tu sais combien elle aime les pommes ? Bref je t'expliquerai tout à l'heure, rejoins-moi vite !"

    Les yeux brillant de malice, il chuchotait aussi vite que possible en se tenant diablement près d'elle pour qu'elle puisse bien l'entendre. Mission difficile quand son coeur battait à ses oreilles comme un marteau sur de la pierre.
    Elle qui avait pourtant la langue bien pendue, elle peina à balbutier un acquiescement et l'Ygdraë la quitta aussi furtivement qu'il était arrivé. Elle réalisa alors qu'elle n'avait même pas eu le temps de lui faire remarquer que c'était déjà le soir et qu'il ne lui restait que peu de temps pour terminer ses révisions. A la réflexion, elle pouvait dormir un peu moins cette nuit...

    Elle secoua la tête, par Estella, si Traen la voyait, il se tordrait de rire si fort qu'il ne s'en remettrai probablement pas. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle vivait à Dhrosca désormais mais c'était récemment qu'elle s'était aperçue de ses sentiments naissant pour le jeune sylvestre. Plus elle passait du temps avec lui et plus elle notait des détails inutiles et son cerveau prenait un malin plaisir à lui rappeler ces "détails" le soir avant de s'endormir.
    Heureusement, il ne s'était aperçu de rien pour le moment mais il l'avait prise par surprise tout à l'heure et elle n'avait pas eu le temps de se composer le visage souriant et chaleureux qu'elle lui offrait d'ordinaire. Elle espérait qu'il mettrait ça sur le compte de la surprise. Elle ne souhaitait pas qu'il l'apprenne tout de suite tant qu'elle n'était pas sûre de ses sentiments. Astriid se frotta les tempes, elle avait trop de choses à gérer depuis son arrivée à Dhrosca pour y vivre. Elle avait trouvé un travail chez le fleuriste à côté de l'école pour subvenir à ses besoins en ville, elle s'était montrée assidue aux cours, travaillant souvent jusque tard dans la nuit. Et maintenant elle devait aussi gérer ses affaires de coeur. Ça commencer à faire beaucoup trop de choses à réfléchir et elle n'avait jamais aimé réfléchir à autant de choses en même temps. Au diable les réflexions, elle allait marchait à l'instinct sans se poser de questions exactement comme d'habitude. Ça avait toujours marché jusqu'à présent non ? Elle verrait bien comment ses sentiments évolueraient notamment avec la visite qui était prévue le mois prochain de l'école militaire Vrihmir. Les professeurs tenaient à ce que les Eblaë puissent se faire une idée de ce qui les intéressait pour commencer à se préparer pour leur avenir. Ils étaient dans un âge assez grand pour se faire une idée du chemin qu'ils prendraient si les Aetheris le voulaient. Astriid en profiterai pour faire le point sur sa vie car il lui semblait que tout lui échappait, elle avait perdu tous ses repères. Elle ne disposait plus des conseils précieux de son frère et l'ambiance chaleureuse de son village lui manquait. Les elfes à Dhrosca étaient froids, se donnaient un air important et ne se préoccupaient pas d'elle tant qu'elle ne se mettait pas sur leur chemin.

2e message

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Ils étaient en plein milieu d'Eliël et des tempêtes de neige faisaient rage au dehors, les vitres de l'école tremblant sous les bourrasques glacées. Blottis dans les salles de cours, la Bibliothèque ou encore au coin du feu dans les pièces communes, les Ygdraës ne relevaient le nez de leurs livres que pour boire une gorgée de chocolat chaud. Astriid avait trouvé refuge près de la cheminée de leur dortoir, blottie dans un creux avec Valÿn à côté d'elle, tous deux en train de lire un manuscrit. Seul le bruit des pages qui se tournaient brisait le silence et mettaient les nerfs d'Astriid à rude épreuve. C'est presque avec soulagement qu'elle entendit les éclats de voix de deux personnes qui marchaient dans le couloir. Leur ton montait graduellement, chacun cherchant à imposer sa volonté.

"As-tu perdu la tête ? Maintenir la visite à Vrihmir avec un temps pareil ? Je ne comprends même pas pourquoi nous n'attendons pas une saison plus agréable pour sortir tout court ! Ils vont attraper la mort là-dehors !"

"Arrête un peu de chercher à projeter tes canetons, il est plus que temps qu'ils découvrent la rudesse qui les attend dans la vraie vie. Que crois-tu qu'ils feront quand ils quitteront Melohorë après le regard des Enelyë et qu'ils tomberont sur des conditions autrement plus désagréable ? Creuser un trou et s'y enfouir comme un rat ? Non, c'est parfait en ce moment précis, rien de tel qu'une marche dans la neige et le froid pour vous fortifier quelqu'un! Ils n'en mourront pas voyons et cesses de te ronger les ongles, ce n'est pas très distingué pour quelqu'un de ta race."

La jeune sylvestre reconnut la voix de la première personne, un de ses professeurs Belaen. Il était toujours très gentil avec eux et il savait expliquer les choses simplement, sans s'embarrasser de formules toutes faites pour embrouiller ses élèves. Après la mort de son épouse, Estella veille sur son âme, il s'était donné pour mission personnelle de guider les Eblaë sous sa coupe pour en faire des Ygdraë dont le peuple serait fier. C'est donc tout naturellement qu'il s'était pris d'affection pour Astriid avec qui il passait volontiers quelques heures supplémentaires pour lui expliquer en détails des concepts vus en cours. Elle ne reconnut pas la seconde voix au contraire mais devina que c'était un Braskä. Elle donna un coup de coude à Valÿn à côté d'elle et vit qu'il avait écouté aussi. Dans leurs yeux se lisait les mêmes pensées. Ils attendaient depuis longtemps de faire une sortie réelle hors de Dhrosca, de voir de nouveaux horizons. Valÿn ne serait a priori pas destiné à rejoindre les Enök mais c'était toujours utile de voir à quoi ressemblait l'école militaire de Melohorë et surtout, ça pimenterait momentanément leur quotidien devenu monotone. Astriid avait l'habitude en hiver de sortir les chiens alors qu'ici, elle ne sortait plus du tout de l'école-même. En revanche, ce n'était pas déplaisant de se trouver constamment en compagnie de l'objet de ses désirs. Elle avait cessé de se poser des questions qui lui donnaient la migraine et prenaient les choses comme elles venaient. Ces petit moments de bonheur qu'ils partageaient, elle les chérissait le soir avant de s'endormir. Peu lui importait de savoir s'il lui retournerait ses sentiments ou s'il savait ce qu'elle ressentait pour lui, elle se sentait confortable dans la situation actuelle et c'était suffisant pour sa paix intérieure.

***

"Allons, magnez-vous le cul les petits, j'aimerai arriver là-bas avant l'année prochaine si ça ne vous dérange pas !"

Outré, le professeur Belaen interpella leur guide Braskä, un dénommé Raïm, celui-là même qui avait apparemment insisté pour sortir une poignée d'Eblaë et leur faire voyager jusqu'à Vrihmir dans la neige.

"Enfin Raïm ! Ce n'est pas une manière de parler aux enfants ! Ils seront peut-être amenés à vous donner des ordres un jour !"

C'était assez comique de voir le petit elfe s'égosiller, le nez en l'air face à l'immense insolent et Astriid aurait volontiers gloussé si ses lèvres gercées ne s'étaient pas mises à saigner au moindre sourire. Elle tenta de resserrer son manteau autour d'elle pour garder un maximum de chaleur. Elle était épuisée de devoir constamment garder son équilibre sur les plaques de glace et elle avait déjà maudit cinq fois les gifles glaciales du vent qui faisaient chavirer les pauvres Eblaë.
Ils avaient quitté Dhrosca la veille au matin, disparaissant sous les couches d'énormes manteaux qui les transformait en petites boules de différentes couleurs trottant dans la neige pour se maintenir au rythme du chef de file. Raïm était un guide taciturne qui n'ouvrait la bouche que pour les encourager avec la délicatesse d'un ours mal léché. Ses techniques étaient plutôt efficaces mais ses manières laissaient à désirer. Ils n'avaient même pas le temps de se plaindre car Raïm ne semblait pas prêt de ralentir pour eux. Astriid songea que si c'était ça qui les attendait hors de Melohorë, ça refroidissait littéralement ses désirs d'aventures. Elle comprenait la leçon que leur Braskä était en train de leur inculquer. Ils ne passeraient pas chaque instant de leur vie dans un cocon confortable et sécurisé et il était important de le réaliser pour se préparer psychologiquement à sortir de leur pays fabuleux. Trébuchant une nouvelle fois sur la glace, elle jura en Hyriël et se renfrogna sous sa capuche, le bout du nez lui faisait l'effet d'une boule de feu sur son visage. Elle pria Raanu pour qu'ils arrivent rapidement à destination.

***

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Le Braskä laissa ses Ygdraë détremper sur le sol, à moitié morts de froid pendant qu'il discutait avec un autre Boräk pour organiser l'accueil des jeunes elfes. Il était prévu qu'ils restent quelques jours le temps d'observer la routine des jeunes Enök avant de repartir pour la capitale.
Ils furent dirigés vers une grande salle qui avait été changée temporairement en dortoir pour la douzaine d'Eblaë. Tremblant de froid, Astriid prit aussitôt le chemin de la salle d'eau et entreprit d'enlever ses couches de vêtements alourdis par l'humidité qui s'y était infiltrée. Frissonnant violemment, elle s'immergea dans le grand bassin de pierre empli d'eau chaude. Laissant ses muscles se détendre l'un après l'autre, elle ferma les yeux et soupira en posant la tête sur le rebord. Raïm et son rythme infernal dans la tempête avait eu raison de son énergie d'habitude débordante et elle sombra dans un demi-sommeil.

Elle fut réveillée par des gouttes d'eau projetées à son visage. Elle ouvrit la bouche pour protester mais son insulte bien préparée mourut sur ses lèvres quand elle vit que le coupable de l'attentat liquide était Valÿn. Il l'avait rejointe dans le bassin sans qu'elle s'en rende compte, terrassée par la fatigue. Clignant des yeux, elle s'enfonça un peu plus dans l'eau pour être sûre que son corps disparaissait bien dans l'eau trouble et pria Estella pour que les vapeurs cachent les tâches rouges qui apparaissaient sur le haut de sa poitrine. Inconscient du trouble de son amie, il s'assit à côté d'elle en gémissant - douce Estella un tel bruit devrait être interdit par les Aetheri si elles avaient un coeur - et entreprit de se frotter le torse avec la brosse. Fascinée, Astriid avait la bouche un peu ouverte en suivant les mouvements de la brosse. Avec un sursaut de conscience, elle se gifla mentalement et s'enfonça jusqu'au nez dans l'eau et se força à fixer son regard sur les volutes de fumée. Voilà qui était plus sage.

Il prit alors la parole, la faisant sursauter

"Dis Astriid, tu veux être quoi toi plus tard ?"

Elle resta silencieuse un long moment, ses sourcils se fronçant. Ils n'avaient jamais abordé le sujet, préférant les discussions moins prise de tête, comme déterminer si le professeur Trypaen se curait le nez en privé par exemple. De plus, la chanson de son avenir n'était pas à son goût, elle n'aimait pas se projeter, elle vivait le moment présent, c'est ce qui la rendait heureuse.

"La vérité c'est que je ne sais pas. Et honnêtement, je ne suis pas obligée de le savoir maintenant non ? Comment quelqu'un qui n'a pas vu le monde peut savoir comment il veut y participer ? En revanche je sais ce que je ne veux pas être. Je prie Raanu et Estella tous les jours mais consacrer ma vie à la religion, non merci. Et c'est évident que je ne serai pas amenée à être Cyraliel, ça ne m'intéresse pas et je sais que je n'en ai pas les capacités. Je veux juste vivre ma vie comme je l'entend, avec le moins de contraintes possibles. Et si je peux être utile, alors j'estime que j'aurai réussi le pari de ma vie ?"

Elle tourna la tête vers lui, grossière erreur s'il en est. Les vapeurs avaient rosi les joues d'ordinaire pâles de son ami et une mèche grise s'aventurait audacieusement au dessus de ses yeux. Avant même d'avoir pu émettre une pensée cohérente, elle tendit la main et remit délicatement la mèche derrière l'oreille de Valÿn qui frémit imperceptiblement. Il tourna ses yeux clairs vers elle et son regard sembla creuser dans son âme. Elle souhaita soudain disparaître, se désagréger dans l'eau ou s'évaporer, quelque chose pour la sauver de sa gêne. Astriid inspira fermement et tenta une sortie de secours un peu pitoyable mais c'était tout ce qu'elle avait sous la main au moment présent :

"Ben dis, on dirait encore plus un petit vieux avec tes cheveux mouillés, ça fait ressortir leur couleur vieux gris. Avoue, tu mens à tout le monde et tu n'es plus Eblaë depuis longtemps ?"

Elle reçu en réponse un pain de savon en plein front.

3e message

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Sa première pensée fut : "Oh chouette! Un peu d'activité! C'est vrai qu'après le marathon sur les plaques de glace, j'avais bien besoin de me défouler!". La seconde fut :"Une minute, elle fait quoi avec sa hache elle ? Sûrement elle ne va pas... Rûdh!"

Astriid se baissa juste à temps en poussant un petit cri pathétique pour éviter la hache qui volait vers sa gorge. Avec horreur, elle baissa les yeux et vit par terre le bout de sa natte qui n'avait pas survécu à l'attaque de l'Enök. Avec horreur, elle le prit dans ses mains et le serra contre son coeur comme pour le protéger. C'est le moment que choisit l'elfe en face d'elle pour lui décocher une droite qui lui fit voir des étoiles. Sonnée, elle tomba en arrière dans une position grotesque. Elle allait protester mais cracha du sang à la place. Elle avait mordu sa joue en tombant brutalement. Ses cheveux désormais détachés lui tombèrent devant les yeux. Merveilleux, c'était merveilleux. Elle sauta sur ses pieds pour s'éloigner un peu de la sauvage en face d'elle et réévaluer la situation en vitesse. Ça ne se passait absolument pas comme prévu.

Les Eblaë avaient été invités à venir assister à l'entraînement matinal des Enök. Excitée comme une puce, Astriid avait pratiquement traîné Valÿn pour se placer devant et profiter du spectacle. Et en effet, les guerriers offraient une scène impressionnante pour les jeunes Ebla. Dans l'immense cour à ciel ouvert, des Ygdraë mêlés à des Braskä se faisaient face dans des enchaînements précis et d'une violence maîtrisée. Fascinée, elle ne comprit pas tout de suite pourquoi l'entraîneur, un grand Boräk blond avait mis fin aux combats puis avait pointé un doigt impérieux vers elle.

"Toi là, avec ton sourire niais et tes cheveux rouges, viens par là, tu vas servir pour une petite démonstration. Trois fois rien."

Il avait ensuite appelé une Ygdraë aux cheveux courts violets et au visage avenant. Elle lui avait adressé un large sourire auquel Astriid avait aussitôt répondu. Elle ne comprenait pas trop ce qu'elle faisait ici au milieu des Enök mais cette fille semblait sympathique. L'entraîneur annonça avec sa voix de stentor pour l'audience :

"Comme voir une chose vaut cent années d'explications, Cassandra va faire une petite démonstration avec votre camarade. Cassie, ne l'abîme pas trop, je ne veux pas avoir les parents sur le dos comme la dernière fois."

Pas sûre de comprendre, Astriid avait continué de sourire, c'était un joli nom Cassandra non ? Peut-être qu'elle allait se faire une amie ici. Puis Cassandra avait pris une hache et l'Eblaë avait commencé à pâlir très légèrement, incertaine de l'attitude à adopter.


Se prendre une telle raclée devant tout le monde mettait un méchant coup à sa fierté. Elle s'était améliorée dernièrement grâce aux conseils de Dhavala, l'Eversha qu'elle avait rencontré il y a quelques mois. Mais l'elfe en face d'elle n'y allait pas de main morte et elle comprit avec retard que c'était plus sérieux que les gentils entraînements avec Yvïg. Astriid raffermit ses positions, disposant ses points d'appui comme elle avait appris, oubliant le public, se concentrant uniquement sur les yeux clairs de son adversaire. Celle-ci souriait toujours mais d'un sourire devenu sadique. Astriid n'était plus si sûre de vouloir s'en faire une amie.
Elle ignorait pourquoi elle se retrouvait dans cette situation, pourquoi elle ? Avait-elle fait quelque chose de mal ? Elle n'eut pas le temps de creuser la question car Cassandra avait bondit sur elle, la hache visant cette fois sa hanche et l'Ygdraë ne dut qu'à sa flexibilité en projetant son buste en arrière pour ne pas se faire couper en deux. Vive comme l'éclair, elle se jeta à son tour sur l'Enök. Plus elle serait proche d'elle et moins celle-ci tenterait de se couper une tranche d'Eblaë. "Ha. C'était une erreur." pensa-t-elle en se prenant un coude dans le nez. Elle réagit avec la première chose qui lui passa par la tête, recula le buste et lui mit un formidable coup de tête. Elle eut à peine le temps de reculer de nouveau que Cassandra saisit une grosse poignée de ses cheveux et tira sauvagement dessus, tirant des larmes de douleur à la jeune elfe. Sentant la rage commencer à poindre derrière le mur de douleur, Astriid se força à respirer profondément pour s'obliger à garder son calme*. Une technique apprise par son frère quand elle était plus jeune quand elle n'arrivait pas à contenir suffisamment son énergie et son excitation pour rester concentrée pendant les leçons. Elle tenta un coup de pied en visant les genoux de son adversaire qui rit en l'évitant, lui tirant ainsi encore plus sa chevelure dans le mouvement. Astriid gémit. Ça y est c'était officiel, elle détestait cette école et les Enök.

"Ca suffit Cassie, je pense qu'ils ont compris, relâche-là avant de la rendre chauve."

L'infernale pression sur son crâne se relâcha et la jeune elfe tomba à genoux. Elle avait l'impression que sa joue avait doublé de volume et quand elle voulu essuyer son nez, elle ne fit qu'étaler le sang sur sa figure. Elle devait offrir un bien piètre spectacle. Elle détestait que Valÿn puisse la voir comme ça, elle aurait voulu disparaître et si possible, emporter cette dinde avec elle. La dinde en question lui offrit une main pour la relever, un sourire angélique illuminant son visage. On aurait dit un ange mais Astriid ne s'y trompa plus. Elle ignora la main tendue et se releva par ses propres moyens en grimaçant.

"Désolée", lui dit l'Enök, l'air pas désolée du tout. "On fait ça parfois avec un Eblaë en visite et avec nos nouvelles recrues. Histoire de leur mettre du plomb dans la tête si tu vois ce que je veux dire. Mais je t'aime bien, la plupart se mettent à pleurer au bout d'une minute, toi tu as réussi à rester concentrée sur le combat malgré ce que tu as pris. Tu es peut-être faite pour nous rejoindre ?"

Ben voyons, et le petit panda allait fabriquer des couronnes de fleurs en dansant autour des arbres aussi.

***

Cassandra l'avait menée à l'infirmerie pour soigner ses blessures, bénignes plus la plupart mais qui lui faisaient un mal de chien. Une tâche violacée se formait déjà sur sa pommette et elle maintint une poche de neige sur sa joue en sortant de l'infirmerie.
Les Eblaë avaient continué la visite sans elle et ce fut quand elle passa pour la seconde fois devant la même statue de Raanu qu'elle du admettre qu'elle était perdue. Runda... C'était vraiment une sale journée. Elle décida de simplement continuer à fouiner par elle-même. Elle ferait sa visite des lieux toute seule. Elle en avait assez de ce voyage. Les gerçures et les bleus ne faisaient pas partie de ses attentes dans ce voyage et elle était persuadée que la vision de la hache visant sa tête hanterait ses rêves pour quelques années.
Astriid poussa une porte au hasard et tomba sur deux elfes nus en train de se faire masser. En totale incompréhension de ce qu'il se passait, elle resta plantée sans bouger, les yeux ouverts comme des billes. L'ambiance qui régnait dans la pièce était lourde, des bougies parfumées embaumant l'air et soulignaient les zones d'ombre plus qu'elles n'éclairaient la pièce tandis que deux Enök, allongés sur des matelas moelleux, s'abandonnaient aux soins de deux elfes huilant leurs corps musclés de leurs mains expertes. Aussi rouge que ses cheveux, Astriid balbutia milles excuses et ressortit en trombe sous les rires des elfes. Elle savait désormais qu'elle aurait toute sa vie l'image gravée dans sa tête des mains pétrissant le postérieur rebondi d'un Enök. Tout compte fait elle allait peut-être s'asseoir par terre misérablement et attendre que quelqu'un vienne la récupérer. Les joues d'un rose encore soutenu, elle s'éloigna lentement, errant sans but en espérant retrouver ses camarades, sans perdre son innocence dans le processus de préférence.
Soudain, ô sainte Raanu, elle entendit son nom. Valÿn, Estella bénisse cet adorable chiot, la cherchait et venait prendre de ses nouvelles. Il lui prit le menton entre ses long doigts pour inspecter son visage et vérifier qu'elle allait bien. Pour un peu, elle en aurait soupiré comme les héroïnes dans les romans d'amour que son père cachait dans l'armoire parentale. Rien que pour la sensation des mains de l'elfe sur son visage, Astriid se serait portée volontaire pour une autre "leçon" avec Cassandra.

4e message

*Pouvoir utilisé:

Nombre de mots:

Dans ta glace tu n'es personne, juste le reflet d'une petite sotte

Le séjour des Eblaë à Vrihmir touchait à sa fin et Astriid était assise avec ses camarades dans une salle de formation où on leur dispensait une leçon sur les stratégies militaires. La salle donnait vue sur la forêt recouverte de neige grâce à de grandes fenêtres donnant l'impression que le temps s'était arrêté au dehors. Des lanternes étaient disposées un peu partout afin de diffuser une douce chaleur et de la lumière pour les étudiants. Assidus, ces derniers prenaient des notes, ce cours étant particulièrement intéressant car dispensé par un Enök expérimenté ayant connu plusieurs batailles. Astriid elle-même était fascinée par la voix douce de l'elfe, visualisant presque les scènes dans sa tête. Elle avait désormais pris l'habitude d'enfermer son énergie habituelle afin de pouvoir se concentrer sur les cours. L'Ygdraë irréfléchie qu'elle était il y a quelques mois était désormais derrière elle, à quelques exceptions près. Grâce à l'aide de ses professeurs et de Valÿn, elle parvenait même enfin à trouver un certain plaisir à étudier comme ses pairs et ses résultats s'en ressentaient. Bien sûr, partir s'amuser avec Traen lui manquait terriblement mais elle commençait à comprendre que c'était une partie de sa vie qui se terminait et, tout en ressentant une certaine nostalgie, elle était heureuse de découvrir une autre partie d'elle-même. Il y avait quelque chose de satisfaisant à recevoir les éloges de ses mentors mais c'était avant tout pour elle-même qu'elle travaillait, et pour rendre son frère fier d'elle.

L'Enök leur proposa de mettre en pratique les différentes tactiques en jouant à un jeu. Il dessina un grand rectangle sur le tableau et entreprit d'y tracer des lignes pour former plusieurs carrés. Il dessina dans certaines cases des formes rondes et carrées puis leur proposa de chercher comment ils pouvaient réussir à entourer les formes carrées avec les rondes en respectant les règles inscrites à côté du grand carré. Il laissa les Eblaë réfléchir pendant une heure afin que même les plus lents puissent apporter une réponse. Astriid justement n'était pas particulièrement douée aux énigmes, c'était une vraie prise de tête pour elle et elle préférait de loin résoudre une équation clairement posée devant elle. La voyant tortiller sa tresse de frustration, Valÿn se rapprocha discrètement d'elle et commença à chuchoter pour lui expliquer le raisonnement à avoir pour trouver la solution. Elle plissa les yeux sur le tableau pour essayer d'appliquer les conseils de son ami. Frôlant la migraine, elle se frotta les tempes, ferma les yeux, visualisant les formes et leurs positions tout en gardant en tête les règles. "Oublier le problème, se concentrer sur la solution", lui disait toujours Seïh. Un large sourire se dessina sur son visage au bout de quelques minutes d'intense réflexion et elle frappa la table du plat de ses mains dans l'excitation du moment. Des gloussements se firent entendre parmi les Ygdraë, ils n'étaient plus surpris des éclats de la jeune elfe qui intériorisait rarement ses émotions. Enfin, l'Enök ouvrit un débat pour discuter de la meilleure approche à adopter et Astriid participa activement, ravie d'avoir les éléments pour le faire. Ainsi, la journée passa rapidement sans qu'elle vit le temps passer et le soir venu, elle prépara avec ses camarades leur retour à Dhrosca.

***

Astriid était affalée sur le dos sur une tapisserie moelleuse, les yeux fermés, somnolent à moitié, ses cheveux encore mouillés du bain formant une couronne écarlate autour de sa tête, profitant de la chaleur procurée par la cheminée. Ils étaient revenus transis de froid quelques heures auparavant et les professeurs leur avait laissé la journée pour se remettre de leur voyage. Et Astriid comptait employer ce temps à dormir, épuisée par les intempéries. Elle avait décidé que le froid n'était décidément pas pour elle, le bout de ses doigts et de ses orteils était encore sensible, il lui tardait que les beaux jours reviennent pour entendre le chant des oiseaux et les fleurs colorer les rues de Dhrosca. Elle sentit une présence et sourit en reconnaissant à l'odeur Valÿn, il avait une odeur particulière et entêtante de lys qui lui faisait souvent tourner la tête.

"Il y a une lettre pour toi Astriid, de tes parents."

Elle ouvrit les yeux et fronça les sourcils. Ses parents ne lui envoyaient jamais de lettres, ils n'aimaient pas les démonstrations d'amour et la savoir à Dhrosca suffisait à leur assurer qu'elle était en sécurité et entre de bonnes mains. Elle se redressa et prit la lettre que son ami lui tendait. Elle parcourut rapidement la lettre et pâlit, serrant si fort la lettre qu'elle se froissa sur les bords. Parfaitement éveillée et alerte, sa fatigue oubliée, elle se redressa brusquement, bousculant presque Valÿn qui s'était accroupi près d'elle.

"Mes parents ont perdu le contact avec Seïh depuis plus de deux mois, les Eorbeth non plus ne parviennent plus à le localiser et c'est seulement maintenant qu'ils m'en parlent."

Ils essayaient de la rassurer, que c'était parfaitement normal mais Astriid commençait déjà à se ronger les ongles en faisant les cent pas devant la cheminée. Comment pouvaient-ils rester calmes ? Les Ygdraë n'étaient-ils pas supposés veiller sur les membres de leur peuple? Ils plaçaient une trop grande confiance en Seïh, il n'était pas assez fort. Et s'il avait été attaqué par quelqu'un de plus fort que lui ? Qui savait les horreurs qui se produisaient en dehors des terres de Melohorë. Astriid gémit nerveusement, maudissant sa condition qui l'interdisait de sortir de son pays, maudissant sa faiblesse et son manque de sérieux. Si seulement elle avait étudié avec plus d'ardeur depuis ses jeunes années, elle aurait déjà pu passer le Regard des Enelyë et aller porter secours à son frère sans attendre. Leur famille n'était pas assez importante pour qu'on se préoccupe tout de suite de son frère. Sans preuve qu'il était en danger, ses mains étaient liées. Il ne lui restait qu'une chose à faire. Passer le regard des Enelyë. Après tout, elle avait beaucoup appris ces derniers mois et avait compensé la majorité de ses lacunes grâce à l'aide de ses professeurs. Elle savait qu'une fois décidée à quelque chose, rien ne pouvait l'empêcher d'accomplir son but. Elle pouvait être très têtue parfois. Il lui restait encore beaucoup à apprendre mais elle sentait que son moment approchait. Elle avait suffisamment patienté et si ses parents n'étaient pas décidés à chercher son frère, alors elle le ferait.

5e message

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