Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Toupinou se fait recruter par la Marche Terne.

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De retour à Amestris pour quelques jours. Cela me fout le cafard … C’est si différent de Lagherta … Là-bas, j’ai l’impression d’être plus libre … alors qu’ici …

Je vide mon verre avant d’aller voir Monsieur Gaston qui m'attend à la boutique. Rien que d’y penser, j'ai envie de vomir … Pourtant, je dois bien travailler et progresser pour enfin être à mon compte. Je sais que tout ces désagréments sont bientôt terminés. Et la tête que Monsieur Gaston fera lorsque je quitterais sa boutique pour de bon pour m’installer me réjouit par avance.

Dehors, le temps est morne. Pas comme à Lagherta. Là-bas, j’ai l’impression que tout est tellement plus léger et beau. Il y a toutes sortes de plantes et d’animaux … sans parler de ces nuages qui ont des formes parfois étranges … Je suis pressée d’y retourner, c’est une certitude !

Pour me rendre à la boutique j’ai l’habitude de passer par un raccourci dans l’entrelacement de deux ruelles adjacentes. Il est très rare que j’y rencontre quelqu’un. Mon passage y est souvent rapide, ainsi lorsque je perçois l’ombre d’une silhouette, je suis sur la défensive. Tout cela ne me dit rien qui vaille …

« La vitesse est une notion bien floue,
Surtout pour les novices comme vous. » chantonne la silhouette à mon intention.

Je suis tellement choquée par cette intervention chantante que je ne sais même pas quoi dire en réponse.

« Une rumeur peut aller vite,
Surtout quand il s’agit d’une réussite. » continue la silhouette en sortant de l’ombre.

Il s’agit d’un homme d’une trentaine d’année à vu de nez. Il porte une tenue de voyage en fourrure.

Je ne sais pas de quoi il me parle, mais je n’ai pas envie de rentrer dans son jeu. Que dire à un homme qui vous chante la sérénade ? Parce que je ne connais pas d’autres raisons pour qu’un homme – inconnu de surcroît ! – me chante une chanson en pleine ruelle déserte … Même si pour l’instant, il y a mieux comme paroles aguichantes…

C’est peut-être simplement un homme qui a bu un coup de trop à la taverne ? Ou peut-être qu’il s’est pris un coup sur la tête ? Ou alors c’est encore une blague de Mertle qui a jeté un sort à ce pauvre homme ? Mmh … je vois tellement Mertle faire ce genre de chose ! Elle doit être pliée en deux à l’heure qui l’est ! Si cela se trouve elle est cachée quelque part et ne perd pas une miette de la scène ! Ou est-ce qu’elle serait ? Derrière ce poteau ? Non, son gros bidou dépasserait ? Dans la poubelle, peut-être ?

« Je vais vous donner une piste
Ainsi vous pourrez continuer à jouer à l’altruiste. »

Pendant que je cherche la vieille sorcière des yeux dans chaque recoin de la ruelle – je ne pensais pas qu’il y en avait autant ! – l’homme continue sa chanson imperturbable.

« Ne vous inquiétez pas non plus,
Les actes barbares sont aussi les bienvenus. »

Pas de trace de Mertle toutefois. Je ne comprends pas la situation mais étrangement, la voix de l’homme est captivante. Je suis mitigée entre l’envie de lui arracher la langue et le laisser continuer sa chansonnette. Sans parler, qu’il a parlé d’actes barbares qui pourraient potentiellement m’intéresser.

« Mais pour cela, une épreuve est demandée
Tout cela pour s’assurer de votre pugnacité. »

Une épreuve ? Encore ? Doit-on forcément en passer par là pour avancer dans la vie ? J’hésite à cogner l’homme entre les deux yeux et partir travailler. Mais entre croiser le regard, entendre les jérémiades de Monsieur Gaston et écouter la chanson de l’inconnu, mon choix est vite fait !

« Vous êtes invitée à vous rendre dans cet endroit secret
Pour rencontrer un Marcheur aguerri et réputé.
Là-bas, vous devrez décider de la Marche à suivre
Rentrer chez vous ou aller sauver et punir.
Ne criez pas victoire cependant
Car la tâche sera ardue vraiment.
Voici une carte qui vous aidera
Pour trouver votre voie jusque là. »

L’homme me tend une peau de bête tannée sur laquelle est inscrit au fuseau, une représentation du continent et du lieu secret dans lequel je dois me rendre. Quand et pourquoi ? Voilà deux questions que j’aimerais poser, pourtant lorsque je relève les yeux vers l’homme, ce dernier n’est plus là. A croire que j’ai rêvé cette rencontre … bien que la carte-peau me prouve le contraire. Je reste ébahie encore quelques minutes avant de reprendre mes esprits, de mettre la carte dans ma besace et de me rendre là où je devais être pour la journée : la boutique de Monsieur Gaston.

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La journée est longue et dure pour mes nerfs. J’essaie de faire bonne figure mais les remontrances pratiquement constantes du vieux sorcier bougon me donne la nausée. Pourtant, je prends mon mal en patience et lorsque l’apothicaire me libère, je suis aux anges ! Avec toutes ces corvées, je n’ai eu guère le temps de repenser à ma rencontre avec cet homme chantant. Visiblement, ce n’était pas une chanson d’amour et Mertle n’était pas derrière tout ça. On cherchait à me recruter … mais impossible de savoir qui en est l’instigateur. Je ne sais pas qui sont ces Marcheurs ni pour quelles raisons je leur serais utile. D’autant plus que je ne vois pas comment être sorcière, être altruiste, barbare et pugnace en même temps … Est-ce que tout ces mots ne sont pas les contraires des uns des autres ? Cependant, je suis intriguée par cette histoire. Quelqu’un me veut dans son équipe et cela me flatte énormément ! Je sais que c’est totalement puéril mais cela fait du bien à mon égo de sorcière ! Surtout après la journée que je viens de passer ! Je suis intéressée pour rencontrer ce Marcheur réputé dans ce lieu secret … au moins, juste par curiosité … et pour voir de quoi il retourne… Mais peut-être que tout ceci est une blague grotesque … Mais pour en avoir le cœur net, il n’y a pas trente-six solutions ! Je dois me rendre dans ce lieu caché. Alors, je sors la carte de ma besace et l'étudie. Il me faudra quelques provisions à préparer avant de partir mais je pense que le chemin devrait se dérouler sans embûches. Du moins je l’espère.

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Finalement, le voyage s’est bien passé … A part quelques anecdotes presque sans intérêt : comme la saucée que je me suis prise sur la gueule en pleine nuit, pensant qu’il allait faire assez chaud ;  ou la fois où un mingus miniature m’a chipé ma besace et que j’ai dû le poursuivre pendant une période assez longue – j’en aurais presque honte ! – avant de récupérer mes affaires éparpillées à droite à gauche, ou encore le moment où  je ne regardais pas où je mettais les pieds et que je me suis retrouvée encastrée dans une poche de sable mouvant … Mais il y a eu aussi des bons moments comme le jour où je suis tombée sur un spécimen de Pantitigraplade rouge à rayure. Je n’ai pas pu m’empêcher de ramasser quelques échantillons pour mon herbier, ainsi que quelques graines. Si j’arrive à en faire pousser dans mon jardin, je pourrais créer une potion d’invisibilité ! Bref. Je suis enfin arrivée à destination. Et je me retrouve devant une bâtisse étrange et difforme en plein milieu de marais.

Je ne sais pas comment m’annoncer. Dois-je toquer à la porte branlante ?

Alors que je suis en pleine réflexion, un homme immense en sort. Sa chevelure brune est emmêlée et il a les traits fatigués. Pourtant, il m’accueille avec un léger sourire. « Bienvenue Mademoiselle DeToupe. » me dit-il en ouvrant les bras. Je me sens bizarrement en confiance auprès de cet homme que je ne connais absolument pas. « Entrons un moment voulez-vous ? J’ai préparé un bon feu et de quoi grignoter.» Je hoche la tête et le suis dans l’embrasure de la porte. A l’intérieur, le mobilier est aussi miteux que la bâtisse. Il y a des trous dans le plancher et le tapis qui se trouve au pied d’une grande cheminée dans laquelle vacillent de grandes flammes. La table est mise. Je vois le grand homme s’y asseoir devant une assiette de ragoût fumante. « Prenez place. Allez-y. » Je m’exécute mais ne touche pas encore mon plat. Sûrement une déformation de ma race, mais je ne peux décemment pas manger sans crainte chez un inconnu. « Je suis Jorje Börjnen. Marcheur de Ciel-Ouvert. Nous avons entendu parlé de vous, mademoiselle et nous sommes intéressés pour vous proposer de rejoindre nos rangs. » Jorje commence à déguster son ragoût avec avidité mais s’arrête dans sa lancée en voyant que je ne mange pas. « Vous n’avez pas faim ? Vous n’avez pas besoin d’avoir peur, nous souhaitons simplement discuter avec vous. » « Excusez-moi … mais il semblerait que vous ayez l’avantage ici. Vous savez qui je suis, mais de mon côté, je ne connais rien de vous. Qu’est-ce donc cette proposition ? » L'homme s'essuie la bouche du revers de sa manche avant de me répondre. « De faire partie des Marcheurs Ternes, bien sûr ! C’est vrai que j’oublie aisément que vous n’avez sûrement pas dû entendre parler de notre Empire … A Ciel-Ouvert, nous sommes beaucoup plus nombreux … Vous vous demandez sûrement qui sont les Marcheurs Ternes, n’est-ce pas ? » J’opine du bonnet prête à écouter chaque mot qui sortira de sa bouche. « Nous œuvrons pour la liberté par nos actes et nos chansons. Ainsi, vos actions envers les esclaves de votre pays ont attiré notre attention. J’aimerais savoir … pour quelles raisons faîtes vous cela ? Vous, qui êtes une sorcière ? » J’attrape le rebord de la table bancale lorsqu’il parle aussi ouvertement de mes actions clandestines. Ainsi, quelqu’un avait parlé ? Mais qui ? Un esclave libéré ? Un magicien ? « Hum … Et bien ... » je commence mal-à-l’aise. « Ce n’est pas parce que je suis une sorcière que je n’ai pas des croyances … » Je souhaite rester évasive, parce que même, si cet homme me met en confiance, je préfère pour ma sécurité, rester sur la défensive. « Je vois, je vois. Il semblerait que cela soit contre vos idéaux, c’est ça ? » Je ne peux qu’acquiescer. C’est la première fois que je peux parler de cela à quelqu’un d’autre – autre que mes chats – et j’ai l’impression qu’un poids énorme est retiré de ma poitrine. « C’est quelque chose que je ne supporte pas. Si un personne ne l’a pas méritée, je ne vois pas pourquoi elle devrait être l’esclave d’un autre … et je ne peux soutenir ceux qui leur font du mal sans raison. J’ai déjà tué pour cela, vous savez. Pour punir ceux qui les blessaient. Je préfère vous le dire tout de suite, je ne suis pas quelqu’un de bien. » « Les Marcheurs ne font ni le Bien, ni le Mal, ils font simplement pour ce qu’ils croient juste … Et vous semblez adhérer à notre code. J’aimerais que vous veniez à Ciel-Ouvert un jour. Je vous présenterais d’autres Marcheurs. Qui sait, cela vous sera peut-être utile. » Le cœur léger, je me met à déguster mon ragoût refroidi. Cela ne me dérange pas. J’ai enfin le sentiment d’être pour la première fois comprise et cela me suffit.

Une fois que j’ai fini mon assiette, Jorje se lève. « J’ai une autre question pour vous à présent. Allons dehors voulez-vous ? » Je le suis à l’extérieur cependant les marais ont disparus. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans ce ragoût mais à la place des marais, je me trouve face à deux chemins. L’un est creusé à même la glace. Les abords de ce dernier sont fins, glissants et aiguisés. Je sais que si ma peau les frôle, cela me coupera profondément. L’autre chemin est un simple chemin de terre parsemé de quelques cailloux et branchages. « Dîtes moi, quelle Marche allez-vous tenter de suivre ? La glace ou la terre. Chacun des deux mène à une partie de notre monde. Un vous ramènera chez vous, tandis que l’autre vous permettra de commencer une nouvelle vie. » Je n’ai pas besoin de traduction pour savoir lequel va me ramener à Amestris. Et, je me rends compte que j’ai déjà pris ma décision. En réalité, je l’ai prise dès que j’ai commencé à parler sans états d’âmes de mes convictions. Je regarde Jorje et fais un premier pas sur le chemin de glace. « Très bien ! Dans ce cas, voici votre première mission ! »

2091  mots.