« Alors ma mignonne, est ce que tu veux bien manger de la pâté ? » demanda la vieille dame d’un air inquiet. Avec des gestes lents, elle déposa l’assiette qu’elle avait préparé devant le félin puis se recula de quelques pas, le regard posé sur la boule de poil. Le chat renifla curieusement la nourriture mais ne se décida pas à y gouter. Au contraire, l’animal sembla bien vite s’en désintéresser et, la queue levée, préféra faire demi-tour pour rejoindre Cactus et jouer avec lui. Dès qu’elle eut le dos tournée, les autres chatons se ruèrent sur la gamelle qu’elle avait laissée intacte et se mirent à manger avec appétit. Au moins, elle n’aurait pas préparé cela pour rien. Bellada soupira. « Non, je suppose que ça non plus, tu n’aimes pas. Comme tout le reste. » La magicienne avait essayé un tas de nourritures diverses et variées pour s’adapter aux goûts capricieux du nouveau membre de la famille mais celui-ci les avait tous ignoré les uns après les autres. A tel point que la quinquagénaire commençait à ne plus avoir d’idées. Et cela l’inquiétait grandement. Cela faisait bientôt trois semaines qu’elle avait trouvé Queena et qu’elle l’avait emmené chez elle, mais la bête n’avait rien avalé de ce que lui avait préparé Bellada. Peut-être préférait-elle se nourrir de ce qu’elle parvenait à chasser ? Des petits mulots et autres rongeurs rodant dans le voisinage ? Ca ne manquait pas par ici, ce qui expliquait que beaucoup d’habitants avaient décidé de s’entourer de félins pour repousser les nuisibles. Pétunia lui rapportait parfois quelques-unes de ses prises en cadeau, pour lui témoigner son affection. Un présent bien singulier que la magicienne acceptait néanmoins, se contentant d’apprécier le geste même si trouver des petits cadavres sur son paillasson pouvait parfois se révéler agaçant. Queena n’était peut-être tout simplement pas encore suffisamment attachée à elle pour penser à lui faire des cadeaux ? En tout cas, le félin ne semblait pas s’être amaigri ou manquer de quoi que ce soit. Elle débordait d’énergie et s’était très vite intégré à la meute de chats qui vivaient déjà sous le toit de la chaumière Ward. Ce fait rassurait légèrement la vieille dame. La mine soucieuse, la magicienne s’approcha des deux canailles qui s’amusaient à se batailler amicalement, puis s’agenouilla pour caresser le pelage soyeux de la nouvelle boule de poils. La main fripée palpa la chaire sous le manteau de fourrure : elle ne semblait pas avoir la peau sur les os. Madame Ward soupira de nouveau avant de se remettre debout et de laisser ses deux animaux de compagnie retourner à leur combat.

« Bon, aujourd’hui, je m’occupe du potager ! » déclara Bellada avant de se diriger vers l’un des nombreux coffrets. Elle y récupéra plusieurs outils pour s’occuper de la terre puis sortit à l’extérieur, dans son arrière-cour, là où elle avait passé de nombreuses années à cultiver son jardin-potager. Elle déposa tout son matériel sur la petite table en bois puis commença à travailler la terre. Elle s’arrêta néanmoins dans son travail rigoureux, se rendant compte qu’elle avait oublié quelque chose à l’intérieur. Avec difficulté, elle se remit debout – ses genoux protestèrent de subir ce traitement – puis trottina jusqu’à son salon. C’est à ce moment qu’elle entendit la voix bien connue de son petit-fils. Abandonnant aussitôt l’objet qu’elle était venue récupérer, elle se hâta de rejoindre la cuisine d’où parvenait la voix et dès qu’elle put poser les yeux sur la silhouette de son fils –c’était après tout elle qui l’avait élevé depuis sa plus tendre enfance – un sourire à en charmer le Diable éclot sur son visage. « Aleran ! » s’exclama-t-elle en ouvrant grand ses bras. « Tu as fait bon voyage ? »Après lui avoir fait un câlin empli d’amour, la grand—ère s'écarta pour inspecter l’allure de sa progéniture : avait-il maigri ? Semblait-il blessé d’une quelconque façon ? Avait-il bonne mine ? « Oh mon chéri, tu as l’air tout palot ! Ils t’enferment dans un donjon, dans ton école ? » S’inquiéta-t-elle sincèrement tout en portant une main à la joue du brun qu’elle tapota tendrement. « Tu es arrivé depuis longtemps ? J’étais dans le jardin et ton grand-père est allé retrouver un ami un peu plus loin au village. Il devra rentrer ce soir pour souper avec son camarade et sa femme. » expliqua la magicienne. Sans se défaire de son sourire ravi, elle contourna la table à manger pour aller chercher un plateau. « Mais ça tombe bien que tu sois là, mon Loustique ! Je vais avoir besoin de ton aide pour le Jardin ! Enfin, si tu le veux bien. » Bellada déposa deux verres, un pichet rempli de limonade qu’elle avait préparé le matin même ainsi qu’une boite de scone qu’elle avait cuisiné la veille pour la rencontre quotidienne avec ses amies du club de lecture. « Allons nous installer dehors pour bavasser. Il faut remettre un peu de couleur sur ce petit visage palot ! »

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« Mais ça ne va pas la tête ? Ne dis pas de bêtise voyons ! » avait répliqué la magicienne lorsque son petit-fils l'avait remercié pour les années où elle l'avait hébergé. « Tu es de mon sang et pour rien au monde, pas même si Suris me l'avait interdit, je ne t'aurai abandonné ! » Pénélope avait beau être la brue idéale, Bellada ne lui avait jamais vraiment pardonné d'avoir ainsi rejeté Aleran. Bien sûr, c'était sans doute plus facile de le considéré fautif plutôt que de voir la vérité en face et d'en vouloir à son époux. Toujours était-il que c'était le petit qui en avait pâti et cela était impardonnable aux yeux de l'aïeule. « M'enfin, je suis contente de te voir travailler aussi sérieusement ! Ça me fait tout chaud au cœur ! Tu deviendra un formidable magicien, ça ne fait aucun doute ! » félicita la grand-mère avec un sourire chaleureux dont elle avait le secret. « Oh, tu peux essayer de l'enlever mais je ne te garantit pas que ton grand-père ne te pourchassera pas pour le récupérer ! Il y est attaché comme à son filet à papillon ! Je sais bien qu'il est tout usé, personne d'autre que lui peut y poser les fesses sans avoir des courbatures ensuite ! Papi prétend que c'est parce qu'il a parfaitement adopté la forme de son corps ! Bah, tu me diras, il a peut-être bien raison après tout. » La magicienne partit dans un grand rire en y repensant. « Oh oui, les humains ! Je suis toujours sidérée d'avoir découvert leur présence ici ! Je me demande bien comment j'ai fait pour ne pas m'en rendre compte pendant toutes ces années ! Mais bon, ça prouve que c'est un secret bien gardé, malgré les preuves évidentes... » Bellada replaça ses lunettes sur le bout de son nez après les avoir essuyé dans un pan de son tablier. « C'est vraie que la magie est un peu plus rouillée par ici mais la présence des anges doit contrebalancer... Leur anti-magie ne nous empêche pas totalement d'utiliser nos pouvoirs, donc moi ça me va ! Après tout, ce sont de braves gens et il fallait bien les recueillir, ces pauvres petits ! Ils sont braves tu sais... » Bellada était toujours estomaquée et très curieuse par la présence de ce peuple. Malgré tout, elle avait tenu bon et gardé ce secret, se doutant que la royauté ne souhaitait pas que cela s'ébruite -elle s'était contenté de le dire à Hanzel et à Bernadette, des copines auprès desquelles ce secret serait bien gardé, à n'en pas douter ! Le fait que son petit fils soit également au courant de cette nouvelle l'impressionnait également mais sans doute l'avait-il appris à l'école. C'est qu'il s'y disait beaucoup de choses, dans les couloirs !

Le duo se dirigea finalement à l'extérieur où ils s'arrêtèrent pour boire un rafraîchissement. Bellada fut plus raisonnable que le garçon et commença par seulement quelques gorgées de limonade. La magicienne eut un petit air attristé à la question du brun. Une question tout à fait naturelle mais qui provoqua un léger pincement au cœur de la vieillarde. « Oh oui, bien sûr... Ton père et tes frères et sœurs se portent comme des charmes. Orlane a réussi à maîtrisé le sortilège de déverrouillage la semaine dernière et elle a été la meilleure de sa classe en cours d'Histoire de la Magie. » informa la vieille dame. « Et ton père est très curieux à ton sujet... Il regrette beaucoup de ne pas pouvoir plus te parler. Mais lorsqu'il est venu la dernière fois, je lui ai fait lire tes lettres ! Et puis je lui ai montré tes bulletins de note ! Il était drôlement fier ! » Bellada fit mine de continuer à parler mais se ravisa au dernier moment. Elle s'apprêtait à lui avouer que son fils prévoyait de lui acheter un carnet tout neuf pour ses classes mais elle se ravisa. Ce devait être une surprise.

"Eh bien, puisque tu en parles, passons aux choses sérieuses ! » déclara la mage blanche lorsqu'Aleran lui fit part de son envie de se changer les idées. « Bien, je te laisse aller désherber là-bas, mais fait attention à ne pas m'arracher mes nouvelles pousses d'accord ? Si tu as un doute, demande moi d'abord ! » Bellada but une gorgée supplémentaire dans son verre puis vissa son petit chapeau de paille sur le sommet de sa tête. Elle en tendit un second, qu'elle avait attrapé avant de sortir, à son petit fils. « Tiens, protège bien ta tête. Je ne voudrais pas que tu attrapes une vilaine insolation le jour où tu me rends visite ! » La magicienne trottina ensuite jusqu'à un bac de fleurs dont elle commença à s'occuper.

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"Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Oh et ne vas pas mettre Suris en colère. Je n'ai pas envie d'avoir des problèmes. Pardonne-nous Suris !" Ai-je dit en levant les yeux au ciel pour implorer son pardon. Je n'aimais pas me fâcher avec mes parents proches, surtout ma grand-mère. Je me demandais comment elle faisait pour garder son calme dans n'importe quelle circonstance. Elle était vraiment incroyable... Tellement incroyable que je ne saurai pas quoi faire, si elle devait partir pour l'autre monde. J'y tenais beaucoup trop à ma grand-mère, je l'aimais comme ma propre mère, voire plus encore. Bellada avait un tempérament de feu, il ne fallait pas la contredire lorsqu'elle avait raison. Tout le monde la respectait, c'était ainsi, même ma mère adoptive. "Je fais beaucoup d'effort à l'université. Mais les cours sont vraiment intenses et compliqué. Je suis obligé d'étudier la nuit pour être le meilleur de la classe. Mais je dois te dire que tous les étudiants sont incroyablement cultivés. J'ai l'impression que j'ai loupé tellement de notions. Je suis vraiment heureux d'être aux Palais de Coelya. Je ne le regrette vraiment pas." Ma grand-mère continua à me parler de la santé de mon grand-père. "Oui je comprends bien ! Il doit vraiment aimer ce fauteuil, mais je maintiens à dire que ce n'est pas bon pour son dos. A chaque fois que je le vois dans ce fauteuil, j'ai l'impression qu'il fond comme du beurre... Cela me fait peur pour lui. Je me rappelle qu'une fois, je m'étais assis dedans et j'avais eu la peur de ma vie. Le fauteuil avait voulu me manger, en m'aspirant à l'intérieur des tissus. Par Suris ! Qu'est que j'avais eu peur ce jour-là. Je devais avoir huit ou neuf ans, de mémoire. Peut-être que je devrais lui offrir un nouveau... Enfin, bref, je n'ai pas envie de me faire poursuivre par grand-père, avec sa canne en bois!" Je ne pus m'empêcher d'émettre un petit rire en imaginant cette petite scène.

"Du moment que tu n'as pas de problèmes avec les Humains ou les Anges, cela me va. Pour ma part, cela ne me pose pas de problèmes. Je préfère qu'ils soient ici avec nous que de se faire tuer à tout va. Je prie souvent pour eux, pour leur bon rétablissement." Oui, les anges avaient un passé bien lourd à porter. Parfois, je me demandais comment ils faisaient pour supporter tout ce poids sur leur épaule. Je n'avais pas forcément envie d'être comme eux... Une fois que j'avais terminé de boire ma rafraîchissement, il était temps de donner un coup de main à ma grand-mère pour le potager. C'était le trésor de ma grand-mère, elle passait tellement de temps dehors. De plus, le potager était vraiment gigantesque. Bellada cultivait de nombreuses sortes de légumes, d'herbes et quelques fruits aussi. Elle me demandait d'enlever les mauvaises herbes du jardin et m'avait donné un chapeau de paille. "Grand-mère, tu sais bien que je ne supporte pas le chapeau de paille. Cela me gratte sans arrêter ! Et Après, je m'arrache les cheveux tellement que cela me fait mal à la nuit." Je boudais, mais d'un autre côté, le soleil tapait fort cet après-midi. Alors, il fallait que je suive les conseils de ma grand-mère. Pendant que je désherbais avec une petite pelle et d'autres outils mis à disposition, je repris la parole :"Je vois que la famille évolue vite ensemble. Orlane est toujours aussi vif d'esprit et intelligente... Elle ira loin, c'est sur ! Elle venait toujours m'embêter lorsque je lisais des livres le soir, avant de dormir. Quant à papa...."

Ma bouche se ferma. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas prononcé ce mot. Il n'avait rien fait pour moi, dans les moments durs de ma vie. Je ne l'avais pas encore tout à fait pardonner... C'était plus fort que moi... Je n'étais pas prêt à lui donner mon pardon et de l'enlacer. "Quant à papa, je suis content qu'il aille bien alors..." Je ne voulais pas que ma grand-mère sache que j'avais encore cette rancune au fond de moi. Je voulais lui montrer et lui faire comprendre que tout allait bien de mon côté. Le silence s'installa doucement, car j'étais concentrée à enlever les mauvaises herbes. Mon seau se remplit assez rapidement. Enlever ses herbes m'aida à faire le vide dans mon esprit, à penser à autre chose à ces tourments sans fin. De plus, le fait de voir ma grand-mère et de lui parler, me fit grand bien. "Tu sais que je me suis inscrit dans une équipe d'Alyos ? Je suis gardien de but dans mon équipe. Je me prends souvent des balles dans le visage, mais je gère comme je peux. Héhé... Je suis..." Je m'arrêtais de parler, car j'étais en contact visuel avec un individu assez dérangeant pour le potager..."Grand-mère, je vois un gros lièvre qui mange tes bonnes carottes. Qu'est que je fais ?"

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