Yicaly | The magic of Waltz

« Mon Cher Fils, adoptif. Je vous envoie ces quelques mots pour vous décrire mon profond désarroi devant votre impoli silence de plusieurs mois et votre odieux oubli de mon anniversaire. Si je comprend bien, votre voyage initiatique n'arrive pas vos manières et votre incapacité. Bien à vous, la Comtesse Worth. » Les doigts fins du Comte réduisirent la lettre en petite boule de papier qu'il envoya valser dans le feu de camp. Avec un plaisir non dissimulé, il fixait le papier se noircir et brûler. Le Magicien savourait une nuit à la belle étoile alors que la saison douce commençait et que les fleurs tapissaient les champs verdoyants. Le printemps pourrait-on appeler ceci, était d'une pureté formidable sur ces terres. Il suffisait de fixer son regard sur l'eau scintillante du lac qui s'étendait à perte de vue, sur les collines vertes, bleues, rouges, jaunes et oranges qui ondulaient sous la brise tiède, pour se sentir le cœur léger. Devant le lever de soleil qui embrasait les montagnes de l'Edelweiss à l'Est, Ignatius oublia très vite sa mère acariâtre. La nature merveilleuse se réveillait lentement pour offrir ses plus beaux apparats. Rêveur devant la vue qu'offrait sa position élevée, le mage bleue prit un peu plus de temps que prévu à avaler son petit déjeuner, faire sa toilette et ranger ses affaires. Il s'imaginait voyager dans des mondes inexplorés et en rapporter les beautés à l'Impératrice Blanche, après avoir plongé dans ces eaux turquoises et affronté mille dangers. Ô combien irréaliste mais doux pour le cœur... La réalité était toute autre puisqu'il n'avait même pas encore eu le droit de poser un pieds sur un ponton du lac.

Le Magicien commença par marcher le long du sentier de terre pour rejoindre la route principale qui continuait au Sud en serpentins, jusqu'à atteindre le sommet où était perché Haute-Terre. En quelques heures, il aura rejoint le Royaume Humain où il était attendu par la Marquise Leenhardt, tout juste à temps pour le repas de midi. Plusieurs questions étranges se bousculaient dans sa tête alors qu'il montait son cheval et le lançait au trot. D'abord, quel était la nature exacte de ce territoire humain, international, ayant naguère appartenu aux magiciens ? Ensuite, il se demandait à quoi ressemblait exactement la Marquise. Non pas qu'il ne sache pas la reconnaître physiquement -il avait une idée vague tirée de peintures et descriptions-, mais cela l'étonnait de voir une humaine-magicienne. N'était-ce pas un comble ? Comment gérait-elle le manque de magie et comment son entourage pouvait-il supporter l'absorption qu'elle déclenchait ? D'ailleurs lui, qu'allait-il ressentir devant cette femme ? Il avait déjà rencontré des Humains qui voyageaient sur les Terres Bleues pour le tourisme ou le commerce, mais leur puissance n'était pas assez grande pour qu'il sente autre chose qu'un léger picotement et engourdissement de sa peau.

Lorsque le Comte dépassa l'entrée de la ville, il était toujours aussi pensif. Le soleil brillait haut dans le ciel, au milieu d'un ciel bleu éclatant. Ignatius traversa des allées pleine de vie, des rues pavées entre deux rangées de maisons en bois, pierre grise et tuiles ; tout comme il en avait déjà vu aux Jardins angéliques. Il attribua à la fatigue du voyage le brut vacillement qui le prit alors, comme s'il avait bu. Le cavalier traversa un marché coloré plein de vie, de couleurs et de bruit, et dû mettre pied à terre pour guider son cheval au pas. Les parlers qu'il entendait sonnaient différent des sonorités habituelles, tout comme certains habits qui donnaient un air exotique à la ville, bien que son architecture soit tout à fait commune. Ressentant une certaine lassitude musculaire qu'il ne comprit pas venir de l'antimagie, le Comte arriva à destination, et après avoir confié son cheval aux écuries et prit ses quartiers, il se débarbouilla de la tête aux pieds comme s'il avait traversé un océan de saleté. Le Magicien devenait de plus en plus maniaque sur son apparence, chaque matin devant la glace un peu plus que la veille. Il enfila sa tenue de noblesse, rouge et or agrémentée d'une épée d'apparat ; puis rejoignit avec une certaine anxiété la salle où on lui avait indiqué devoir se rendre.

740 mots.