Altière était et resterait sans doute le mot qui décrivait le mieux cette femme. On serait tenté de l’appeler Sa Majesté en la croisant dans la rue, sans même la connaître. Elle avait été reine, après tout. De tous les souverains n’ayant jamais foulé ces Terres, elle et sa sœur avaient été celles qui couvrirent le plus de territoire, après Kassä. Elle partageait un prénom en commun avec Aria, bien que de son temps elle était sans doute plus connue en tant que Mitsuko. Là, sur son trône, la Collectionneuse demeurait imperturbable. La pluie touchait sa peau, mais elle conservait son regard perçant. La Nyam’Ba ne se sentait pas exister, en sa présence. Elles étaient pourtant autant trempées l’une que l’autre. La chamane contemplait cette espèce de salle de bal vide, qui avait vraisemblablement un immense dégât des eaux. Comment avait-elle atterri ici ? Son cerveau eut à peine le temps de se poser la question qu’il remarqua un homme, agenouillé devant la Reine du Mal. L’instant d’après, il avait… eh bien, perdu la tête au sens littéral du terme. La pluie se teinta alors de rouge, tandis que l’atmosphère se chargeait de l’odeur particulière du sang. Aria la connaissait très bien, pour avoir assisté à son lot de sacrifices. Elle ne comprenait cependant pas le cours des événements, comme si cette scène appartenait à quelqu’un d’autre et que le hasard avait voulu qu’elle en soit une spectatrice désœuvrée. La chamane s’approcha de la Reine, dans l’espoir futile de lui demander ce qu’il se passait. Malheureusement, cette dernière aussi semblait mourir. Telle une statue, elle gardait sa posture fière. Les épaules droites, elle fondait au contact du sang qui tombait sur elle. Goutte par goutte, son corps se réduisait pour devenir une forme méconnaissable et vide de toute sa prestance passée.

Aria se réveilla en sueur. Les rêves de ce genre se multipliaient de plus en plus. Ce n’était pas le mal du pays, ou la nouveauté de la Terre d’Edel. « Tu as encore fait un cauchemar ? » Un jeune homme lui parlait, curieux. Il s’était encore faufilé dans le tipi sans se faire remarquer. C’était la troisième fois qu’on le surprenait à faire ce genre de choses. Il faisait partie des Ombres ayant décidé de rester ici. La plupart du peuple avait fait ce choix, en réalité. Les Dignae devaient être débordées.

« Oui. Allez, ouste. » La chaman n’élabora pas. Comment expliquer qu’elle avait vu l’ancienne Reine du mal fondre vivante sous une pluie d’acide ? Autant s’éviter l’embarras. Un Kaori trouverait certainement plus de sens à ces rêves, mais elle cultivait au fond de son être une peur étrange à l’idée de parler à l’un d’eux. Le temps approchait : bientôt, elle allait devoir passer l’épreuve du Ghaäm. Dire que la chamane n’avait pas hâte serait un euphémisme. Cependant, personne ne pouvait échapper à son destin. Les aetheri seuls dictaient leur vie.

Aria redressa péniblement son dos. Peut-être que tout ceci n’était qu’un malentendu. Les messages pouvaient toujours être interprétés de différentes manières, et les gouttes pouvaient être ici par pur hasard. Sans l’aide d’un Kaori ou d’un supérieur hiérarchique, il était impossible d’avoir une idée claire de ce que les dieux attendaient d’elle. Comme pour se rassurer, la chamane se mit en tête d’éliminer l’hypothèse qui lui semblait la moins probable : celle selon laquelle la Dame Rouge serait responsable de tout cela. Elle lui était apparue deux fois en rêve, après tout.

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« Aria Mitsuko Taiji, je vous prie d’arrêter de venir dans mes rêves. Cordialement, Aria Sy… » Son Hozro ne se retint pas de rire. « Et la politesse ? Tu ne peux pas écrire “salut, ça gaze ?” à l’Asmodée. Si tu veux lui faire une demande, il te faut des salutations, une phrase d’accroche, une formulation acceptable et un présent. Là, tu auras peut-être une chance qu’elle te réponde. » Aria préférait la simplicité, mais devait s’avouer vaincue. Il fallait faire les choses correctement, si elle voulait espérer obtenir des résultats probants.

« Donc, j’écris : bonjour Aria Mitsuko Taiji… » — « Elle connaît son propre nom, tu n’es pas obligée de le lui rappeler. » – « Et si le message n’atterrit pas dans les bonnes mains ? » — « Dans ce cas-là précise “cette lettre s’adresse à Son Altesse Aria Mitsuko Taiji, ancienne Reine du Mal, ancienne Souveraine des Déchus, Lady De Marny, Kāmada Byāran, Asmodée” à minima. Tu peux aussi rajouter ses autres titres. » La chamane se mit à soupirer. La Dame Rouge était-elle obligée d’avoir trois-cent-cinquante appellations ? Cette affaire ne lui apporterait rien, puisqu’une femme aussi puissante avait probablement autre chose à faire que torturer les rêves d’une sauvage vivant à de milliers de lieues d’elle. Il y avait peu de chances pour qu'elle soit responsable.

« Je sais à quoi tu penses. » Margaux eut un regard dans lequel on aurait pu sentir de la compassion. « Non, n’abandonne pas. Au pire, tu perdras juste un peu de ton temps. Et tant qu’un doute existe, tu ne sauras pas si c’est lié à elle ou si tu vas bien devoir prendre le Ghaäm. » Ce genre de discours ferait presque oublier que les intentions de l’ancienne sorcière à l’égard d’Aria n’étaient pas entièrement bienveillantes. Cela n’empêchait pas la Nyam’Wa de se sentir réconfortée. « Tu m’aideras à dicter le message. Sinon, tu parlais de donner un cadeau pour augmenter mes chances de réponse. Qu’est-ce que je devrais mettre, à ton avis ? »

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Quelques heures après, les deux finissaient nez à nez avec un Aylimr’Ba. « Oui, on peut lui déposer le paquet, notre Draugr a des liens avec l’Antre de la Dame. Par contre, je pense pas qu’elle veuille d’un simple sautoir. Elle a sûrement de quoi s’en acheter des millions. » Aria fit mine de ne pas être embarrassée. « Elle appréciera l’intention. » — « C’est une démone, pas une fae. » Cet homme possédait une répartie rapide, à tel point qu’elle ne sut quoi répondre. Les marchands chamans n’avaient pas le stoïcisme des Nyam : leur langue était vive et acérée. « Je veux juste qu’elle le reçoive. Oh, et évitez de lire le contenu de la lettre s'il vous plaît. C'est personnel. » Il acquiesça, avant de prendre le colis et de détourner le regard.

1000 mots et des poussières. Je ne suis pas censé participer au Noël Magique avec Aria XD. Je t'avais envoyé un MP sur Anya qui explique un peu plus la situation. J'ai préféré partir du principe que ta réponse était un oui pour pouvoir poster avant Noël, sinon ça gâche un peu la magie de la chose ^^.

Le cadeau: