Dans la rue enneigée, un homme courait parmi les trop nombreux passants pour se frayer un machin le long des vitrines brillantes de coloris rouges, verts et dorés. Des lanternes magiques décoraient toute la cité pour rappeler la venue imminente d'une fête annuelle qui provoquait toujours moult agitations. Noël. Tout le monde se bousculait dans les avenues soudain trop étroites pour contenir les milliers d'acheteurs qui se précipitaient alors pour acheter leurs derniers cadeaux dans une cohue générale. Car à Noël, celui qui n'apportait pas de cadeaux à ses prochains devenait un véritable paria. Alors, même s'il fallait offrir une écharpe moche qui ressemblait à une vieille couverture, ou un pendentif pour touristes, tout le monde se débrouillait pour vider son porte-monnaie et trouver de quoi offrir à leurs familles et amis. Tout le monde, sauf cet homme, qui courait donc, tout essoufflé, les joues rouges, le regard exacerbé un peu fou, un sourire carnassier affiché sur ses lèvres, les mèches blondes toutes ébouriffées partant dans tous les sens sur sa tête. Son regard cherchait frénétiquement l'échoppe du Cavin du Domaine de Krouk, depuis les premières ères, le plus fameux caviste des Terres du Yin et du Yang. Y acheter une bouteille allait l'endêter pour toute sa vie mais cela n'importait peu. Il tenait à offrir le meilleur cadeau, pour le meilleur homme vivant dans ce monde sournois et macabre.

Bordel de Jun ! Ça fait au moins deux heures que je cherche cette boutique ! Bon, faut dire que je me suis fais distraire par cette fumerie d'opium, mais ce n'est pas ma faute, le gros dragon sur la devanture était vraiment trop joli ! Je voulais savoir si je pouvais l'acheter et puis... Bon bref, j'ai perdu au moins une heure et maintenant je suis complétement défoncé ! Mais cela n'a aucune importance. Imaginer le sourire de mon ami quand ce dernier ouvrira le papier cadeau fait battre son petit cœur à toute allure, le rouge flambe mes joues froides, et d'ailleurs, ce n'est pas la seule partie de mon corps à s'enflammer. Hum ! Voilà la boutique ! Ce n'était pas trop tôt. Le petit vieux de tout à l'heure m'a complètement induit en erreur quand je lui ai demandé mon chemin. J'irai le brûler, tout à l'heure. Mais avant cela, je dois absolument me procurer la meilleure bouteille et demander avec un énorme papier cadeau rose fluo avec pleins de paillettes. Ah ! Il paraît que sa débile de femme ne le laisse pas boire, elle n'aura donc jamais pu avoir la même idée que moi. MOI au moins, j'ai compris que boire, c'est ce qui lui permet d'être heureux. Je vais donc le faire boire et il sera heureux, avec moi. Bientôt, il ne pensera plus qu'à moi comme je ne pense plus qu'à lui et notre idylle pourra enfin commencer. Nous serons véritablement meilleurs amis.

Le pauvre s'enfermait dans un déni aussi monstrueux que solide et refusait de s'avouer à lui-même son amour brûlant et l’obsession particulièrement malsaine qu'il avait développé pour cet homme, qui avait eu le malheur une fois, de venir boire un coup avec lui par bonté. Non seulement il était persuadé de ne pas être amoureux mais en plus il était absolument certain de réussir à évincer la famille gênante de son ami, très inconscient que ses sentiments étaient à sens unique.

- Comment ça, la dernière bouteille vient de partir ?

- Je suis vraiment désolé monsieur, mais, euh... je-je peux peut-être m'arranger.

- Oui je vous le conseille vivement. répliqua le blond avec un air de psychopathe imprimé sur le visage.

Qu'est-ce-que c'est ce délire ! C'est la meilleure boutique et ils n'ont plus de stock ? C'est la grosse qui était avant moi qui a acheté la dernière bouteille ? Très-bien. Aucun problème. Je peux toujours la suivre jusqu'à chez elle, l'assassiner, et récupérer mon bien. Ce ne sera ni la première, ni la dernière fois. Il a plutôt intérêt à se démerder le serveur de pacotille, sinon il va avoir une mort sanglante sur la conscience.

- C'est pour offrir ?

- Oui, faîtes-moi un papier cadeau romantique.

- Pour votre compagne ?

- Je ne suis pas amoureux ! hurla-t-il brusquement. Tous les clients se retournèrent vers le fou qui criait devant le serveur blanc comme neige près à s'évanouir.

- Oh, mes plus sincères excuses, je voulais dire oui. minauda alors le blond, qui avait brutalement changé d'expression et d'humeur.

Je sais pas ce qu'il a cet imbécile avec ses questions idiotes, j'offre un beau cadeau à une bel ami, je ne vois pas le problème ni le rapport avec l'amour. Les gens sont vraiment cons, parfois ! Peu importe va, avec ça, il n'aura de yeux plus que pour moi : son fournisseur secret de drogues et alcools, ainsi que de réconfort, et bientôt j'espère, de distraction charnelles.

Oui, demain, je serai ton Roi, Caleb.

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