Quel était cet endroit dépourvu d’humanité et de bon sens ? Autant pour l’humanité, il pouvait s’en passer, autant pour le bon sens… aussi en fait. Quoiqu’il en soit, Hannibal était tout sauf un individu très patient, son cerveau répondant de manière particulièrement fortuite lorsque cela se produisait. Ce monde dans lequel il avait atterri n’avait rien de similaire aux terrains de chasse qu’il sillonnait quotidiennement. L’odeur qui s’en dégageait, à la fois répulsive et résineuse lui refilait un paquet d’informations sur la nature des habitants ; très peu d’hommes, beaucoup d’animaux. Afin d’éclaircir au mieux son esprit désorganisé, le démon s’engouffra davantage dans l’immensité de la forêt, délaissant l’éclairage du jour au profit de la pénombre, de quoi renouer avec l’essence même de sa constitution. Par automatisme, il se camoufla derrière une impérieuse souche lorsqu’un échange verbal attira son attention. Par précaution, il se recouvra de la tête au pied de terre, de feuilles et de brindilles pour ne faire qu’un avec la nature. Du moins c’est ce qu’il croyait, car il se contentait simplement de reproduire ce que ses yeux avaient capturé lors d’une virée nocturne dans la nature, perpétré par des chasseurs. Il ne comprenait pas toujours la subtilité de la ruse, par conséquent les erreurs pouvaient facilement être produites, surtout avec une mauvaise interprétation de la chose. Quoiqu’il en soit, il s’agissait de deux animaux anthropomorphes qui conversaient ensemble. Rien d’anormal en somme. L’un ressemblait à un lapin muni d’une grande machette et le second un phacochère armé de… rien du tout. Mais le bestiau était bien conservé, surement bien assez pour fendre une arme en deux par sa seule force.

« On doit rapidement retrouver les autres, sinon la récompense va nous filer sous le nez, et tu sais comment je suis quand je suis de mauvais poil. » « Et bien tu ne peux pas t’empêcher de charger tout ce qui bouge oui. Et même ce qui ne bouge pas. » « Dommage que Cabot ne soit pas avec nous, il serait capable de les retrouver en un instant avec son flair hors norme. » « Du moment qu’ils ne tombent pas sur Grizzly… il en ferait de la charpie avant même qu’on ne puisse les ramener au boss. Je dis non au gaspillage ! »

Le reste de la conversation devint difficile à percevoir puisqu’ils étaient désormais hors de son champ. Hannibal ne comprenait pas bien ce qu’il fichait ici, et encore moins qui étaient ces gus. La seule vérité qui résonnait en lui, c’est qu’il devrait probablement les défoncer un par un s’il devait à nouveau recroiser leur chemin. En général, taper sur autrui réglait la plupart de ses contrariétés en plus de l’apaiser. Toutefois, son olfaction lui adressa un nouveau signal, moins perceptible et totalement opposé de ceux qu’il avait ressentis jusqu’à maintenant. Il fureta ainsi entre les arbres à la vitesse de… et bien la sienne, ce qui ne l’empêcha pas de se prendre les pieds dans l’excroissance d’une racine, lui permettant d’enchainer un roulé-boulé pour le moins irréelle durant toute le trajet d’une pente avant de se fracasser le crâne contre le premier tronc venu.

« Saloperie d’enfoiré de… »  Pas de repos pour les guerriers et surtout pas le temps de se plaindre, il discernait ses pas.

Les quelques secondes indispensables à son rétablissement écoulé, il prit en filature cette silhouette qui devint progressivement assez claire pour se former… en gonzesse. Dans sa logique de sauvage primitif, cela ressemblait en tout point à un bon repas bien chaud. Sans la moindre hésitation et surtout dénué de toute modération, l’homme se manifesta dans son dos, son bras insufflant l’élan nécessaire pour propulser une boule de flamme qui sans surprise… la rata de quelques mètres pour atteindre un amas de glands quelques mètres plus loin. Maintenant qu’il était repéré, il ne pouvait plus se permettre de reculer, c’est pourquoi il lança une deuxième charge, puis une troisième et une quatrième. Tous sans exception la manquèrent sans qu’elle ait besoin de soutenir le plus infime des mouvements.

« AAAAAAAH ! Femelle ! Quel est ton secret pour dévier tous mes lancés avec autant de précisions ?! Si tu crois m’impressionner, détrompe-toi, j’ai plus d’un tour dans ma manche ! »

Il aurait adoré lui faire la démonstration en la détournant comme un sac de frappes, mais la présence d’un ennemi fit sa soudaine apparition ; un ours plutôt massif, dangereux et qui plus est enragé. Ce n’est que grâce à la chance et une pointe de réactivité que le démon échappa à sa mâchoire dévastatrice.

« Qu’est-ce que vous foutez là vous deux ? Je vais vous dépecer sur le champ. »

Hannibal comprit « dépuceler », et à ça il ne voulait rien avoir affaire avec ce gigantesque sac de viande. Dans ses derniers retranchements, son éveil déclencha néanmoins un changement d’humeur pour le moins drastique. En esquivant adroitement et en appliquant sa paume sur l’abdomen de la bête, un impressionnant jet de flammes s’en délogea, calcinant l’ursidé sur place. Hannibal qui semblait affirmer une autre psychologie et posséder un savoir-faire beaucoup moins gauche adoptait en fait sa seconde personnalité : celle d’un vrai démon.

« Qu’importe les conditions ou la tournure que prennent les événements, une seule règle est immuable : celle de survivre par tous les moyens. »

Il se redressa calmement puis fit jaillir de nouvelles flammes autour de ses mains.

« La loi du plus fort exige que tu dois fuir. D’ailleurs je le dois aussi, un incendie commence à se propager et ils ne vont surement pas tarder à débarquer pour corriger les criminels. Nous nous reverrons, femelle. »

C’est après avoir promulgué cette ultime bravade qu’il s’éclipsa le plus vite possible, conscient qu’il ne ferait pas le poids contre les autres intervenants, son énergie étant déjà bien diminuée à cause de sa soudaine folie.


953 mots.
Bien sûr que je veux compétitiver ! Quel intérêt sinon ? /sbaff

Je vois l’inconnu m’attaquer avec des boules de feu. Je suis estomaquée car c’est la première fois que je vois quelqu’un d’autre qui maîtrise cet élément. Est-ce que, comme moi, il aurait le pouvoir de fusion avec lui ? Ainsi, je ne bouge pas d’un cil lorsqu’il essaie de me blesser. Le feu ne me fera rien. Du moins, je crois. Mais lorsqu’un ours énorme lui arrive dessus, je n’ai pas la réactivité nécessaire pour l’aider. Cependant, il semble s’en sortir avec brio. Et il finit même par me dire de m’enfuir. Une partie de moi est tout à fait d’accord avec lui et une autre, me dit qu’il serait quand même idiot de ne pas le suivre. Il avait quand même réussi à calciner l’ours presque sans effort. Cet individu devait sûrement être assez puissant pour me sauver la mise également ! Finalement, je prends la décision de lui coller aux basques.

« Et bien, on dirait que ces nouveaux numéros vont donner du fil à retordre aux autres concurrents. Ahh, je pense que cela va être très très intéressant ! Vous ne trouvez pas ? » Un énième sourire éclatant. « Faisons toutefois le point sur la carte, voulez-vous ?» Il désigne alors du doigt un endroit à côté de lui. « Donc, au Nord, certains candidats semblent avoir formés une alliance et essaient de combattre le grand maître. Je ne sais pas ce que cela va donner, mais je suis prêt à parier qu’ils vont essuyer quelques pertes … Nous verrons à ce moment si leur alliance perdure. A l’est, c’est une autre histoire : il y a une dizaine de concurrents présents qui se cherchent et qui essayent de s’entre-tuer. A vrai dire, ce n’est pas une surprise. Chaque année, nous retrouvons ce genre de comportement : tuer pour se rapprocher du podium. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avec le feu de notre numéro cinquante-quatre, je pense que peu d’entre eux vont survivre… Mais nous pouvons être surpris, n’est-ce pas ? Au sud, l’étang semble être assez calme. Qui sait ce qu’il se passe sous la surface. Je crois qu’il y a deux ou trois candidats qui essaient d’élaborer des plans pour réussir leur épreuve. Nous verrons ce que cela donne dans quelques minutes. Et puis à l’ouest, c’est encore assez difficile d’y voir quelque chose avec nos caméras. Nous ne pouvons pas vous tenir au courant de ce qu’il s’y déroule pour le moment, mais dès que nos services techniques réussiront à percer ce brouillard, nous vous ferons un point spécial. Et enfin, il y a toujours quelques énergumènes, éparpillés ici et là, qui se croient plus intelligents que le jeu et qui essaient de trouver des raccourcis. Ceux-là n’ont toujours rien compris, n’est-ce pas ? »  Petit rire cristallin accompagné d’un clin d’œil. « Tiens, et si nous allons là-bas, voir un peu ce qu’il se passe. Je crois que les scénaristes vous ont fait une petite surprise ! »


Je ne sais pas trop depuis combien de temps, j’essaie de le suivre, mais je finis par le perdre de vue. Déçue et commençant à fatiguer, je décide de m’arrêter quelques minutes. La forêt a disparu et une vaste prairie l’a remplacée. Je ne peux pas voir les limites de ce pré. J’en serais presque démoralisée. Je commence à avoir soif, mais je ne vois aucun point d’eau. « Si, tu veux de l’eau, tu n’as qu’à aller par là-bas. » me fais une petite voix à mon oreille droite. Je tourne la tête vers ce son et découvre une abeille ayant des tons rougeâtres. Sous chacune de ses rayures, elle a comme des petites rides qui me font penser qu’elle doit être âgée. Est-que une abeille peut devenir vieille ? Peut-elle avoir des petits-enfants avec qui elle fera de la confiture ou à qui elle inculquera les valeurs qu’elle pense bonnes ? A-t-elle une canne cachée entre ses deux ailes, qu’elle utilise lorsque ces pattes touchent le sol ? Peut-être même qu’elle a une pipe ! J’ai du mal à intégrer cette image. Je ne m’étais jusqu’alors jamais poser la question. « Qui es-tu ? Pourquoi m’aider ? » « Ce jeu n’est qu’une mascarade ! Ne respectes pas les règles si tu veux t’en sortir ! » Je ne comprends rien. Mais je n’ai pas le temps d'y réfléchir car un bruit assourdissant retentit dans la clairière. « Vas-t’en ! Vite ! » me lance l’abeille en partant à tire d’aile. Je commence à esquisser un départ dans la direction que l’insecte a prise, mais curieuse je jette un coup d’œil derrière moi. Un monstre géant impossible à définir sort des entrailles de la terre. Son rugissement me fait vibrer la cage thoracique. Il faut que je déguerpisse d’ici au plus vite. Qu’est-ce que je donnerais pas pour un petit pouvoir de téléportation !