Musique

« Tu sais parfaitement que ça ne nous servira pas, à terme. » Il ne la regarda même pas. « Il n’y a pas de nous et tu le sais très bien. » Elle l’énervait à le tutoyer comme s’ils se connaissaient. Il ne voulait pas la connaître. « Tu ne peux pas faire ça. » Il rit brièvement, agacé qu’elle puisse encore penser qu’il possédait une quelconque limite. Il se retourna et l’attrapa à la gorge sans aucun ménagement. Ils étaient dans son monde. Il y avait fait une place pour Edel mais certainement pas pour cette truie. « Je vais te dire un petit secret. » fit-il. « Il n’y a rien, rien tu m’entends, que je ne puisse pas faire. » Il l’avait murmuré à son oreille, d’un ton étrangement calme, posé. « Tu sais pourquoi ? » « Non. » Il sourit, simplement. Il ne lui répondit pas et la lâcha de la même manière méprisante qu’il l’avait étreint, plus tôt. Le silence s’installa entre eux. Elle le brisa. « Jun… affaiblir Luftë ne t’apportera pas la paix. » « Tant mieux. » Ce n’était pas la paix qu’il cherchait. Cette fausse Edel ne comprenait pas, elle ne comprenait jamais rien. Elle se targuait de s’inquiéter pour autrui mais ne mesurait pas l’étendue de sa bêtise. Elle avait de la chance que la Vengeance soit là. Il avait quelque peu revu ses priorités. Pourtant, contrairement à son interlocutrice, il n’avait pas l’intention d’annihiler celle qui s’était sentie trahie, par le passé, juste de l’affaiblir. Il avait peut-être fait en sorte de manipuler un peu les Mortels pour les pousser à détruire quelques-uns de ses temples et de ses fidèles. Il avait peut-être, aussi, légèrement envoyé des messages subliminaux pour détourner les pensées vengeresses. « Si tu commences à faire ça, il y aura des conséquences… » « Aurais-tu peur ? » « Non mais… » Il porta ses yeux sur elle. « Tu sais, je ne crois pas être particulièrement maléfique. » Elle inspira puis expira d’une manière qui laissait clairement deviner ses pensées. Il s’avança, entrant dans un espace qui aurait été jugé inapproprié par plusieurs peuples. Son corps contre le sien, il baissa la tête pour être sûr d’être en face de son visage. « Seulement, pour elle, je ferais n’importe quoi. S’il me faut déchoir tous les Ætheri un par un pour la retrouver… je le ferai. Crois-moi… ce monde a déjà vécu sans Dieu ; j’ai déjà vécu dans un univers où les Mortels seuls avaient la main. Il ne suffirait de pas grand-chose pour revenir à cet état. Tu ferais mieux de m’aider parce que je commence à perdre patience. » « Tu es fou. Cela voudrait dire te sacrifier. » Il haussa les sourcils. « Tu ne crois pas que c’est exactement ce que j’ai fait, jadis ? Me sacrifier ? » « Je ne vois pas les choses comme ça. » « C’est que tu es aveugle, dans ce cas. Mais si cela peut enlever un léger doute de ton esprit alors… » Il y avait deux statues derrière lui. Ezechyel et Edel, sous leur forme Mortelle, face à face. Celle le représentant explosa sans aucun bruit. Les pierres tombèrent vers le sol au ralenti, se réduisant en cendres au fur et à mesure de leur progression. Aucune matière n’arriva jusqu’aux dalles du temple. « Mais… » Il ne souriait plus du tout. L’air qu’il avait sur le visage appartenait à quelqu’un de mauvais. Il pencha doucement la tête sur le côté. Un bruit désagréable intervint, comme des ongles sur un tableau noir. Un glissement advint puis le haut de la statue d’Edel s’éclata sur le sol dans un bruit tonitruant. « Je te détruirais quoi qu’il advienne. Tu as néanmoins le choix de la méthode. Si tu m’aides à la retrouver, je serai clément. Sinon, ce sera lent et douloureux. J’ai déjà tout prévu. J’attends juste le bon moment, un moment qui arrivera très prochainement, par ta faute. » Il la toisait et n’aurait pu paraître plus désagréable qu’il l’était alors. « Tu n’es pas digne d’être Edel. Tu n’es pas digne d’être à mes côtés. Tu n’es pas à ta place et tu le sais parfaitement. » lui susurra-t-il. Elle n’avait rien à répondre. Elle avait beau être puissante, il devenait difficile de discuter avec un homme qui était capable d’annihiler sa propre existence pour obtenir ce qu’il désirait. « Obtiens de Luftë qu’elle enlève sa protection et je serai sage la concernant : pas de temples détruits, pas de fidèles assassinés, en somme, pas de quoi donner des idées aux Mortels. Je pourrais peut-être même envisager d’être poli avec toi à l’avenir. » Il lui tourna le dos. « Réfléchis vite. Demain, il sera trop tard pour revenir en arrière. » L'Au-Delà éjecta la Déesse de la Vie comme une malpropre.