Partenaire : Ren Muramasa Intrigue/Objectif : De retour de son interrogatoire en tant que témoin de la scène qui se passe dans le RP Ils avaient des ailes blanches et…, Isiode, en compagnie d’Isley, quitte le bâtiment de la fête et tous deux se retrouvent nez à nez avec Ren; si l'Orine doit retrouver les Maîtres qui lui ont été désignés, elle devra, cela dit, subir un petit test physique pour mesurer ses capacités, en prévision des explorations.
D’un geste, je poussais le battant de la porte, constatant que quelques invités avaient quitté la fête, que ce soit pour se reposer en prévision des événements qui se dérouleront le lendemain ou simplement par nécessité. Cela étant dit, l’ambiance était toujours à la fête, la musique et les danses traditionnelles ayant été remplacées par des rythmes plus dynamiques, des chorégraphies plus énergiques afin d’inciter les gens à suivre la parade et à profiter, au maximum, de la soirée qui s’offraient à eux. Je les regardais sans véritablement les voir, mon esprit envahi par mille questionnements et irritations. Même si elle avait été brève, l’agitation créée par cette entité, en milieu de soirée, fut particulièrement intense, notamment pour les personnes qui avaient été interrogées par les miliciens de la Compagnie, un peu après le déploiement des premiers hommes à être partis à la recherche de l’intrus. Je ressassais les événements dans ma tête, l’apparition de l’entité, le moment où il nous avait observé depuis son promontoire avant d’étendre ses ailes et de nous laisser contempler la blancheur de ces maigres extrémités décharnées…
« Il est déjà tard, tu sais? »
Le fil de ma pensée se coupa instantanément. Je me retournais lentement en direction de la voix qui venait de m’interpeller, constatant du même fait que mon frère se tenait non loin de l’entrée de la cour, les bras croisés, adossé contre l’un des piliers qui supportaient le bâtiment. Automatiquement, je changeais la trajectoire de ma progression, filant droit vers Isley qui se redressa à mon arrivée.
« Où sont Hiddleston? Le capitaine? Tous les autres?
- Partis, à l’exception d’Acram, de Faith et de Nora m’apprit-il en pointant du doigt le trio en train de danser avec le reste des convives. Ça va? » Me demanda-t-il en retour en me tendant un verre d’eau.
À voyant cela, je lui adressais un sourire, prenant la coupe à pleine main.
« Merci, le gratifiais-je en avalant, d’une traite, le contenu du verre. Et je vais bien… Un peu fatigué, cela dit, mais ça va. »
Je sentis le regard de mon frère tomber sur mes épaules et, tout de suite, je posais mes pupilles sur son visage, analysant par magie les différents ressentis que j’étais en mesure d’examiner en lui. Il m’était possible d’y lire sa confusion, son incrédulité, sa curiosité également, mais surtout, prédominante sur tous les autres sentiments, l’inquiétude semblait envahir l’intégralité de son être, de ses réflexions. Doucement, je déposais mon verre sur la table qui se trouvait non loin de notre position, le rassurant d’un regard, accompagné par un rire discret et léger.
« Est-ce que tu sais?
- Oui. J’ai demandé des explications aux gardes qui ont surveillé les portes durant la soirée, m’avoua-t-il de but en blanc.
- Que t’ont-ils dit? »
Isley porta ses lèvres jusqu’à mes oreilles, consciencieux sur le fait que l’on pouvait être entendu par les autres invités qui déambulaient au rythme de la musique. Je l’écoutais attentivement, conservant une expression des plus neutres et naturelles et ce, même lorsqu’il recula d’un pas, frottant la paume de sa main contre sa nuque.
« Cela dit, la rumeur a tout de même fait le tour des invités, et chacun y allait de sa petite théorie. Mais, au final… »
Mon frère marqua volontairement une pause, alors que ses yeux me scrutaient de la tête jusqu’aux pieds. De nouveau, il me semblât qu’Isley voulait m’opprimer par la seule pression dont il chargeait son regard. Pour autant, je gardais mon calme, l’observant en biais pour l’inciter à poursuivre ce qu’il désirait dire.
« Mais, au final, reprit-il, nous ne savons pas ce qui s’est réellement passé, ni qui est véritablement cet intrus. »
Je confirmais ses dires d’un signe de tête.
« Puis, ils m’ont également informé que tu étais l’un des premiers intervenants à être parti à la poursuite de cette entité. »
Comme toute réponse, j’acquiesçais une seconde fois.
« Alors? Qu’en est-il vraiment? »
Je braquais mon regard dans le sien, silencieux un instant, avant de l’inviter à me suivre à l’extérieur du bâtiment.
« Allons faire un tour dehors. Je t’expliquerais tout cela en chemin. »
Et nous commençâmes à tracer notre chemin vers l’extérieur. Après avoir traversés le seuil de l’entrée, je finis par me poster aux pieds des escaliers, qui permettaient d’accéder au bâtiment, en amont. D'autres âmes séjournaient paisiblement en haut des marches, peut-être à la recherche de tranquillité; peut-être à la recherche de tout ce qui avait animé, quelques heures plus tôt, les discussions des invités, mais de là où nous nous étions postés, je considérais que nous devrions être suffisamment loin et seuls pour pouvoir parler en privé.
« Tu as, toi aussi, été interrogé, n’est-ce pas? Que leur as-tu raconté? Commença mon frère en chuchotant.
- La vérité, mon frère. Ce que j’ai vu, ce que nous avons tous vu. »
À ces mots, les cheveux de mon jumeau se redressèrent.
- Isiode… V-Vous avez certainement mal vu… C’est tout simplement…
- Impossible, je le sais. Et pourtant, il ne s’agissait pas d’une illusion, tentais-je de le convaincre en plantant mes iris dans les siens, inflexible. Il émanait de sa personne une puissance et une aura tout bonnement incroyables, presque effrayantes, mais rien de menaçant… Il était simplement majestueux. »
J’essayais de lui décrire ce que j’avais senti en moi lorsque mes yeux étaient tombés, pour la première fois, sur la silhouette de l’entité.
« Au départ, nous avons cru qu’il s’agissait d’une figure, d’une statue du moins. Cependant, il s’est retourné vers nous et il a déployé ses ailes… »
À ce moment précis de l’histoire, Isley leva ses yeux vers le ciel nocturne. Je distinguais assez mal ses traits sous les lueurs diffuses de la Lune et pourtant, je pouvais sentir son agitation.
« Des ailes blanches, sans plume ni duvet. Elles étaient minces et osseuses…
- C’est impossible! Répéta mon jumeau en coupant net mes paroles, dans un murmure qui perça, bien plus fort, le silence de la nuit que tous les autres. Cela ne se peut pas! Un Démon ne peut avoir de telles ailes au même titre qu’un Démon ne peut pénétrer aussi impunément sur notre territoire! Vous avez dû voir un Réprouvé ou bien un… un drôle de Déchu… »
Silencieux, je me mis à dévisager mon frère, conscient qu’il tentait de trouver une raison à tout ce délire. Car, après tout, comment décrire cela autrement que par ce mot? C’était purs non-sens, pure chimère, je tentais vainement de m’en persuader moi-même – et j’espérais qu’il ne croyait pas que je m’en formalisais sans autre réflexion – mais le fait est qu’il avait été là, cet homme, avec ses ailes blanches et décharnées. Il avait été là, je l’avais vu de mes propres yeux, malgré tout ce que je ne désirais pas croire. C’est pourquoi, après un moment, je finis simplement par baisser les yeux vers le sol, exhalant une profonde expiration.
« Tu essais de comprendre, Isley. Comme nous tous. Et je conçois parfaitement le fait que tu veuilles donner du sens à ce qui paraît ne pas en avoir. Cependant, dans ce cas précis, tout ce que tu peux croire, ce sont mes mots, mes yeux, ce que nous avons vu, moi et cette trentaine de témoins… Il y avait un homme portant des ailes rachitiques et blanches. Il est entré sur nos terres et j’ai eu beau le poursuivre, je n’ai jamais réussi à le rattraper. Il s’est volatilisé dans la nuit… Et à mon retour, le Commandant Tarveras m’attendait de pied ferme pour m’interroger sur la situation alors que des équipes venaient tout juste d’être envoyées pour quadriller les secteurs. »
Je me pinçais l’arête du nez.
« La vérité, c’est que personne ne sait vraiment qu’elle était cette… chose. Un Démon? Un Réprouvé? »
Je pris une profonde inspiration.
« Ou une entité d'une autre natu– »
Soudainement, je me tus, portant mon visage par-dessus mon épaule. En même temps, mon frère braqua son regard dans la pénombre, fixant un point, qui se modela rapidement en silhouette dans l’obscurité de la nuit, et qui se tenait dans mon dos, non loin des escaliers. Nous nous mîmes à la détailler silencieusement alors que l’inconnue s’était figée.
« Bonsoir mademoiselle… Désirez-vous quelque chose? » Lui posais-je d’une voix calme, agrémentée d’un sourire qui se voulait apaisant.
Dans la noirceur ambiante, je ne pouvais examiner avec précision les traits de son faciès, mais son visage arborait des lignes qui me parurent étrangement familières de prime abord et, durant les premières secondes, je pris le temps de l’observer, tandis que mon frère se rapprochait gentiment de la demoiselle, tout sourire.
« Veuillez nous excuser si nous vous avons surpris : nous avons été quelque peu brutaux. »
C’est surtout que nous étions tellement concentrés sur notre conversation que nous avions très peu prêtés attention à ce qui se passait dans les environs.
« Est-ce que nous vous avons dérangés? » Renchérit Isley après m’avoir jeté un coup d’œil et s’être assuré que je lui fis signe qu’elle n’était pas un danger : les sentiments de la demoiselle ne m’exposaient aucune once de menace…
Depuis son arrivée au cœur de la soirée, Ren avait été de surprise en surprise. Lorsqu’elle avait vu l’un des jumeaux – celui qui devait être Isiode – elle s’était jetée sur la nourriture et la première coupe de champagne venue, afin de noyer son anxiété et de trouver une explication rationnelle à son visage qui avait viré au cramoisi. Les hommes la rendaient bien trop sensible et Saya avait raison de la taquiner. Sa mère serait sans doute embarrassée par les pensées de sa propre fille. Pourtant, elle avait eu une éducation convenable au cœur de Maëlith. L’Ànjọnú n’était pas le seul à lui avoir fait cet effet depuis qu’elle était là. Certains hommes possédaient une beauté particulièrement troublante. Elle s’était d’ailleurs retrouvée face à un Ange qui lui avait demandée ce qu’elle faisait là, transpercée par l’intensité de son regard bleu. Personne ne la connaissait et c’était sans doute normal que les convives s’interrogent, même si sa présence passait le plus souvent inaperçue. Elle avait bredouillé au début, avant de se ressaisir. Elle n’était pas une femme impressionnable ou excentrique. Elle travaillait chaque jour pour être forte, mais les yeux de cet homme, couplé à sa récente solitude, contribuèrent à son état, grandement. « Je cherche Isiode et Isley Yüerell. » avait-elle fini par prononcer, plantant son regard dans celui de son interlocuteur. Les traits de ce dernier s’étaient radoucis et il lui avait indiquée une direction à prendre. Elle n’en avait pas réellement eu besoin car elle savait bien où ils étaient. Elle avait observé. Isley était moins impressionnant que son frère, plus discret, un peu comme elle, si on laissait de côté la couleur voyante de ses cheveux. Elle se sentit tout de suite un peu plus proche de ce dernier. Il lui parut bien plus accessible et sympathique. Isiode l’effrayait davantage. Il avait une prestance certaine mais ses yeux semblaient glacés. Peut-être se faisait-elle des idées ? Elle aurait l’occasion de le savoir rapidement.
La suite de la soirée, mouvementée, confronta l’Orine à une certaine anxiété. La nourriture et l’alcool furent de nouveau ses alliées. Les rumeurs étaient folles. Un Ange aux ailes démoniaques ? Un Démon aux ailes immaculées ? Ren n’avait jamais été confrontée à ce genre de phénomène. Certains évoquaient une potentielle provocation, un plaisantin de mauvais goût qui serait venu là les défier. D’autres parlaient d’une illusion ou d’une hallucination collective. Était-ce un Dieu ? Était-ce une nouvelle espèce ? L’inquiétude avait gagné la foule, une inquiétude qui se dissipa pourtant en grande partie après quelques paroles apaisantes. Ren ne connaissait pas l’Archange Ivanhnoé mais les invités semblaient convaincus par ses dires. Elle ne fit pas exception. C’était un homme de haute stature et sans aucun doute particulièrement influent.
L’Orine, un verre à la main, observait ses futurs maîtres discrètement. Parfois, elle n’arrivait pas à les avoir ensemble dans son champ de vision. Il fut ensuite clair qu’Isiode n’était plus là. Elle était pompette et avait mal au ventre. Heureusement qu’elle n’était pas Ange, sans doute aurait-elle été déchue par la Gourmandise, bien que cela soit plus un comportement dû à l’angoisse de l’inconnu qu’à une réelle volonté de s’empiffrer. Elle voulait réellement se lier mais elle savait que, ensuite, plus rien ne serait comme avant. Une ou deux fois, elle fixa la porte avec une envie certaine. Cependant, malgré sa peur, elle savait qu’une Orine sans maître était vouée à disparaître. Faire le lien était le plus effrayant. Le reste se ferait tout seul. Elle les sentirait au plus profond d’elle et pourrait agir au mieux, pour eux, toujours pour eux. Telle une ombre, elle les suivit lorsqu’ils se rejoignirent, hésitant un peu à s’approcher. Ils avaient entamé une conversation à propos de ce qu’il s’était passé. Elle avait aussi envie d’en parler mais comme elle ne connaissait personne et qu’elle se sentait soûle, il valait mieux qu’elle reste silencieuse. Devait-elle vraiment se présenter à eux dans cet état ? Elle doutait de dire ou de faire n’importe quoi mais ce n’était sans doute pas optimal. Ren s’avança davantage, comme si son corps avait une conscience propre qui n’écoutait pas sa réflexion. La voix d’Isiode s’éleva alors. Elle se figea, prenant conscience que c’était maintenant. Elle le regarda, rougissante, puis tourna les yeux vers Isley qui semblait avoir le contact facile. Elle lui sourit.
« Non, pas du tout. À vrai dire, je vous suivais. » commença-t-elle. Avec un peu de recul, c’était sans doute légèrement étrange comme introduction mais demeurait la vérité. « J’ai fait un long chemin pour vous trouver. » C’était vrai. Elle contempla de nouveau Isiode qui était un peu en retrait et fit quelques pas pour se rapprocher d’eux. « Vous hum… » Elle ne savait pas s’il valait mieux aborder le sujet du lien maintenant ou plus tard. Et si elle les observait un peu ? « Vous avez vu ce qu’il s’est passé ? De quoi il s’agissait à votre avis ? Je ne voulais pas couper votre discussion. » Ren avait un peu envie de dormir. Elle n’était même pas certaine de retrouver son chemin jusqu’à l’auberge qu’elle avait louée. « Je crois que j’ai un peu trop bu en vous observant tous les deux. Je ne savais pas que vous me feriez autant d’effet. Enfin… c’est que je vous ai beaucoup imaginés. J’ai beaucoup pensé à ce moment aussi mais les pensées sont toujours moins fortes que la réalité. » admit-elle alors.
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Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1067 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Dim 01 Sep 2019, 22:16
La déclaration de la nouvelle venue redressa l’un de mes sourcils. Elle nous suivait? Silencieux, je me permis d’analyser quelques secondes les sentiments de la demoiselle par le biais de mes pouvoirs, ressentant un trouble et une agitation intérieurs facilement discernables. Était-ce la nervosité caractéristique des menteurs que je percevais en elle ou était-ce autre chose? Mon examen n’était en rien exhaustif, mes pouvoirs me permettant, certes, de discerner les émotions et les sentiments d’autrui, mais je ne pouvais décemment, par ces seules facultés, déceler le vrai du faux, la sincérité du mensonge. Je l’observais dans l’obscurité ambiante, un soupir chatouillant le bout de mes lèvres lorsqu’une pensée soudaine s’ancra dans mon esprit. Depuis le Lux In Caelum, j’avais été de nombreuses fois accosté par des étrangers : le cavalier de l’Ultimage – que l’on m’appelait – semblait avoir tapé dans l’œil de quelques demoiselles notamment, mais est-ce que cette fille en faisait partie? Je continuais de lui sourire, jusqu’à ce que la jeune femme s’avance à notre hauteur, ses traits se précisant dans la noirceur et à sa vue, en un instant, mon sourire se décomposa en une expression de choc et d’ahurissement. Mon souffle se bloqua, mes yeux s’écarquillèrent tandis que mon menton, inconsciemment, tomba.
« Votre Majes– Commençais-je avant de m’arrêter brusquement au milieu de ma phrase, le poids du regard que mon frère me lança m’incitant instinctivement à me taire.
- Isiode? Est-ce que tout va bien? Tu en fais, une drôle de tête… »
Je restais figé quelques secondes, complètement paralysé, avant de détendre mes traits, forçant le sourire disparu à s’étirer sur la commissure de mes lèvres. Elle avait le même visage et même la coloration de ses cheveux était affreusement similaire. La ressemblance était troublante et pourtant, à mieux l’observer, une fois l’effet de surprise dissipé, je su tout de suite qu’il ne s’agissait pas de la même personnalité. Cette dernière était bien plus impressionnante, enveloppée dans cette aura que seuls les Grands semblaient posséder, tant par leur autorité, leur force que leur naturelle grandeur. Tandis que cette fille, au contraire, ne libérait rien de tel, si ce n’était que cette subtile odeur d’alcool diffuse qui l’entourait. Cela étant dit, qui était-elle pour posséder le même visage? À cette réflexion, mes sourcils se froncèrent légèrement.
« Tout va bien, finis-je par croasser dans un murmure. Ce n’est rien, tout va bien. »
Pour en assurer mon frère, je lui adressais un sourire, tournant simultanément mon visage en direction de la jeune femme pour lui en offrir un second, braquant mes yeux dans les siens.
« Eh bien, moi, je n’ai rien vu, mais mon frère…
- À vos questions, mademoiselle, renchéris-je soudainement, coupant la parole à Isley, nous ne pouvons malheureusement pas vous répondre tant que nos supérieurs ne nous en donne pas la permission. Cela étant dit… »
Je fixais brièvement mon frère du coin de l’œil, avant de reprendre :
« Si vous écoutiez si bien aux portes, nous devons donc supposer que vous avez entendu l’intégralité de notre conversation », lui lançais-je, attendant de voir sa réaction, si elle s’en troublerait ou si elle n’en ressentirait, au contraire, aucune honte aux vues de ses actions et, surtout, de sa filature.
J’exhalais finalement un soupir, croisant les bras.
« En toute sincérité, tout ce que je peux vous dire, c’est que je ne sais pas ce que j’ai vu : c’est peut-être la seule chose dont je suis convaincu, laissais-je tomber en levant les yeux au ciel. Pourtant, avec une aura et une apparence comme celles-ci, difficile de passer inaperçu. Je suis surpris que personne n’ait remarqué une telle engeance jusqu’à aujourd’hui…
- Elle n’est pas simplement apparue, comme ça, du néant, grommela Isley, à qui je répondis par un simple haussement des épaules avant de reporter mon attention sur la jeune fille.
- Peut-être se cachait-elle, dans l’attente de son heure? »
Le regard que m’adressa mon frère me fit sourire. Des créatures comme celles-ci, apparues de nulle part revenaient à la surface du monde lorsque leur heure sonnait enfin. C’est ce qui était arrivé aux Ridères, et c’est ce qui arrivait, peut-être, aujourd’hui, avec cette créature?
« Qu’avez-vous entendu, exactement? »
Je m’étais directement adressée à la demoiselle, dont je me permis d’examiner les vêtements avec plus d’attention, pendant qu’elle nous offrait sa réponse. Fabriqués dans un tissu léger, confectionnés dans un style particulier, ses habits n’était pas commun à ceux portés par les gens de notre peuple et, intrigué, je finis par pencher la tête sur le côté, voyant qu’elle recommençait à parler étrangement.
« Désirez-vous que l’on vous raccompagne à l’intérieur? Nous irions vous chercher un verre d’eau, histoire de vous rafraîchir un peu, proposa Isley en la dévisageant sans, pour autant, se départir de son sourire. Parce que vous êtes complètement rouge, mademoiselle… »
Elle était aussi écarlate qu’une tomate mûre.
« Qui êtes-vous? » Lui demandais-je finalement, la question me brûlant les lèvres depuis un bon moment déjà.
Tout en m’approchant de sa position, je finis par pointer ses habits du doigt.
« Ces vêtements ne sont pas d’ici : nous n’avons rien de semblable aux Jardins », lui fis-je savoir.
Relevant mon regard pour le poser sur son faciès, je me mis à détailler le coloris de ses yeux, encore plus troublé par cette ressemblance.
« D’où venez-vous, mademoiselle, et que voulez-vous de nous? »
Je me méfiais, ne sachant véritablement si c’était dû à son visage ou bien en raison de la nervosité que je sentais grandir au fond de sa poitrine…
Ren n’était pas encore très douée en observation mais lorsque son regard glissa sur les traits d’Isiode, elle remarqua tout de suite la modification de ces derniers. Elle se sentit étrange, impression sans doute accentuée par les effets de l’alcool. Avait-elle quelque chose sur le visage ? Finalement, peut-être valait-il mieux faire comme sa première impression le lui avait dicté, à savoir : rester focaliser sur Isley qui paraissait plus doux et compréhensif. Isiode ne lui en laissa cependant pas le loisir, venant rencontrer ses yeux après avoir rassuré son jumeau quant à son bien-être. L’Orine resta figée quelques instants, ne sachant pas ce qu’elle devait faire. Elle détourna le regard à la première occasion donnée. En temps normal, elle n’était pas aussi fuyante mais il dégageait une aura qui l’impressionnait. D’ailleurs, c’était étrange car si elle n’était pas sûre qu’il était un Ange – pour avoir eu l’information durant son apprentissage – elle n’aurait certainement pas parié sur ce peuple. Il lui semblait tellement dur. Elle se demanda s’il était toujours aussi froid et directif. Il venait de couper la parole à son frère sans aucune gêne, ce qui dessina une légère moue sur les lèvres de l’Orine. Il semblait que les choses allaient être complexes, comme si la présence de l’un n’était pas forcément bénéfique pour l’autre. L’un deux écrasait-il l’autre ? Elle se le demandait. « Si ce n’est pas ce que vous souhaitez, je m’abstiendrai de vous suivre à l’avenir. » dit-elle simplement, en évitant de le regarder. Son ton n’était pas menaçant, simplement neutre. Elle pensait être plutôt douée pour poser les bases et les limites en temps normal. Elle savait le faire. Seulement, il la mettait mal à l’aise, comme s’il cherchait à l’analyser ou à la faire fauter.
Ren resta silencieuse un moment, observant les mouvements corporels des deux hommes. Aussi, lorsqu’Isiode lui demanda ce qu’elle avait entendu exactement, sa réponse dut lui paraître étrange puisqu’elle ne s’était pas attardée sur le contenu de leur conversation mais bien sur la forme. « Hum. Il me semble que vous n’étiez pas d’accord sur le sujet. Je comprends que ces choses soient étranges mais l’Archange Ivanhnoé avait l’air serein lorsqu’il a essayé de rassurer l’assistance. Isley semble sceptique mais vous… vous êtes plutôt imaginatif sur ce que ça pourrait être. » Elle bougea un peu ses lèvres, comme si elle hésitait. « Ce n’est pas plus mal d’être prévenant et de vouloir palier à tout mais c’est fatiguant je pense. Vous devriez vous reposer parfois. Je vous sens extrêmement tendu. » Ce n’était que des suppositions. À vrai dire, elle ne saurait ces choses là qu’une fois que le lien serait fait. Elle les ressentirait, tous les deux, au plus profond de son être. Ils n’auraient pas à parler et ils ne pourraient rien lui cacher non plus. Elle prenait réellement conscience de l’ampleur de la tâche à présent qu’elle les avait devant elle. Cependant, elle ne se serait sans doute pas permise de s’avancer autant si elle n’avait pas un sérieux coup dans le nez. L’alcool l’aidait à vocaliser et déliait sa langue.
« Oh euh… » commença-t-elle à répondre à l’adresse d’Isley. Il était vraiment gentil, prévenant. Pourtant, on ne parlait que de son frère chez les Magiciens. Sa popularité était toujours intacte. Elle avait d’ailleurs vu quelques figurines grivoises en passant dans un marché après avoir quitté Saya et Kagamiko. La Bûche Sauvage était aussi sujet à fantasmes. C’était un peu déplacé, vis-à-vis d’Anges.
Le fait qu’Isley lui fasse remarquer la couleur de sa peau intensifia le rouge plus que ça ne le fit se ternir. Le fait qu’Isiode se rapproche n’améliora pas les choses non plus. Elle préférait vraiment la présence de son jumeau. Il ne la mettait pas dans tous ses états, au moins. Elle espérait que les effets néfastes de sa présence se gommeraient d’eux-mêmes une fois le lien créé. Dans le cas contraire, elle devrait gérer la situation du mieux qu’elle le pourrait. « Oui en effet. Je ne suis pas d’ici, comme je vous l'ai dit. J’ai fait beaucoup de chemin pour vous trouver, tous les deux. » Elle se rapprocha un peu d’Isley, inconsciemment, s’éloignant par là-même légèrement d’Isiode. Il lui semblait être le plus inquisiteur. Cela assurait sans doute la protection de la fratrie. Pourtant, la méfiance qu’elle croyait ressentir en provenance de l’homme la rendait fébrile. Elle devait avouer, à présent. Elle avait peur qu’il hausse le ton, étrangement. Pourquoi avait-elle bu autant ? « Je suis une Orine. » dit-elle. « Je viens de Maëlith et je suis venue à vous parce que mon roi, Marcus Araé, estime que vous méritez d’être accompagnés par l’une d’entre nous. J’ai été formée pour répondre à vos besoins et vous aider au mieux dans vos projets. » Elle se tut. Pour la première fois depuis le début, ses yeux s’attardèrent un peu dans ceux d’Isiode. Elle s’était beaucoup rapprochée d’Isley, comme s’il était un rempart mais l'autre attirait son attention davantage, malgré elle. Elle aurait préféré que ce fût le contraire.
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Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1067 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Sam 07 Sep 2019, 09:14
À sa répartie, alors que ses yeux évitaient les miens, j’esquissais un vague rictus, poussant un soupir.
« Veuillez l’excuser… Mon frère a eu quelques problèmes avec des femmes par le passé à ce propos, d’où son irritation », voulut clarifier Isley à la rouquine.
Depuis les fameuses lettres, en réalité, il est vrai que j’avais tendance à me méfier, mais la situation de cette femme, en particulier, était différente. Une dizaine de questions faisaient chemin entre mes deux oreilles tandis que j’écoutais sa réponse d’une oreille attentive. Elle ne semblait pas avoir conscience de ce qu’elle était – ou, du moins, de qui elle possédait les traits. Était-elle l’un de ces personnages que l’on nommait clone, identique à un corps original tout en ayant ses propres distinctions, sa propre essence et – finalement – sa propre identité? C’est alors que la suite de sa réplique me fit hausser un sourcil. Tendu? Me reposer? À ce commentaire, je ne pus m’empêcher de sourire, passant distraitement une main sur mon visage. Cela se paraissait-il à ce point?
« Nous partons bientôt au-delà des mers et nous travaillons d’arrache-pied depuis des mois afin que tout soit parfait pour notre départ alors oui, il se peut fort bien que j’ai accumulé de la fatigue depuis. »
Lentement, je refermais mes doigts dans un poing. Enfin, peu m’importait, en toute sincérité. Nous étions à la veille de notre départ, et tout ce pour quoi nous œuvrions depuis des mois et des mois se concrétiserait, enfin, dès demain. Cependant, l’apparition de cette chose, plus tôt, avait de quoi me rendre nerveux. Imaginatif? Peut-être l’étais-je, mais comment douter de ce que j’ai vu de mes yeux – et douter de ce que nous avons tous aperçu sur le toit de ce bâtiment? Isley n’était pas présent pour voir cet homme aux ailes blanches et décharnées et il avait beau tenter d’expliquer que cela devait certainement s’agir d’une erreur ou d’une exception, non, non, je ne pouvais pas simplement accepter cette supposition. Il y avait eu quelque chose sur ce toit et elle était puissante. Très puissante. Si puissante qu’il me semblât impossible que personne n’en a eu vent jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi je ne pouvais que dévisager la jeune femme d’un air sévère, persuadé que le calme apparent de l’Olori Ivanhnoé n’était qu’une façade pour prévenir et refréner toute agitation dans la salle. À quoi aurait servi quelques paroles quémandant quiétude et attention si le principal orateur se présentait devant son public avec un trait agité et des mains tremblantes? Comme quoi, mine de rien, l’Archange avait bien fait son travail.
Cela étant dit, je préférais m’abstenir de tout commentaire à l’endroit de la rouquine, laissant plutôt mon frère s’occuper d’elle, en réalité. Elle était soûle, et cela devait expliquer ses drôles de réactions, notamment lorsqu’elle s’éclipsa à pas de loup de ma proximité, alors que je lui avais posé des questions sur son identité. Au lieu de quoi, elle préféra se décaler en direction de mon frère, fuyant encore et toujours mon regard. Je pouvais également ressentir une fébrilité assujettir son être, mais de quelle nature était-elle? Cette femme avait-elle peur? Était-elle nerveuse? Je lançais une œillade à l’attention de mon jumeau, qui capta mon regard et qui se contenta de me faire un signe du menton, reportant rapidement son attention sur la jeune femme.
« Une Orine? » Se surprit alors Isley, alors que la rousse confirma cela en poursuivant son récit.
Lorsqu’elle marqua une pause, un silence s’était doucement étendu sur nos épaules et je parvins à intercepter le regard de la demoiselle. Cette fois-ci, mon air sévère s’était légèrement fissuré, laissant place à une expression de trouble et de saisissement. Éperdus, notre étonnement n’avait rien de si surprenant que cela, la valeur inestimable que l’intégralité des peuples du Yin et du Yang accordait à ces jeunes femmes ne nous étant en rien étranger. Les Orines étaient connues et reconnues à travers les continents pour n’appartenir qu’à des hommes d’exception, que l’on disait prometteurs ou voués à un grand destin, et c’est pourquoi elles étaient si rares, si précieuses, mais également, si convoitées. Hyperboles d’amateurs inspirés ou faits véritables, à cet instant précis, nous ne pouvions que penser qu’il devait y avoir erreur sur les personnes en réalité.
« Sauf votre respect – et loin de nous de douter de vos paroles – mais i-il doit y avoir erreur, mademoiselle. Nous ne pouvons pas être vos… Maîtres… »
Isley cherchait mon soutien d’un regard alors que le mien resté fixé sur la jeune femme.
« Il y a des hommes bien plus importants et méritants à l'intérieur de ce bâtiment, qui ont accompli bien plus de choses que nous deux réunis.
- Mon frère a raison. Nous n’avons rien d’exceptionnel : nous ne sommes que des soldats, murmurais-je d’un ton énigmatique tout en détournant brièvement mon regard de celui de l’Orine. Quel est votre nom? » Lui posais-je finalement après un instant de silence.
À la suite de sa réponse, je finis par porter mon regard sur Isley, qui n’en revenait toujours pas. Il avait toujours été humble et simple, n’ayant toujours vécu que pour l’amour et le souci des autres. Pendant un temps, il s’était même vu partir au-delà des contrées en compagnie de cette Vampire, mais aujourd’hui, alors qu’elle l’avait visiblement abandonné – ou était-ce plutôt la Mort qui l’en avait débarrassé? – il n’avait d’autre ambition que de prêter son épée et sa force pour la Compagnie. Rêvait-il d’autres horizons? De voler plus haut? De se laisser porter dans le ciel jusqu’à passer tout près du Soleil? Je n’en avais pas l’impression. Alors que moi… Pour mon peuple et la Paix… Peut-être, en effet, rêvais-je de m’approcher du Soleil.
« Oh ? » Ren avait illustré un étonnement qu’elle trouva légèrement stupide seulement cinq secondes après. Évidemment. Il ne faisait aucun doute qu’il devait être sollicité. Le Cavalier de l’Ultimage, le Prince de Caelum… Il collectionnait les appellations. D’autres étaient beaucoup moins charmantes mais sans doute était-ce là le prix de la notoriété. Elle se demandait comment il vivait la situation. Ça devait être particulièrement troublant d’être reconnu uniquement par un hasard – chanceux ou malchanceux. Elle ignorait s’il était plutôt l’un ou l’autre. Dans tous les cas, elle savait, au fond, qu’il finirait par recevoir les honneurs qu’il méritait et ceux-ci ne seraient probablement pas liés à une Galette, à un lancer de lampion ou à une femme. Et Isley, comment le vivait-il ? Ils étaient tous les deux des Anges alors elle doutait que la jalousie étreigne son cœur plus que de raison. Les confondait-on souvent ?
« Je comprends. » dit-elle lorsqu’il lui parla des préparatifs. C’est ce qu’elle avait décelé durant la soirée. Finalement, elle était heureuse d’être arrivée à temps. Les jumeaux partaient bientôt, dès le lendemain si elle ne se trompait pas, et s’il avait fallu les pourchasser au-delà du continent, sa tâche aurait été bien plus complexe. Surtout, elle ne savait pas nager, ce qui aurait rendu son voyage d’autant plus périlleux. Ren fit une petite moue. C’était bête. Elle qui avait prévu de rester aux Jardins afin de vivre avec Saya et Kagamiko, il semblait, à présent, que ses plans tombaient totalement à l’eau. Elle aurait beaucoup aimé que ce fût possible. Ensemble, elles auraient pu se parler, se conseiller et s’acclimater. Là, elle risquait de se retrouver seule, à devoir essayer de gérer de nouvelles situations sans pouvoir demander l’avis de ses semblables. Serait-elle à la hauteur ? Surtout qu’ils étaient deux, dont l’un particulièrement impressionnant.
Ren dévisagea un instant Isley quand il lui suggéra l’erreur. C’était étrange de dire ça ; ça lui paraissait étrange, à elle. Ni l’un ni l’autre ne semblaient prendre conscience du degré de préparation des Orines. Une erreur était impossible. Elle était faite pour les servir et seule une mauvaise réponse à son énigme les disqualifierait. Elle frémit légèrement à cette idée. Et s’ils se trompaient ? Et s’ils échouaient ? Ce serait affreux. Toute sa vie serait remise en question. Pourtant, elle avait une foi inébranlable concernant les décisions du Mars. Il savait ce qui devait être. Le lien qu’il décidait était le bon. Parfois, il donnait plusieurs noms, des choix possibles. Dans son cas, il s’agissait simplement des jumeaux Yüerell. Il n’y avait pas d’alternatives. « Sauf votre respect… » reprit-elle de la formulation d’Isley. « Mon Roi sait ce qu’il fait. S’il m’a envoyée ici pour vous, c’est qu’il estime que vous êtes plus dignes que ces hommes importants et méritants qui se trouvent à l’intérieur de cette salle, peu importe ce qu’ils ont accompli ou non. » Elle était un peu agacée, en réalité. Elle ne savait pas comment se l’expliquer mais elle n’aimait pas qu’ils remettent en doute ce pour quoi elle se levait tous les matins depuis sa naissance, quand bien même il était clair qu’ils ne le faisaient pas exprès. L’alcool aidant probablement, elle avait figé son regard dans celui d’Isiode en disant cela, sèchement. Sa mère était morte il n’y avait pas longtemps, après l’avoir aidée et supportée afin qu’elle soit à la hauteur de ce qu’elle devrait accomplir. Elle ne pouvait pas la décevoir – ni décevoir son peuple dans son ensemble d’ailleurs. Elle se radoucit un peu, préférant retrouver les yeux bleus rassurants d’Isley. « Je vous assure qu’il n’y a pas d’erreur. » fit-elle en lui attrapant la main. Elle marqua une pause puis répondit à l’interrogation d’Isiode. « Je m’appelle Ren. » murmura-t-elle en admirant toujours son jumeau.
Après un petit moment où son esprit un peu perdu par l’alcool s’égara dans des contrées lointaines, elle finit par changer légèrement de sujet. Ces expéditions la rendaient curieuses et, surtout, elle avait besoin de savoir de quoi il en retournait exactement. Elle lâcha la main de l’Ange puis essaya de se placer de façon à pouvoir les avoir tous les deux en visuel. Isiode la troublait toujours. « Hum, ces expéditions… Qu’en est-il exactement ? » questionna-t-elle. Il y avait des choses qu’elle ne pouvait pas savoir. Certaines rumeurs lui étaient parvenues mais pas sur la question. À croire que les quidams étaient bien plus intéressés par les histoires de fesses potentielles que par les affaires sérieuses. « Vous partez ensemble ? » Elle voulait poser son énigme mais peut-être n’était-ce pas sage, vu son état. Et puis, elle appréhendait toujours, malgré sa détermination. Elle goûtait sans doute à ses derniers instants de liberté. Elle se demandait comment les choses seraient, ensuite, ce qu’elle ressentirait vis-à-vis de chacun d’eux. Est-ce que, lorsqu’elle verrait Isiode, à l’avenir, elle se sentirait mieux ? Est-ce qu’Isley cachait quelque chose, sous son apparence apaisante ? Que ressentaient-ils l’un pour l’autre ? Quels étaient les sentiments qu’ils éprouvaient vis-à-vis de tiers ? Elle s’interrogeait vraiment, trouvant la situation actuelle confortable. Elle ne pouvait pas savoir, le Lien n’était pas fait. Une fois qu’il le serait… pourrait-elle se tromper ? Mal interpréter ? Les mettre dans l’embarras sans le vouloir ? « Hum… » fit-elle. Elle avait la tête qui tournait. Elle prit le bras d'Isley.
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Dernière édition par Kagamiko le Ven 15 Nov 2019, 23:30, édité 1 fois
Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1067 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Dim 06 Oct 2019, 20:29
Sa voix s’était soudainement fait dure et sèche lorsqu’elle prit conscience de notre scepticisme, son visage se tournant dans ma direction à l’instant où sa bouche s’ouvrit sur ses paroles. Sans broncher, je supportais le poids de son regard, braqué dans le mien, jusqu’à ce qu’elle décide de reporter son attention vers mon frère. Elle nous assurait qu’il n’y avait pas d’erreurs, qu’il ne pouvait y avoir d’erreurs possibles et, dans un sens, si cela semblait gêner et troubler Isley, je conservais le silence, un mutisme étrange venant se déposer sur nos épaules en même temps que le passage d’une douce brise saisonnière. Je remarquais alors que sa main prit celle de mon frère. Ce dernier, visiblement surpris, se mit à rougir violemment, embarrassé et confus par le comportement de l’Orine. À ce constat, mes sourcils se froncèrent tandis que des images du passé me revinrent brusquement en mémoire. Mon expression s’assombrit alors que mes yeux scrutaient froidement le faciès de la jeune femme. Que croyait-elle faire en initiant un tel geste? Cependant, avant d’avoir pu formuler une quelconque remarque à l’endroit de son attitude, Isley émit un léger rire nerveux tout en effectuant un vague hochement de la tête pour faire signe à la rouquine.
« … Alors nous vous croyons », finit par décréter Isley en esquissant une courte révérence en direction de la jeune femme, qui disait se prénommer Ren.
Ce fut alors au tour de mon jumeau de porter ses yeux sur mon visage, tentant d’y décrypter mes pensées, mes véritables ressentis vis-à-vis la situation. Je restais aussi imperturbable que la surface d’un cours d’eau, mes traits n’exprimant que la méfiance que je nourrissais à l’égard de cette Orine. Percevant sans mal l’aura négatif qui m’enveloppait, Isley se tourna vers la demoiselle, lui souriant timidement, jusqu’à ce qu’elle finisse par lui lâcher la main.
« Qu’en est-il? Eh bien… »
Mon frère prit une seconde pour réfléchir avant de renchérir presque instantanément :
« Il s’agit d’une campagne d’exploration sur trois territoires qui commenceront dès demain, lui confia-t-il. Nous seront séparés en trois détachements pour ces expéditions et, pour répondre à votre seconde question : non, nous ne partirons pas ensemble. »
Il émit une courte pause, fixant la jeune femme.
« Vous n’êtes pas sans savoir que, depuis notre défaite au Rimkalàri, notre peuple n’est guère au mieux de sa forme. Bien au contraire… Nous vivons sans cesse dans le désespoir et la peur, la frustration et la haine. Perdre une guerre, c’est une chose, mais perdre tout son peuple… en est une autre, échappa-t-il dans un murmure soudainement bas et désenchanté, son regard se détournant légèrement de celui de Ren, qu’il préféra momentanément éviter.
- Mais grâce au soutien des Magiciens, nous n’avons pas tout perdu », m’obligeais-je à préciser, lésé de voir encore et encore ce genre de regards sur le visage de mon frère et de nos semblables.
Nous n’étions pas tous morts ce jour-là. Nous sommes encore vivants après tout. Alors, il fallait cesser de baisser le menton en observant les cadavres à nos pieds et relever la tête pour admirer le regard de ceux et de celles qui nous ont quitté, mais qui continuent de nous soutenir de là où ils sont : l’Erāhael, le Royaume du Ciel, était à présent leur antre et repos éternel, et il était de notre devoir de protéger et de poursuivre ce qu’ils avaient eux-mêmes commencé lorsqu’ils étaient encore sur cette terre.
« Cela étant dit, le peuple des Mages Blancs ont été suffisamment généreux et patients à notre égard en nous offrant l’exil depuis si longtemps tout en acceptant nos travers et nos différends. »
À la suite de cette intervention, mon frère reprit :
« C’est pourquoi, dans le but de nous faire recouvrir notre indépendance, l’un de nos hauts-gradés dans le gouvernement angélique, l’Archange Nathanaël Ivanhnoé, a réalisé cette campagne. Il paraît que ce projet lui a pris des années et des années à concevoir avant qu’il ne le propose à notre ancienne Reine, qui accepta de soutenir sa campagne.
- L’Impératrice Blanche a également consenti à fournir du financement, et une Grande Dynastie elfique a, elle aussi, promis une entente afin de nous venir en aide pour ces expéditions. »
Il eut un bref silence durant lequel Isley finit par relever les yeux vers le ciel. Un air léger et rêveur maquillait les lignes de son faciès.
« Depuis si longtemps, nous nous sommes sentis abandonnés du reste du monde, car seuls les Mages Blancs nous avaient tendu la main dans notre quasi dépérissement… Et aujourd’hui, grâce à la persévérance d’un homme, voyez ce qu’il a été possible d’accomplir. Les explorations n’ont pas encore commencé, certes, et nous ne nous faisons pas d’illusions quant aux difficultés que nous allons forcément croiser sur notre chemin, mais cette étincelle d’Espoir… Cela faisait si longtemps que nous ne l’avions pas senti brûler au plus profond de nous. Nous avions besoin d’un renouveau et, peut-être, que c’est par-delà l’Océan que nous le trouverons. »
Un nouveau contact l’arrêta subitement dans son monologue tandis que ses yeux s’étaient de nouveau écarquillés sous le coup de l’étonnement. Les miens, quant à eux, s’étaient plissés. Cependant, après un instant, je finis par souffler une longue expiration, reprenant un air flegmatique et inaccessible. Peu importe. Cette femme était soûle. Isley en avait tout autant conscience que moi, alors je n’avais pas à m’inquiéter. Son cœur avait bel et bien raté un battement à l’instant où leur peau s’était, une fois de plus, touchée et son regard s’était brièvement dissimulé sous une expression que je lui connaissais que trop bien, pour l’avoir vu et revu, des mois durant, lorsqu’il avait repris contact avec cette Araya. Mais finalement, son expression de mélancolie se mua en un visage bienveillant et souriant.
« Vous semblez véritablement fatiguée, mademoiselle », lui fit-il finalement savoir tout en la guidant au pied de l’escalier qui se trouvait à proximité de notre position.
Là, il l’invita à s’asseoir sur l’une des marches, prenant place à ses côtés sans se départir de son sourire.
« Je vais aller lui chercher de l’eau…
- Oh! Merci Isiode. »
Je ne lui répondis pas, traçant simplement mon chemin jusqu’à l’entrée du bâtiment. Les musiques de la célébration se firent soudainement plus fortes dès l’instant où j’écartais les battants des portes. Sans perdre plus de temps, j’allais directement au comptoir à boisson, commandant trois verres d’eau. Le premier qu’elle remplit, je le bus à grandes gorgés, lui redonnant le verre vide avec le sourire avant d’attraper les deux derniers et de rebrousser chemin. Ren… Ren… Ren… Qu’est-ce que ça veut dire? Songeais-je tout en avançant pour rejoindre le dehors. Qui était-elle pour avoir ce visage, un visage si similaire à celui de la Reine Nilsson? Une Orine, oui, je l’avais bien saisi, mais cela ne pouvait expliquer le fait qu’elle ait les traits de l’Ultimage… Elle ne semblait pas mentir sur son identité pourtant, mais en même temps… Une telle ressemblance était troublante. L’Ultimage était partie vers une contrée lointaine et méconnue, l’affaire sur sa « disparition » n’ayant toujours pas été élucidée ici, sur le continent. Est-ce que l’on se jouait de nous? Je ne saisissais pas pourquoi. Est-ce qu’il s’agissait d’une véritable coïncidence? Je l’espérais, sans véritablement y croire…
Attendant que je revienne avec l’eau, Isley observait la jeune femme à ses côtés. Le roux de sa chevelure était sombre en raison de l’obscurité ambiante et il était assez difficile de distinguer le coloris de ses yeux sous une si faible lumière. Pourtant, il avait beau l’examiner, il n’arrivait pas du tout à reconnaître cette personne et ce visage en particulier. Ren ne ressemblait à personne qu’Isley connaissait.
« Je suis sincèrement désolé pour mon frère… Il semblerait qu’il vous est pris pour quelqu’un d’autre et cela le trouble profondément… »
Isley avait beau avoir quelques difficultés pour déchiffrer mes pensées, mais il avait suffisamment vécu à mes côtés pour reconnaître ce genre d’expressions lorsqu’ils apparaissaient sur mon faciès.
« C’est pourquoi il paraît si froid à votre endroit. Veuillez l’excuser. Je suis sûr qu’il ne le fait pas en mal. Il est seulement… perturbé. Et dans ces moments-là, il peut être assez méfiant et, oui, désagréable. »
Mon frère se frotta distraitement la nuque.
« Dîtes-moi, est-ce qu’il est vrai que vous, les Orines, sachiez lire dans les pensées de vos Maîtres? La questionna-t-il tout en pointant sa tempe. Vous… Comment faîtes-vous cela? Et… si nous sommes vos Maîtres, que devrions-nous faire exactement? »
En vérité, nous ne connaissions des Orines que ce que les rumeurs disaient sur elles et, si nous savions que le seul but de leur existence était de satisfaire les besoins de leur Maître et qu’elles étaient des créatures rares, d’exception, à la beauté aussi enchanteresse que douce, nous étions parfaitement ignorants sur le reste.
Ren se sentait un peu confuse. Elle n’était pas habituée à suivre une si longue conversation. Les informations que les deux frères lui fournissaient étaient denses. Elle en connaissait une grande partie. Qui, aujourd’hui, pouvait encore ignorer l’existence du Génocide des Anges ? Le reste lui était inconnu. L’alcool n’aidait pas, bien entendu, et sans doute devraient-ils lui réexpliquer certains passages ultérieurement. Ce qu’elle retint, en réalité, ce fut l’expression d’Isley lorsqu’il parla du voyage et l’espoir qu’il nourrissait. Isiode lui semblait… différent. Elle ne comprenait pas vraiment ce besoin de préciser les choses, de ramener les Magiciens sur le devant de la scène. Avait-il un lien particulier avec eux ou n’était-ce là qu’une volonté d’exactitude ? Elle l’ignorait. Il lui semblait plus difficile à comprendre, plus froid et réticent. Son instinct la poussait à songer qu’il ne le voulait pas d’ailleurs, être compris. Isley laissait filtrer ses émotions. Isiode restait de marbre. Pourquoi se protégeait-il ainsi ?
Elle se laissa guider vers les escaliers. L’Ange avait raison, elle était fatiguée à présent. Le fait d’apprendre que les jumeaux se sépareraient durant les expéditions l’avait quelque peu secouée aussi. Elle devrait en accompagner un et ce ne serait pas évident. Ils devraient choisir pour elle, sans aucun doute. À moins qu’elle ne puisse sentir lequel des deux avait le plus besoin d’elle ? Tout ceci lui semblait confus. Elle voyait très bien Isiode essayer de se débarrasser d’elle. Pourtant, était-ce vraiment Isley qui était le plus à risque ? Celui qu’elle devait absolument épauler ? Toutes ces choses, elle les saurait probablement une fois le lien établi, pas avant. Les deux la rendaient un peu fébrile. Ils étaient tellement différents qu’elle se questionnait sur son devenir à elle. Forcément, ils la changeraient. « Oui… Désolée si je vous ai mis mal à l’aise. » murmura-t-elle à l’attention de l’Ailé restant lorsqu’il lui fit remarquer qu’elle semblait fatiguée. « Quelqu’un d’autre ? » releva-t-elle doucement. Elle se questionnait sur l’identité de cette personne mais n’en dit rien pour le moment. Elle laissa continuer le blond en silence, jusqu’à ce qu’il l’interroge sur sa condition d’Orine et leur condition de Maître. Elle mit sa main devant sa bouche, esquissant un bâillement discret.
« C’est plus complexe que cela. » commença-t-elle calmement. « Déjà eh bien… Vous devez répondre correctement à mon énigme. L’un de vous deux suffit, l’autre se retrouvera lié de fait. » Elle sourit. C’était sans doute étrange de l’entendre. C’était, en tout cas, étrange à prononcer. Elle se rendait compte que si Isiode refusait de se lier mais qu’Isley acceptait, alors le sort de l’un serait scellé par les actes de l’autre. « Une fois le lien noué, je ne pourrai plus vous tromper. Vous pourrez lire en moi facilement. La réciproque sera vraie, bien sûr. Mon but est de vous servir au mieux et ma magie me permettra de connaître vos besoins, vos désirs et vos aspirations, même en l’absence de conscience de votre part. Le lien est très puissant, plus que le déni. C’est… à la fois fascinant et terrifiant, je pense. » Sa main vint de nouveau rejoindre la sienne. « Voyez… Par exemple, ce geste qui vous a troublé tout à l’heure. Si nous étions liés, vous sauriez ce qui me motive à le produire, tout comme je saurais ce qu’il évoque et provoque chez vous. Je ressentirais votre tristesse et je saurais comment la combler. Je ressentirais vos espérances et ferais tout pour que l’espoir devienne réalité. » Elle se pinça les lèvres sans mettre un terme à son geste. « Une fois le lien établi, je vous consacrerai ma vie et vous n’aurez rien à faire de particulier. Pour toujours, je serai à vos côtés et vous pourrez me faire confiance aveuglément car jamais je ne vous trahirai. Ni vous, ni votre frère. » Elle sourit. Comme elle le regardait depuis le début de ses explications, elle choisit de poser ses yeux sur un élément quelconque du décor, devant elle. Elle voyait pourtant une ombre se profiler. Elle en avait déjà entendu parler, de ces Orines qui devaient servir des jumeaux différents, voire carrément en conflit l’un avec l’autre. Elle n’était pas soucieuse concernant les deux Anges. Elle se rassurait en se disant que jamais l’un ne souhaiterait la mort de l’autre. Ils avaient des rêves sans doute similaires, d’où le fait qu’ils rejoignent ces expéditions, quand bien même ils le faisaient séparément. « Il vous faudra déterminer avec qui je partirai. Votre frère n’a pas l’air de m’apprécier, comme vous l’avez dit. » Elle marqua une pause, hésitant un moment avant de demander : « Qui est cette personne avec qui il m’a confondue ? ». Elle avait envie de poser sa tête sur son épaule. Sa présence la rassurait et elle luttait un peu contre le sommeil. Elle finit par le faire. « C’est juste pour un petit moment. » précisa-t-elle en fermant les yeux, attendant sans doute qu’il réponde à sa question. Il devait bien avoir la réponse.
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Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1067 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Mer 20 Nov 2019, 01:52
J'observais le profil de l’Orine, intrigué et fasciné à la fois tandis que cette dernière avait fini par détacher ses yeux des miens pour contempler l’environnement qui nous entourait. C’était… incroyable. Pas étonnant que plusieurs individus soient séduits par de telles créatures, charmés par de telles promesses et possibilités. Elles leur garantissaient loyauté et fidélité, transparence et réconfort, cœur et corps et, en songeant à tout cela, je ne pus m’empêcher de constater la perversité d’une telle condition. Une Orine destinée à un Maître mauvais, que lui arrivait-il exactement? Ces dernières servaient leurs désirs, servaient leurs plus folles passions, qu’elles soient sages ou non. Un frisson glaça ma colonne vertébrale alors que je réalisais, petit à petit, l’horreur de la situation. Mais en même temps, étaient-elles heureuses de vivre de la sorte? Heureuses de laisser de côté leur propre personne pour consacrer leur entière existence à autrui, envers et contre leur propre nature? Je fixais la rouquine tout en pensant à cela, sortant brusquement de mes pensées lorsqu’elle mentionna les expéditions. Pourtant, je n’eus pas le loisir de réfléchir réellement à la question, sentant alors son corps se coller à moi, puis sa tête reposer contre mon épaule. Instantanément, je me figeais, le rouge montant à mes joues.
« Ah! Euh… P-Pas de soucis… » Bégayais-je tout en baissant la tête en direction de mes mains, que j’avais jointes entre elles, en signe d’agitation.
Un silence s’installa doucement entre nous. Moi, plongé dans ma gêne, je tentais de calmer mon affolement. Je n’étais pas habitué à ce genre de proximité et pourtant, je pris sur moi pour tranquilliser le trouble, jouant nerveusement avec mes doigts.
« En toute sincérité, finis-je par lui répondre doucement, sans bouger, je n’en ai absolument aucune idée. »
Pensif, je finis par poser mes coudes contre mes cuisses, m’appuyant de la sorte tout en m’assurant de ne pas déranger Ren, qui somnolait tranquillement sur mon épaule.
« Votre visage ne me dit rien, mais dans le cas de mon frère, je ne sais pas, il semble vous avoir déjà vu quelque part. Cependant, je ne saurais dire où exactement. »
Je lui adressais une brève œillade en coin avant de porter mon attention par-dessus mon épaule. Est-ce qu’Isiode arrivait? La porte menant à la salle de soirée était toujours fermée. Au seuil de son portique, j’étais en mesure de distinguer les silhouettes de quelques invités, mais aucune qui puisse ressembler à celle de mon jumeau. Les escaliers, également, étaient vides de toute âme, hormis les nôtres, plongées dans un doux silence quelques fois interrompu par le souffle léger et gracile de Cléophée. Constatant cela, je reportais mon regard sur la rousse, dont seul le profil m’était visible depuis cette posture. Je déglutis avant de détourner les yeux.
« Dîtes-moi, que vous arriverait-il si nous refusions de nous lier à vous? Murmurais-je à son endroit. S-Sachez tout de suite que ce n’est pas contre vous! J-Je pose la question, parce que… »
Isiode. Tout simplement. Ce qu’elle venait de m’avouer quant à la relation entre une Orine et son Maître m’inquiétait, surtout vis-à-vis de mon frère. Il n’était plus du tout comme autrefois. Avant, il souriait, et n’hésitait pas à faire transparaître ses ressentis, que ce soit par des mots ou bien, simplement, par les traits de son faciès. Il avait toujours eu la réputation d’être l’aimable de la fratrie, enclin à rire, enclin à se laisser aller, plus que ma personne qui était, autrefois, coincé dans ses devoirs, dans ses responsabilités. Il m’avait toujours paru plus facile à lire que moi-même, plus facile à deviner les sentiments que ceux que me chuchotaient mon subconscient à l’oreille, mais j’avais compris que tout ceci n’avait été qu’une grande mascarade depuis toutes ces années. L’Isiode que j’avais connu n’avait été qu’une façade, qu’un personnage et mon frère, le véritable, était cet étranger que je côtoyais quotidiennement dans mes journées. Et à force de vivre à ses côtés, à force de l’observer, de l’étudier, de réapprendre à vivre avec mon frère, j’avais fini par comprendre quelque chose : les sentiments qu’Edel nous avait octroyé à notre naissance, de cela, il n’en voulait rien. Il préférait encore les piétiner, les brûler, les rejeter que de les ressentir. Pourquoi? En raison de sa mission? En raison de ses responsabilités? Je me mordis la lèvre, nerveux.
« Comptez-vous sincèrement nous rejoindre pour ses explorations? Avez-vous eu un entraînement quelconque pour vous préparer à cela? »
Je me tus, écoutant sa réponse tout en fermant les yeux quelques secondes avant de reprendre après un certain temps :
« Muramasa… »
Puis, en toute délicatesse, je l’incitais à relever la tête alors que je me glissais silencieusement devant elle. Face à face, je lui pris doucement les épaules, braquant mon regard dans le sien pour être certain d’avoir toute son attention.
« Posez-moi votre énigme. »
J’affichais un air sérieux, déterminé.
« Isiode sera sûrement furieux, mais… »
J’esquissais un maigre sourire à son attention.
« Vous êtes venue, depuis les terres d’Émeraude pour nous, pour réaliser ce pour quoi vous êtes destinée et si votre Roi a cru qu’il serait juste de nous lier, tous les trois, il doit bel et bien y avoir une raison à tout cela, blatérais-je d’une voix légèrement confuse. Ensemble, nous sommes peut-être destinés à de grandes choses, que nous ne saisissons guère encore aujourd’hui, mais qui se profileront au fur et à mesure. »
Je baissais momentanément les yeux vers les marches.
« Le problème, c’est que mon frère ne voudra jamais se lier. Enfin, pas de la sorte, puisque c’est comme vous l’avez dit : c’est à la fois fascinant et terrifiant, et ce qui le terrifiera, certainement, c’est que vous puissiez vous trouver dans sa tête, que vous puissiez trouver ses failles. Pourquoi? Je n’en ai aucune idée, mais c’est le sentiment que j’ai. »
Je laissais le silence nous envelopper quelques secondes avant que j’expire une longue respiration. Puis, je reposais mon regard dans celui de l’Orine, pris d’une assurance nouvelle et inflexible.
« Testez-moi, seul, je vous prie. »
Je déglutis difficilement. Mes mains tremblaient contre les épaules de la jeune femme. Quel genre d’énigme me poserait-elle? Mais plus que tout, c’était ma propre capacité à pouvoir résoudre son énigme qui m’angoissait. Puis-je réellement me permettre de faire cela? Dans le dos de mon frère, sans son approbation? Peu importe. Je n'e serais pas celui qui abandonnerait la jeune femme aujourd'hui.
« Moi non plus… » précisa l’Orine d’une voix douce. « Je suis venue directement depuis Maëlith jusqu’ici et si j’avais croisé votre frère, je l’aurais reconnu… » Ce n’était pas tout à fait vrai. Les trois filles s’étaient perdues en chemin et avait donc fait un détour. Elle doutait cependant qu’Isiode ait pu se trouver à Lumnaar’Yuvon. Il aurait fallu qu’il y soit pour une raison obscure, qu’il la voit sans qu’elle ne le remarque et qu’il arrive à la reconnaître ensuite, alors qu’un temps non négligeable était passé depuis. C’était impossible.
La question fit naître une vague d’irritation dans la poitrine de Ren. « Je… » commença-t-elle, soudainement sans voix. Comptait-il réellement refuser ? Non, il n’en avait pas le droit ! S’il essayait, elle allait l’attacher à une chaise et ne plus lui donner à manger jusqu’à ce qu’il daigne accepter. Personne ne refusait ! Le Mars l’avait décidé et ce n’était pas négociable. Elle se demandait cependant ce qu’il se passerait dans le cas qu’il évoquait. Sans doute le Roi ferait-il le déplacement lui-même. À moins qu’il ne la tourne vers un autre Maître ? Non… Il ne pouvait pas s’être trompé lorsqu’il avait désigné les jumeaux. Cela n’aurait aucun sens. « Non mais… » répondit-elle, avant de se ressaisir. Elle avait l’impression de se noyer. Elle était fatiguée, aussi. « Si, en fait. Je me suis entraînée au sabre lors de ma formation. Je ne suis pas encore très douée mais nous autres les Orines vivons pour atteindre la perfection. J’apprendrai… j’apprendrai vraiment tout ce qu’il faudra pour réussir à vous servir correctement. » Elle le pensait vraiment. C’était son but dans la vie, elle n’en avait pas d’autres ou, du moins, ceux-ci seraient secondaires une fois le Lien établi. Avec Saya et Kagamiko, elles avaient parlé de faire de la musique ensemble une fois qu’elles seraient aux Jardins. Elle le souhaitait mais peu importait, au final : si ses Maîtres partaient en expédition, c’était ça le plus important. Ses Maîtres ne pouvaient avoir de rival, quel qu’il soit. « Si vous partez en expédition, je dois venir sinon… Sinon je serai malheureuse. » dit-elle doucement. Elle savait que ce serait vrai. Loin d’eux, elle serait impuissante quant à leur bien-être et cela la hanterait, la torturerait. Bien sûr, s’ils voulaient qu’elle reste, elle le ferait. Elle devait obéir mais ce ne serait pas si simple. Tout dépendait. Si elle savait qu’elle restait pour effectuer une mission de la plus haute importance, cela lui irait. Si elle restait simplement parce qu’ils avaient peur pour elle, ce serait insupportable. Elle voulait les aider. Elle était née pour ça.
La jeune femme se redressa légèrement lorsque l’Ange bougea. Elle venait de perdre l’appui de sa tête mais se trouvait pour la première fois dans une situation toute particulière avec Isley. Face à face, elle fixait son regard céruléen d’un air captivé. Elle avait l’impression d’y voir quelque chose, de pouvoir se projeter dans la suite de sa réflexion. Elle le fixa, attendant qu’il s’exprime. Elle frissonna lorsqu’il posa les mains sur ses épaules. Il n’était plus l’homme rougissant qu’il avait été plus tôt. Il semblait à présent déterminé. Elle sentit son cœur s’affoler dans sa poitrine. Le temps lui parut passer lentement jusqu’à ce que le verdict tombe. Elle entrouvrit les lèvres. Elle avait compris ce qu’il souhaitait. Elle avait compris qu’il ne voulait pas donner droit au chapitre à son jumeau. Pouvait-elle ? Elle sentit les légers tremblements en provenance des mains d’Isley. Doucement elle les attrapa avec les siennes, caressant sa peau dans un geste tendre. Ce ne serait pas facile de servir les deux. Il lui semblait, de toute façon, qu’Isiode n’aurait pas le choix. Le Mars l’avait décidé. Le Roi savait. Il avait dû même connaître dès le début le refus du Prince de Caelum de se lier. Sans doute avait-il entrevu que le lien se créerait par l’intermédiaire d’Isley. « Je vais vous poser l’énigme. » murmura-t-elle. Elle comprenait qu’Isiode risquait de se sentir trahi mais c’était pour son bien. Si, vraiment, comme le disait son frère, il refusait toute relation, leur Lien lui serait bénéfique. Il ne le savait pas encore, c’est tout. « J’espère que vous réussirez. » ajouta-t-elle. Elle était certaine qu’il réussirait. C’était ainsi que les choses devaient se dérouler et pas autrement.
La jeune femme réfléchit un instant. « Des statuettes sont enterrées dans la terre en son nom afin qu’il sauvegarde la vie des combattants. Son esprit est noyé dans la sueur, le sang et les armes mais son corps est le Maître des Bois. Du haut de sa colline, il observe les guerriers s’adonner aux stratégies qu’il a façonné pour eux dans ses robes prophétiques, admirant la valse qu’ils forment dans l’espoir de ravir le cœur de la Déesse des Arts. Qui est-il ? »
810 mots
Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1067 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
« Haziel… » Murmurais-je après une seconde d’hésitation sans pour autant manquer de conviction sur le moment.
Cependant, ma réponse venait à peine d’être prononcée, catégorique et assurée, que le silence qui s’ensuivit me parut brusquement étrange et angoissant. C’est dire qu’à l’instant où j’avais mentionné le nom de l’Æther, un doute sournois vint s’immiscer dans ma conscience, balayant dans une soudaine bourrasque la certitude passée qui m’avait envahi. Durant une poignée de secondes, cette hésitation me tourmenta, me bombardant d’incertitudes et d’interrogations plus incongrues les unes que les autres, parce que je connaissais la réponse; elle m’était si évidente. Pourtant, était-ce parce qu’elle semblait si claire, si limpide, que je doutais autant de ma propre conviction? C’est vrai, dès que j’avais entendu son énigme, une image nette et précise s’était dessinée dans mon esprit, me ramenant bien des années en arrière, alors qu’Isiode et moi foulions de nouveau le sol de la Citadelle Blanche. Après plusieurs mois d’errance sur les continents, à la suite de notre emprisonnement par les Démons, sur les Terres Arides, nous étions passés devant une statue, impressionnante de par sa grandeur et le calme qu’elle nous faisait ressentir. Nous nous étions arrêtés pour l’admirer, n’ayant de souvenir de cette structure que les premières fondations qui avaient été mises en place au tout début du projet, et entre notre disparition et notre retour à la Terre Blanche, les artistes avaient complètement terminé l’œuvre. C’est pourquoi nous avions pris le temps de la contempler. L’être sculpté était debout, dos parfaitement droit et jambes légèrement écartées, l’air noble et princier. Il était en train de tenir une épée que l’on avait plantée dans le socle de la sculpture, ses deux mains reposant sur le pommeau de l’arme comme s’il s’en servait comme appui. Pourtant, si sa posture inspirait la force et la vigilance à ceux qui s’attardaient sur son allure, son regard, contre toute attente, était celui d’un prédateur, d’un guerrier, qui n'attendait que l’instant opportun pour s’engager dans le sang et les cris des batailles. Ses yeux n’étaient faits qu’en marbre et, malgré tout, j’avais été en mesure de ressentir cette pression, cette énergie dans toutes les fibres de mon corps.
Ce souvenir, en un claquement de doigt, était repassé devant mes yeux au fur et à mesure que l’Orine avait énoncé sa devinette et j’avais répondu instinctivement le premier mot qui m’avait traversé l’esprit, et qui m’apparaissait être le plus évident. Alors pourquoi avais-je douté de la sorte, pardi? Parce que je m’étais attendu à pire? Parce que je m’étais mentalement préparé à devoir affronter une toute autre énigme? Peut-être était-ce intentionnel, peut-être l’était-ce, mais finalement, cette énigme représentait bien ce que j’étais – ce que nous étions, mon frère et moi, en tant que guerriers et soldats. Un sourire joua sur la commissure de mes lèvres à cette réflexion, et je plantais subitement mes iris dans ceux de l’Orine.
« Il s’agit d’Haziel, l’Æther de la Guerre, n’est-ce pas? » Répétais-je plus confiant, attendant impatiemment le verdict de la rousse.
Les deux verres d’eau en main, je m’étais promptement dirigé vers l’entrée, mais mes compagnons de Troupe m’avait ciblé de loin et intercepté avant que je n’ai pu traverser de nouveau le seuil des portes du domaine. À coups de sourires et d’acquiescements distraits, je parvins à me soustraire à leur euphorie et énergie, encore bien portantes malgré l’heure de plus en plus tardive de la nuit. Néanmoins, je leur fis signe de retourner à la fête s’ils le désiraient, cette soirée ayant été organisée afin de faire profiter, à tout ce beau monde, des quelques heures de répit qui nous séparaient de notre départ.
« D’ailleurs, je le remarque que maintenant, mais où vas-tu comme ça, avec ces deux verres en main? Me questionna Faith alors qu’elle rebroussait chemin pour rejoindre Acram et Nora, qui s’étaient déjà envolés pour retourner sur la piste de danse.
- Dehors, lui dis-je en esquissant un sourire. Isley m’y attend, précisais-je, ce qui semblât rendre la jeune femme perplexe.
- Parlez-vous de ce qui s’est produit, plus tôt, dans la soirée? Enfin, de… de cette chose aux ailes blanches? »
Je ne répondis pas sur l’instant, relâchant un soupir.
« Entre autre… »
Un silence s’étira entre nous, mais Faith finit par me libérer définitivement, m’adressant un charmant sourire.
« Ne gâchez pas votre nuit à cause de cela. Nous aurons des réponses, tôt ou tard, de ce qui se trame.
- Je l’espère…
- Sur ce, ne veillez pas trop tard, Isley et toi!
- Tu es mal placée pour me dire ça », ricanais-je tout en lui échangeant un sourire.
J’observais ma sœur d’arme s’éclipser, repensant à cette chose aux ailes rachitiques et immaculées. Quand, soudainement, un bourdonnement vibra violemment entre mes deux oreilles.
« Qu’est-ce que…! »
J’étais paralysé, une désagréable sensation s’éveillant au plus profond de ma poitrine. Je la sentais s’immiscer dans mon être, dans ma tête, et immédiatement, je me braquais, fermant mon esprit à cette intrusion. Cependant, je la sentais toujours en moi. Elle était là, puissante, et aussi solides pouvaient être mes barrières, elles s’effondraient une par une à son influence. Qu’est-ce que c’était que cela? Qu’est-ce qui se passait? J’ai un mauvais pressentiment… Rageais-je alors que je me précipitais à l’extérieur, dévalant les escaliers de l’entrée pour retrouver mon frère et la jeune femme, face à face, qui semblaient se sourire et se partager des paroles par l’unique force de la pensée.
« Isley… » Chuchotais-je en m’avançant à leur hauteur, les surplombant.
Le regard de mon frère, immédiatement, se détacha du visage de l’Orine et il se mit à me contempler d’un air indéfinissable. Mes sourcils s’étaient froncés, un regard noir passant tour à tour sur les faciès de mon frère et de la rouquine.
« Qu’avez-vous fait, tous les deux? » Finis-je par demander alors qu’un grondement se faisait entendre dans chacune des syllabes que je venais de prononcer.
Pourquoi me sentais-je aussi… vulnérable? Mon regard, dans la seconde, se braqua sur le visage de la jeune femme, que je toisais. D'un bond, mon frère m'attrapa le bras, l'enserrant solidement.
« Ne te fâche pas contre elle, mon frère! C'est de ma faute, j'ai... »
Je poussais un grognement, coupant brutalement la parole à Isley, avant de le fusiller du regard.
« Je ne veux pas entendre ton avis, compte tenu que tu ne t'es pas préoccupé du mien. Je veux entendre le sien. »
Violemment, je dégageais mon bras de sa poigne, reportant toute mon attention sur l'Orine.
Ren avait retenu son souffle durant une durée particulièrement brève, eu égard à la réponse rapide d’Isley, mais qui lui sembla être une éternité. Lorsqu’elle entendit ses mots, elle cligna deux fois des yeux, avant qu’un sourire n’apparaisse sur ses lèvres. Elle sentit le Lien se créer, l’englober et ouvrir des portes jusqu’ici secrètes. Ses yeux se figèrent dans ceux de l’Ange. Elle se mordit la lèvre inférieure, troublée. « Oui. » répondit-elle dans un souffle. Elle sentait son propre souffle bourdonner dans sa tête. Sa magie n’était pas si grande mais ce qu’elle ressentait était nouveau. Elle n’était plus toute seule. Il y avait deux autres personnes avec elle, dans ses pensées, dans son esprit. Des sentiments qui ne lui appartenaient pas s’inséraient en elle. C’était une sorte de fusion préoccupante, presque insupportable dans un premier temps, malgré l’accomplissement de ce pourquoi elle avait été éduquée, de ce pourquoi elle existait. Il n’y avait plus qu’elle à contenter. Ses désirs n’étaient déjà pas évidents à comprendre, en temps normal, mais l’ajout de ceux d’un autre… de deux autres, rendait les choses d’autant plus floues. Elle s’adapta malgré tout rapidement à la situation. Là était le propre de son peuple. Elle devrait déchiffrer le flux incessant d’informations. Son cœur battait comme à l’unisson. Elle les sentait en elle. Isiode et Isley. Son sourire s’agrandit. Elle était heureuse, malgré la résistance qu’elle sentait d’un côté. Isiode ne voulait pas de ce Lien, de cette proximité. Ça la préoccupait mais, d’un autre côté, l’abandon total des défenses d’Isley la ravissait. Il était si… facile. Peut-être n’était-ce pas le terme mais cette partie du Tout que représentaient les jumeaux était tellement naturel, simple. Pourtant, elle ne tarda pas à ressentir une tristesse en lui, une blessure. Elle lui sembla d'une grande importance, tout comme le poids qui pesait sur les épaules d’Isiode. Elle en eut le tournis mais réussit tout de même à se stabiliser et tendit la main vers lui, pour la poser doucement sur son bras. « Merci… » souffla-t-elle. « Je hum… Je pense que si vous partez en exploration tous les deux, il vaudrait mieux que je vous accompagne, vous. » Parce qu’Isiode ne voudrait très certainement pas d’elle. Elle le dévorait des yeux, comme s’il était devenu un trésor qu’elle devait préserver. Elle l’aiderait, du mieux qu’elle le pourrait. Elle répondrait à chacun de ses désirs. Elle eut une petite pensée pour Kagami et Saya. Elle aurait aimé qu’elles fussent avec elle pour ce moment. Elle leur écrirait si elle partait.
Isley et elle échangèrent davantage avant qu’Isiode ne revienne. L’Orine se pinça les lèvres. Elle ressentit sa Colère, ce qui créa au creux de son ventre un pincement, une boule. La possibilité d’un affrontement entre ses deux Maîtres la terrorisait. S’ils n’étaient pas d’accord et que l’un s’opposait à l’autre, alors elle serait perdue. Elle devrait choisir, forcément, mais comment ? Le bien-être des deux. C’était la réponse la plus logique. L’un pouvait s’éloigner, par son comportement, de son propre bonheur. Peu importe, alors, si elle s’opposait à lui, si c’était pour son bien. D’un côté, cette rancœur que ressentait le Prince de Caelum était légitime : tous les deux, ils avaient agi sans lui. De l’autre, le Lien devait se faire. Le Destin le disait. Le Mars le disait. Il n’y avait pas d’autres issues. Isley avait répondu correctement, ce qui prouvait que tout ceci avait bien un sens. C’était ainsi que les choses devaient se dérouler et, cette Colère, elle en était sûre, finirait par disparaître, quand il comprendrait qu’elle ne lui ferait jamais de mal et qu’elle agirait pour son seul bénéfice. Oui. Voilà.
Le fait est que raison ou non, Isiode était impressionnant. Lorsqu’il s’approcha d’elle, elle eut un léger mouvement de recul. Isley était comme un phare à ses yeux, quelqu’un de gentil vers qui elle pourrait sans doute se tourner. Isiode, lui, était… Il la glaçait. Elle rougit comme un coquelicot, réaction totalement paradoxale par rapport à ce qui enserrait actuellement sa poitrine. Elle fronça les sourcils, prise dans des sentiments contraires. Et ce… cette magie qu’il plaçait entre elle et lui. « Je… Je… » Ses yeux remontèrent dans les siens. Elle se pinça de nouveau les lèvres. Elle devait lui dire qu’ils avaient simplement fait les choses selon la volonté des Ætheri. « Nous avo… » Elle baissa les yeux. Il était impossible qu’il ne le sente pas. Il l’avait senti. Pourquoi demandait-il alors ? Pourquoi la regardait-il comme ça ? « La Colère ce n’est pas… » recommença-t-elle en bafouillant. Parce que c’était bien un problème, cette Colère en lui. Comme elle paniquait, elle finit par presque lui tomber dans les bras en voulant lui faire un câlin, tout son poids basculant sur lui de façon non maîtrisée. Elle réussit tout de même à se reprendre et à positionner ses mains dans son dos. Elle posa sa tête contre son torse. « Moi je… je vous aimerai toujours… Mais… Ne soyez pas en Colère… » Comme elle ne le voyait plus, les yeux perdus ailleurs, elle arrivait à articuler davantage mais son visage prenait réellement une teinte qui virait au cramoisie. « Vous… Vous êtes mon Maître maintenant… Alors… » Alors quoi ? Elle commençait à perdre de nouveau ses moyens et une petite voix dans sa tête appelait silencieusement Isley à l’aide. Elle ne savait pas comment elle s’était mise dans cette situation mais elle n’arrivait pas à s’en sortir.
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Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1067 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Sam 28 Mar 2020, 13:21
J’espérais surtout qu’il ne s’agisse pas de ce que je pensais. Mais plus je sentais sa présence vibrer entre mes deux oreilles et plus ma contestation me paraissait vaine et futile. Je m’aperçus qu’Isley venait d’esquisser un nouveau pas dans ma direction, certainement pour m’empêcher de faire quoi que ce soit contre la rouquine. Cependant, je le freinais bien rapidement dans son élan, braquant contre son visage une œillade noire et glaciale. Ce n’était pas à lui que j’avais posé la question. Je voulais l’entendre de la bouche de cette femme. Je voulais entendre de sa bouche la trahison qu’Isley venait de perpétrer à mon endroit.
« Je… Je… »
Aux premiers bégaiements, un vif pincement, sec et violent, vint mordre mon crâne, enfonçant ses crocs jusqu’à mon cerveau, puis jusqu’à mon esprit. Ma mâchoire se contractait férocement alors que le nœud du Lien se serrait de plus en plus, m'étranglant. Pourtant, je ne démontrais aucun signe physique de mon combat intérieur, mes yeux s’étant de nouveau reposer sur les épaules de la rousse.
« Continuez », laissais-je tomber froidement après un nouvel arrêt brusque de sa voix au fond de sa gorge.
Mais au lieu d’entendre ce que je désirais entendre, Muramasa nous entraîna plutôt sur un tout autre terrain, prétextant que ma Colère, ce n’était pas… N’était pas quoi? La solution, compléta presque naturellement ma réflexion. Pour autant, j’en étais persuadé, la pensée ne venait pas de mon esprit, de ma volonté. Et pourtant, cette constatation m’obligea à me calmer, le Sanctuaire d’Ahena m’enveloppant doucement pour apaiser les tambourinements furieux qui cognaient contre mon crâne. Cependant, cela ne diminua en rien les vibrations qui persistaient au fond de ma tête et qui piochaient, creusaient, perçaient, encore plus profondément, les barrières de ma conscience. Le nœud se resserrait pourtant indéniablement, toujours plus solide, toujours plus étroit. Et plus je lui montrais de résistance, et plus il se raffermissait autour de mon esprit. Je ne pouvais y échapper, c’était impossible, maintenant que le pacte semblait avoir été conclu. Mon corps trembla, mon cœur battait à tout rompre. Mais c’est alors que l’Orine semblât prise d’une soudaine pulsion, d’une envie étrange que je sentis, sans pour autant cibler précisément ce qu’il en était véritablement. Jusqu’à ce que ses bras m’entourent la taille et que sa tête s’enfouisse au travers le tissu de mes habits. Je clignais des yeux, pris par surprise et interdit, incapable d’aligner ou d’énoncer quoi que ce soit face à ses propos et à la déroute de ses sentiments.
« … »
C’était incroyable. C’était intenable. Ces sentiments vrombissaient entre mes deux oreilles, inlassablement et bruyamment. C’était comme si une cavalerie entière courrait à la surface de mon crâne, piétinant mon cerveau, éveillant un mal de tête, qui augmentait au rythme du martèlement des sabots. Je pris une grande inspiration, relâchant une tout aussi longue expiration.
« Lâchez-moi, je vous en prie, lui demandais-je doucement, sans pour autant perdre l’acerbe de mon inflexion. … M’écoutez-vous, Muramasa? » Grognais-je, un peu plus énervé devant l’inertie de la jeune femme.
Mais dans ma tête, je perçus son trouble, je perçus également l’appel silencieux qu’elle livra à…
« Isiode… »
Je sentis une main se poser sur mon épaule. Je me retournais vivement. Isley. Mon frère venait d’ancrer son regard dans le mien, inflexible, comme prêt à livrer une nouvelle joute contre moi. Il me défiait et je répondais en silence. Seulement, la confrontation ne dura pas très longtemps, mon jumeau détournant finalement les yeux pour attirer plutôt l’attention de Ren. Il se plaça à sa hauteur et lui offrit un sourire.
« Venez », lui proposa-t-il en lui tendant la main, essayant au mieux de calmer la panique qui palpitait dans l’esprit de la jeune femme.
Doucement, tranquillement, la ceinture, dont elle m’avait serré de ses bras, se relâcha progressivement et je me reculais d’un pas, montant d’une marche, m’éloignant.
« … »
Je ne prononçais aucune parole, observant plutôt Isley et le sosie de l’Ultimage. De leur position, les deux me dévisageaient également.
« Je suis désolé… »
Isley fut le premier à briser ce silence gênant, mais cela ne semblât pas pour autant apaiser mon énervement.
« Je suis vraiment désolé… Je n’aurais pas dû… »
Il se tût. Il secoua la tête, et reprit aussitôt :
« Essaye de comprendre, Isiode. Elle n’est pas ici pour te faire du mal. Elle n’est pas ici contre toi. Elle ne te nuira pas, au contraire : elle est là pour nous soutenir et devenir notre…
- Et tu ne crois pas que j’aurais eu mon mot à dire sur la question? L’interrompis-je brusquement, les sourcils froncés. Avons-nous vraiment besoin d’elle?
- Peut-être pas maintenant! Mais plus tard, oui, oui, j’en suis certain, nous aurons besoin de Ren. »
Mon frère m’adressait une œillade où je pouvais y lire toute sa détermination. Doucement, il se détacha de l’Orine, glissant un pied vers l’arrière, descendant d’une marche, laissant ainsi Ren prendre de la hauteur en se cachant dans son ombre.
« Nous ne pouvons en connaître les raisons actuellement, mais nos Destins sont liés, c’est indéniable. Sinon, pourquoi le Mars l’aurait-elle amené à nous? »
Mon jumeau ayant quitté mon champ de vision, le bleu acier de mes yeux ne pouvait se figer que sur le faciès de la rouquine.
« Elle… Elle ne sera pas un poids pour moi. Ou pour toi.
- Qui es-tu pour le savoir? Tu as cru bon de m’écarter de cette décision… ripostais-je en sifflant.
- Parce que tu vois comment tu réagis?! Elle a quitté sa maison, quitté sa famille pour s’engager dans ce voyage incertain! Tout ça pour quoi? Pour qu’on lui dise de faire demi-tour? De retourner de là où elle vient? »
La voix d’Isley s’était élevée et, finalement, il était réapparu, quittant l’ombre de la rousse. Mon visage se tourna aussitôt sur sa silhouette.
« Non. Il n’en est pas question. »
Je fixais Isley. Je fixais Muramasa. Je ne leur répondis pas, m’engageant plutôt, à mon tour, dans la descente des marches. Une par une, je les enjambais, dépassant mes deux interlocuteurs, jusqu’à atteindre le bas des escaliers. Mon frère ne m’avait pas quitté des yeux un seul instant et, voyant que je prenais le chemin des quartiers pour rentrer à la caserne de la Compagnie, Isley m’apostropha de nouveau.
« I-Isiode! »
Je m’arrêtais. Il y avait une tempête dans ma tête, une tempête qui me noyait et que j’essayais de contenir sauvagement afin de ne pas suffoquer.
« Qu’est-ce qu’il y a? »
Il eut un nouveau silence, tout aussi lourd que les précédents, un froid tout aussi glacial qui venait de s’essouffler entre mes dents.
« Ce qui est fait est fait. Elle est déjà dans notre tête. Elle nous appelle déjà « Maître », énumérais-je, irrité. Et si tu crois tant à sa valeur, que grand bien t’en fasse! mais je n’y crois pas. Pas encore. »
Je me tournais une dernière fois dans leur direction. Elle interférait déjà avec mes réflexions. C’était dérangeant. J’avais l’impression de perdre le contrôle. C’était excédant.
« C’est notre Destin… Mais ne crois pas que je l’accepterais pour autant. Surtout pas ainsi, surtout pas comme ça. »
Je me permis de les contempler un certain temps encore, relâchant finalement un soupir avant de leur tourner le dos.
« C'est bien pour cela que tu es faible… Tu fais confiance trop tôt, trop vite. Tu ouvres ton cœur à n'importe qui et… »
Je marquais ma phrase d'une pause soudaine.
« Tsch! Peu importe… Mais puisque tu lui offres si aisément les clés de ton esprit, vas-y, amène-la avec toi, mais moi, je ne la veux pas à mes côtés. »
Je ne la veux pas dans mon esprit. Je la veux loin de ma tête…
◆ 1 290 mots (sans les paroles de Ren) | Post VII | FIN
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Depuis son arrivée au cœur de la soirée, Ren avait été de surprise en surprise. Lorsqu’elle avait vu l’un des jumeaux – celui qui devait être Isiode – elle s’était jetée sur la nourriture et la première coupe de champagne venue, afin de noyer son anxiété et de trouver une explication rationnelle à son visage qui avait viré au cramoisi. Les hommes la rendaient bien trop sensible et Saya avait raison de la taquiner. Sa mère serait sans doute embarrassée par les pensées de sa propre fille. Pourtant, elle avait eu une éducation convenable au cœur de Maëlith. L’Ànjọnú n’était pas le seul à lui avoir fait cet effet depuis qu’elle était là. Certains hommes possédaient une beauté particulièrement troublante. Elle s’était d’ailleurs retrouvée face à un Ange qui lui avait demandée ce qu’elle faisait là, transpercée par l’intensité de son regard bleu. Personne ne la connaissait et c’était sans doute normal que les convives s’interrogent, même si sa présence passait le plus souvent inaperçue. Elle avait bredouillé au début, avant de se ressaisir. Elle n’était pas une femme impressionnable ou excentrique. Elle travaillait chaque jour pour être forte, mais les yeux de cet homme, couplé à sa récente solitude, contribuèrent à son état, grandement. « Je cherche Isiode et Isley Yüerell. » avait-elle fini par prononcer, plantant son regard dans celui de son interlocuteur. Les traits de ce dernier s’étaient radoucis et il lui avait indiquée une direction à prendre. Elle n’en avait pas réellement eu besoin car elle savait bien où ils étaient. Elle avait observé. Isley était moins impressionnant que son frère, plus discret, un peu comme elle, si on laissait de côté la couleur voyante de ses cheveux. Elle se sentit tout de suite un peu plus proche de ce dernier. Il lui parut bien plus accessible et sympathique. Isiode l’effrayait davantage. Il avait une prestance certaine mais ses yeux semblaient glacés. Peut-être se faisait-elle des idées ? Elle aurait l’occasion de le savoir rapidement.