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 A - Le fou des Dieux - chapitre I

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Ven 16 Nov 2018, 03:51


Catégorie de quête : A
Partenaire(s) : Me, Myself and I
Intrigue/Objectif : Suite au départ de Lilith ->
Devaraj est mourant à cause de l'Emprise. Il hésite à obéir à l'Aether de la Folie qui lui souffle de tout abandonner pour se tourner uniquement vers son culte. Au même moment, il doit se coltiner une horde de Parasites que l'Aether de la Mort lui a "offert" comme arme en lui demandant de tuer Mitsuko (un mission qui ne lui réussit pas très bien et qu'il a échoué). Devaraj tente aussi d'obéir à Mitsuko (Aether de la Vie) qui lui a demandé avant la guerre des Dieux de rechercher un ancien Empire. Incapable de satisfaire toutes les aspirations contraires des Aetheri tout en survivant à sa maladie, il va devoir choisir et s'orienter.

A - Le fou des Dieux - chapitre I  Heurot10



"Vous vous foutez de moi." La voix du Suprême de l'Au-Delà retentit lourdement sur les murs salis. Une ruelle étroite encadrait la scène fantomatique, alors qu'une voix hautaine et suave ne tarda pas à répondre. "Oh, moi ? Jamais. Non. Partie, envolée... Elle vous a même laissé un message d'adie-" Étranglé par les doigts du chaman, l'esprit parasite souriait toujours, rieur. Ici, dans le monde des Morts, il se savait quasiment invincible et une moquerie humiliante brillait dans ses pupilles verdâtres alors qu'il baissait ses yeux sur Devaraj, pauvre mortel.  Ce dernier, bien qu'en accordant peu de crédit aux précédentes paroles de Gideon, n'avait pas grand espoir de retrouver sa femme. Elle avait disparue de l'île, abandonnant ses enfants... C'était un geste suffisamment significatif pour comprendre sans avoir besoin de lire cette fameuse lettre. Il avait échoué à la garder avec lui et il était maintenant entièrement seul pour affronter l'ouragan démentiel qui s'acharnait sur sa tête. Seul. Un mélange de regrets et de haine pure s'était emparé de lui à cette pensée. Hors Zemlys était probablement le lieu le plus déconseillé pour avoir une crise d'angoisse existentielle. Les esprits les plus dangereux des terres du yin et du yang rodaient comme des charognards, observant la scène dramatique avec malice. Le roi des chamans offrait depuis quelques temps un divertissement sans pareil. Il était une légende parmi eux, il était celui qui avait donné un coup de pied dans la fourmilière de leur existence nuisible. Il était la Proie par excellence, la proie réservée aux meilleurs d'entre eux. Son nom provoquait des jalousies et des envies désastreuses...  Pourtant à cet instant précis, aucun n'osait sortir à la lumière macabre qui éclairait cette ruelle de l'Au-Delà pour s'approcher de l'homme. Ce n'était pas ce dernier qui était craint mais les six parasites qui l'entouraient. Les meilleurs d'entre eux... Il s'agissait bien de ces cinq anciens souverains et surtout de cet Ange qui n'avait rien perdu du fanatisme gagné aux côtés de Delix à son époque.

"Dommage... Elle était ton dernier secours." Un des six venait de rire à son tour. "Le dernier pilier de la sagesse et raison... écroulé..." Ils n'avaient pas tord. C'était le plus agaçant... Lilith était son dernier garde fou et en son absence, le chaman ne pouvait que repenser aux paroles venimeuses soufflées par l'Aether de la Folie : son destin n'était pas de guérir mais d'embrasser sa démence à bras ouverts. Cet abandon le libérera de toutes ses chaînes. Peut-être que la disparition de son épouse était justement le résultat de la volonté de l'Aether, comme un signe du Destin... Il serra les points, laissant sortir de multiples veines de son corps éthéré. Le jacassement incessant autour lui donnait la rage. Lors de ses premières visites dans l'Au-Delà, le danger qu'il courait à rester imprudemment en ces lieux lui avait donné des frissons. Maintenant... La peur avait disparu de son esprit. L'envie de faire souffrir ces idiots elle par contre, était toujours bien ancrée dans sa tête. Mais venir ici restait attirant... Il en avait besoin pour se tester lui-même, voir jusqu'où ses limites pouvaient tenir. Ou plutôt, jusqu'où pouvait-il les pousser. Devaraj n'avait pas le pouvoir de les faire taire et chaque moment passé en leur présence était une énième séance de critiques et moqueries par les anciennes têtes couronnées de ces terres, sans compter la torture psychologique que leurs puissances respectives provoquait. L'air malsain étoufferait n'importe quel sorcier et l'hostilité ambiante rendrait jaloux n'importe quel démon. Nul besoin de fermer les yeux pour se sentir constamment grignoté de toute part, observé comme un cadavre chaud prêt à être dévoré, écrasé par la magie démesurée de ces créatures. Spasmes. "Tu voudrais te débarrasser de nous, hm ? Ce serait décevoir Ezechyel et la mission qu'il t'a confié." Taisez-vous. "Toujours à courir partir en espérant satisfaire l'attente des Aetheri. Comme une gouvernante de maison qui nettoie la merde de ses maîtres." Taisez-vous. "Un vrai chien." Taisez-vous. "Au fait, votre femme n'a pas attendu longtemps pour coucher avec un autre..."

Hurlement.

Le silence retomba difficilement sur Zterbiuh'Oshi et beaucoup réalisèrent à cet instant que le plus effrayant en ces lieux d'outre-tombe n'était pas la présence morbide des parasites mais la démence du Suprême de l'Au-Delà. Alors certain parmi les six se mirent à souhaiter ne jamais recroiser le regard du Fumeur Macabre une fois qu'ils auront finis de réaliser ce que Jun avait demandé d'accomplir ensemble.

"Vous en faîtes du bruit." La jeune femme se tenait derrière eux, ses cheveux flamboyants l'entourant d'une nimbe enflammée. "Votre salle d'attente est particulièrement désagréable. Alors j'ai voulu y remettre de l'ordre" Devaraj se darda d'un sourire, malgré cela il était en sueur, à deux doigts de s'écrouler. "Ce n'est pas ma faute si vous choisissez délibérément le pire endroit de la ville pour patienter." Malgré ce trait d'humour caractéristique de la Conservatrice, une ombre d'inquiétude bloquait le regard de cette dernière. Le Maître des Esprits ne l'avait pas prévenu de sa venue, autrement elle ne l'aurait jamais laissé ce perdre dans un coin aussi sombre de Zterbiuh'Oshi. "Soit." La principale espionne du Suprême de l'Au-Delà pensait comme beaucoup de ses proches retrouver un beau jour le chaman mort, anéanti par sa propre imprudence. Seulement contrairement à la Reine des Esprits, elle était indifférente au sort que réservait les Aetheri à Devaraj.

Avant de suivre la rouquine, le chaman se retourna une dernière fois. "Ne vendez pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Ne prenez pas votre état de Mort comme acquis. Je vous le promet, certains d'entre vous ne seront plus vivants avant la fin de cette lune." Avec un sourire carnassier, il se détourna d'eux en couvant sa hargne. L'esprit se hâta de conduire le chaman encore fébrile à l'endroit recherché. Alors seulement, elle prit le temps de le dévisager, après lui avoir respectueusement désigné un siège. "D'abord Edel qui vous demande de retrouver les traces d'un Empire disparu, ensuite Ezechyel qui vous ordonne d'assassiner une puissance de ce monde sans vous en donner l'identité, enfin Nidalu qui voudrait vraisemblablement... vous voir massacrer la moitié de votre peuple . A vouloir être l'élu et le favori de tous les Dieux, vous allez vous perdre." Il y avait une sorte d'ironie dans sa voix. Une ironie que les Maîtres des Esprits commençait à partager, bien loin de s'en offusquer. "Les Aetheri, oui... J'ai vu les deux statues dans votre temple il y a quelques années." L'étonnement d'avoir reconnu Jun dans les traits d'Ezechyel avait cédé place à une résignation complète. Quant au visage d'Edel, il lui restait inconnu, bien que certains doutes sur son identité réelle commençaient à naître. Prendre conscience de la nature humaine de ces individus avait brisé certaines illusions et croyances. Et sa foi envers ceux qui ne semblaient ne se comporter qu'en enfants capricieux parmi les hommes s'était transformée en haine et agacement. Quoiqu'il en soit, il vouait toujours un profond respect à la puissance démesurée de ces êtres, admiratif de leurs élévations.  "Que voulez-vous... Sur l’échiquier du Destin, le pion du fou est apparemment convoité." grinça le Chaman. Si on l'avait prévenu du fardeau que représentait cette couronne, il se serait enfui à grands pas. Pas étonnant que son prédécesseur se soit suicidé. Devaraj regrettait la croyance aveugle de ses plus jeunes années. Il l'avait porté à son paroxysme lorsqu'il était Zawa'Kar et ne s'attendait pas à ce qu'elle s'émiette alors qu'il incarnait l'élu des Dieux. En ayant l'occasion de mieux connaître ses Dieux, il avait aussi appris à les haïr... Il lui fallait alors trouver mille et une façon différentes ne pas perdre ni sa patience, ni sa foi, et le dénommé Jun Taiji ne l'aidait pas vraiment. Le Chaman ne disait rien mais sa mine renfrogné parlait plus que certains mots. Il lui serait de toute façon bien difficile de formuler ses sentiments avec des mots et il ne pouvait pas se le permettre. Personne ne comprendrait, surtout pas sur l'Île Maudite. Habituée à déchiffrer les expressions, l'espionne ne disait. Elle avait servi tous les rois de la Dynastie et se voit mal émettre un jugement sur la question.

Se raclant la gorge, la millénaire déclara doucement, espérant écarter le roi de la pente dangereuse de ses pensées. "Vous êtes venu ici simplement pour vous disputer avec votre fantastique équipe ? Laissez-moi avoir des doutes. L'Au-Delà n'est pas à côté, même pour vous." Le chaman contemplait la ville en contrebas. Magnifique et majestueuse. "Non." Devaraj avait repoussé ce moment depuis bien trop longtemps, prétextant être trop occupé par ses devoirs. "Pour le Miroir alors ?" Il rit. "Certainement pas. Ma vision est déjà assez polluée par des imbéciles pour que je m’encombre de données inutiles..." Un bref regard vers l'artefact lui permit de mesurer son inutilité à ses yeux. A quoi bon vouloir s'en servir alors que le secret du Cycle était révélé à la vue de tous en ce lieu ? L'ironie de la cachette avait de quoi faire sourire. "Je veux faire appel aux Conservateurs, pour plusieurs raisons. Seulement je n'ai confiance en aucun d'entre eux à part vous..." Sa paranoïa ne s'était jamais limitée au monde des vivants.  "Toujours la même chose. Je veux retrouver un des anciens empires de Taelora." C'était au tour de son interlocutrice de rire. "Pas plus de détails que la dernière fois ?" Devaraj leva les yeux au ciel. "Vous irez en demander à Edel si ça vous dérange tant." Malgré les apparences, il appréciait se faire parler sur ce ton. Presque plus personne n'osait le contredire dans sa vie, pour diverses raisons... La joie de se frotter à des obstacles faisait parti des avantages à fréquenter des esprits un peu trop fous ou trop vieux. Glissant dans son dos, l'espionne pencha sa tête contre l'épaule du Fumeur Macabre. "Hum. Je vais voir ce que je trouve." dit-elle d'un ton rieur. Elle fit glisser des mèches blondes entre ses doigts cristallins. "Pfeu. Dîtes-moi tout de suite que vous connaissez depuis longtemps la réponse à ma requête et prenez un malin plaisir à m'impatienter."

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Ven 30 Nov 2018, 23:33




A - Le fou des Dieux - chapitre I  Volsin10


"Il n'y a plus beaucoup d'esprits errants aussi vieux dans la jungle de Taelora. Les hommes que vous cherchez se trouvent dans cette ville." Sa tête se tourna vers la balustrade de la terrasse, d'où l'on pouvait voir l'étendue de Zterbiuh'Oshi. Ils se trouvaient dans une immense battisse de bois entourée d'une nuée d'escaliers enneigés, haut dans les montagnes qui bordaient la cité. Mais même depuis l'altitude du quartier des Conservateurs, l'on ne distinguait toujours pas les limites urbaines de la ville, qui semblait être une mer infinie de bâtiments entassés les un sur les autres, parsemant l'horizon de lueurs orangées. "Qui dépasse mille milliards d'habitants. Si vous me demandez d'aller en trouver un, je vous tue." En réalité l'amusement prédominait sur l'agacement. Elle lui portait un certain respect évidant, mais l'étendue de ses connaissances l'empêchait de le craindre. Cette relation décomplexée était une véritable bouffée de fraicheur. "Oh allez, ça vous fera prendre l'air... Évitez les mauvais quartiers cette fois-ci. Il paraît qu'il y a un magnifique spectacle aujourd'hui, non loin du temple d'Edel et Ezechyel." Pfff. La gangrène le suivait comme son ombre, il n'avait plus besoin de descendre dans les bas-fond pour être entouré de Parasites, avec le beau cadeau que Jun lui avait fait.

Sans raison, il descendit les marches une à une, évitant soigneusement d'enfoncer son pied dans la neige. Pour les habitués, l'Au-Delà était aussi réel que n'importe quelle autre contrée ici-bas. Il savait que le réel but de l'espionne était de le distraire des funestes pensées et de l'état dans lequel elle l'avait trouvé. C'était naïf, car peu importe le spectacle qu'elle avait dû orchestrer en son honneur, il doutait de pouvoir détacher son esprit de sa maladie. En suivant le simplet jeu de piste, le chaman se rendit au pied du temple, parmi une foule de morts en furie : les représentations des Conservateurs ne perdaient jamais leur franc succès et provoquaient l'arrivée d'une horde endiablée. Après s'être acheté un voile pour dissimuler sa tête afin qu'on le laisse tranquille, et refusé plusieurs fois les friandises vendues par les marchands environnants, Devaraj se laissa porter par le flot humain en grognant. Il n'avait jamais lui-même prit le temps d'assister à l'une de ces pièces de théâtre d'outre-tombe. Leur valeur historique aurait attiré nombre de vivants aux ambitions politiques à sa place, seulement ses intérêts à lui étaient soumis à la loi de la Folie. C'est à dire, qu'il n'en avait pas. Il ne vivait que pour suivre ce que les Aetheri avaient en tête et la raison de sa présence ici ne tenait qu'à la volonté d'Edel.

Les personnes qui l'entouraient appartenaient à une ethnie qui lui était inconnue. Le maigre souvenir qu'il avait des Ygdräe s'y apparentait un peu, mais leurs traits fins dévoilaient des visages depuis longtemps oubliés, des vies qui avaient prit fin dans l'engloutissement d'un continent entier. Sur l'estrade principale autour de laquelle s'asseyaient les spectateurs se trouvaient les principaux protagonistes, un homme et une femme au port altier et fier dont les mémoires allaient être mises en scène. Si le premier avait l'air plus rêveur et distrait par la foule chaleureuse de ses anciens congénères, le regard appuyé de la seconde était fixé sur le Suprême de l''Au-Delà et ses prunelles jaunes inquisitrices révélaient une certaine méfiance envers le commanditaire du spectacle. Il y avait en effet de quoi se demander lorsque d'aussi vieilles connaissances étaient dépoussiérées par un mortel reconnu comme fou. Dans quel but seront utilisées ces informations ? Lui-même n'en savait rien. Il était extrêmement difficile de cerner la déesse, beaucoup plus que son homologue de la Mort. Ne sachant que faire, le chaman se contenta de soutenir son regard avec un maigre sourire, puis d'un clin d’œil ironique avant de se mettre à l'ignorer. L'hostilité sous-jacente et implicite ne faisait qu'augmenter sa curiosité. Il se foutait bien du consentement des propriétaires des souvenirs qu'il allait fouiller sans vergogne. Les cloches sonnèrent, retentissantes et lourdes, faisant retomber le silence. Cinq hozro étaient présents afin d'offrir leur magie, mais Devaraj se doutait que son espionne et la reine des esprits n'étaient pas loin, bien que cachés des regards curieux. La rumeur disait que plus le nombre de Conservateurs était grand, mieux et plus fidèle la reconstitution était... Seulement le nombre de ces esprits qualifiés était désormais limité au nombre de chamans menant une tribu. Quoiqu'il en soit, le pouvoir des Conservateurs était suffisamment immersif pour rendre les scènes du passé recréées très convaincantes. Il y avait de quoi oublier la cité de l'Au-Delà et se mettre à vivre dans l'un des nombreux souvenirs représentés. Les tympans douloureux sous le son des cloches, Devaraj regarda la matière autour d'eux s’effilocher puis disparaître au profit d'un tout autre univers.


Taelora, plusieurs ères en arrière. La cité était magnifique et donnait l'impression de sortir tout droit d'un livre de contes. La vie indécemment longue du dernier roi et de la dernière reine défilait jour après jour. L'étrangeté du spectacle laissa le chaman mal à l'aise, le contraste était trop grand avec tout ce dont il avait l'habitude de voir et d'entendre et la masse d'informations complexe à comprendre et retenir. Lorsque le rideau retomba, il eut l'impression de sortir d'un rêve et de revenir de très loin. Les yeux encore brûlés par ces visions historiques, le chaman se remit difficilement sur ses pieds, se frottant les tempes. Les habitants s'étaient dispersés aussi vite qu'ils étaient apparus, impatient de transmettre ce qu'ils avaient vu à leurs proches ou de se réjouir ensemble des vieux souvenirs qu'ils avaient vécus de nouveaux. Un soupir s'échappa de ses lèvres. S'il avait touché du bout des doigts une ancienne culture et assisté à la longue chute d'un Empire entier, il lui était bien difficile de saisir réellement qui étaient ces personnes et surtout, quel avait été le rôle de leur société. "Alors ?" Souriante, elle attendait le verdict de ses longues années de travail. Alors ? Alors, sa curiosité n'était plus aussi vive et interminable qu'avant et après avoir ingurgité un aussi gros paquet de savoir, il n'aspirait qu'à trouver ce qu'Edel lui avait demandé sans plus chercher à comprendre. S'étirant longuement, il jeta un regard las à son interlocutrice. "Merci. Où se trouve la descendance ?" souffla-t-il, lorgnant sur une panière de beignets oubliée sur la place. Aucun mortel ne pouvait manger dans l'Au-Delà, pourtant c'est à cet endroit précis que la nourriture avait l'air la plus appétissante...  L'espionne soupira légèrement. Cette même question avait été posée il y a plusieurs années de cela. Le Destin avait fait en sorte qu'il fût particulièrement difficile aux espions chamans de remonter une aussi vieille trace. Mais avec le large sourire que la rouquine afficha soudainement, Devaraj espéra enfin avoir une réponse. "C'est une Ygdräe, ou plutôt, c'était. Circë Fëanturi Vairë La Fugitive. Elle se faisait appeler Saphir... Entre les mains d'un certain Ezechyel dans les Terres d'émeraude en moment. Non, pas celui auquel vous pensez..." Un sourire nerveux fendit le visage du Suprême de l'Au-Delà. "Vous le saviez depuis le début de notre rencontre." Il le voyait aux prunelles brillantes et joueuses de l'espionne. Elle faisait une si bonne actrice qu'il était impossible de connaître ses véritables émotions, pour peu qu'elle en éprouve encore. La Mort avait tendance à effacer les sensations... "Je n'oserai jamais." Quand elle le voulait, elle mentait volontairement très mal. Parfois, il se demandait si elle n'était pas, elle aussi, un Parasite cachant bien son jeu. Elle faisait parti de la première génération de chamans à avoir été transformé et si sa loyauté n'était plus à mettre à l'épreuve, ses intentions restaient floues. La Conservatrice lui chuchota à l'oreille. "Je ne joue pas avec vous comme ils le font. Je ne sais quel plan vous nourrissez à propos des Parasites qui vous gangrènent, mais il ne vous reste plus beaucoup de temps et lorsque Gideon vous aura dévoré, ce n'est pas cette Mort éternelle dans notre belle cité qui vous attend, mais le Néant." dit-elle en embrassant les rues d'un large mouvement de bras. Le chaman haussa les épaules. Il avait parfaitement conscience de l’épée de Damoclès qui pendouillait sur sa tête et dont le fil était de plus en plus fin. "Il est trop facile pour nous, chamans, de tout connaître en si peu de temps. Je trouve que l'espionnage est meilleur lorsqu'il garde une part de mystère et j'essaye d'égayer votre vie. Vous me remercierez plus tard. En attendant, je vous souhaite bonne chasse." Alors qu'elle s'éloignait, Devaraj lui saisit brutalement le bras. "Minute Papillon. Je n'ai pas terminé mon voyage d'affaire." Une fausse lumière apeurée fit son apparition dans les prunelles de l'espionne. La balance de l'humeur du roi changeait toujours de façon impromptue et inattendue, même après toutes ces années. "Vous voulez que je recherche votre femme aussi ?" glissa-t-elle après un bref silence, qui n'en fut pas moins pesant. "Bien sûr que no- enfin oui tiens ! Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit." Lilith ? Il avait le miroir pour cela, mais il n'avait pas pu s'empêcher de répondre non à l'idée de surveiller son épouse. C'était un triste automatisme depuis longtemps ancré dans son esprit. Fermant les yeux, Devaraj repensa au spectacle plus en profondeur. Un élément récurant l'avait interpelé, sans qu'il ne puisse mettre le doigt sur la raison précise. C'était un instinct fort, provenant des profondeurs de son âme qui étaient réservées aux voix des Divins. Sa raison n'obéissant plus à aucune règle, il se retrouvait libéré de tout doute, obstacle, regret. La magie du Lien Divin s'en retrouvait décuplée à un niveau qu'il n'avait jamais expérimenté auparavant, comme s'il lui suffisait de se concentrer sur son manque d'accroche et sur le néant de sa Folie pour entendre précisément ce qui lui était dicté. Un contentement sans nom l'envahi. Comme un automate, le chaman articula doucement sans se poser de questions."Hmm. Les pierres magiques qui étaient utilisées, vous connaissez la signification des écritures sculptées dessus ?"

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Mer 12 Déc 2018, 04:41







Le bruit des gouttes humides qui tombaient une à une résonnait lugubrement dans le labyrinthe. Un long frisson parcourut son échine. Il n'en croyait pas ses yeux. Lentement, le chaman éteignit sa torche d'une main tremblante. Ses yeux de mortels étaient aveugles. Ce n'était pas à ses sens physiques et matériels qu'il voulait faire confiance. Dans la pénombre inquiétante, une lumière aveuglante se révélait. Le temple de la gardienne des souvenirs du monde était apparu au beau milieu de nul part. Pour le commun des mortels, il ne s'agissait que d'une des innombrables grottes vides et nauséabondes du souterrain qui parcourait l'Île Maudite. Mais pour les yeux ouverts au monde éthéré, il y avait là une merveille architecturale qui en éblouirait plus d'un. Sur le plan des Morts se trouvait un amas anguleux et grandiose de pierres bleutées, qui défiait toute loi physique et pointait vers le ciel, faisant un pied de nez à la surface matérielle qui l'entourait. Ce n'était pas la beauté du lieu qui étonnait le plus le chaman, mais l'extrême ressemblance avec les souvenirs que la Conservatrice lui avait dévoilé il y a quelques jours à peine. Il était pratiquement certain d'avoir vu le même bâtiment parmi les représentations de l'antique cité.... Ses formes étaient bien trop étranges pour s'apparenter à ce qu'il avait pu contempler dans les grandes cités actuelles. La puissance qui s'en dégageait était écrasante, et à la fois merveilleuse. Séduit par le sublime qui s'en dégageait, Devaraj fit le tour de la structure, réfléchissant en silence. Seulement l'entrée était visible, mais la structure suggérait le commencement d'une immense salle entourée de colonnades. Le chaman s'assit lentement, ignorant la froideur du sol. Le plafond se trouvait à une hauteur vertigineuse qu'il pensait impossible et inexistante dans ces grottes. Il se souvint de Raoni qui l'avait averti qu'une lueur surnaturelle transperçait le sol du plateau depuis ce matin. Voilà ce qu'il récoltait à avoir été trop curieux... Assommé par ce nouveau coup du Destin, un simple mot tournait dans sa tête. Pourquoi ? Cette merveilleuse question reviendrait toujours quand il s'agissait des divins. Perturbé, il s'agenouilla devant ce qui semblait être l'autel. "Je t'offre ma fidélité, Oh Raanu." murmura-t-il après de longues minutes de recueillement. S'il avait reconnu le signe de l'Aether, il n'était pas familier de cette divinité... Quel genre d'offrande pouvait-il lui offrir pour s'assurer de ne pas se heurter à sa colère ou à son refus ? Elle n'était pas la plus priée dans le panthéon chamanique et l'on aurait pu penser qu'elle préférait se tourner vers des peuples plus évolués. Ce qu'il voyait autour de lui était en partie effrayant. Au fond de lui quelque chose lui disait que ces lignes mystérieuses changeront profondément le quotidien de son peuple. Il était incapable de saisir de quelle manière l'impact se ferait. Le Suprême de l'Au-Delà se mordit la lèvre. Qu'avait-il réveillé en voulant revoir des souvenirs particuliers enfouis dans l'Au-Delà ?

Soudain, des pas pressés résonnèrent derrière lui. "Devaraj ! Nous avons un problème ! Des pie-". "Je sais." grinça le chaman. En réalité il ne savait pas, mais il se doutait que le temple n'était pas la seule chose à être apparue. Ironiquement, il commençait à devenir familier avec la façon qu'avait les Aetheri de communiquer avec eux et plus rien ne l'étonnait vraiment. Ses pressentiments étaient presque toujours vrais. Espiègle, il se dégagea de l'entrée pour dévoiler la merveille qui s'y cachait aux yeux de son interlocuteur. "Oh !" Son congénère poussa un cri et sembla défaillir. "Il va falloir se débarrasser d'une partie des grottes pour voir le reste du temple." glissa-t-il, pensif. Même si un esprit pouvait traverser la matière, il était compliqué de discerner quoique ce soit des étages qui semblaient très étendus en se trouvant au milieu de la roche. "Et un autel..." Avec une moue, le chaman haussa les épaules. "Pourquoi ? Vous savez construire sur le plan des Morts vous ?" Si dans l'Au-Delà, les matériaux éthérées fondaient un monde entier, il était rare de voir ici-bas autre chose que des ruines qui semblaient s'effacer... Ce qu'ils avaient sous les yeux ne faisait pas parti de l'ordre naturel du Cycle. Mais si l'Aether de la Mémoire s'était présentée à eux sous une forme aussi discrète et immatérielle, c'était pour que l'ensemble du culte qu'elle demandait suive les mêmes règles. Le Chaman apposa ses mains sur la pierre froide, murmurant une longue série d'incantations. Le restant de la journée passa, et il n'avait toujours pas fini de parfaire son illusion. Cela lui prit une dose considérable de sa réserve magique, mais les bases étaient posées : tout ce que construiraient les chamans sur les deux plans sera dissimulé aux yeux des curieux. Devaraj prit le livre vierge qu'on lui avait apporté. Taom l'aidera certainement à y voir plus clair, en espérant que les anciens habitants soient eux aussi volontaires pour apporter la traduction... Lorsqu'il lui avait posé la question, il n'avait eu que de maigres réponses en retour. Il avouait que ses connaissances dans le domaine de la linguistique étaient restreintes et que son manque d'intelligence général avait dû repousser en partie ceux qui méfiants, hésitaient à livrer de vieux secrets. Seulement maintenant que Raanu s'était manifestée, il n'y avait plus réellement moyen ni de fermer les yeux, ni de refuser. La langue oubliée allait revivre, que les anciens possesseurs ou les nouveaux le veuille ou non. Ils allaient devoir fait fit du clivage culturel. Patiemment, il recopia minutieusement à la plume tout les symboles qu'il pu trouver autour de lui.

Alors que la nuit tombait, Devaraj parcourut à pied le chemin qui le séparait du campement. Une bonne dizaine de kilomètres, mais il les préférait à la téléportation. Les mystères de l'île vibraient toujours sous ses pas. Il aimait se rendre compte du fait qu'elle avait été modelée spécialement pour eux et que personne d'autre n'aurait pu s'y adapter. Le paysage était transformé. Son chez-lui était difficilement reconnaissable... Avec le temple étaient apparues les pierres... Elles n'étaient pas aussi impressionnantes que le bâtiment entier, mais elles étaient de toutes formes, certaines aussi petites que la paume de la main, d'autres dépassant plusieurs mètres de hauteur. Bleues, jaunes, rouges... Les symboles variaient de couleur, et d'écrivain. Si cela était forcément relié à l'ancien Empire, le chaman n'avait aucune idée de ce que la Déesse voulait qu'ils fassent de ce savoir indéchiffrable qui leur était offert. Les bibliothèques infinies, le savoir à outrance... Cela faisait longtemps qu'il s'était désintéressé de ces choses-là. Était-il seulement à la hauteur pour répondre à la Déesse ? Troublé, il parcourut la distance à faire plus rapidement qu'il ne le voulait. Il fallait qu'il se change les idées avant de devenir fou.

Dans une volonté de se distraire, il se débarrassa de sa tunique poussiéreuse et attrapa le miroir qui lui permettait d'espionner sa femme. Puisqu'elle l'avait abandonné, il n'avait plus aucun scrupule à l'espionner dès qu'il le voulait. Avec un demi-sourire, il tendit le bras et regarda ce que la magie voulait bien lui refléter. "AH ! " D'un geste horrifié, Devaraj jeta l'objet de l'autre côté du lit sans même le vouloir, puis il se demanda à plusieurs reprises s'il n'avait pas halluciné. Ce qu'il avait vu n'était pas ce qu'il avait prévu de voir... Et encore moins ce qu'il aurait voulu voir, d'ailleurs. Sentant une colère sombre monter en lui, il s'empara de nouveau de l'artefact et encra ses yeux sur le verre, avec plus de volonté et de concentration cette fois-ci. "LA CONNASSE." hurla-t-il à plusieurs reprises, avant de lever les yeux vers le portrait de Jun qui triomphait sur le mur. S'emparant d'un couteau, il se mit à transpercer l’œuvre jusqu'à ce qu'il n'en reste que de maigres copeaux. "TIENS TIENS ET TIENS !" Ce soir là, le Suprême de l'Au-Delà mit le feu au temple d'Ezechyel et détruisit toutes les représentations qu'il pu trouver de lui. Les moqueries des parasites reprirent de plus belles. Il glissait sur la pente de la Mort. Il perdait le contrôle. Il perdait son maigre avantage. Le cœur bâtant et les larmes de rage aux yeux, Devaraj réalisa qu'il ne survivrait peut-être pas à cette ultime crise. Ce n'était pas tant la scène ignoble qui s'était dévoilée dans le miroir, qu'un amoncellement de troubles qui le faisait tomber, définitivement. Il en était arrivé au point de l'Emprise où une simple étincelle provoquait un ouragan explosif. Ces derniers mois, ses trous de mémoires étaient devenus de plus en plus fréquents. Il avait oublié certain de ses souvenirs, quand à l'ensemble de ses sentiments, ils étaient exacerbés et poussés par l’extrémisme du Parasite en lui. Plus rien de ce qu'il faisait ne lui appartenait complétement, il y avait toujours une part qui ne faisait pas parti de lui. Gideon profitait de chacune de ses crises de démence pour grignoter une partie de son identité. Il avait déjà perdu le contrôle de toute sa magie sur les terres magiciennes : pour une dispute de couple. Ses pouvoirs lui échappaient de plus en plus. Hors la rage qu'avait réveillé Jun en lui était infinie et avait brûlé toutes les barrières mentales qu'il s'était construit pour échapper à l'Emprise. Il suffoqua subitement, aux prises avec un ennemi de longue date. Gideon n'était pas le seul... Il attirait dans son sillage d'autres charognards plus faibles certes, mais dont la puissance était toujours largement supérieure à ce que le chaman pouvait physiquement supporter. Les mots de Taom résonnaient dans son esprit. La Conservatrice et sa morale, qu'il n'avait jamais prit le temps d'écouter... Quant à Khaal, elle pouvait repousser quelques uns d'entre eux sur son propre territoire, mais pas tous. Elle n'arrivait pas à la cheville de Gideon, qui avait eut des millénaires entiers pour parfaire sa force. Oubliant Raanu, les pierres, l'Empire, Devaraj réalisa avec effroi : il avait un pied dans le Néant et il perdait son équilibre. Son corps tomba sans vie sur le sol. Seul le gagnant reviendra en prendre le contrôle.

Sur les hauteurs de l'île, de la lave déborda du volcan, vagues par vagues. Ignorant les lois de la gravité, elles dévalaient les pentes et grimpaient les sommets en n'ayant qu'une unique et même destination : le campement royal.

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Ven 14 Déc 2018, 17:28






"Dans la lave il sera purifié de tous ces ennemis. Amshloumkarhya  a parlé." L'Oracle tournait la couronne abandonnée entre ses doigts osseux. Le métal produisait répétitivement un son criard et lugubre qui retentissait désagréablement dans la tente. Delawam reposa lentement son dos contre la chaise, le regard sombre. Le vieux chaman repensait à Devaraj. Ils avaient grandis côte à côte et presque tout fait ensemble : leurs premières fusions, leur première orgie, les premiers combats. L'homme regrettait le fossé qu'avait creusé la démence entre son chemin et celui de son ami. Chacun devait trouver sa voix et chérir des Aetheri en particuliers, il ne s'en voulait pas pour avoir choisi celui de la Sagesse et lui celui de la Folie. Non, c'est la souffrance et le danger qui menaçaient le roi qui l'inquiétaient depuis de nombreuses années. Amer, Delawam repensa à leur dernière discussion. Il avait été houleuse et avait marqué le début d'une incompréhension et d'un désaccord complet. A cette époque la guerre avait rendu Devaraj fanatique et lui, avait réagit en n'étant qu'un peu plus prudent.  Il avait protégé l'Île seul, parce-qu'il le fallait bien et parce-que toute la tribu Zawa'Kar avait inconsciemment suivie son nouveau général pour ensanglanter les rivages voisins, au risque de dévoiler le secret du Cycle et de participer à un conflit vain. Depuis, ils ne s'étaient plus jamais adressés la parole. Maintenant, il craignait qu'on ne retrouve même pas son esprit errant du Suprême de l'Au-Delà, malgré les affirmations de Kaori. L'Oracle avait beau parler, la signification de ses mots était floue et tous connaissait le destin tragique de ceux victimes de l'Emprise. Peut-être qu'il n'aura plus jamais l'occasion de pardonner le mal qui avait été fait... "Et guéri ?" L'Oracle afficha un fin sourire emprunt de pitié. "Je n’emploierai pas ce mot, non." Le coeur lourd, le chef de tribu s'apprêtait à repartir. "Une aube nouvelle se lève sur Awakatu No Hi. N'entrez pas en disgrâce à cause de vos vaines préoccupations, Delawam." Troublé, le chaman repartit exactement comme il était arrivé : inquiet. Il lisait dans les pensées des plus mauvais : les Aetheri étaient en colère, Ezechyel avait été offensé, un nouveau roi devait être élu. Pourtant il n'en était rien -en oubliant les frasques colériques du roi, ce qu'il se passait était d'une tout autre nature et ce n'était pas le moment pour leur unité légendaire de tomber en morceaux. "Taisez-vous et priez." répondit-il au reste du Conseil. Tous respectaient son autorité et se tournaient vers lui en cas de crise, par chance il parvenait encore à maintenir l'ordre qu'avait établi Devaraj. Leurs décisions étaient tant reliées au souverain qu'il était facile de se perdre dans des chemins sinueux en l'absence de celui qui devait les guider. "Personne ne quitte l'Île. Nous devons nous occuper du Temple." Il avait des motivations différentes du roi pour vouloir garder le peuple ici. Ce n'était pas de la paranoïa dans son cas, mais de la prudence sagement dosée. Il avait conscience que cela mettait l'économie à mal mais si les Aetheri intervenaient au moment précis où ils étaient tous rassemblés sur leur terre natale, ce n'était pas un hasard. "Ensemble." précisa-t-il calmement en croisant le regard nerveux de certains. L'appréhension était compréhensible et lui-même se voyait mal échapper à de longues nuits anxieuses, dans l'attente. C'était la troisième fois en quelques lunes que l'Emprise manquait de tuer leur roi et tous sentaient que celle-ci serait la dernière. Cependant, le sage ne perdait pas son sang froid. Personne n'avait la liberté de rester oisif et de spéculer sur l'avenir. Toutes les tribus se complétaient naturellement, chacun trouvera de quoi faire. Ils manquaient de place pour loger et nourrir tout le monde, les créatures de l'Île avaient besoin d'être repoussées loin des campements et des temples, sans compter les roches qui devaient disparaître au profit de la gloire de Raanu.

Soulevant la toile de la tente, il s'éloigna à grand pas. La nuit était tombée mais entre les pierres bleues et la lueur écarlate de l'horizon volcanique, plus personne n'avait besoin de s'éclairer. Il détestait le chaos qui régnait. Sa vision du Lac Rouge était celle d'une vallée aux champs prospères, pas un amas de lave apocalyptique. Incapable de soutenir la vue du paysage plus longtemps, il préféra se réfugier dans son propre foyer, là où il était certain de retrouver de la chaleur et un visage familier. "Détends-toi s'il te plait. Tu sais qu'il va s'en sortir..." Kewanee embrassa la nuque de son amant, amusée par les sentiments contradictoires qui brillaient dans les yeux de Delawam. Chacun son tour, pensa-t-elle. Ils s'étaient tous rencontrés très peu après leur transformation, alors que leur peuple se terrait encore dans l'Antre des Marais... Pourtant, après avoir été fidèle à celui qui menait leur petit groupe depuis des décennies, elle avait préféré se détacher de lui après la guerre ; pour ne plus souffrir. Il lui était devenu évident que le Destin de Devaraj était d'une violence trop extrême pour sa propre sécurité et que les Aetheri lui soufflaient de tourner ses pas vers d'autres routes. Le souvenir du jeune Devaraj était devenu un secret mélancolique et douloureux qu'elle aimait partager avec Delawam pendant leurs nuits. Ils n'étaient plus que deux à pouvoir en parler, les autres menaient une autre vie dans l'Au-Delà et Hohni avait été bannie. L'homme descendit distraitement ses doigts le long des hanches arrondies de la chamane. "Parfois je le déteste sincèrement pour tout ce qu'il nous fait subir et dont il ne s'excuse jamais." Peu surprise de la remarque, elle répliqua, espiègle. "Oh ! Moi aussi. Combien de fois ai-je perdu ma voix à le conseiller dans le vide. Cela dit je n'ai plus le pouvoir de lui faire la morale et s'il y a une chose qu'il ne pourra pas nous enlever, c'est de prendre du bon temps ensemble."



La violence du choc l'avait propulsé sur les pentes du volcan. Il aurait pu se réjouir avec fierté d'avoir réussi à faire monter son côté de la balance à égalité avec Gideon, si seulement un instant de contrôle lui était accordé. Le chaman en ricana. Ce n'était pas la triste fatalité du néant proche qui le rendait fou, mais le simple fait de perdre et partir sans avoir pu se venger de tout ce que ce parasite avait pu lui faire... Oh bien sûr, il était lui-même le principal fautif pour l'avoir choisi comme Hozro ; mais cela n'excluait pas l'ancien ange de toute faute. Un souhait brut d'extermination remontait en lui, un sentiment bien plus violent que ce qu'il avait pu vivre pendant la guerre. Ces personnes-là possédaient toutes le pouvoir le plus dangereux qu'il ait jamais observé et pourtant aucune n'avait suffisamment de valeur pour s'en servir avec gloire, pensa-t-il. L'Emprise ne devrait être réservée qu'à quelques élus, qui ne prendrait pas ce don pour acquis afin d’assoiffer naïvement leurs envies de mortels. Il allait faire de son mieux pour qu'au moins un d'entre eux meurt aujourd'hui. Il leur en avait fait la promesse et puis... La rage qu'avait provoqué Jun avait éveillé quelque chose en lui. Ainsi c'était cette volonté seule qui le maintenait encore en vie et qui empêchait son esprit de fondre dans la douleur et de disparaître. Devaraj ne comprit cependant pas bien ce qui lui arriva lorsque son corps éthéré entra en contact avec la lave physique et plongea dans le liquide écarlate, aspiré dans les profondeurs inconnues.

"La Mort..." ;  "Ou la Vie." ; "C'est ennuyant les duos, n'est-ce-pas ? Tu as bien vu d'essayer de rajouter le Néant à l'équation." ; Au départ incapable de bouger, Devaraj se débattit pour sortir de la pièce dans laquelle il semblait enfermé. Il avait peur que Gideon profite de ce temps perdu pour prendre l'avantage sur lui et cette idée lui était tout à fait insoutenable. Obnubilé par sa soif de vengeance, il mit un temps considérable à prêter enfin attention à ses interlocuteurs et à leurs étranges paroles. Un homme et une femme qui n'avaient rien d'humains et ne cessaient de lui tourner autour comme s'il était un animal exotique en cage. Leur présence était à la fois réconfortante et inquiétante. "Mais cela sera insuffisant. L'île demande plus."  ; "Elle demande ta Vie, ta Mort, ta Folie. Ton corps, ton esprit, ton âme." Effrayé, le chaman recula de plusieurs pas. Il avait l'esprit trop brouillé pour saisir la réelle signification de ce qu'on lui proposait. Voyant le trouble violent qui habitait le Suprême de l'Au-Delà, l'un et l'autre se rapprochèrent de lui, passant leurs bras le long de son bassin et de son cou. S'il avait d'abord cru à un puissant Démon ou Génie sorti de nul part pour une raison obscure, il reconnaissait maintenant la présence d'un Aether. Un Aether plutôt excentrique. "Qui êtes-vous ?" arriva-t-il finalement à articuler, essayant d'ignorer les désirs que faisaient naître leur proximité et n'osant pas encore profiter de l'apaisement que leurs caresses provoquaient. La légende ne parlait que d'un seul gardien du volcan et il voyait en face de lui deux créatures enflammées qui bien que semblant se compléter l'une l'autre, étaient bien différentes et contradictoires dans leurs apparences. "Amshloumkarhya" ; "Heam'mawihio" ; "C'est un cadeau inestimable que nous te faisons." ; "Et empoisonné." Se mordant la lèvre, Devaraj répondit. "Je ne suis pas certain d'en comprendre la nature." Ce à quoi on lui répondit par un doux rire. "C'est nous qui avons empêché ton suicide. Nous avions besoin de te rencontrer avant et tu n'étais pas encore prêt." ; "Mais maintenant nous te laissons le choix. Nous te laisserons le choix à chaque fois que tu reviendras nous voir... "; "Alors ? la Mort, le Néant ou la Vie ?" Une chaleur à la fois brûlante et apaisante l'envahit. Le chaman tituba, ébahi. Une puissance sublime se dégageait des parois qui l'entouraient sur lesquelles brillaient des cristaux ambrés et lumineux. Il pouvait sentir qu'ils étaient plusieurs, à attendre sa réponse, à poser son regard sur lui. Sans réfléchir, il prononça sa réponse. L'Île s'était dévoilée à ses propres sens.

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