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 [Événement] - Ils avaient des ailes blanches et...

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Siruu Belhades
~ Sorcier ~ Niveau III ~

~ Sorcier ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 2339
◈ YinYanisé(e) le : 06/12/2015
Siruu Belhades
Sam 10 Aoû 2019, 13:14



Siruu observait le parchemin devant le cabinet de Zélie Nianrah, pensif. Les chamans savaient écrire aussi élégamment, et avaient accès à un papier de telle qualité ? Qui l’eût cru ? Les textes portant sur ce peuple ne les présentaient pas exactement comme des mondains calligraphes, courtois et adeptes des soirées nobles, mais les quelques lignes que le sorcier pouvait lire transpiraient cet archétype. Pourtant, le contenu en lui-même semblait assez lugubre : le remercier pour sa souffrance ? Même sous un regard positif, cette histoire paraissait louche.

Il fut interrompu dans son analyse par celle qui l’avait convoqué ici. « Vous désiriez me voir ? » L’agente ne sembla même pas l’écouter. « L’affaire est suffisamment urgente pour que tu puisses me tutoyer. » Elle lui fit signe de le suivre dans son bureau, et tourna les talons aussitôt. « Comment ça ? C’est lié à ma participation récente à… ? » La suite de la phrase se devinait. L’événement était récent, et avait fait tapage. L’apôtre obscur doutait que Zélie ait besoin de lui pour une autre raison : les pigistes de son rang étaient légion.
« Ah, c’est vrai. Félicitations. Mais ce n’est pas de ça qu’il s’agit. C’est à propos d’anges déchus démons machin-chose aux ailes blanches, ou je ne sais trop quoi. Le fait est que j’ai des journalistes affolés qui viennent à mes pieds rapporter des apparitions suspectes du genre aux quatre coins de ces Terres. Et, tout récemment, l’une de ces créatures aurait été aperçue à Valera Morguis… » L’agente continua de marcher avant de s’affaler sur le vieux fauteuil en cuir de son bureau. Son regard était calme, mais la situation ne pouvait être plus grave.

« Valera Morguis ? Mince. Des étrangers auraient trouvé l’endroit ? » Ce genre d’informations avait dû remonter jusqu’au gouvernement, mais aucun article n’avait encore paru sur le sujet. Ils n’avaient pas passé la commission de censure. « Oui, c’est ça qui rend la chose croustillante. J’ai appris ça grâce à une lettre… adressée au Talleb. » Le blond ne savait pas si Zélie était douée en sortilèges, mais une chose était sûre : le flegme de cette femme avait quelque chose de magique. On pourrait lui annoncer qu’un tas de nourrissons avait été embroché par le Prince déguisé en bonne fae au milieu d’Aeden, et c’est à peine si elle hausserait un sourcil.

« Le Talleb ? Je peux avoir vos sources ? Ça me permettrait de creuser les faits et… » Siruu se fit interrompre d’un geste de la main. « Premièrement : pas de tutoiement. Ensuite : je ne veux pas d’étude approfondie. Contente-toi de colporter la rumeur, le travail en profondeur sera fait plus tard. Et fais ça de manière légère, ou ton travail ne passera pas la censure comme ceux de tes collègues. Tu connais la formule : abuse du conditionnel, utilise des double-sens, noie le lecteur sous un flot de dates si nécessaire. Il faut que ça paraisse vague et stérile, et que ça attise la curiosité pour que les prochains articles sur le sujet ne fassent pas de la redite. » Le sorcier acquiesça. Il n’y avait pas grand-chose à dire, face à Zélie Nianrah. Elle avait l’art et la manière de répondre aux questions de manière complète, anticipant les pensées de ses interlocuteurs.

L’agente se décolla du dossier de son fauteuil. « Mais, si tu veux tout savoir : oui, mes sources sont fiables. Je dois gérer une petite cinquantaine de gens comme toi, et chacun a ses petites adresses. L’un d’eux a pour informateurs des… démineurs-ouvreurs de lettres ? Bref : de la chair à canon payée à vérifier le courrier pour que le Talleb ou un autre noble ne se retrouve pas avec une brûlure au troisième degré après avoir descellé le mauvais colis. Parfois, ils jettent un regard à ce qui se dit, et nous donnent les bons tuyaux. »« C’est à la limite de la légalité, si je ne m’abuse ? » Ce n’était pas un jugement déguisé en question. Siruu portait réellement un sourire curieux. « Oui, mais à partir du moment où c’est le journaliste qui a fait l’enquête et l’employé du Talleb qui a décidé de trahir, ce n’est plus mon problème, mais le leur. Nous, on prend les informations avec le sourire et on les traite. Bref : commande d’article, contrat standard. Et reste confidentiel, s’il te plaît. »

Le sorcier trouvait le débit de paroles de son interlocutrice surprenant. Zélie était du genre lente, d’habitude. Elle ne lui laissait pas l’occasion de refuser, en fait. Intrigué, Siruu se mit à réfléchir… pourquoi lui, exactement ? Ou, plus précisément : pourquoi pas d’autres ? La réponse fut assez facile : les pigistes du cabinet de Nianrah comme lui étaient soit sur d’autres affaires, soit trop lents, soit — et cela rejoignait la première hypothèse — trop occupés à reporter les résultats de la Coupe des Nations. Au-delà de cela, Siruu avait un réseau assez peu dense, et aucun informateur attitré. Bien que ce soit de manière générale une situation préjudiciable, c’était dans le cas présent une bonne chose : il aurait tout le loisir de recopier des informations prémâchées. Et enfin, le nom « Sirh Juuka Belhades » ayant soudainement été médiatisé, cela pourrait augmenter l’attention de certains à l’égard de son travail : de la publicité gratuite en somme. Il n’y avait pas de doutes, Zélie n’était pas devenue complètement folle. Elle avait gardé cette étincelle de génie mercantile qui faisait sa réputation, et en affaires, elle pouvait se montrer plus vorace qu’un sans-âme affamé.



Siruu écrivait sur son parchemin, accoudé à la table. Jorderunn ne faisait pas de bruit, mais s’était assoupi contre une porte. En d’autres circonstances, le sorcier aurait soufflé une insulte à l’encontre de son esclave et de son manque de manière, mais il n’était pas d’humeur. Quatre heures avaient passé, et son article n’était pas bien avancé. Pourquoi est-ce que les mots ne pouvaient pas s’écrire tout seuls, hein ? Malheureusement, cette fois-ci, aucun Dieu n’écoutait ses pensées pour les réaliser : Siruu se força à continuer ses notes journalistiques. Oh, ne croyez pas qu’il ait fait le lien entre son épreuve et les apparitions de démons aux ailes blanches. Ces deux éléments lui apparaissaient comme des coïncidences isolées. Et puis, en toute honnêteté, si le sorcier devait écrire un article sur les ailés étranges, il se sentait plus concerné par cette histoire de chamans. Sans doute était-ce pour cette raison qu’il semblait incapable d’avancer dans ses notes.

Puis, il entendit toquer à la porte. « Excusez-moi ? Excusez-moi ?! Excu… réponds, bon sang ! » Siruu ne recevait presque jamais de visites aussi tard, mais n’était pas surpris. Sa victoire à la Coupe des Nations pouvait très bien amener son lot d’ennuis. C’était la part obscure de la maigre popularité qu’il avait obtenue.

« Oui, oui. Qu’est-ce qu’il y a… » Le mage noir commençait à ouvrir la porte, mais s’arrêta en tombant nez à nez sur Endora, autrement surnommée la folle du quartier. Elle travaillait au Guérissoir, un établissement de médecine peu orthodoxe situé non loin. « Ah, bah enfin ! Je viens vous voir parce que j’ai vu une Eversha-oiseau très laide et pourtant très imposante flâner sur les toits. Elle a laissé pas mal d’effet sur la foule. Je vous dis ça parce que je sais que vous êtes journaliste, ma patronne me l’a dit en me présentant le quartier et… » Siruu n’écouta pas le reste du monologue de la vieille. Une eversha-oiseau très laide ? C’est au bout de quelques secondes qu’il comprit qu’elle parlait bien de ces mêmes démons aux ailes d’anges, observés ces derniers jours. Cela étant, les voir comme des evershas était une piste que peu de monde avait envisagé… mentionner cette hypothèse dans l’article serait une bonne idée.

« Cette femme, qui était sur les toits, qu’a-t-elle fait ? Je peux la voir ? »« Du tout ! Elle a volé quelques minutes et elle est partie, je crois. J’ai accouru vers vous dès que j’ai pu pour vous prévenir, mais avant il fallait chercher mon parapluie et… enfin vous comprenez. Elle est plus là, quoi. » Siruu ne répondit pas directement, un peu déçu. « Si vous voulez, je vous laisse m’interroger ! Mais en échange, vous promettez de me citer quelque part. » Cette dame avait l’esprit pratique, à n’en pas douter. Le sorcier préféra ne pas dire qu’il était justement en train d’écrire sur ces apparitions. « Très bien, très bien… si l’un de mes collègues travaille sur ce sujet, je lui transmettrais votre parole. Entrez, je vais vous poser quelques questions. » L’excentrique sauta de joie. « Superbe ! Et vous pourrez dire que je suis à la recherche d’une princesse ? Un appel à témoins, ou quelque chose du genre. » Siruu s’empêcha de lever les yeux au ciel. « Non. »



1430 mots.


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Dim 11 Aoû 2019, 14:38

L'Ange sentit l'emprise d'une main se refermer autour de son bras. Les mots qu'elle s'apprêtait à prononcer s'éteignirent d'eux-mêmes au fond de sa gorge, tandis que l'ébahissement défigurait ses traits. Elle pivota d'un mouvement brusque en direction de l'inconnu l'ayant ainsi accosté, déterminée à lui faire les remontrances qu'il méritait pour sa rudesse. Cela dit, la jeune femme resta si ébranlée devant le faciès de son nouvel interlocuteur qu'elle ne put mettre sa volonté à exécution. Elle reconnaissait les lignes de ce visage et ces yeux céruléens encadrés par les mèches d'une courte tignasse immaculée. « Yüerell? » Souffla-t-elle entre ses lèvres dans un murmure que lui seul percevait. Brethil fut tentée de s'enquérir sur la raison de sa présence, mais se tut au dernier instant alors qu'elle réalisait sa propre sottise. Évidemment qu'il était présent à cette soirée. Son engagement auprès de la Compagnie qui portait le même nom que le sien était ignoré de personne – et la Prêtresse n'y faisait guère exception. Elle était simplement surprise qu'il cherche à lui adresser la parole, compte tenu de la conclusion de leur dernière rencontre. Il était conscient de l'aversion qu'elle éprouvait à son encontre, de même qu'elle le soupçonnait d'être au courant des moyens qu'elle s'évertuait à déployer afin de l'éviter le plus possible. Alors pourquoi entreprenait-il des démarches pour lui engager la conversation? Derrière elle, les voix de ses comparses s'essoufflèrent peu à peu, jusqu'à ce qu'il n'y ait que le silence. Bien qu'elle soit tournée de dos à ces dernières, l'Immaculée pouvait ressentir le poids de leur regard inquisiteur peser contre elle. Elle imaginait d'ores et déjà leur sourire s'incruster sur leur visage de porcelaine, taquin et espiègle. La blonde tentait du mieux qu'elle pouvait d'ignorer ses pensées pourtant on ne peut plus véridiques. Tout dans la scène qu'avait amorcé le Soldat renvoyait sans doute, à la vision extérieure, la mauvaise impression. Les propos de l'Ànjọnú renforçaient également l'image de ces idées factices, mais son interlocutrice ne savait quoi exprimer afin de corriger la méprise auprès des membres de son Ecclésia. « Bien évidemment. » Renchérit-elle au vertueux. Son ton était trop détaché pour qu'il en semble naturel, mais la femme ne s'en formalisa pas. C'était à peine si elle avait réellement remarqué la froideur de ses propres intonations. Était-ce simplement parce qu'elle discutait avec Yüerell, un homme dont elle ne pouvait oublier la fourberie? Sans doute. Il devait y être habitué depuis le temps qu'ils se connaissaient véritablement. Cela paraissait indubitablement malsain de continuer à nourrir ainsi son animosité, mais la Lemingway restait convaincue qu'il soit dans le tort quant à sa philosophie et par conséquent, elle n'arrivait toujours pas à le supporter, malgré les semaines qui s'étaient écoulées depuis leur quête des Omije. Peut-être était-elle uniquement butée à ne pas lui accorder de pardon, mais d'un autre côté, elle se refusait à lui donner raison, autant pour ses valeurs personnelles que pour Mérédith qu'il avait injustement trompé.

La demande que formula ensuite Isiode la laissa quelque peu pantoise, encore plus lorsque Évelyne – la Prêtresse lui ayant répondu – donna son aval. Sidérée, la jeune Okan fixa bêtement sa collègue lui serrer doucement la main, puis manqua de s'étouffer en lisant l'expression figé sur ses traits. Croyait-elle vraiment en la véracité de ses fantaisies? La réponse s'imposa d'elle-même au sein de son esprit, à regret. Pourtant, ce fut sur une base volontaire que l'Ailée choisit de suivre le pas du Soldat, dépassant le seuil des portes pour se rendre à l'extérieur, sous le ciel étoilé de la nuit. Valsant au cœur de ce somptueux firmament, des Anges traçaient des ballets au creux des bras de leur partenaire. Ils dessinaient des figures acrobatiques en propulsant leur corps toujours plus haut en quelques habiles battements de plumes, jouant avec ombres et lumières afin d'agrémenter leur spectacle en merveilleux. La femme aurait pu passer des heures à contempler ces danses aériennes si la voix de l'Ànjọnú ne l'avait pas tirée de son émerveillement. « Merci. » Fit-elle par simple usage de convenances. La question de l'Épreuve réussit néanmoins à la troubler, bien que le sentiment ne s’affichât qu'un moment à travers ses prunelles avant qu'elle n'abaisse un peu la tête. Ce n'est pas tant qu'elle se refusait à en parler désormais. Cela dit, elle ignorait comment expliquer son vécu à quiconque. Yüerell désirait connaître l'identité des organisateurs de cette Épreuve mystère dont les compétiteurs avaient été choisis par les Dieux : seulement, il s'agissait d'un questionnement à part entière pour elle aussi et de ce fait, elle ne pouvait que lui admettre d'être également plongée dans l'ignorance. « C'est dur à expliquer. » Se contenta-t-elle de lui confier en guise d'aveu, sans plus d'éclaircissements ou de justifications. Il n'y avait strictement rien à rajouter de plus et dans tous les cas, le Soldat était loin de figurer parmi la liste de ses plus proches confidents.

L'homme se délaissa par ailleurs du sujet de la Coupe des Nations afin d'amener le propos qui le gênait véritablement. Il n'eut nullement besoin de s'écorcher la langue avec le nom de ce prétendu Æther pour que Brethil devine l'objet de ses préoccupations. Un soupir traversa la barrière de ses lèvres tandis que la lassitude vint assombrir la clarté de son visage. Elle était incapable de concevoir qu'une quelconque forme d'union la liait à présent à cet Ange. Le mariage que l'on leur avait imposé de surcroît n'était en aucun cas légitime devant la loi angélique et le seul véritable amour qu'ils se partageaient demeurait inexistant, purement professionnel. Il le serait probablement pour toujours. « Il est inutile de nous presser. » Sa voix était étrangement sans appel. « Mes fonctions me tiennent plus occupée que jamais. Cette soirée est le seul véritable moment de détente dont j'ai pu bénéficier depuis des lunes. » Elle marqua un temps d'arrêt. « Ces directives ne font aucunement mention d'un délai. Ne nous en préoccupons pas pour l'instant Yüerell. Nous nous consulterons à ce sujet en temps et en heure. » Se cherchait-elle des excuses afin de repousser, au-delà de la limite du raisonnable, ses engagements? Oui, très certainement. Autant la peur du divin l'incitait à ne pas tout rejeter en bloc, autant sa conscience ne pouvait accepter de finaliser, une bonne pour toute, un mariage auquel elle n'avait jamais consenti, avec Isiode qui plus est : de tous les hommes peuplant les Terres du Yin et du Yang, cette absurdité l'avait engagé auprès de lui et pas d'un autre. C'était désespérant, affligeant.

Toutefois, ses lamentations intérieures prirent rapidement fin alors qu'un tumulte agité brisait la sérénité propice à ses réflexions. Que se passait-il? Il s'agissait d'une excellente question à laquelle l'Immaculée ne put que répondre en glissant une œillade en direction de son partenaire du moment. Suivant la ligne convergente de tous les regards des convives, l'Okan dressa à son tour la tête vers le ciel. Perchée sur la toiture du bâtiment des festivités, une figure trônait fièrement au-dessus de l'agglomération angélique qui ne cessait de s'échanger en messes basses et en murmures de curiosité. Cet homme était simplement magnifique, captivant. La jeune Prêtresse semblait incapable de soustraire ses yeux à la beauté envoûtante de cet être à l'aura si bienveillante. Cela dit, l'admiration qui lui retint au tout début le souffle se transforma subitement en véritable cauchemar lorsque l'entité déploya ses extensions dorsales – des ailes dépourvues de plumes. Rachitiques, osseuses... démoniaques. Aux couleurs aussi pures et opalines que le plus vertueux des représentants du Bien et de la Lumière. Elle cria.

1362 mots
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Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3853
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Dim 11 Aoû 2019, 22:42


Le soleil avait chuté derrière le lac, et l'eau ensanglantée qui avait caressé sa surface avait laissé place à la pénombre d'une petite mort. Les étoiles miraient leurs reflets étincelants dans le miroir naturel. La lueur bleutée dégagée par les cristaux qui en comblaient le fond apportait au paysage une touche mystique. Cela rappelait à Priam combien il vivait dans un monde différent, désormais. A Lumnaar'Yuvon, la magie ne disposait pas d'un tel piédestal. On valorisait davantage les capacités humaines. Le fils de Réprouvés se tourna vers sa table de chevet, sur laquelle était posé un livre d'histoire angélique. Il tendit la main et se concentra. L'objet se souleva lentement puis plana fébrilement en sa direction. La porte s'ouvrit à la volée : Priam sursauta et l'ouvrage s'écrasa contre le sol. Laëth venait d'apparaître, les cheveux trempés et une serviette enroulée autour du corps. « T'es en retard, non ? » grogna-t-il. En se ruant sur sa penderie, elle s'exclama : « J'ai pas vu l'heure passer, désolée ! » - « Mais tu fais quoi, là ? » - « Tu m'aurais pas piqué un pantalon ? » Elle fouillait et mettait tout sens dessus-dessous. Il haussa les sourcils en la jaugeant. « Alors... non. Je pense pas que je rentrerais dedans, tu vois. Ça me ferait une culotte, à la limite... » - « Gnagnagna, t'es con quand tu t'y mets ! » riposta la jeune femme en lui jetant une chemise à la figure. « Bon, je vais retourner chercher dans ma chambre ! » Elle disparut comme elle était venue : dans une tornade de gouttelettes et de parfum. Le jeune homme secoua la tête en levant les yeux au ciel, puis s'accroupit pour ramasser son livre. Il le reposa sur la table de nuit, en songeant qu'il lui faudrait davantage s'entraîner, avant de se rendre dans la pièce principale.

Comme ils s'étaient accoutumés à la vie aux Jardins, ils avaient choisi de quitter la caserne et d'acheter leur propre maison. Elle n'était pas très grande, ce qui perturbait parfois Priam, partisan des grands espaces. Cependant, elle suffisait à leur confort, et c'était bien tout ce qu'ils demandaient. Quelques minutes plus tard, sa cadette descendit les escaliers en trombe. « Prête ! » Elle avait enfilé une robe crème, sobre mais élégante. Il trouvait toujours étrange de la voir si bien vêtue, et ne pouvait s'empêcher de se questionner sur la réaction qu'auraient eu leurs proches en la découvrant - notamment leurs parents. Ils auraient sûrement ri d'un tel accoutrement. Ça lui semblait si fastueux, quand il avait conscience que la tenue était loin de l'être. « Tu voulais pas mettre un pantalon ? » Elle haussa les épaules. « Je l'ai pas trouvé. Puis bon, j'aurais sûrement moins l'air d'une hérétique, comme ça. » sourit-elle. C'était une réception ; elle avait appris ce que c'était, et compris que les femmes étaient invitées à porter des jupons plutôt que des pantalons. Sa vie passée parmi les Réprouvés la conduisait à préférer le confort des bas que les hommes semblaient pouvoir revêtir en toutes circonstances, et quoiqu'elle avait souvent tendance à se conformer aux normes angéliques, il lui arrivait d'y déroger. Ce soir, elle se fondrait dans la masse. Ce n'était peut-être pas plus mal... « Et puis, il faut bien apprendre à courir et se battre en toutes circonstances. » Elle adressa un clin d’œil à Priam, qui lui servit un sourire amusé. « Dans ce cas, c'est parti ! » Il se leva prestement du canapé et se dirigea vers la sortie, Laëth sur les talons.

L'air de la nuit était doux. Des effluves florales charmaient les narines. Parmi elles se coulaient des odeurs de nourriture. Les deux Anges suivirent cette piste. « Ton entraînement s'est bien passé, d'ailleurs ? » Elle hocha la tête. « Ça se passe de mieux en mieux. » Elle faillit s'arrêter, avant de se rappeler que ce qu'elle s'apprêtait à faire contrevenait aux attitudes vantées par son nouveau peuple. Depuis que Priam avait affirmé qu'il resterait, elle était bien plus détendue ; cependant, son obsession d'intégration ne la quittait pas, et elle continuait à renier une grande partie de son essence. « Je vais avoir un énooorme bleu sur la cuisse. Jenna n'y est pas allée de main morte, c'était tout rouge. » - « J'espère que tu l'as bien démontée par la suite ! » s'exclama l'Ange, comme s'ils étaient toujours à Lumnaar'Yuvon. Ils avaient l'habitude d'y parler ainsi. Il n'y avait aucune animosité, aucune volonté de vengeance ; simplement, la fierté réprouvée s'exerçait aussi dans les combats, et plus les participants se donnaient du mal, plus ils étaient jugés formidables. « Evidemment, qu'est-ce que tu crois ? C'est pas dit qu'elle puisse marcher demain matin. » Tous deux partirent d'un grand éclat de rire. Ils avancèrent encore, leurs ombres glissant dans leur dos. La lune veillait. « Rutabaga ne t'a pas suivie, cette fois ? » - « Non, mais y'avait Picasso ! Il s'est assis couché sur l'une des tables où on pose les armes, et il s'est endormi. Je ne sais pas comment il a fait, avec le raffut qu'on faisait... » - « C'est un chat... ils sont spéciaux. Tu te rappelles de Kiki, à Lumnaar'Yuvon ? » Elle acquiesça vivement. « C'est vrai qu'il arrivait à dormir pendant les fêtes ou sur le dos des bicornes... Il n'y avait pas grand-chose qui l'inquiétait. » Parce qu'il n'y avait pas grand-chose dont s'inquiéter, pensa Priam sans l'exprimer à voix haute. Les souvenirs tendres qu'il avait de leur terre natale n'étaient pas toujours bien accueillis par sa cadette. Il ignorait pourquoi, et à dire vrai, lui poser la question le rebutait. Elle était par moment si sanguine qu'il craignait qu'elle ne s'agaçât pour rien.

Bientôt, ils arrivèrent devant la bâtisse qui accueillait les festivités. Sur l'écran scintillant du ciel, des Ailes Blanches dansaient poétiquement. Laëth sourit. « Tiens, regarde, c'est pas un des jumeaux Yüerell, là-bas ? » Elle suivit le regard de son frère. « Si, c'est Isiode, je crois. Il est avec Brethil Lemingway. Tu sais, celle qui a gagné une épreuve de la Coupe des Nations. » - « Ah, c'est elle ! Je l'ai déjà croisée. » Ils n'avaient pas communiqué, mais son visage lui était familier. Elle n'était pas belle à la manière des filles de Lumnaar'Yuvon, mais il lui trouvait un certain charme, malgré son corps chétif. « Priam. » Il tourna la tête vers sa sœur. Les yeux plissés, elle observait un point en hauteur. Il fronça les sourcils, puis pivota pour voir l'objet de sa confusion. Sur le toit, une silhouette patientait. Elle avait sur les invités le même effet qu'une bougie sur les insectes : tous les regards la scrutaient, tantôt curieux, tantôt suspicieux. L'inconnu, debout, tournait le dos à la foule frissonnante de murmures. Les deux Anges le fixaient avec une forme d'admiration incontrôlable. L'aura qui se dégageait de lui était captivante. Extatiques, ils auraient pu passer la soirée dans cette cour, à détailler les muscles de son dos et le balancement de sa chevelure, suggéré par la brise. Doucement, il tourna la tête. Un éclair de malice, puis le froissement tendre qu'ils connaissaient tous si bien. Il avait déployé ses ailes. Osseuses, membraneuses, lumineuses. Laëth eut un hoquet ; son aîné, le souffle coupé. Certains Réprouvés disposaient d'une telle aile ; mais les deux, les deux... Ce ne pouvait pas être un Démon, si ? Pourquoi se serait-il montré ? Il n'avait aucun intérêt à se dévoiler ici et... Il y eut un cri. La main de Priam se crispa sur l'épaule de sa sœur. Les ailes inquiétantes se tordirent dans un mouvement coutumier, et la créature prit son envol, jusqu'à disparaître dans la nuit. Les deux Belegad retrouvèrent leur respiration, mais la tension ne chuta pas. « C-C'était quoi, ça ? » Son balbutiement se perdit dans l'effarement silencieux des convives.

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[Événement] - Ils avaient des ailes blanches et... - Page 2 1628 :


[Événement] - Ils avaient des ailes blanches et... - Page 2 2289842337 :
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Ezechyel
~ Ygdraë ~ Niveau IV ~

~ Ygdraë ~ Niveau IV ~
◈ Parchemins usagés : 838
◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014
◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee
◈ Activité : Stratège
Ezechyel
Lun 12 Aoû 2019, 05:04


« Qui allons-nous rencontrer? » Demanda Seryndë en buvant une gorgée de vin. Ses doigts fins déposèrent avec délicatesse la coupe recelant le liquide pourpre, alors que son regard s'accrochait à celui de son fils unique, assis à ses côtés. Ce dernier soutint l'oppression de sa contemplation en conservant une expression sereine. Il apposa doucement les coudes sur le bois de la table, avant de croiser les mains. Il dégagea ensuite une mèche incommode qui lui brouillait sommairement la vue d'un geste ferme, puis consentit à répondre à l'interrogation de l'Ygdraë sans se départir de son calme exemplaire. « L'Olori Nathanaël Ivanhnoé. Il s'agit de l'homme qui nous a accueilli à l'entrée. » La sylvestre fit glisser son index sur le support de son verre, la mine pensive. « J'ai cru comprendre que nous étions censés négocier avec un certain Killian Vaughan? » Aramis esquissa un sourire, discret. « Plus maintenant. J'ai discuté avec lui tout à l'heure et il m'a assuré être mesure de fixer un rendez-vous avec son supérieur. » - « Je vois ». Se contenta-t-elle de souffler. Son esprit semblait être ailleurs, tourmenté par des pensées qui ne concernaient en rien les enjeux actuels. Ou peut-être que si. L'homme avait toujours éprouvé des difficultés à deviner le sujet des tracas de la Cyraliel. Il pouvait bel et bien affirmer qu'elle était, effectivement, préoccupée par une chose, chose dont la nature lui échappait complètement cela dit. Gardait-elle encore quelques réticences à mener leur projet jusqu'au bout? Il en doutait fortement. Alors quel pouvait être l'objet de ses hésitations dans ce cas? L'Elfe n'était pas certain qu'il soit sage d'aborder le propos maintenant, croyant – sans doute à tort – qu'au moindre faux pas de sa part, ses plans s'effondreraient comme de vulgaires châteaux de cartes. Pourtant, il est évident que s'ils étaient rendus jusqu'au territoire des Jardins, ce n'était certainement pas pour mieux repartir les mains vides. En outre, le Borghild profitait en ce moment-même de ses dernières heures en compagnie de sa mère, avant son grand départ en direction des terres d'Iyora. Aramis n’avait pas hésité à se porter volontaire afin de se joindre aux explorations angéliques. Il avait quitté les frontières de Melohorë en ayant en tête cet objectif, emportant avec lui tout l'équipement qu'il avait jugé essentiel pour les expéditions : de cette manière, il avait également espéré être en mesure de prouver sa détermination de fer auprès de ses hôtes immaculés. Quel ne fut pas le soulagement qu'il ressentît en constatant que ses efforts avaient porté fruits malgré sa venue tardive. Les Ailes Blanches avait exprimé toute l'ampleur de leur contentement lorsqu'il s'était présenté à eux, accueillant à bras ouverts le nouvel effectif supplémentaire qu'il représentait à leurs rangs. On lui avait permis d'entreposer ses affaires dans la même chambre où il avait logé durant le déroulement de son Épreuve, à la seule différence qu'il n'aurait plus à rester confiner entre les murs de cette pièce. La perspective de cette nouvelle liberté aurait pu le réjouir si ce n'était pas du fait que, dès le lendemain, il partirait vers une contrée inconnue au-delà des mers.

Le sylvestre glissa une œillade en direction de Seryndë. Était-ce cela qui la dérangeait? Qu'il ait décidé de mettre les voiles vers des terres reculées en ayant bénéficié de si peu de temps pour se préparer adéquatement? Ou bien s'agissait-il de la Compagnie en elle-même? Aramis exhala un soupir imperceptible aux oreilles de son interlocutrice. Il était conscient que la Dagmar n'appréciait aucunement la milice qu'elle peignait, inévitablement, sur la fresque de toutes ses tragédies. Sans ce groupe, son enfant n'aurait jamais consenti à adhérer à de telles folies, tout comme il n'aurait jamais approuvé les idées de ces Anges extrémistes. Certes, la Compagnie de Yüerell paraissait indubitablement avoir tourné la page sur l'époque de leur dévotion à l'égard de Délix, néanmoins la femme continuait à nourrir des incertitudes quant aux bien-fondés de son propre constat. À vrai dire, le problème était incontestablement l'Ygdraë en lui-même. Elle savait que celui-ci n'avait guère renoncé à ses préceptes dérangeants et pour tout avouer, elle craignait qu'être entouré d'autant de vertueux l'encourage à se montrer plus bruyant. Elle ne pouvait qu'espérer que son professionnalisme remporte sur ce désir absurde qu'il éprouvait à propager la parole des extrêmes auprès de ceux qui voulaient bien l'entendre – et avec les dons qu'il possédait, l'exécution de son entreprise n'en serait que facilitée. Seuls les Dieux détenaient la force nécessaire pour maîtriser le jeune homme dans ses élans virulents. « Tout va bien se passer. Je te le promets. » Insista-t-il dans l'intention de la rassurer. « Hum. » La sylvestre avala d'un trait le reste de sa boisson amère, avant de le fixer dans le blanc des yeux. « Ce n'est pas cela qui m'inquiète et tu le sais très bien. » Ce fut au tour des traits de l'Ildra de s'assombrir de façon notable. Bien qu'il en n'ait jamais eu l'intention, il se savait incapable de la tromper. « Nous avons déjà eu cette conversation, mère. » - « Qu'importe si nous l'avons déjà eu ou pas! Dès que tu as une idée en tête, il n'y a rien qui puisse t'en détourner. » Aramis serra les dents. « J'ignore pourquoi vous continuez à me prêter de telles intentions, mais je vous assure que je ne suis là que pour aider. » Leurs tons avaient commencé à se hausser, attisant la curiosité de quelques convives aux alentours. Remarquant ces paires d'yeux rivés sur leurs personnes, l'homme s'efforça d'abaisser le son de sa voix. « Veuillez m'excuser, mais je dois aller prendre un peu d'air. » Évidemment, il n'en était guère à sa première querelle au sujet de l'extrémisme. Cela dit, comme à toutes les fois où les intonations s'échauffaient, il était toujours préférable que l'un des protagonistes s'éloigne un peu afin d'apaiser les flammes crépitant autour de leur différend. Le sylvestre se leva promptement du confort de sa chaise en bois, courbant un sourire quelque peu factice à l'égard de la Dagmar, avant de se diriger d'un pas ferme en direction des portes dont il ouvrit les battants sans la moindre finesse. Aussitôt, le vent frais de l'extérieur lui effleura le visage, détendant légèrement la raideur de ses traits exaspérés. Il s'enfonça davantage à travers le terrain, interrompant brièvement sa marche lorsqu'il aperçut l'un des jumeaux – qu'il croyait être Isiode – discuter en compagnie d'une femme aux longues boucles dorées. L'homme les dévisagea un instant, avant de se raviser à venir à leur rencontre. Ce dernier s'assit plutôt sur le rebord d'un banc, la tête levée vers les Anges qui valsaient au cœur du firmament en exécutant des mouvements à la fois gracieux que captivants. Leurs corps fendaient l'air comme s'ils ne formaient plus qu'un avec l'Élément, s'élevant sans cesse, de plus en plus haut, jusqu'à ce que les yeux terrestres aient l'impression qu'ils caressent les étoiles du bout de leurs doigts. Émerveillé, l'Elfe admirait ces ballets aériens d'une mine qui paraissait presque enfantine, alors que les éclats célestes du voile nocturne se reflétaient intensément au fond de ses mires de jade. Il désirait oublier sa dispute en s'égarant à travers sa contemplation des arts dansants angéliques, bien qu'il ait conscience d'être entrain de gâcher sa dernière soirée avec sa génitrice.

Cela dit, ses rêveries ne durèrent que l'espace d'un moment encore. Alors que la ferveur des valses perdait progressivement en intensité et que les yeux se centralisaient en seul point, l'Ygdraë ne put que suivre l'engouement général des convives qui l'amena, quelques secondes après, à scruter une forme posée sur le toit de l'édifice. L'entité dégageait une aura enchanteresse auquel le Cyraliel fut incapable de se détacher. Son faciès muta cependant en une expression de surprise, puis de confusion et enfin de panique lorsque l'homme perché sur la toiture déplia à leur plus grande envergure ses extensions dorsales nimbés de blancheur. Des ailes dépourvues de plumages. Des ailes tracées tous en sillages formés par de la peau et des os... comme les Vils des Enfers. Avant même que le sylvestre ne puisse s'en offusquer, la créature s'était déjà volatilisée dans le voile de Cléophée.

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Lun 12 Aoû 2019, 14:54

[Événement] - Ils avaient des ailes blanches et... - Page 2 1525539476-carnet6
Ils avaient des ailes blanches et...
[Diana]

Le son de l’impact entre la terre et les roues de la carriole me berçait. Ma tête chutait rapidement avant de se redresser. Mes paupières étaient lourdes et se fermaient de temps à autre. Le sommeil m’enroulait dans son étau glacé. Je luttais de toutes mes forces. Harabella avait cessé de me bercer depuis longtemps. A présent, seul Elzédor me gardait sous son joug. Ma peur l’arborait donc à ce point ? Pouvais-je échapper, ne serait-ce qu’une fois, à sa poigne glacée ? Harabella pouvait-elle me dérober à son emprise ? Pouvait-elle me protéger ? Je me sentais sombrer. Ma tête retombait brutalement. J’allais rejoindre une nouvelle fois mes songes hantés. J’étais terrifiée. J’étais exténuée.

Les roues droites de la charrette où j’étais assise passèrent sur une énorme pierre. La brutalité de la secousse me libéra de mon assoupissement. Je clignais plusieurs fois des yeux. Ils étaient étonnamment secs. La luminosité m’aveuglait légèrement. « Tu as beau être mignonne comme un cœur, tes cernes sont effrayants ! » Je levais les yeux vers une femme à la blondeur magistrale. « Des cernes ? Personnellement, je dirais plutôt que ce sont des valises qu’elle a sous les yeux ! » Mon regard se tournait vers un enfant au visage rieur. Je me touchais prudemment le visage, vérifiant naïvement leurs dires. Pouvais-je apparaître ainsi devant mon maître ? N’allais-je pas lui faire honte ? Et s’il me trouvait laide ? Et s’il ne voulait pas de moi ? Et si… « Vous allez arrêter de proliférer vos odieux mensonges ? » Romain qui était assis auprès de moi passa un bras protecteur autour de mes épaules fines. « Hey. » Il posa son autre main sur ma joue pour tourner mon visage vers lui. Durant notre voyage, j’avais appris que chaque membre de cette troupe de théâtre était tactile. Ils parlaient avec leur corps, leur expression. Ils étaient plus simples à déchiffrer. « Ne les écoute pas. Tu es, certes, un peu pâle mais ton aura est resplendissante. » Il m’arracha un léger sourire reconnaissant. « Et ton minois est adorable. » « Tu sais, Romain, plus le temps passe et plus on doute que ton attirance aille vers les garçons. » « Oh ! Quelle diablerie ! Notre cher Romain serait un bonimenteur ? » « Un baratineur ? » « Un affreux coureur ? » « Mais vous allez arrêter vos simagrées ? » « Un imposteur ?! » Je regardais tour à tour les différents protagonistes. Il y avait Romain le brun, Sissi la blonde, Eude le garçonnet, Viola la laide, Gaspard le roux et enfin Baltazar le féroce – qui lui était assis à l’avant et dirigeait les chevaux. La vie avec eux était agitée et troublante. Si ces cauchemars ne m’assiégeaient pas, je l’aurais trouvé idyllique. J’aimais les écouter, les voir rire, aimer et répéter. J’aimais les voir apprendre des lignes et des lignes de dialogues dans le but unique d’émouvoir et de partager. La camaraderie et l’amour du spectacle étaient leurs valeurs principales. Ils étaient grandioses. Ils avaient du talent. Je le trouvais personnellement.

« Dîtes, vous ne trouvez pas cela étrange… » Les regards se tournaient vers Viola. Eude me tendait une pomme que je refusais avec un sourire. « L’étrangeté n’est synonyme que d’excentricité et l’excen… » « Raaah, cesse de faire ton dramaturge, Gaspard. » Romain, Eude et Sissi pouffèrent à son dépen. « Non, mais vraiment. Vous ne trouvez pas cela étrange, vous ? » Viola accapara de nouveau l’attention du groupe. Ma concentration était faiblarde. Mes yeux dérivèrent inconsciemment vers mon luth. Je le rabattais contre mon buste sans toucher les cordes. « Quoi donc Viola ? » Cette dernière croisa les bras sur sa poitrine, emprisonnant involontairement quelques-unes de ses longues mèches marrons. « Les rumeurs qui courent. Dans chaque petit village où nous allons, je ne cesse d’entendre la même rengaine. » Je levais les yeux. « C’est pas faux. » affirma Eude, un air légèrement dépassé sur le visage. « C’est vrai que j’ai plusieurs fois entendu la même histoire récemment. » Romain semblait réfléchir. Gaspard ouvrit la bouche « L’histoire des ailes blanches. » Un récit d’ange ? J’essayais de me concentrer. J’adorais les histoires. Cela même si j’étais exténuée. « Des ailes démoniaques blanches ! » précisa Baltazar avec sa virulence habituelle. Un silence se propagea dans la carriole. Dobby le brisa d’un aboiement. Les contours d’un village se distinguaient au loin. « Je suis assez sceptique. » Romain posa sa lourde main sur la tête de son petit chien. « Je suis du même avis. Les gens apprécient le dramatique. Ils voient l’ombre d’un agneau et vont tout de suite crier : « Au loup ! ». » Viola levait les yeux au ciel. « Ils sont tout de même une centaine à avoir vu cette apparition. » « …Divine ! Cette apparition divine ! » De nouveau, les regards se tournèrent vers le dos de Baltazar. « Ce que je peux vous dire c’est que cette histoire nous dépasse ! »

Je baissais de nouveau les yeux vers mon luth. Mes doigts ne purent s’empêcher de gratter les cordes avec douceur. Je fronçais mes sourcils. Je devais encore m’exercer. J’avais légèrement perdu en pratique depuis mon départ de Maëlith. « C’est mignon ce que tu joues. » Je levais les yeux vers Eude. La mélodie n’était composée que de trois accords. Le terme « mignon » n’était pas le plus valorisant pour parler de l’art d’une Orine. Cependant, je lui souriais. « C’est assez simple. » Démonstrativement, je plaçais mes doigts successivement sur les cordes. « Seulement trois accords. Je pourrais t’apprendre si tu le souhaites. » Je ne savais pas si j’étais très pédagogue mais je pouvais essayer. Peut-être que cela m’occupera l’esprit pour oublier mon mal-être interne. « Je préfère t’entendre jouer. » Mon sourire s’accentua. « Dis, Diana, tu ne voudrais pas nous rejoindre véritablement ? » Je sentais les regards se braquer sur moi. La carriole possédait-elle un trou de souris pour que je m'y réfugie ? « Je… Je ne pense pas pouvoir Eude. » Romain posa sa main sur mon genou. Cependant, c’est Sissi qui prit la parole. « Pouvoir ? » Le brun exerça une légère pression avec sa main. « Ta destinée n’est pas cantonnée qu’à un seul être. Tu le sais, cela ? » Mon sourire disparut. Le savais-je ? Avais-je l’énergie pour me poser cette question. « Je… » « La vie est une pièce de théâtre. Chacun est un acteur. Chacun est le héros de sa propre histoire. » Gaspard, assis sur le banc d’en face, se pencha pour me retirer mon luth. Il gratta les cordes sans ménagement. Heureusement pour l’objet, l’acteur était aussi bon luthier.

« Ecoutez l’histoire de la belle aux cheveux d’ébène.
Elle danse sans le savoir sur la scène.
Sa vie est le récit
D’une histoire pleine de mélancolie. »

Les membres du groupe commençaient à taper dans leur main. Le rythme était guilleret.

« Oh ! Que voici !
Un innocent colibri !
Que chante-t-il ?
Une promesse subtile ? »

J’écoutais. L’émerveillement commençait à se peindre sur mes traits.

« L’amour ! L’amour !
Oh, toujours l’amour !
Dois-tu retrouver ton aimé ?
N’as-tu pas assez cherché ? »


« Dois-tu danser pour lui ?
Ne serait-ce pas une lubie ?
Chante, petit colibri
Tu chanteras pour la vie. »


« L’amour ! L’amour !
Oh, toujours l’amour !
N’est-il pas temps d’apprécier,
Les bons moments comme les mauvais ? »


« Petit colibri ne serais-tu pas piégé,
Dans une cage bien dorée ?
Oh ! Mais regarde ma beauté,
Je crois que tu en détiens la clé ! »


« L’amour ! L’amour !
Oh, toujours l’amour !
Il est temps de voler.
Il est temps de danser. »


« Le vent te portera.
Mais n’oublie pas :
A chacun de tes pas,
Le choix te reviendra ! »

Gaspard enchaîna rapidement les derniers accords improvisés. La résonance musicale envoutait l’environnement. Tout le monde se mit à applaudir. Sissi, véritable tornade d’énergie, s’exclama joyeusement. Tous m’arrachèrent un rire. Mes songes étaient terribles mais cette vie en communauté était splendide. Le roux me tendait mon luth avec un grand sourire. « Alors ? » « Alors quoi ? » Sissi fit un grand geste dramatique en levant les bras. « Argh, j’en reviens pas ! C’est qu’elle a rien compris ! » Eude et Viola riaient. « Il est temps de vivre pour toi. » « Celui que tu recherches n’est pas ta vie. » Je les regardais tour à tour. Je ne vivais que pour mon aimée. Ne comprenaient-ils pas ? « Ou du moins pas totalement. » rectifia Romain. Je m’étais confiée au magicien. Il savait de quoi il en retournait. « Tu restes une personne. Tu n’es pas dénuée d’initiatives, de pensées et de sentiments. » Eude hochait la tête. « Alors on te le demande solennellement. » Le silence fut pesant pendant quelques secondes. J’accaparais tous les regards. Même Baltazar avait quitté la route des yeux. « Veux-tu rejoindre notre troupe de théâtre ? » Je les regardais bouche bée. « Je… » « T’inquiète pas ! Si tu oublies une partie du texte, on te le soufflera ! » Je regardais Viola. « Je… »

Un puissant battement d’ailes secoua la carriole. Les chevaux hennirent de frayeur. Baltazar fut le premier à réagir. « L’apparition divine !!! » Nos yeux étaient rivés au ciel. La créature volante fit quelques spirales dans les airs avant de repartir aussi brusquement qu’elle était apparue. « L’ange démoniaque ! » « Il existe ! » « Bordel de Sympan ! » « Mais qu’est-ce que c’est ?! » « Je n’avais jamais vu pareille chose ! » « Wouaf ! » « Je suis d’accord ! » finissais-je par dire.


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Stanislav Dementiæ
~ Sorcier ~ Niveau II ~

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◈ YinYanisé(e) le : 30/01/2016
◈ Âme(s) Soeur(s) : Aggripina, la seule, l'unique.
◈ Activité : Mangeur officiel de chaire fraiche
Stanislav Dementiæ
Lun 12 Aoû 2019, 16:50


« C'est inadmissible ! » tonna Wuld en laissant tomber son poing au milieu de la table, ce qui fit sursauter les domestiques effrayés. Sylbille soupira tout en secouant la tête, déjà lasse de ce qu'allait dire son confrère. Elle savait déjà de quoi parlerait son ami et cette discussion l'agaçait déjà. Au lieu d'y prêter attention, elle baissa la tête sur son repas et commença à manger ce que l'on avait généreusement mis dans son assiette. « On les débarrasse de la vermine et c'est comme ça qu'ils nous remercient ? » continua le réprouvé. « En nous envoyant dans les cuisines, à manger avec les chiens, tandis que eux se font servir un véritable festin de roi ?! Ils se réjouissent de leur nouvelle liberté, de se sentir à nouveau vivant et en sécurité ! Il y a deux jours à peine, on ne pouvait pas faire le moindre bruit sans craindre de se faire attaquer et ce serait encore le cas si nous n'étions pas intervenus ! On devrait être là-haut, nous aussi ! C'est nous qui devrions être les stars ! Pas ces nobles de pacotilles qui n'ont fait qu'agiter leurs bourses bien remplies sans oser prendre les armes de peur de se casser un ongle ! » L'Orisha soupira avant de ronger l'os autour duquel trônait autrefois la chaire qu'elle avait déjà avalé. Ce signe d'agacement n'échappa pas au chasseur qui fronça les sourcils. « Quoi, t'es pas d'accord avec moi ? T'es contente d'être envoyé aux cachots tandis que d'autres récoltent les lauriers de ce que tu as fait ? » Le ton accusateur de son coéquipier fit arquer un sourcil à la brune qui fixa enfin son regard au sien. « Remarque, avec toute cette nouvelle popularité qui te colle au cul, ça doit pas être simple ! Sans doute que mademoiselle s'en trouve soulagée de pouvoir bouffer dans son coin sans être dérangée à cause de sa notoriété ! Mais sache, ma poulette, que c'est pas le cas de tout le monde ! » « La ferme sale tête de con ! Tu sais très bien qu'elle y est pour rien alors commences pas à t'en prendre à elle pour faire passer ta mauvaise humeur ! »  rétorqua Fredco avant que la Gandr n'ait à ouvrir la bouche. Elle adressa un sourire à son secoureur avant de jeter un regard sombre à l'idiot qui essayait de se défouler sur elle. « Disons que, contrairement à toi, je me contente de ce qu'on m'offre. On nous a donné du travaille, on l'a exécuté et l'on sera rémunéré pour ça. Ça me suffit amplement. » répondit Sylbille. « Et puis, t'exagère, on n'est pas si mal lotis : ici, dans les cachots comme tu dis, on a le droit de se resservir à volonté sans avoir l'air de gorets et on peut boire jusqu'à n'en plus pouvoir... Et puis crois moi, toi, au milieu de tous ces bourges, ça ferait tâche. Tu t’ennuierais sec. T'es bien mieux ici avec nous. Et puis, si tu veux vraiment avoir un publique à qui raconter tes histoires, il y a tout un auditoire prêt à t'écouter, juste derrière toi. » fit-elle en pointant du doigt un groupuscule de domestiques qui n'arrêtaient pas de les toiser du fond de la pièce. En remarquant que le Réprouvé se retournait pour les toiser, les concernés furent pris d'un vent de panique et commencèrent à se dissiper à nouveau. « Ah bah non. Ta vieille tronche doit trop les effrayer. A moins que ce soit ton haleine de chacal. » renchérit Erik. Le groupe de Corbeaux se mit à rire, à l'exception de Wuld qui grimaça après avoir répondu à la provocation par un geste fort peu civilisé.

Les membres de la Confrérie continuèrent à manger sans reparler de la sois disant injustice dont ils étaient victimes. Le sujet de leur dernière chasse occupa une grande partie de leur discussion, entrecoupée de commentaires gourmands sur les plats qui se présentait à eux. Finalement, les assiettes se vidèrent et, l'estomac rempli et les veines noyées d'alcool, les chasseurs quittèrent un à un les cuisines pour retrouver leur couchette. Demain, un nouveau contrat les attendait et ils devraient voyager de longues heures avant d'arriver à destination. Seule Sylbille resta éveillée suffisamment longtemps pour remarquer l'agitation des domestiques. S'essuyant le visage et les doigts dans une serviette qu'elle reposa sur la table, elle se mit à débarrasser assiettes et couverts qu'elle apporta jusqu'à une bassine. Sans prendre la peine de faire de remarque, elle sentit des regards la suivre. Était-ce dû à sa participation à la coupe des nations ? Elle n'était pas suffisamment connue pour que l'on reconnaisse son visage dans la rue mais une fois son nom énoncé, il arrivait que l'on se comporte de la sorte avec elle. Qu'on la dévisage et parle sur son passage sans oser l'aborder. Elle soupira, déçue, avant de faire demi-tour. Elle aussi avait bien besoin d'une nuit de sommeil -elle n'avait pas fermé l’œil depuis le début de leur contrat et elle devrait sans doute recommencer l'expérience très bientôt. Mais, alors qu'elle s'apprêtait à quitter les cuisines, une jeune femme attira son attention en posant sa main sur son bras. « Pardonnez mon impolitesse mais... Nous voulions savoir... Allez-vous vous occuper de cette... cette chose ? » Sylbille laissa la surprise inonder ses traits. « Quelle chose ? » demanda-t-elle, intriguée. Y avait-il déjà de nouvelles créatures dans les parages ? Un nouveau contrat dont ils n'auraient pas entendu parlé ? « Oui, vous savez, ce dont tout le monde parle, depuis ce matin. » Devant le silence et la perplexité de l'Orisha, la domestique fit une moue déçue. « Oh c'est vrai, vous êtes partis avant que cela n'arrive et n'êtes revenus qu'il y a peu... Vous n'en avez peut-être pas entendu parlé... Alors laissez-moi vous expliquer : ce matin, un monstre a survolé la ville et s'est posé sur les bâtiments ! Bien qu'il n'ait pas eut l'air menaçant... et bien disons que sa nature même reste inconnue et... Ca en inquiète beaucoup. » « Sa nature est inconnue ? » répéta la brune, de plus en plus perdue. « Oui. C'était un homme, un homme avec des ailes. Elles étaient blanches, aussi pures que celles d'un Ange... Mais elles étaient déchiquetées, rachitiques, avec la forme de celles des Démons... » Sylbille eut besoin de plusieurs secondes pour prendre en compte cette information. « Un... Un réprouvé ? » questionna-t-elle, puisqu'il s'agissait là de l'explication la plus probable selon elle. La domestique secoua néanmoins la tête. « Rien n'est moins sûr. Certains maîtres voudraient pouvoir attraper cette créature pour pouvoir l'examiner, je crois qu'ils s'apprêtent à faire une nouvelle annonce de contrat. Et nous nous disions que peut-être, vous... » Elle ne termina pas sa phrase. Sans doute avait-elle lu sur le visage de son interlocutrice que la réponse serait négative. « Désolée, mais si la chose est humaine, cela dépasse notre niveau d'expertise. Nous ne nous occupons que des animaux. Et puis, il y a une autre contrat qui nous attend, demain. Mais si vraiment cela vous tient à coeur, je ferais remonter l'information à notre Grand Maître Corbeau. » La plus jeune sourit, l'air rassurée. « D'accord, merci beaucoup. »
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Mancinia Leenhardt
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Mancinia Leenhardt
Lun 12 Aoû 2019, 23:17

Une certaine tranquillité avait pris possession des Jardins de Jhen. Cela faisait plusieurs lunes que cette belle contrée était bercée d'une douceur agréable et d'un paix stable, mais à ses yeux, peut-être que l'ambiance en était-elle devenue malsaine. Tant de candeur de la part des Magiciens avait de quoi le rendre mal à l'aise, non pas que ces derniers soient dérangeant, mais ils étaient l'exact opposition à l'état général de son propre peuple, dont la situation était encore trouble ces dernières semaines. C'en devenait étouffant. L'Anjonù avait besoin de respirer, de se vider l'esprit en s'engageant dans des projets. Il répondait toujours présent lorsqu'on avait besoin de lui dans son travail, ou encore, de bras supplémentaires pour combattre les Démons, se sentant serviable et présent dans toutes les situations et personne ne trouvait rien à y redire. Que ce soit la gestion de l'entreprise familiale, son devoir de soldat ou son rôle de protecteur. Oui, Neah avait mûri. Il se sentait responsable des siens. Sa protégée devait lui avoir transmis ce goût de vouloir tout faire, sans doute. Ah, ça, Mancinia lui manquait terriblement. Sa Souveraine avait requis sa présence pour une affaire d'une importance vitale, mais elle ne pouvait pas lui en dire plus, seulement qu'elle risquait d'être absente longtemps. Elle lui disait toujours ça. Sans doute la reverrait-il bientôt ? Il l'espérait. Leurs retrouvailles étaient tellement courtes. Que devaient-ils faire contre ça ? Lui était en terres Magiciennes et elle résidait sur le territoire Humain. La distance était grande et l'absence pesante. Quand allait-il mettre des mots sur ce qu'il ressentait en sa présence ? Tout était si clair sans son esprit, alors quoi ?

L'Ange secouait la tête en soupirant. Ses bras le démangeaient, il avait envie de combattre et se dépêtrer de cette situation. S'occuper pour oublier qu'il était lâche dans ses sentiments. Ce n'était, évidemment, pas possible dans l'immédiat. Neah marchait en direction d'une des portes principales, cherchant à s'éloigner de l'enceinte qui reprenait peu à peu goût à l'existence suite à la disparition de l'Apakan. Son peuple était décidément toujours dans les méandres du malheur ces dernières années. Le sort s'acharnant véritablement sans qu'il n'en comprenne l'exactitude. Que devait-il faire pour améliorer la situation au lieu de les voir tous si mal gérer cette entreprise qu'était le pouvoir ? Devenir souverain lui-même ? Quelle bêtise que de s'imaginer apte à cela, mais malgré sa jeune existence parmi les siens, il avait vu les régents se succéder. Combien cela faisait-il ? Quatre ? A quelques déceptions près, ils avaient tous été très compétents pour gérer les crises successives, mais il fallait aux Anges un véritable chef. Quelqu'un qui saurait les unir définitivement, mais pour cela, ils ne devaient pas rester ici. Ces terres n'étaient pas les leurs. Et dans l'attende de retrouver la Terre Blanche, sans doute devaient-ils en conquérir d'autres, comme il était convenu. C'était en cours et il n'avait qu'une seule hâte : voir ses plans se concrétiser, pour le bien commun. Il répondait sommairement aux salutations qu'il recevait. L'Ange sortit de l'enceinte sous quelques regards en biais et attendit d'être éloigné des murailles pour déployer ses ailes, dont les bouts étaient recouverts de doré et de s'élancer vers le ciel.

Tel un oiseau, il volait avec agilité, même sans s'observer, il lui suffisait de ressentir les courants aériens au bout de ses plumes pour savoir se diriger. Ça lui faisait tellement de bien, la véritable liberté lui enlevait ses doutes, ses craintes. Lui qui était un guerrier émérite, reconnu pour ses talents et investi aux causes qui lui tenait à coeur ne cessait d'être tourmenter, qu'en était-il pour le commun ? Que devait penser les simples civils, eux qui essayait de se reconstruire ? Non, tout ceci ne pouvait plus durer. Neah se refusait de laisser l'angoisse s'installer dans les foyers. Les Anges avaient suffisamment souffert lors des récents affrontements pour espérer que plus rien ne les menacent. Pourtant, une colère commune et irrationnelle risquait bien de faire exploser les chaumières si les choses demeuraient en stagnation encore longtemps. On leur avait rendu l'espoir, mais cela les conduiraient à la déception s'ils le perdaient à nouveau. Décidément, quel casse-tête. Une heure à voler, une heure à ressasser. Mieux valait-il pour lui de rentrer, amorçant son retour et sa descente vers ce qu'il considérait comme son foyer provisoire. Ce n'est qu'au bout d'une centaine de mètres qu'un son particulier attira son attention, une clameur venu d'en bas. Ses yeux se tournèrent, par réflexe, en direction du bruit, ses sens en alerte alors que son visage se voulait encore impassible. Il n'était pas rare d'entendre des bêtes désamorcer des pièges, mais ceci n'avait rien à voir avec une bête prise dans l'un des leurs.

Quelque chose volait dans le ciel et tous avait les yeux rivés dessus, effarés. Un ennemi ? Une créature enchanteresse ? Un traître qui avait prit la fuite une fois sa macabre trahison découverte ? Cela pouvait être tout et n'importe quoi qui se cachait au milieu des nuages. Que convenait-il de faire en pareilles circonstances ? Devait-il retourner voir ce qu'il en était réellement ou se lancer immédiatement dans la traque de ce qui laissait la populace aussi béate, les yeux rivés vers les cieux ? Il existait plusieurs méthodes, plus ou moins efficientes, pour traquer un individu qui se voulait discret. Que devait-il faire pour toucher sa cible, à quelques pas de lui ? Malgré sa vitesse et son allure déroute, Neah se lançait à sa poursuite. Devait-il le décourager de suivre cette voie, ne valait-il mieux pas le laisser fuir ? Ce serait sans doute bien plus simple, mais aussi assez risqué. S'il échouait et que le traître parvenait à prendre la fuite, le guerrier s'en voudrait longtemps. La violence était sans doute une méthode plus efficace pour mettre un terme à une folie. N'étaient-ils pas en guerre, après tout ? Les combats impliquent des sacrifices. Il était le mieux placer pour le savoir, mais il avait une fâcheuse tendance à gagner moins de fierté quand il s'agissait d'une chasse. Non. Neah ne pouvait pas le laisser faire des siennes. Seulement, il lui paru relativement évident que cette personne, chose ou quoi que ce soit se riait de lui. Elle le faisait clairement tourner en rond et cela l'agaçait. Il voyait son ombre dans les nuages.

L'Anjonù prit de la hauteur pour mieux cerner son adversaire, du moins, ce qu'il considérait comme tel tant que ses intentions n'étaient pas claires. Il était à quelques mètres seulement. Encore un peu et il l'attraperait. C'est à sa surprise qu'il vit des ailes rachitiques, ces mêmes ailes en qui il vouait une haine incommensurable tant le mal qu'elles incarnaient l'était autant, cependant, il restait lui-même troublé, choqué de constater leur blancheur immaculée, presque comparable aux siennes. C'est alors que ce dernier détournait la tête vers lui. Et son regard croisa le sien, un sourire aux lèvres.

Neah !

Seule la voix de son collègue vient le réveiller. Il était resté en vol stationnaire, sans bouger, après cet échange visuel qui l'avait paralysé sur place, complètement coi. Son cerveau semblait ne pas avoir su encaisser l'information, la main sur son épaule qui le secouait lui rendait conscience de son corps.

Tu l'as laissé filé ?
Il faut le rattraper avant qu'il ne s'échappe.
C'est inutile.

Sa voix lui semblait si faible, mais assez forte pour retenir ses compagnons.

Ce n'était pas un Démon, ni un Ange.
Un Déchu ? Un Réprouvé ?
Non.

Il y eu un silence glacial.

Je ne sais pas ce que c'était. C'était quelque chose de bien différent.
De toute manière, il a filé, si nous avions du retard sur toi, jamais nous ne le rattraperons.
Rentrons, les autres voudront sûrement t'interroger vu que tu l'a vu de près.

Leur vol de retour se fit dans un silence pesant, troublant sans doute.

Franchement, tu nous as bien devancés.
Vous êtes trop lents, rit-il.
Gare à toi, impudent. Lents, mais pas inutiles !

Ils se mirent à rire pour contrer le trouble de leurs coeurs, mais une idée fixe demeurait. Qu'est-ce qu'il venait de se passer ?

1360 mots


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Lun 12 Aoû 2019, 23:23


« Vos exploits font encore les gros titres des gazettes les plus minables des Terres du Yin et du Yang. » - « Peu importe. » - « Songez à faire preuve de davantage de discrétion avec vos … maîtresses. » Il esquissa un petit sourire, avant de croiser lentement les jambes. « Jamais. » Elle haussa un sourcil, la mine interrogatrice. « Cela ne vous importune donc pas ? » insista-t-elle, puisqu’il persistait dans le silence et sirotait tranquillement son verre de vin. Il afficha une expression narquoise. « Non. » Cet homme représentait un mystère à ses yeux. Il parlait beaucoup, mais sans jamais évoquer ce qui importait réellement. Ils étaient peu à réellement le connaître, à peine une poignée. Elle croyait en faire partie mais devait se rendre à l’évidence : elle était encore loin d’avoir perçée tous ses secrets. « Pourquoi ? » Elle s’obstinait à le questionner, mais n’obtenait que des réponses laconiques. C’était tout de même des réponses. « Ca m’arrange. » Il était désinvolte au possible, et son peu de conversation finit par arracher une grimace agacée à la jeune femme. « Pourquoi ? » On ne pouvait pas lui reprocher son manque d’intérêt. Pendant un instant, elle redouta sa propre audace. N’allait-elle pas trop loin ? Elle ne s’adressait pas à n’importe qui. Cependant, elle jugea qu’il n’hésiterait pas un seul instant à la recadrer, si elle dépassait les bornes. Le Phénix joignit doucement les mains sur ses genoux, avant de poser son regard obscur sur la jeune femme. « Je veux qu’on me considère comme un bouffon qui ne réfléchit qu’avec sa queue. » Elle fut soufflée par la répartie, autant sur le fond que sur la forme. C’était la plus grande phrase qu’elle avait réussi à lui arracher depuis son arrivée. Quant à son propos … Sa bouche se tordit en un “o” un peu décontenancé. « Je ne comprends pas. » avoua-t-elle en fronçant les sourcils. Il ricana. « Ma réputation me précède. » Elle hocha la tête. Il est vrai que personne n’ignorait les penchants du Souverain de Spectre. Il était un homme à femmes dans toute sa splendeur, incapable de résister aux charmes du beau sexe. « Certes. Tout le monde sait que vous aimez les femmes et qu’elles sont bien peu à résister à votre prestance … Mais je ne vois pas en quoi cela pourrait bien servir vos intérêts. » Par ailleurs, son renom n’était pas éclatant sur tous les tableaux. On disait de lui qu’il était un amant excellent, voire époustouflant. Elles étaient nombreuses à clâmer que la nuit qu’elles avaient passé avec lui fut la meilleure d’entre tous … Ou la pire. Car ce qu’on lui refusait, il le prenait de force. « Disons simplement que je suis à l’image de mon Empire. » Elle écarquilla les yeux. Elle commençait à comprendre. Un silence, assez lourd, s’installa. Elle finit par le briser. « Que comptez-vous faire ? Pour elle. » Il prit le temps de réfléchir. « J’envisage de nombreux chemins pour parvenir à mes objectifs. Elle est tellement imprévisible. » - « Ces objectifs … Quels sont-ils, la concernant ? » - « C’est très simple. Je veux la posséder, la souiller et la briser. » Elle vacilla très légèrement et il arqua un sourcil. « Est-ce que cela vous pose un problème ? » - « Du tout. » Elle avait nié avec empressement. Peut-être un peu trop. Il s'avança sur le rebord du fauteuil et se pencha vers elle. « Vous avez choisi de me rejoindre. » articula-t-il doucement. « Oui. » Il glissa doucement son index sous son menton. « Je ne tolère pas la traîtrise. J’espère que vous le savez. » - « Je le sais. » La menace était à peine voilée. Lucia se réinstalla confortablement. « Bien. » Il tourna très légèrement la tête vers la porte. « Entre Nicolae. »

Nicolae poussa la porte du salon et esquissa un pas. Il balaya à peine la pièce du regard, avant de focaliser son attention sur son Maître. « Qu’est-ce que signifie tout ce vacarme ? » s’enquit le Monarque, la voix un peu lasse. Il n’aimait pas être interrompu, mais des éclats de voix lui parvenaient aux oreilles, accompagnés par des démarches frénétiques et pressées. Il se passait sûrement quelque chose. « Un intrus. » répondit le Vampire, dont le visage ne trahissait pas la moindre émotion. La jeune femme leva les yeux au ciel. Elle avait la désagréable impression de revivre sa conversation avec le Sorcier. « Et ? » Nicolae dodelina légèrement de la tête. Il s’accorda quelques instants pour réfléchir à sa formulation. « Il ressemblait à un Démon avec des ailes blanches. » Lucia acquiesça lentement, avant de faire signe à son serviteur de se rapprocher. Il obtempéra sans broncher et ne cilla pas davantage, lorsque le Phénix posa sa main sur son front. Il voulait simplement voir ce que le Vampire avait vu. Nicolae était quelqu’un de particulier. Il avait sans doute compris que cette apparition était anormale, sans saisir toute la complexité du problème. « Il y en aurait eu d’autres ? » - « On nous rapporte des cas similaires. » - « Où ? » - « Partout. » - « Ils sont partis ? » - « Oui. » Il soupira. Il comprenait mieux toute cette agitation. Il allait devoir mener sa petite enquête. « Retourne vaquer à tes occupations. » - « Bien. » Il s’inclina avant de tourner les talons, laissant son Maître en charmante compagnie. Nicolae traversa les couloirs, sans prêter attention aux petits groupes, arrêtés un peu partout. Ils discutaient de ce qu’ils avaient vu, de ce qu’ils croyaient et de ce qu’ils redoutaient ou ce qui les fascinaient. Cela n’intéressait pas vraiment le Vampire. Pas tant que son Maître ne lui avait pas dit de se pencher sur la question. Il rejoignit les cuisines pour s’emparer du plateau, qu’il amena dans la chambre de Rose. « Nicolae ! » s’écria cette dernière, lorsqu’il pénétra dans la pièce. Elle se jeta presque sur lui et manqua de renverser le contenu de son assiette. Le Vampire se rattrapa de justesse, et déposa le tout sur la table. « A la fenetre ... » Il jeta un coup d’oeil vers les rideaux, qui voletaient doucement au gré du vent. Elle avait une vue imprenable sur la Capitale, de sa tour. Elle avait vu la mystérieuse créature aux ailes immaculées. « Qu’est-ce que c’était ? » - « Je ne sais pas. » - « Lucia … Qu’en dit-il ? » - « Je ne sais pas. » - « Mais … » Elle fit claquer sa langue, un peu agacée. « C’était tellement ... » La Magicienne secoua la tête, et finit par se laisser tomber sur le rebord de son lit. « Impressionnant. » lâcha-t-elle à bout de souffle. « Ah. » - « Tu l’as vu toi aussi … N’est-ce pas ? » Elle était enfermée depuis si longtemps … Parfois, elle craignait de perdre la raison. « Oui. » Elle releva son petit minois sur le Vampire. « S’il te plait … Demande à Lucia de passer me voir, aujourd’hui. J’ai vraiment besoin de le voir. » - « Très bien. » Il patienta quelques instants, avant de laisser la jeune femme seule.

« Alors … C’était quoi, à ton avis ? » Merveille avait été subjuguée par ce qu’elle avait vu. Cela attisait sa curiosité. Elle voulait connaître le fin mot de l’histoire. Tout le monde avait sa petite théorie. Elle était impatiente d’en entendre une nouvelle. Ismérie haussa les épaules. « Je l’ai même pas vu, ce Démon immaculé. » Elle soupira. « Qu’est-ce que tu faisais de plus intéressant que regarder ce truc ? » Il eut un petit sourire. « Je … dormais. » Elle prit une expression canaille. « Je vois … Monsieur s’envoie en l’air avec une parfaite inconnue pendant qu’il se passe des choses exceptionnelles dans les rues ! Tu ne devais pas être en commission pour notre cher Roi à ce moment là, d’ailleurs ? » - « Peut-être … Raconte moi ce que tu as vu, toi. » - « Je … C’était vraiment très étrange, Ismérie. Je ne suis pas sûre de ce que j’ai regardé. » - « Mais il ressemblait vraiment à un Démon ? » - « Dur à dire. Il avait simplement des ailes rachitiques et dépourvues de plumes, comme celles des Démons. » - « Mais blanches ... » - « Oui. C’est peut-être un Démon anormal … Ou un Ange anormal ! Un Déchu anormal ? Quelqu’un d’anormal, en tout cas. On n'a jamais vu ça ... Nulle part !» Elle n’arrêtait pas de répéter ce mot. “Anormal” Il avait une portée rassurante, à ces yeux. « J’ai hâte de lire les journaux, demain … Tu crois vraiment qu’il y en avait partout ? » - « J’en sais rien, Merveille ! Je n’ai pas la moindre petite idée de ce qu’il se passe ! Arrête de me rabattre les oreilles avec ça ! » Elle écarquilla les yeux, surprise, avant d’éclater de rire. « Ma parole … Tu es jaloux ! Tu aurais aimé voir ça ! Ca t’apprendra à sauter sur tout ce qui a une paire de seins ! » Elle rit de plus belle devant la mine dégoûtée de l’Alfar.

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