Mais en fait, il paraît aussi que c'est exquis... Qui sait ?

Musique

« J’aimerais que vous repensiez à votre existence, à présent. » murmura-t-elle à l’oreille de son partenaire. « Réfléchissez-y, profondément. Croyez-moi, la mort sera bien plus douce que la torture que vous vivez actuellement, à devoir briller au milieu de ces imposteurs qui se rient de vous dès que vous avez le dos tourné. ».

Jun sourit. En d’autres circonstances, il aurait trouvé le travail d’Iseult fascinant. Cependant, c’était aussi très morbide que d’observer une Ombre ôter minutieusement la vie par d’habiles paroles. Le Dieu de la Mort avait prévu de s’amuser, pas de disserter sur la meilleure technique pour pousser un être au suicide. Et puis, sincèrement, qui est-ce que cela intéressait, au fond ? Pas lui, pas maintenant. Son sourire s’agrandit lorsqu’il se mit à admirer Alaster, dans un costume flambant neuf. Il savait pertinemment que le Déchu était déjà en train de chercher un endroit où il serait tranquille, où aucune femme ne risquait de venir lui demander une danse, où aucun homme ne l’aborderait pour discuter ou quoi que ce soit d’autres qui nécessiterait des efforts. Edelwyn, elle, essayait de paraître à son avantage, quand bien même la plupart des convives l’ignorait totalement. Elle n’était qu’une nouvelle-née, à sa manière. Tout ce petit monde s’en sortait parfaitement sans lui. Aussi, il se déplaça lentement vers le buffet, jusqu’à ce qu’il puisse en toucher la surface de ses doigts. Il les laissa courir d’un air pensif sur la nappe, attrapant au passage un verre de champagne. Ce monde ne changeait pas. Toujours les mêmes soirées, toujours les Grands, quand bien même ces derniers changeaient-ils de tête, invités par des familles richissimes qui se plaisaient à mettre en scène leur fortune. Ce n’était pas déplaisant pour autant. Que faisait-il ici déjà ? À vrai dire, il n’en avait aucune idée, ayant décidé de se laisser porter par le courant du Hasard. Il avait atterri ici après avoir souri à une vieille dame qui s’était empressée de venir discuter avec lui par la suite et de l’inviter. La Mort pouvait se montrer attractive après tout, au moins autant que la Guerre. Jun souriait malgré lui lorsqu’il décelait des querelles de couple. Celles-ci étaient des batailles en bien des aspects.  

Après quelques minutes à fureter entre les invités, il délaissa son verre au profit d’une jeune femme aux vêtements princiers. Il unit sa main gauche à sa main droite et posa l’autre sur sa taille. Il avait été bien élevé et son éducation comportait forcément l’apprentissage de la danse. Plaire à sa moitié était un parcours du combattant où le talent et le travail devaient se mêler, immanquablement, à une patience à toute épreuve. Cela l’avait rendu résistant, sans aucun doute. En danseur aguerri, il prit quelques libertés avec le corps de sa partenaire. Il voulait qu’elle repousse les frontières de ses propres limites, qu’elle le laisse la guider malgré la peur de ne pas être à la hauteur de ce qu’il exigeait d’elle. Elle en sortirait grandi. Pourtant, l’attention de l’homme fut canalisée par une toute autre femme. À vrai dire, il aurait sans doute dû faire quelques recherches rapides sur celle-ci, trouver son prénom, sa condition, fouiller son passé sans aucun ménagement, mais il s’abstint. Ça ne l’intéressait pas. Il lui suffit de connaître son essence pour que le jeu en vaille la chandelle. Elle était séduisante mais, ça non plus, n’importait pas. Il ne voulait pas la ramener dans son lit ; il aurait été bien déçu. « Ça a été un plaisir. » fit-il à la blonde lorsque la musique cessa.

Seul au milieu de la piste, il intensifia son regard en direction de la demoiselle pour qu’elle le remarque. Il sourit et scruta un instant le plafond, comme s’il cherchait une idée lumineuse. Il l’avait déjà, depuis le début. Il tira sur le nœud de sa cravate et enleva cette dernière minutieusement. Il la plia et la mit dans sa poche. Son pouce et son index se dirigèrent ensuite vers son col et il déboutonna quelques boutons, lentement. Il n’était pas pressé, après tout. Une fois que ce fût fait, il tira sur le tissu jusqu’à dévoiler son épaule droite. À partir de cet instant, son expression n’était plus qu’amusement. Il la fixa de nouveau et pencha la tête sur le côté gauche, dévoilant son cou, en signe de défi.