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 [VI] - Le Pèlerinage

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Typhon Gargantua
~ Eversha ~ Niveau V ~

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◈ Parchemins usagés : 913
◈ YinYanisé(e) le : 09/01/2019
◈ Activité : Chasseur [Rang III] & cuisinier [Rang III]
Typhon Gargantua
Jeu 16 Mai 2019, 21:07

Catégorie de quête : VI. Recherche et exploration
Partenaire : aucun
Intrigue/Objectif : Bien qu’il ait choisi une vie de solitude, Dhavala est soucieux de son avenir. En quête de la signification de son existence, l’Evergrim décide d’accomplir le rite du pèlerinage afin de connaitre la volonté divine de la déesse Phoebe.



Première partie – introduction


Dhavala se réveilla au milieu de nulle part. Une froide pluie tombait du ciel. Le jeune homme, alors couché sur le dos, pouvait apercevoir le ciel nuageux au-dessus de lui. Confus, il n’avait aucun souvenir des précédents jours, ses derniers souvenirs remontant à la construction d’un camp. Le chasseur se souvenait avoir dû abandonner son ancien gite suite à la fonte des neiges, alors que la saison de Teanvi régissait maintenant la vie au Rocher au Clair de Lune.

Alors qu’il retrouvait ses sens, Dhavala constata qu’il était couvert de sang et que son ventre était particulièrement sensible, à la fois gonflé et lourd. Il fallut un moment avant que le chasseur trouve la force de bouger. Il se releva en titubant, mais dès lors, il eut un haut-le-cœur et vomi un mélange de bile et de poils.

Il y avait, autour de l’Eversha, un grand nombre de carcasses et d’os. S’il n’y avait encore aucune odeur de putréfaction, c’était bien grâce à la température froide, qui faisait frissonner l’homme trempé jusqu’aux os. Alors que sa confusion se dissipait quelque peu, Dhavala reçu, par vague, plusieurs souvenirs des précédents jours.

Il se souvenait de la lune, pleine. Il se souvenait d’avoir eu faim. Avoir été forcé de quitter son ancien camp signifiait devoir poser de nouveaux pièges et attendre. Dhavala avait attendu, mais sans avoir eu de succès. L’Eversha se souvenu alors avoir laissé libre cours à son Totem. Il s’abandonna complètement à la bête pour ne pas souffrir de la transformation qu’il n’arrivait toujours pas à contrôler.

Au bout de quelques pas, la nausée se manifesta à nouveau et Dhavala vomi encore. Il ne se sentait pas bien. Il avait mal au ventre. Il avait froid. Après quelques pas de plus, l’Evergrim fut forcé de prendre une pause pour reprendre son souffle. Sa respiration était saccadée et ses sens étaient sens dessus dessous.

Le chasseur était convaincu que son camp était non loin de cette clairière. Même transformé, il n’aurait pas abandonné ses possessions. Il y tenait trop. C’est alors que d’autres souvenirs lui vinrent en tête. La pleine lune, bien visible dans le ciel, avait fait de son Totem un géant affamé. Dhavala se souvint alors d’avoir eu recourt à un pouvoir dont il connaissait mal le potentiel. Dès lors, de nombreuses proies vinrent se mettre à la disposition du tigre géant.

Lentement mais surement, Dhavala retrouva son camp, à quelques mètres seulement de la clairière. Tout en progressant, l’Eversha se vit alors dévorer bien plus de proies qu’il aurait dues. La taille accrue du Totem avait décuplé son appétit et devant autant de proies faciles, la gourmandise du jeune homme transformé l’avait motivé à tirer pleinement profit de la situation. Les images se bousculant dans sa tête, Dhavala vomi une fois encore, mais sans apaiser ses maux de ventre.

Ayant maintenant conscience des évènements étant survenus, c’est un chasseur démoralisé qui se faufila sous ses couvertures de fourrure, enfin à l’abri de la pluie et du froid.

***

Dhavala n’était pas fier de lui. Son manque de vigilance lui valut de rester cloué au lit, malade, pendant deux jours complets. Ce fut deux des plus belles journées des dernières semaines, avec une température à la hausse et peu de pluie, et il ne pouvait pas en profiter.

La transformation en son Totem était pour lui synonyme de souffrances et d’abus. C’est pourquoi il cherchait à en minimiser l’usage. Toutefois, en situation difficile, et parfois même à l’improviste, le besoin de se transformer motivait l’Evergrim à « perdre le contrôle. » Il laissait les sens de la bête contenir la souffrance de la transformation, au prix de sa raison et de sa logique. Il s’agissait d’un compromis qui n’aurait jamais été accepté en société, mais seul en milieu sauvage ? Pourquoi pas.

Si cette stratégie avait porté ses fruits lors de quelques occasions, le précédent épisode fut désastreux. Sans un minimum de contrôle, le jeune homme s’était empiffré jusqu’à devenir malade. Ainsi immobilisé et forcé au repos, l’Eversha n’avait d’autre choix que de réfléchir sur non seulement ses actions, mais sur son existence elle-même. Dhavala avait conscience que son comportement avait été indigne d’un Evergrim et encore moins d’un chasseur.

Pourquoi est-ce que je mérite de vivre ?
Pourquoi est-ce que mes proies se meurent devant mes besoins ?
Qu’est-ce qui me donne le droit de tuer le fruit du labeur de Phoebe ?
En quoi puis-je servir les desseins de la déesse ?


Dhavala ne voulait pas faire de sa vie une lutte entre ses désirs primordiaux et sa raison. Lui et son Totem étaient indissociables. Il était Eversha. Il était Evergrim. S’il voulait donner un sens à sa vie, il devait y avoir un Dhavala en pleine possession de ses moyens, quelle que soit sa forme. Ce n’était qu’ainsi que le jeune homme pourrait atteindre des objectifs plus nobles que de se remplir la panse.

Il y avait malheureusement un obstacle de taille pour obtenir ce que Dhavala voulait. Encore fallait-il qu’il se trouve une raison d’être. Tant qu’il resterait un vagabond solitaire, il n’aurait que peu d’incitatifs à bien se comporter. Pour sûr, il ne se goinfrerait plus jamais autant, mais il n’était pas hors de question de refaire preuve de gourmandise. Après tout, pourquoi pas ?

***

Au troisième jour, Dhavala retrouva enfin un minimum de mobilité. Il subissait toujours les contrecoups des jours précédents, mais il se sentait mieux. Le jeune homme en profita pour enfin se laver, mais évidemment, la saison de la Maussade n’allait pas gracier plus de quelques jours consécutifs de beau temps. La température chuta alors assez pour que le paysage matinal soit recouvert d’une fine couche de neige. Il s’en suivit d’un déluge de pluie pour faire fondre le tout.

Ce n’était donc pas l’eau qui manquait à l’Evergrim pour faire sa toilette, mais elle était glaciale ! La pluie intensifiant força finalement le chasseur à rester sous le couvert de son refuge une journée de plus. La pluie était trop froide et trop intense pour permettre un voyage. Le jeune homme n’avait d’autre choix que de laisser passer la tempête.

Maintenant qu’il ne pouvait plus foncer tête baissée dans une direction quelconque, Dhavala fut forcé de réfléchir à son avenir. S’il était bien l’Eversha qui avait été gracié de la vie par Phoebe, alors il avait forcément une raison d’exister.

Ironiquement, après avoir souffert d’un excès de gloutonnerie, voilà maintenant que le jeune chasseur était affamé. Après trois jours sans manger, la faim le tenaillait de plus belle. Évidemment, il n’y avait pas de proie dans ses pièges. Il avait dévoré toutes les proies des environs. C’était d’ailleurs un exemple flagrant de pourquoi il ne fallait pas faire usage de la magie pour chasser.

Dhavala réfléchit en vain à trouver une raison à son existence toute la journée. Il se plaisait dans la solitude. Il n’était jamais satisfait de ses résultats, cherchant toujours à faire mieux. Il aimait manger. À quoi donc pouvait-il servir ?

***

Après avoir passé une nouvelle nuit dans l’incertitude, Dhavala arriva à la conclusion qu’il avait besoin de la sagesse d’un être supérieur. N’importe quel augure aurait remis le jeune Evergrim à l’ordre, mais ce n’était pas le genre de sagesse que souhaitait Dhavala. Il savait qu’il avait mal agi et que sa vie n’aboutissait à rien. Ce n’était pas la peine de lui rappeler.

Ce que Dhavala souhaitait, c’était de recevoir la sagesse divine. Il était bien connu que Phoebe communiquait avec ses enfants par des signes dissimulés dans les actions du monde naturel. Certes, seuls les augures avaient l’expérience nécessaire pour interpréter une telle communication, mais ça n’empêchait pas le jeune homme d’essayer. Encore fallait-il voir ces signes.

C’est pourquoi le jeune homme décida de tenter sa chance dans un pèlerinage. Il y avait un espace sacré dans les hauteurs du Rocher au Clair de Lune, un Kiansha, qui était bien connu. Les meilleurs et les plus spacieux de ces espaces étaient réservés aux cérémonies de l’élite Eversha. Il y avait toutefois divers Kiansha de taille plus modeste, qui permettaient aux moins fortunés de voir la pierre blanche, caractéristique du Rocher au Clair de Lune, dans toute sa splendeur.

Le « Kiansha de l’arbre desséché » était si populaire que le chemin y était permanent. Il s’agissait d’un long parcours aboutissant sur une petite plateforme rocheuse. Bien qu’il n’y ait ni végétation ni terre, il s’y trouve un vieil arbre mort. Nul ne pourrait expliquer la présence de cet arbre, ancré dans la pierre infertile de cette plateforme, mais c’est cet attrait unique de ce Kiansha qui faisait sa renommée.

Dhavala espérait que de se rapprocher ainsi de la civilisation Evergrim lui permettrait de se motiver à reprendre de saines habitudes et un contrôle adéquat de son Totem. Il était trop facile de remettre à plus tard, seul en pleine nature, où les conséquences étaient éphémères. De même, l’Eversha espérait que ce pèlerinage convaincrait Phoebe de lui fournir un signe qui pourrait donner une raison à sa vie.

***

Il y avait un monde de différence entre vouloir partir en pèlerinage et actuellement partir en pèlerinage. Après le fiasco de la dernière période de jeûne prolongé, la dernière chose que voulait Dhavala, c’était partir à l’aventure le ventre vide. Il partit donc chasser dès que le temps fut plus clément, mais se retrouva rapidement blotti sous ses fourrures alors qu’une soudaine chute de température s’abattit sur la région. Avec tout juste de quoi calmer les gargouillements de son ventre affamé, il n’était pas question de descendre jusqu’aux plaines.

Il s’en fallut de peu pour que le jeune chasseur abandonne complètement son projet de recherche intérieur, au profit de son appétit. La prise fortuite d’un lièvre le remit toutefois sur la bonne voie. Cette proie allait rassasier le chasseur et si elle ne lui permettait pas de faire des réserves, Dhavala allait en profiter pour prendre la route et mettre de la distance avec son camp actuel.

Un pas à la fois, le jeune homme prit la direction des Plaines de Reshor.

***

Il fallait compter de nombreux jours de marche pour atteindre les basses plaines du Rocher au Clair de Lune. Puisque Dhavala s’était mis en tête d’accomplir ce voyage lors de la saison de Teanvi, sa progression était lente. Il progressait bien les jours de chaleurs, mais devait s’abriter les jours trop froids et humides.

Il ne va sans dire qu’il mangea rarement à sa faim durant ce périple. Ce n’était pas une si mauvaise chose. À force d’excès, le jeune homme avait pris un peu de surpoids. Il se devait de contrôler ses pulsions et un régime forcé allait diminuer son appétit, lui permettant, du coup, d’accumuler plus de réserves.

Le pèlerinage de l’arbre desséché était long et il était très difficile, voire impossible par endroit, de s’écarter du chemin pour chasser. Les pèlerins devaient donc survivre avec ce qu’ils pouvaient porter, jusqu’à leur retour sur les Plaines de Reshor. Ça signifiait que Dhavala devait impérativement commencer à accumuler de la nourriture pour son pèlerinage, même s’il n’était pas dans une saison favorable aux voyages.


1849 mots
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Typhon Gargantua
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Typhon Gargantua
Ven 17 Mai 2019, 18:58



Deuxième partie – la transformation


Après trois belles journées d’affiliées, une rareté lors de la saison de Teanvi, Dhavala s’était tellement éloigné de son dernier camp qu’il serait plus facile d’en bâtir un nouveau que d’y retourner. Avoir autant progressé donnait au jeune homme une motivation supplémentaire pour accomplir son pèlerinage, voir ce que la déesse Pheobe avait à lui communiquer et enfin donner un sens à sa vie.

Il y avait fort à faire pour le chasseur solitaire, mais alors qu’il se rapprochait inévitable de la civilisation, une crainte s’empara de l’Eversha. Était-il prêt ? La réponse était évidemment, non. Dhavala avait encore frais dans sa mémoire l’épisode de sa dernière transformation. Dans son imagination, il lui était facile de remplacer les animaux par des personnes. À la différence des animaux, les personnes vengeaient leurs morts.

Jamais le jeune homme n’aurait l’idée de s’en prendre à ses semblables, l’idée même le répugnait. Il en allait de même pour l’idée de manger jusqu’en devenir malade. Il y avait donc matière à réflexion, surtout maintenant qu’il était encore temps de rebrousser chemin…

À cette idée d’abandonner, Dhavala su qu’il devait se reprendre au plus tôt. Il ne pouvait pas passer sa vie à fuir les autres de peur de commettre une erreur. Les gens rationnels ne mangeaient pas les personnes. Le jeune homme était rationnel, du moins, il l’espérait. Non, il se devait d’être rationnel. Sa vie et son avenir en dépendaient. Il ne pouvait quand même pas régresser jusqu’à devenir une véritable bête, ce n’était certainement pas la raison de cette vie si généreusement donner par Phoebe.

Je dois me transformer sans perdre la raison.

Voilà, c’était dit. Il ne pouvait plus se satisfaire d’un raccourci. Dhavala devait rester pleinement conscient, du début à la fin de sa transformation, et même au-delà. Il se devait d’arrêter les excuses. Il avait un problème et il se devait de le résoudre, pour de bon.

Il faudrait déjà que ça arrête de faire mal…

Le pire, c’était les dents. Il fallait toujours que ça commence par la bouche en plus. L’étape de la queue était, elle aussi, particulièrement douloureuse et inconfortable sur un temps. À cela, il fallait ajouter le gain de poids significatif et une croissance prononcée. C’est qu’en tant que tigre adulte, Dhavala doublait sa taille et triplait son poids. Ça faisait beaucoup d’os qui devait s’allonger, des muscles à adapter… Bref, ce n’était vraiment pas une partie de plaisir de rester conscient du début à la fin.

En comparaison, si l’Eversha laissait assoupir sa raison, il était capable de pousser les sens de la bête à prendre le dessus. Le tigre, lui, ne ressentait pas la douleur de la même façon. Il n’avait pas la même notion du temps. Il n’avait pas la même compréhension du monde qui l’entourait. C’était parfait pour soutenir une transformation aussi difficile et longue.

Il y avait un problème dans cette logique. Dhavala n’était pas un tigre. Il était un Eversha.

C’est ça !

La réalité sauta alors aux yeux de Dhavala. Pour se protéger de la souffrance, il s’était créé l’illusion d’être une bête, une deuxième personnalité, en quelque sorte. Ça signifiait que depuis le début, il avait la capacité de gérer la transformation ! S’il pouvait prétendre être un tigre pour supporter la douleur, alors il n’y avait aucune raison pourquoi il ne pouvait pas supporter cette souffrance tout cours. Il fallait seulement une bonne motivation. Il fallait quelque chose qui motive Dhavala à supporter la transformation et garder sa raison.

Portant son regard vers son nombril, le jeune homme s’arrêta net sur ses pas. Il avait faim. Bon, il avait toujours faim. Si on pouvait amadouer les bêtes avec de la nourriture, pourquoi ne pas s’amadouer lui-même ?

La nuit approchait et il y avait encore plusieurs jours de marche avant d’atteindre les Plaines de Reshor. À cette période de la Maussade, personne ne serait assez fou pour faire déplacer sa meute jusqu’aux basses plaines avant l’arrivée de la saison de Tayza. Il était difficile, voire dangereux de faire le trajet durant la saison instable de Teanvi. C’était bien parce qu’il était seul, et dans la force de l’âge, que Dhavala pouvait se permettre un tel voyage.

Parfait ! Je vais me transformer chaque nuit avant de manger.

Le plan de Dhavala était simple. Puisqu’il était peu probable qu’il rencontre qui que ce soit aussi bas dans le Rocher au Clair de Lune en cette saison, l’Eversha allait prendre le risque de perdre le contrôle jusqu’à ce qu’il puisse se contrôler. Mieux valait maintenant que plus tard. Pour ce faire, le chasseur allait placer ses réserves hors de portée de ses pattes de tigre. Ainsi, s’il voulait manger, il n’allait pas partir chasser et risquer de perdre son temps quand la nourriture était à porter de main humaine.

***

Première nuit. Première tentative.

Dhavala avait passé une bonne partie de la soirée, profitant des derniers rayons du soleil, pour concevoir une cage rudimentaire. Il passa le resta du temps pour assembler à la hâte assez de bois pour nourrir un feu pour la nuit, ainsi qu’un abri, bien plus modeste qu’à l’habitude. Tout était en place pour cette première nuit de transformation volontaire. Peu satisfait de ses accomplissements bâclés, l’Eversha jugea bon de prendre note que le lendemain, il débuterait ses préparations quelques heures plus tôt, quitte à réduire la distance parcourue.

Un peu effrayé de ce qui allait suivre, le chasseur se dévêtit et rangea ses affaires dans l’abri de fortune. Il laissa la cage contenant d’importants morceaux de viandes séchées en évidence, pour être certain de la remarquer une fois transformer. Le jeune homme frissonna ainsi exposer. Les températures des jours étaient à la hausse, mais les nuits restaient froides.

La transformation s’opéra comme d’habitude, en commençant par la bouche. Des dents disparaissaient, alors que d’autres grossissaient. La forme de son crâne s’allongea et une vive et intense douleur submergea l’Eversha, alors que le reste de son corps amorçait les nombreux changements requis pour prendre la forme du Totem.

***

Dhavala se réveilla, nu, avec peu de souvenirs de la veille. Non loin, la cage de fortune était en morceaux et son contenu disparu. Il était évident que la viande avait été consommée et que la première tentative avait été un échec.

Bon, des branches, ça n’arrête pas un tigre de 300 kilos.

Le plan de l’Eversha comprenait deux phases. Dans l’éventualité probable où la douleur l’incite à faire usage de sa personnalité de bête malgré lui, Dhavala comptait sur la présence de nourriture inaccessible pour retrouver la raison et ainsi amorcer le retour en forme humaine en plein contrôle de ses moyens. C’était donc un double échec. Le chasseur se rhabilla et reprit la route. Il avait encore trop mangé, alors il ne pourrait retenter de se transformer avant d’avoir abattu une nouvelle proie consistante.

***

Quatrième nuit. Deuxième tentative.

Le chasseur avait l’avantage d’avoir toutes les proies des environs pour lui, alors il ne fallut que quelques jours avant de profiter de nouvelles rations de viandes fraiches. Cette fois, il passa la journée à se préparer pour cette deuxième tentative.

Dhavala rassembla un bon nombre de pierres, ainsi que de solides branches et s’appliqua à bâtir une cage à l’épreuve des tigres pour y placer la viande. La structure de bois supportait les nombreuses pierres et il n’y avait qu’un petit trou d’accessible, afin que l’odeur de la viande soit perceptible. Ce n’était pas des pattes de tigre qui allaient soulever ces pierres. Du moins, pas sans effort. L’Eversha espérait donc que la nécessiter de faire preuve de logique pousse sa raison à refaire surface une fois transformée.

Pour une autre fois, le jeune homme se dévêtit et se prépara au pire. Il détestait vraiment la transformation de ses dents. Si seulement il pouvait passer cette étape, alors peut-être que le reste serait plus facile ?

***

Se réveiller, nu, sous une pluie glaciale était parmi les pires des réveils imaginables. Grelotant, l’Eversha s’empressa de trouver la chaleur des fourrures de son abri. Cette fois, pas de doute, la cage avait fonctionné. Elle était toujours en place et n’avait pas perdu son contenu, malgré les nombreuses marques de griffes témoignant des efforts déployés pour atteindre le contenu.

Pourquoi est-ce que je suis aussi persistant ?!?

Dhavala n’avait pas fait usage de logique durant la nuit. En fait, selon les nombreuses traces, il avait stupidement insisté jusqu’à ce qu’il retrouve sa forme humaine au matin. C’était un deuxième échec retentissant. Au moins, pas de viande gaspillée aujourd’hui.

***

Cinquième jour. Troisième tentative.

Dhavala, frustré de la précédente nuit, décida d’améliorer son camp et d’y rester jusqu’à ce qu’il se transforme au moins une fois sans perdre la raison. C’était trop d’effort de rebâtir une nouvelle cage à l’épreuve d’un tigre, alors aussi bien se faire un abri digne de ce nom et rester un moment. De toute façon, la pluie se montrait insistante et semblait décidée à se répandre sans relâche pendant encore quelques jours.

Cette fois, l’Eversha était nu et sous la pluie, pour tenter une nouvelle transformation. Ce n’était même pas la nuit. Le chasseur n’en pouvait simplement plus d’attendre à ne rien faire pendant qu’il pleuvait.

Encore les dents. Pourquoi ça faisait aussi mal ! L’Eversha respira lourdement, crachant l’eau de pluie qui s’infiltrait dans sa bouche, alors que la douleur de cette dentition changeante ne faisait que perdurer et empirer.

Dhavala tomba à quatre pattes non pas dû à la transformation de ses membres, mais pour enfuir son visage dans la boue, dans un espoir de calmer la douleur. Dès lors, c’est l’autre extrémité qui fut piquée au vif. Telle une aiguille chauffée à blanc, l’ossature du postérieur changea pour permettre la sortie d’un nouveau membre.

La douleur, d’un bout à l’autre de son corps, poussa l’homme à tomber sur son flanc, laissant la pluie le recouvrir d’un manteau glacé. Puis, Dhavala remarqua quelque chose, sa transformation avait cessé. Il n’avait toujours pas abandonné sa conscience et sa raison réagit à la douleur en ordonnant à son corps de cesser la transformation. L’Eversha ne donnait vraiment pas un beau spectacle, partiellement transformé, mais c’était une sensation nouvelle.

Au bout de plusieurs longues minutes de profondes respirations, apprenant lentement, mais progressivement, à supporter la douleur, Dhavala réamorça sa transformation. Ses dents continuèrent de pousser, sa queue s’allongea, il gagna de nombreux kilos et une nouvelle douleur se manifesta, alors que ses muscles se déchiraient, de la tête aux pieds. Dès lors, l’Eversha stoppa la transformation, prenant de nouvelles minutes pour respirer.

Pas étonnant que je me laisse perdre conscience…

Au travers de la douleur, il y avait une constante, la pluie. Elle était toujours aussi froide, toujours aussi désagréable, mais elle était continue. En se concentrant sur cet élément, l’Eversha arrivait à focaliser son attention, se détournant des détails de sa transformation. Il éloignait ses pensées de son corps incapable de se relever, pour se concentrer sur la pluie. Après une profonde inspiration, Dhavala reprit les changements. Mille aiguilles le transpercèrent, alors que les changements s’étalaient sur l’entièreté du corps.

Respirer devenait difficile. La masse croissante qui allait constituer le tigre exerçait une pression constante sur ses poumons encore humains. Il fallait poursuivre.

La pluie. Se concentrer sur la pluie.

Une nouvelle sensation. La pluie n’était plus aussi froide. La fourrure de la bête recouvrait la peau humaine. Le corps de l’Eversha s’allongeait, trainant la boue vers l’avant et l’arrière. Respirer redevenait plus facile. Il y avait de moins en moins de douleur.

À ce stade de la transformation, Dhavala était plus tigre qu’humain, alors la douleur faisait place à la normalité. Les changements apportaient du réconfort, comme si des morceaux mal placés trouvaient leur emplacement prédestiné. Ce n’était plus des pertes, mais des gains. La douleur, toujours présente, était éclipsée par le gain en puissance. Cette force, cette adresse, c’était surhumain, animal.

L’Eversha était son Totem. Le Totem était l’Eversha.

***

Dhavala festoya joyeusement ce soir-là. Il avait réussi à contrôler sa transformation pour la première fois de sa vie. Il n’était pas prêt à retenter l’expérience de sitôt, mais il avait démontré qu’il en avait la capacité. Le chasseur se goinfra tout au long de la journée et même en soirée. Il avait réussi et il tenait à ce que cette expérience soit accompagnée d’un souvenir mémorable, mémorable et plaisant.

Lorsque l’Evergrim s’endormit ce soir-là, il avait la panse bien remplie et le sentiment d’avoir accompli la première étape de son pèlerinage.


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Typhon Gargantua
Lun 03 Juin 2019, 20:48



Troisième partie – l’ascension


Dhavala se réveilla au milieu de nulle part. Une fraiche pluie tombait du ciel. Le jeune homme, alors couché sur le dos, pouvait apercevoir une petite accumulation d’eau sur la toile de sa tente au-dessus de lui. Repu, il n’avait que de bon souvenir du précédent jour. Ses derniers souvenirs témoignaient d’un festin et d’une transformation réussie. Le chasseur se souvenait pleinement chaque étape de sa transformation en tigre. C’était une première depuis l’éveil de son Totem, qui depuis, régissait sa vie au Rocher au Clair de Lune.

Alors qu’il retrouvait ses sens, Dhavala constata qu’il était couvert de fourrures et que son ventre était sensible, à la fois gonflé et lourd. Il fallut un moment avant que le chasseur trouve la force de bouger. Il se leva maladroitement, cherchant à éviter d’exercer plus de pression que nécessaire sur son abdomen. Le jeune homme eut tôt fait de s’assoir, pas particulièrement intéressé par la douche froide qui l’attendait à l’extérieur de son abri.

S’étirant, Dhavala amorça sa toilette matinale. Il se préparait pour la prochaine partie de son voyage. Ses pas l’avaient conduit non loin des plaines de Reshor, alors son pèlerinage allait bientôt pouvoir débuter. Abstraction spirituelle mise à part, l’itinéraire du « Kiansha de l’arbre desséché, » ne débutait qu’en ces lieux.

***

Les basses plaines n’étaient pas d’une hospitalité constante. Elles étaient propices au repos et à la cohabitation lors des belles saisons, mais un environnement hostile en tout autre temps. En ce moment, la saison de Teanvi s’étirait. Sous peu, ce serait le soleil brulant de la saison de Tayza qui prendrait le dessus. Les plaines offriraient alors leurs meilleurs atours.

Strictement en termes de période, Dhavala prévoyait un pèlerinage plutôt facile. Dès que le soleil rouge de Tayza assècherait les sols et les cours d’eau, les basses plaines deviendraient bien plus sécuritaires et fournies en proies de tout gabarit. Le sentier menant au Kiansha serait alors aisément praticable et il ne devrait pas y avoir trop d’achalandage sur l’aller, comme sur le retour. Effectivement, il faudrait encore quelques semaines aux diverses meutes pour commencer à s’installer dans les plaines. Qui plus est, la Saison du Soleil Rouge n’en serait qu’à son apogée au retour du jeune homme. Il pourra alors lui aussi profiter des avantages que conféraient les basses plaines aux nomades lors de cette saison. Bref, c’était le temps idéal pour ce genre de pèlerinage.

Puisque rien n’était parfait au Rocher au Clair de Lune, il y avait donc encore un obstacle que le chasseur devait s’affranchir. S’il ne craignait presque plus une transformation incontrôlée, il n’avait peut-être pas la capacité physique requise pour atteindre le Kiansha et en redescendre. Ce dernier se situait au sommet d’une longue et sinueuse pente, parfois abrupte, qui se rapprochait plus de l’escalade que de la randonnée.

Dhavala n’était pas un alpiniste. Ce n’était pas tant une question de talent que d’entrainement. Bien des meutes détestaient les ascensions et descentes verticales, les forçant à hisser leurs biens, parfois lourds ou fragiles. Aussi aventureux fût le jeune homme, son expérience était issue des enseignements d’une meute qui préféraient les grands espaces plats aux importantes dénivellations. Résultat, il n’avait ni expérience ni équipement propice à la tâche à accomplir.

La décision qui s’imposait était d’attendre l’arrivée des meutes aux plaines de Reshor, ou de partir à l’instant. Une meute pourrait offrir le matériel et la formation nécessaire pour accomplir le pèlerinage en toute sécurité, mais Dhavala perdrait l’avantage d’une météo plus clémente. Il serait d’ailleurs forcé de faire le voyage avec un lourd équipement, sous un soleil implacable et immuable, en compagnie de nombreux autres pèlerins, certains pouvant se montrer hostiles. En fin de compte, il n’était pas aisé de savoir ce qui serait le plus risqué.

***

Malgré la pluie, la température ambiante était plutôt chaude, signe de l’imminence de la Saison du Soleil Rouge. Dhavala avait pris sa décision, il n’était pas prêt à partager sa route avec d’autres pèlerins. Pour cause, la plupart seraient des individus confus, avec un Totem mal maitrisé. D’une manière ou d’une autre, il y avait des risques, alors autant profiter de l’entresaison. Ainsi, le jeune homme aurait le temps de se remettre de son voyage avant le prochain changement de saison.

La journée fut parsemée de quelques instants de beau temps, suivi d’averses de diverses intensités. Ce n’était pas particulièrement une bonne journée pour voyager. La pluie avait l’intensité nécessaire pour complètement imbiber les vêtements du jeune voyageur et les éclaircies duraient juste assez longtemps pour sécher la couche extérieure des tissus, seulement pour être réimbibées d’eau quelques instants plus tard. Ce n’était pas une bonne journée pour voyager, mais l’alternative qui s’en venait n’était guère mieux.

Malgré une progression ralentie, Dhavala atteignit finalement les plaines de Reshor ce jour-là, une étape importante de son pèlerinage. Il allait sous peu pouvoir entamer ce voyage spirituel ! En attendant, le jeune homme établit son campement à la hâte, afin de se dévêtir de ses vêtements trempés et de s’entourer de fourrures gardées sèches.

***

Il ne fut pas difficile de trouver les indications menant au Kiansha de l’arbre desséché. Peu d’emplacements au Rocher au Clair de Lune valaient la peine de se voir assigner une signalisation permanente. Pour cause, les conflits entre les meutes découragent la signalisation de tout ce qui n’est pas perçu comme neutre. Sans la stabilité d’une dynastie, seuls quelques lieux de culte sont propices à ce genre d’affichage.

Dhavala ne progressait pas très rapidement dans les basses plaines. D’une part, c’était encore dangereux. Il y avait beaucoup d’eau provenant des hauts plateaux et le terrain était parsemé de nombreuses rivières. Il n’y avait tout simplement pas de point de passage sûr. Chaque traversée pouvait être mortelle et demandait donc les précautions associées. D’une autre part, le chasseur passait la plupart de son temps à chasser. Même en faisant usage de ses dons surnaturels, innés aux Evershas, les proies n’étaient pas encore nombreuses en cette fin de saison de la Maussade.

Le Kiansha de l’arbre desséché, comme tout Kiansha, était un espace dénué de végétation, donc de vie. Il n’y avait aucune nourriture à la destination et sur la majorité du trajet. Le jeune homme se gavait, dans les limites du raisonnable, puisqu’il n’avait pas l’équipement nécessaire pour transporter les provisions nécessaires à un tel voyage.

En combinant expérience, adresse et magie, l’Evergrim abattait un assez grand nombre de petites proies. Il engloutissait alors un copieux repas après l’autre, ne fumant qu’une petite partie de cette viande. Ainsi, le jeune homme accumulait ses réserves de nourriture dans son corps et pouvait se permettre de partir avec un plus faible volume de provision. Ce n’était pas l’approche idéale, loin de là, mais sans équipement, c’était le mieux que Dhavala pouvait se permettre.

***

Après une semaine passée à se gaver, Dhavala décida d’entreprendre son périple. Le jeune homme avait pris un peu de poids, mais pas autant qu’il aurait voulu. Plusieurs de ses ceintures affichaient tout de même des décolorations, où les nœuds avaient été déplacés. Le jeune homme débutait le pèlerinage bien nourri, mais sans plus. Avec les maigres provisions qui avaient été entassées entre les fourrures et les toiles nécessaires pour ne pas finir congelées, le chasseur savait pertinemment que des temps difficiles l’attendaient.

Le début du pèlerinage était plutôt banal. Il s’agissait de suivre un sentier rocheux. Peu se distinguait ce chemin d’une voie menant vers un plateau supérieur, si ce n’était d’une vue du ciel. Il ne fallut pas plus de quelques centaines de mètres, toutefois, avant que ce chemin ne se redresse en paliers. Selon les indications, jadis, une cascade avait creusé la pierre, avant de se tarir suite à un glissement de terrain, redirigeant la source de cette eau vers un nouvel emplacement. Depuis, le chemin avait été travaillé pour devenir un nouveau point de passage. Dhavala allait bénéficier d’une progression relativement aisée, jusqu’à ce que le parcours se divise. D’un côté, ledit passage vers le plateau supérieur et de l’autre, le chemin du Kiansha.

Si la progression était bonne, elle n’en était pas facile pour autant. Il y avait de très nombreuses marches en pierre à parcourir. Contrairement à la terre, la pierre n’offrait aucun amortissement pour les pieds et les bottes en feutres du chasseur n’offraient aucune protection contre la surface des plus solide. Résultat, Dhavala avait mal aux pieds, ce qui ralentit sa progression et le força à prendre plus de pauses qu’il n’aurait cru.

Et dire que c’est la partie facile…

S’il ne fallut que quelques heures, tout au plus pour atteindre la croisée des chemins, Dhavala passa au moins autant de temps à se reposer. Il avait sous-estimé l’effet qu’un sol de pierre aurait sur ses pieds. Ce n’était pas agréable. Le pire restait d’ailleurs à venir, puisque les escaliers de pierres allaient faire place à un sol rocheux, inégal et naturel.

Devant cette difficulté inattendue, le jeune homme décida d’établir son camp au sommet des escaliers, pendant qu’il était encore possible de ramasser du bois pour faire un feu. Le chasseur jugea qu’il n’avait rien à gagner de souffrir davantage pour quelques heures de progression supplémentaire.

Alors que Dhavala profitait de la chaleur du feu, il regrettait déjà d’avoir entamé ce pèlerinage. Pour cause, il ne devait rien manger, afin de conserver ses rations au maximum. Il devait atteindre le sommet en jeunant, pendant qu’il bénéficiait toujours de l’énergie de ses précédents repas. Ce n’est qu’alors qu’il pourrait manger un peu pour reprendre des forces et garder le reste pour le voyage du retour.

***

Le soleil se leva sur une journée chaude et sans de pluie. Il restait de moins en moins de Teanvi dans la saison et de plus en plus de Tayza prenait sa juste place. Dhavala rangea ses affaires pour reprendre son chemin. Ses pieds étaient toujours sensibles, mais il allait devoir faire avec, quitte à ralentir sa progression. L’Evergrim n’avait pas l’intention d’abandonner pour si peu, puisqu’il savait que si cette première difficulté avait raison de lui, il n’allait certainement pas accomplir un tel voyage en cette saison, voir même cette année.

Il était intéressant de constater à quel point avoir mal aux pieds pouvait ralentir un voyage. Le jeune homme avait passé sa vie à marcher, à chasser et à traverser de longues distances. Évidemment, il s’est habitué à ce mode de vie. Maintenant, dans un environnement à peine différent de son quotidien, voilà qu’il en revenait aux bases.

Les distances n’étaient plus les mêmes. Quand la verticalité se mettait de la partie, une distance facile à parcourir sur un terrain plat pouvait devenir un défi de plusieurs jours. C’est d’ailleurs ce qui se produisit. Dhavala perdait beaucoup de temps sur de petites sections du parcours et devait impérativement se reposer ensuite. Ces nombreuses pertes de temps s’accumulaient et à un moment le soleil s’éclipsait de l’horizon et il fallait tout arrêter.

Ne pas pouvoir manger les rations, pourtant dans son sac, était le plus difficile sur le moral, alors que l’estomac du chasseur se montrait de plus en plus plaintif sur le parcours. Par chance, ce désagrément tenait plus d’un léger incommodément que d’un réel besoin. À ce stade du voyage, ce n’était pas bien différent de quelques jours de chasse infructueux. C’est au retour que le chasseur avait à prévoir les effets secondaires du jeûne.

***

Lentement, mais surement, Dhavala se rapprochait du Kiansha. Il s’avéra que ses craintes n’étaient pas toutes fondées. Certes, l’ascension était périlleuse, mais le passage de nombreux pèlerins avait laissé divers indices quant à la marche à suivre. Il y avait même des cordes laissées attachées, qu’il suffisait de grimper. Ce n’était pas pour dire que le passage était facile pour autant. Le manque d’équipement approprié à l’escalade ralentissait cruellement l’Eversha, écorchant mains et pieds, réduisant sa capacité à transporter des provisions et l’empêchant de bien pouvoir se reposer.

Dhavala en était surtout à se questionner sur sa décision de partir seul et sans équipement, plutôt que de se joindre à d’autres pèlerins et bénéficier du matériel nécessaire. Il était indéniable qu’un minimum d’équipement, notamment des gants et des bottes adéquates, aurait grandement facilité l’ascension. C’était la compagnie d’autrui qui perturbait le chasseur.

Serais-je plus utile au sein d’un groupe ?
Serais-je plus utile en agissant seul ?
Devrais-je m’attacher à une société ?
Devrais-je m’affranchir des restrictions sociales ?


Alors qu’il continuait d’avancer, Dhavala constata que ses questions prenaient une autre tournure qu’il l’aurait cru. À l’origine, il se questionnait sur son existence elle-même, mais maintenant, les questions étaient plus précises. L’Evergrim ne remettait plus son existence en cause. Il existait, ce qui était la preuve qu’il accomplissait les volontés de Phoebe à sa façon. Son questionnement portait beaucoup plus sur le comment de la chose.

Du Totem du tigre, Dhavala n’avait aucune pulsion sociale. Il n’avait aucun désir d’être entouré de ses pairs. Toutefois, s’il n’avait pas besoin des autres, les autres pouvaient avoir besoin de lui. Une personne vivant seule pouvait venir en aide aux infortunés qui croiseraient son passage. Un chasseur vivant la majeure partie de sa vie à chasser pour une meute vivait une vie solitaire, bien que cette vie ait un impact sur de nombreuses autres vies.

La réponse à ces questions continuait d’échapper au jeune Eversha, mais il s’approchait d’un début de réponse. Nul être vivant ne pouvait mener une existence purement solitaire. Chaque élément avait son importance dans le cycle de la vie, aussi petite soit son influence. Dhavala pouvait déjà entrevoir les fruits de son pèlerinage, prouvant que ses souffrances momentanées avaient elles aussi leur justification.

C’était probablement la première fois que Dhavala était aussi content de lui avec le ventre vide.


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Typhon Gargantua
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Jeu 20 Juin 2019, 15:32



Quatrième partie – la méditation


Dhavala atteignit le sommet du sentier presque sans s’en rendre compte. Le jeune homme avait progressé autant que ses pieds meurtris lui permis et s’était arrêté pour se reposer là où il s’imaginait n’être qu’un simple palier. Il était tout autre, puisqu’après ce palier, il n’y avait rien. En fait, il fallait même redescendre de l’autre côté pour atteindre le Kiansha.

Tout autour du chasseur, il n’y avait que pierres et poussières. Cette absence totale de végétation, aussi petite soit-elle, marquait le début du Kiansha. Plus bas, Dhavala pouvait apercevoir le fameux arbre desséché. Cette structure pétrifiée était battue par les vents, asséchée par le soleil et écorchée par le passage du temps. L’arbre, si ce qualificatif pouvait encore décrire ce monument, n’était pas tel que Dhavala l’aurait cru.

Se trainant, lentement, mais surement, vers sa destination finale, le jeune homme remarquait un détail. L’arbre desséché, qui donnait son nom au Kiansha, était plus petit et tordu qu’il l’avait cru. L’absence de repaire autour de l’arbre le faisait paraitre plus grand qu’il ne l’était vraiment. C’est en changeant son angle de vu que l’Evergrim comprit que ce qui paraissait être un vaste espace n’était qu’une illusion. Il n’y avait presque aucune différence de coloration entre les formations rocheuses environnantes, alors il était facile de s’imaginer un vaste plateau lointain sur lequel trônait un majestueux arbre pétrifié.

En réalité, le Kiansha n’était qu’une petite plateforme, sur lequel se trouvaient les vestiges d’un modeste arbre, qui était bien plus près du chasseur que son imagination lui avait laissé paraitre. Peut-être était-ce dû à la fatigue ou aux idées préconçues, mais ce qui semblait imposant et stoïque, était chétif et vulnérable.

Ça y était, Dhavala avait atteint le Kiansha de l’arbre desséché. Il n’y avait que très peu d’espace pour s’y tenir, avant un précipice. Il n’était même pas possible d’y installer une tente. Avec cette nouvelle perspective, le jeune homme était bien content qu’il y ait cet arbre. Autrement, il serait difficile de voir le bord du gouffre. Tout se ressemblait tellement qu’il semblait si facile de faire un pas de travers et tomber.

C’est alors que l’Evergrim l’aperçut. Le Rocher au Clair de Lune, la pierre blanche sacrée. Elle était là, pleinement visible. Dénué de la végétation luxuriante qui bloquait la vue dans la majorité de la région, Dhavala pouvait apercevoir ce que de nombreux Evershas ne verront jamais de leur vie.

***

Maintenant qu’il avait atteint son objectif, Dhavala se retira vers le sentier. Il y était bien plus sécuritaire pour lui d’y monter sa tente pour faire face à la froide nuit qui régnait en ces lieux. L’Evergrim était content d’avoir fait son voyage, si ce n’est que pour voir le Rocher au Clair de Lune dans toute sa splendeur.

La lune était presque pleine dans le ciel nocturne et le jeune homme était tenté de chercher à passer une nuit sur le Kiansha afin d’y découvrir s’il était vrai que le Rocher s’illuminait lors des nuits de pleine lune. Il se résigna toutefois à sa tente. Le Kiansha était trop petit et les vents étaient trop persistent pour y passer la nuit. Peut-être au plus chaud de Tayza, les nuits seraient tolérables, mais il faudrait encore quelques semaines.

Si Dhavala avait une certitude, c’était qu’il ne resterait pas sur place plus d’une journée de plus. Son estomac n’en pouvait plus. Le jeune homme avait faim et il lui fallait toute la force de sa volonté afin de ne pas prendre plus d’une maigre bouchée de viande séchée. C’était la ration qu’il pouvait se permettre en guise de célébration de son petit exploit. Il ne restait qu’à peine de quoi faire un unique repas, alors il fallait que le chasseur se rationne au maximum.

Allongé dans ses fourrures, le jeune homme était pensif. Il avait réussi. Il avait atteint le Kiansha de l’arbre desséché, seul et par ses propres moyens. Certains diront que Dhavala prit plusieurs risques inconsidérés. Ce Kiansha est plutôt facile d’accès, avec l’équipement et la préparation adéquate. En somme, le jeune homme s’est privé et a souffert pour bien peu, si ce n’est de conserver sa solitude.

L’Evergrim eut du mal à s’endormir cette nuit-là. D’une part, il était affamé, mais d’une autre, il cherchait quelle question poser à Phoebe. Il avait fait tout ce chemin pour chercher la sagesse divine, mais comment recevoir cette sagesse s’il ne savait pas quoi demander ? Le jeune homme n’osait soumettre plus qu’une simple question à la divine déesse, alors que pouvait-il lui demander ?

***

Au matin, Dhavala n’avait que peu dormi et il ne savait toujours pas quoi demander. Il fallait poser la bonne question pour recevoir la bonne réponse. Or, plus le chasseur se questionnait, moins il savait quoi demander.

Au courant de la journée, l’Evergrim resta assis près de l’arbre pétrifié à contempler le Rocher au Clair de Lune. Peu à peu, une question se forma dans l’esprit affaibli du chasseur sans proie.

Suis-je chez moi au Rocher ?

Il s’agissait d’une question lourde de sens. Dhavala était né au Rocher au Clair de Lune et pouvait très bien y passer sa vie. Les proies étaient abondantes. Il savait reconnaitre les meutes hostiles de celles enclines au troc. S’il le voulait, il pouvait même trouver une nouvelle meute d’accueil. Il suffisait de trouver une meute en pénurie de chasseurs ou de se marier. L’une ou l’autre de ces options lui garantiraient un avenir au Rocher au Clair de Lune, ainsi qu’une vie simple.

D’un autre côté, que retenait l’Evergrim dans sa terre natale ? Il s’y sentait en sécurité, parce qu’il connaissait le terrain, connaissait les saisons et connaissait les coutumes. Son départ ne manquerait à personne. C’était la réalité d’un vagabond. S’il s’établissait dans une meute, alors il devenait quelqu’un. S’il restait seul, alors il n’était personne.

Dhavala observa longuement l’arbre desséché. C’était une chose chétive, pourtant, c’était le seul vestige encore présent de végétation aussi loin que portait le regard. D’une manière ou d’une autre, un arbre avait poussé, grandi et était mort à cet endroit. Aujourd’hui, il servait de point de repère à de nombreux pèlerins. Il avait une utilité indéniable et servait donc le Rocher au Clair de Lune à sa façon.

Le jeune homme, lui, ne servait pas le Rocher. Il vivait seul, interagissait peu avec les autres et n’influençait pas les évènements présents, passé ou à venir. L’arbre desséché était lui aussi solitaire, mais il était utile. Dhavala, il ne l’était pas. Il ne servait qu’à chasser. Il servait à chasser et à manger…

Lorsque le soleil atteignit son zénith, Dhavala n’en pouvait plus, il devait manger. Il ne réfléchissait plus, puisque la nourriture accaparait le gros de sa raison. Ce faisant, il devrait couper court à sa présence au Kiansha. S’il mangeait maintenant, alors il devait repartir afin de ne pas être trop affamé lorsqu’il arrivera au bas du sentier et qu’il pourrait recommencer à chasser.

***

Il fallut faire de grands efforts afin de lentement manger une partie des maigres provisions du chasseur. Dhavala ne devait surtout pas manger rapidement, sinon il risquait de tout manger sans s’en rendre compte dans son état actuel. De plus, après plusieurs jours de jeûne, il n’était pas bon de sitôt se remplir la panse. Non, il fallait rester patient et alerte. Une chose était certaine, méditer n’était pas facile, surtout le ventre vide et balayé par les vents.

Jetant un dernier coup d’œil à la pierre blanche, Dhavala se permis quelques minutes, espérant trouver un quelconque signe, afin d’occuper ses pensés lors de sa descente. Évidemment, il n’y avait rien. Il aurait été bien d’apercevoir un oiseau ou quelque chose du genre, mais il n’en était rien. La raison était évidente, tout n’était que pierre et poussière balayée par le vent en cet endroit. Dhavala était seul, seul avec cet arbre mort qui pourrait tout aussi bien être fait de pierre et de poussière lui aussi.

Et si c’était ça le signe ?

Dhavala n’était ni le premier, et ne serait certainement pas le dernier, à contempler l’arbre desséché de ce Kiansha. Cet élément du décor ne lui était pas destiné. Toutefois, cet arbre représentait très bien un futur possible pour le jeune homme.

La vie d’un Eversha ordinaire se résumait à naitre, grandir, chasser, se marier, nourrir sa famille, vieillir et mourir. C’était la vie que choisissaient presque tous les Evershas de la région. Certes, les choses étaient différentes pour les biens nés et les dynasties, mais le jeune homme ne provenait ni de l’un ni de l’autre. Le parallèle était similaire à un arbre normal, naissant au sein d’une forêt.

L’arbre desséché, lui, avait grandi et était mort dans un environnement improbable. Était-il venu en ces lieux dans un temps reculé où la vie était florissante ? Était-il venu malgré l’absence de vie ? Quoi qu’il en soit, il est venu là où aujourd’hui nul autre comme lui ne subsiste. Cet arbre fut un pionnier, un voyageur, en quelque sorte.

Devrais-je prendre exemple sur cet arbre mort ?

La question se posait. Dhavala n’avait aucune attache au Rocher au Clair de Lune. Tout était à refaire depuis le jour où il quitta sa meute natale. Plusieurs saisons ont passé et le chasseur était toujours seul, et c’était aussi bien ainsi.

Pourquoi ne pas quitter le Rocher au Clair de Lune ?
Pourquoi ne pas partir à la découverte du monde ?


Le jeune homme n’avait pas particulièrement envie de mourir dans un coin perdu du monde et servir de repère aux autres aventuriers, mais s’il parcourait le monde et survivait à cette aventure, l’Evergrim n’aurait alors aucune réticence à revenir sur sa terre natale.

En ce moment, il était un simple vagabond, errant au gré de ses envies. Il n’y avait rien de glorieux à vagabonder. Certains diraient même que c’est du gaspillage de proies. À l’inverse, un explorateur était bien mieux considéré. Nombreux sont ceux qui ne quitteront jamais leur terre natale de leur vie. Les histoires d’un explorateur avaient donc une grande valeur, pour ceux qui se plaisaient à les écouter.

***

Se permettant de s’attarder au Kiansha de l’arbre desséché quelques instants de plus pour honorer Phoebe, Dhavala quitta cet endroit unique pour revenir en terrain connu, les basses plaines de Reshor. Le jeune homme ne savait toujours pas si Phoebe était intervenue, probablement pas, dirait les anciens, mais l’Evergrim était satisfait de son voyage.

Dhavala estimait que malgré la faim, malgré la souffrance et malgré ses pieds endoloris, la sensation d’accomplissement qu’il avait ressenti en atteignant le Kiansha dépassait aisément sa première transformation contrôlée, qui dépassait déjà tout ce qu’avait vécu le jeune chasseur. En ces deux instances, Dhavala avait eu un but, un objectif et il l’avait accompli.

Vivre pour manger, ce n’était pas un but, il s’agissait d’une simple nécessité. Si le jeune homme persistait à laisser sa panse diriger ses objectifs, alors il deviendrait probablement le plus gros Eversha de la région.

Vivre pour explorer, ça, c’était un but. En découvrant le monde, l’Evergrim allait parfaire ses connaissances, découvrir des secrets et interagir avec diverses créatures. Ensuite, lorsque sa soif de découverte serait assoupie, il pourrait revenir au Rocher au Clair de Lune et faire profiter les autres Evershas de ses apprentissages.


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Dim 23 Juin 2019, 18:21



Cinquième partie – la descente


L’on pourrait croire que la descente est la partie la plus facile d’une escalade. Après tout, il est bien plus aisé de descendre une pente que de la monter. Eh bien, non. Il est à la fois plus lent et plus difficile de descendre un chemin abrupt que de le monter. Certes, il est tentant de se laisser tomber et advienne que pourra, mais il ne s’agit ni d’une colline, ni d’une rivière. Il s’agit d’un chemin rocailleux et traitre.

Dhavala avait faim, il avait mal et il avait chaud. La saison de Tayza était bel et bien arrivée et le soleil était là pour de bon. Les provisions étaient presque épuisées, malgré le jeûne imposé, et l’eau commençait à manquer également. En ce qui concernait l’eau, le problème était mineur. Il y avait encore de nombreux points d’eau sur la route et ils ne s’assècheraient pas avant encore plusieurs jours, voire semaines. Par contre, chaque aller à ces points d’eau rallongeait le trajet déjà pénible.

La joie vécue par l’accomplissement du pèlerinage s’est avérée bien éphémère. Le jeune homme décida alors qu’un voyage n’était pas terminé tant qu’il n’était pas de retour en terrain familier. Il était très dur sur le moral de penser que tout va bien, juste pour que tout se retrouve à aller mal.

***

Un pas après l’autre, Dhavala se rapprochait des basses plaines de Reshor. Le jeune chasseur ne put s’empêcher de réaliser qu’il avait fait tout ce chemin, simplement pour réaliser qu’il voulait parcourir le monde plutôt que de revenir vivre dans une meute. Est-ce qu’un pèlerinage avait vraiment été nécessaire pour comprendre ça ? C’était particulièrement vrai, puisque le jeune homme n’a vu absolument aucun signe de Phoebe là-haut.

Après quelques coups sur le front pour faire sortir cette pensée négative de sa tête, Dhavala reprit sa marche. Le pèlerinage avait été nécessaire pour lui remettre les idées en place. Les difficultés présentes étaient nécessaires pour faire comprendre au voyageur inexpérimenté l’importance de la préparation des voyages.

Des bottes… La première chose que je vais faire avant de partir, c’est de me trouver des bottes…

Les bottes n’étaient pas particulièrement communes où l’Evergrim avait grandi. Les jeunes grandissaient trop vite pour valoir le travail, les matériaux et le temps nécessaire à leur conception. Même pour les adultes, de telles chaussures étaient si éphémères qu’elle n’en valait pas la peine. Il était plus simple, plus rapide et plus efficace de se chausser de simples feutres ou de ne pas se chausser du tout.

L’expérience actuelle témoignait de ce qui arrivait quand on marchait trop longtemps sur un sol particulièrement dur. Ça faisait mal. Il y avait fort à parier qu'en voyageant hors du Rocher au Clair de Lune, que Dhavala se retrouve sur ce genre de sentier à nouveau.

***

S’arrêtant pour la nuit, l’Evergrim constata que la lune serait pleine ce soir-là. Un cycle lunaire complet s’était écoulé depuis les évènements ayant motivé le jeune homme à accomplir son périple. Tout avait commencé avec un Totem mal maitrisé un soir de pleine lune. Voilà maintenant que Dhavala avait fait d’immenses progrès en la matière et qu’il avait accompli un pèlerinage.

L’Evergrim était fier de lui, mais il savait aussi relativiser ses « exploits. » Le Kiansha de l’arbre desséché était un parcours de difficulté intermédiaire, où le plus grand danger venait des Evershas rencontrés sur la route. Il n’y avait pas grand-chose d’exceptionnel à ce qu’un Evergrim adulte fasse le parcours sans encombre, surtout qu’il fut seul à emprunter ce chemin. Il y avait là un mélange de chance et d’opportunisme, mais sans plus.

Dhavala fut tenté d’à nouveau se transformer afin de profiter de l’adresse de son Totem pour faire plus de chemin. Il se ravisa toutefois rapidement, bien trop épuisé pour faire autre chose que de s’étendre sur le dos et d’observer les étoiles et la lune. Totem ou pas, marcher tout un jour durant ne s’effacerait pas. Qui plus est, s’il fallait qu’il se retrouve à nouveau dans le corps d’un tigre géant, alors il aurait une faim conséquente, lui qui avait déjà faim.

Au matin, le voyageur se leva pour aussitôt repartir. Le jeune homme aurait bien aimé faire sa toilette, mais il voulait profiter de la fraicheur du matin, pendant que c’était encore possible. Pour ça, il ne pouvait pas gaspiller d’eau. Il patienterait donc jusqu’au prochain point d’eau pour se rendre présentable. Ce n’était pas parce qu’il était seul pour le moment qu’il le resterait.

***

Après avoir marché de longues heures durant, sous un soleil de plus en plus intense, Dhavala atteignit un environnement familier. Il était arrivé au croisé des chemins ! C’était ici que le chemin du kiansha de l’arbre desséché débutait vraiment, se démarquant du chemin menant vers le plateau supérieur. En d’autres termes, le jeune homme était presque arrivé aux basses plaines de Reshor !

Le terrain rocailleux et inégal allait faire place à un escalier taillé dans la pierre et la végétation devenait de plus en plus fournie. Il était clair que Dhavala quitterait enfin le sol de pierre pour la terre ô combien plus confortable pour ses pieds meurtris.

Puisque le petit ruisseau longeant l’escalier ne s’était toujours pas tari, Dhavala s’y arrêta pour se reposer et enfin faire sa toilette. Il était couvert de poussière, en sueur et avaient plusieurs vilaines égratignures. Bref, il donnait une piètre image de sa personne et ça ne pouvait plus durer. Affamer ou pas les plaines l’accueillerait d’ici la fin de la journée et il tenait à être présentable.

Le jeune homme était maintenant un voyageur. Il n’était plus un vagabond. Il fallait qu’il soit approchable. On devait vouloir venir le voir pour ses histoires, pas l’éviter pour son odeur. On devait admirer sa curiosité, pas le plaindre. Bref, Dhavala devait mettre en œuvre toutes ses connaissances civiles afin de donner la meilleure image possible de lui, ainsi que de sa vocation. Le chasseur n’avait plus le choix, il devait travailler sur ses capacités à interagir avec les autres. Il devait améliorer son vocabulaire et un minimum maitriser la langue commune.

***

Dhavala venait tout juste de finir sa toilette qu’il fut interpelé par un étranger. Un autre Eversha empruntait cette voie vers les basses plaines de Reshor. Il était visiblement vieux, pourtant il voyageait seul. Il trainait avec lui son lourd matériel, ce qui donnait à penser qu’il vivait dans une meute. Il y avait trop peu pour une tente complète, mais trop pour un vagabond solitaire.

Le jeune et le vieux se saluèrent, alors qu’ils profitèrent tous deux du ruisseau, afin de remplir leurs gourdes. Le vieux offrit alors de partager son repas et Dhavala offrit en retour de transporter une partie de la charge de son ancien. Ainsi, ils se démontraient à l’un l’autre qu’ils allaient dans la même direction et qu’ils n’avaient aucune intention hostile.

Puisqu’il mangeait son premier vrai repas depuis des jours, Dhavala était particulièrement heureux de profiter de cette coutume. Le vieil Eversha fut lui aussi satisfait de cette rencontre fortuite. Lui qui empruntait chaque année ce trajet avait plusieurs fois partagé son repas, mais la plupart du temps, les passants empruntaient la route du Kiansha et laissaient le vieillard descendre seul vers les plaines.

Dhavala avoua venir lui-même du Kiansha, ce qui surprit l’ancien. Rares étaient les pèlerins à entreprendre ce périple si tôt dans la saison de Tayza. Le jeune homme avoua que le voyage aurait été bien plus facile s’il avait attendu, mais qu’il avait souhaité faire le voyage seul. Le vieil homme retourna un sourire à cette décision. Lui-même insistait, année après année, pour suivre cette voie, alors que sa propre meute empruntait un autre chemin, plus long, mais bien plus facile. L’ancien était du genre traditionnel et ne supportait pas de déroger à la tradition de son enfance, au profit du nouveau chef de meute. Évidemment, il n’était plus tout jeune, alors le trajet devenait plus difficile d’année en année.

***

Avec un compagnon de voyage, le trajet vers les basses plaines fut bien plus agréable pour les deux Evershas. Il s’avéra que bien qu’il passe si près du chemin vers le Kiansha, jamais le vieil homme n’avait été tenté de gravir le sentier pour admirer le Rocher au Clair de Lune. C’était, selon lui, une perte de temps.

La saison de Tayza était propice au repos, au troc, ainsi qu’aux réparations des tentes et des outils. Perdre de précieux jours pour s’épuiser et risquer la mort pour une pierre blanche, n’en valaient pas la peine. Dhavala rétorqua que son voyage fut plutôt instructif, alors pour lui, les efforts valurent le coup.

Le duo cessa alors d’aborder le sujet du Kiansha pour toute la durée de leur voyage. Dhavala fut surpris que cette destination suscite si peu d’intérêt, mais il se rappela que les meilleurs Kianshas servaient aux cérémonies de culte. Il y avait donc d’autres méthodes que le pèlerinage pour observer le Rocher au Clair de Lune. Si l’ancien avait participé à de telles cérémonies dans sa vie, le jeune homme avait effectivement peu à dire.

La conversation, du moins le peu qu’il fut dit, porta surtout sur le trajet du jeune chasseur pour atteindre les basses plaines de Reshor si tôt. Il était très dangereux de ne pas attendre la saison de Tayza pour descendre dans les plaines, alors l’ancien était bien plus intéressé à cette partie du voyage de Dhavala.

La meute de l’ancien avait beaucoup à gagner si elle pouvait, elle aussi, accomplir le voyage plus tôt. Peut-être que le jeune insouciant fut chanceux et les conditions de la Maussade furent plus clémentes cette année, où peut-être est-ce que Dhavala avait trouvé un chemin praticable. Il y avait là un gain potentiel à être fait.

Dhavala continua d’aider son ancien à leur arriver aux plaines, afin qu’il puisse atteindre le terrain convoité par sa meute. Arrivant généralement le premier, il revenait à ce vieil excentrique de prendre possession des lieux au profit de sa meute. Ce n’est qu’ensuite, que le jeune homme prit congé de son compagnon impromptu pour reprendre sa route vers l’inconnu.

L’explorateur avait l’intention de continuer ses voyages au-delà du Rocher au Clair de Lune. Il voulait quitter entièrement ces terres familières et découvrir ce qu’il y avait, derrière les hauts escarpements de cette région.

***

Dhavala mordit à pleine dent dans la viande tout juste préparée de sa première proie suite à la fin définitive de son pèlerinage. Les proies faciles se multipliaient, alors que les points d’eau se raréfiaient dû au soleil torride de Tayza. Les animaux, ainsi que les Evershas, se rassemblaient.

Le jeune homme avait fait une bonne prise, qui pourrait le soutenir pendant quelques jours. C’était parfait, puisqu’il n’avait pas l’intention de bouger. Il avait de la viande, il avait de l’eau et il avait de l’ombre. Il était grand temps d’offrir un repos bien mérité à son corps endolori.


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[VI] - Le Pèlerinage

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