La fatigue assaillait le corps de la jeune femme de toute part. Voilà maintenant trois jours que la jeune démone était passée voir Shanxi, et depuis plus rien. Quelque part, elle se demandait quel était le pire. L’état second dans lequel l’ange était plongée après chaque passage de la maquerelle, ou l’exténuation qui la martelait lorsqu’elle ne venait pas la voir plusieurs jours durant ? Une mèche épaisse glissa sur le visage de la jeune femme qui fixait les chaînes qui entouraient ses chevilles. Elle avait beau ne désirer que le repos, Shanxi savait que cette nuit encore elle n’y aurait sûrement pas le droit. Quant à la faim qui lacérait son estomac, elle n’était plus que douleur. Phoebe ne devait pas encore être haute dans le ciel, et bientôt il serait l’heure pour les prisonniers de recevoir leur pitance. Les vertueux avaient beau perdre toute notion du temps en ces lieux, ils se servaient de repères, tels que la faim, pour avoir ne serait-ce qu’une idée du rythme qu’adoptaient leurs journées. L’ange se redressa légèrement, se servant du mur comme support pour son dos et ses membres endoloris. Du bout de ses doigts frêles, elle touchait sa lèvre inférieure qui avait souffert des coups d’un vil. Le sang était sec, mais les picotements persistaient encore tandis que la plaie se refermait lentement.


La jeune femme aurait aimé pouvoir dire que ses maux s’arrêtaient là, mais ce n’était hélas pas le cas. Le démon, avide de violence et dominé par la colère, l’avait roué de coups et ne s’était certainement pas montré égoïste sur la répartition de ceux-là. La saleté couvrait néanmoins ses bleus, pour le meilleur comme pour le pire. Il était fort dommage que ce ne puisse être le cas pour la douleur qui l’empêchait de trouver le sommeil depuis plusieurs jours déjà. L’ange n’avait de cesse de chercher une position plus confortable. Elle souffrait pourtant toujours plus de ses afflictions, et de ce fait, Shanxi finit par ne plus bouger du tout, espérant s’épargner ainsi tout supplice supplémentaire. La jeune femme agrippait ses côtes dans un râle de douleur qu’elle étouffait. Tout cela ne serait pas arrivé si Shanxi n’avait pas croisé la route de cette jeune démone. C’est à elle que l’ange devait l’alourdissement de son fardeau. Alors qu’elle peinait à reprendre son souffle tant la douleur était vive, la jeune femme vit entrer un vil dans la cellule. Elle se serait attendue à voir un ou deux de ses comparses entrer, car chaque jour, nombre d’entre eux avaient pour corvée de distribuer la nourriture. Peut-être n’était-ce pas encore l’heure ?


Lorsqu’elle vit le démon s’approcher d’elle, des chaînes à la main, la jeune femme se recroquevilla légèrement sur elle-même. En temps normal, ils ne venaient jamais les chercher avant le repas. « Allez, lèves-toi. Ne me complique pas la tâche. » L’ange se redressa aussitôt, non sans mal. Elle ne daigna pas lever les yeux pour autant. Elle n’en avait pas besoin. Shanxi connaissait que trop bien cette voix. Rapidement, l’homme défit les liens qui entravaient la jeune femme, et l’empêchaient de trop se balader dans la cellule, avant de lui en mettre de nouveaux, un peu moins épais néanmoins. Il tira ensuite avec vigueur sur ses chaînes pour l’inciter à avancer. En quelques foulées, ils furent sortis de la cellule, que l’homme referma derrière lui, avant d’arpenter le long couloir. « J’ai une bonne nouvelle pour toi. Tu quittes enfin cet endroit. » Il marqua une pause volontairement, un sourire narquois fendant son faciès. « Le divertissement, je veux dire. Le travail égayera désormais tes journées. Il était temps, non ? Je suis sûr que tu vas te plaire là-bas. » Le vil avait ce dédain dans la voix. Ce sentiment viscéral était mutuel cela dit. Ils ne tardèrent guère à arriver devant une autre cellule. Plus petite et moins remplie. Le démon se tourna quelques instants pour faire face à son interlocutrice. Il releva le menton de la jeune femme du bout de ses doigts, avant de toucher, bien qu’avec nulle délicatesse, les lèvres de celle-ci. « C’est pas joli. Te faire ça juste avant que tu rencontres tes nouveaux amis… Alors même que tu as besoin d’être en forme pour tout le travail qui t’attend. » Le vil fit claquer sa langue à plusieurs reprises. Puis, il approcha dangereusement ses lèvres des oreilles de Shanxi, comme pour lui susurrer quelques croustillants secrets. « J’espère que ça t’empêchera pas de t’amuser comme il se doit. » Il s’éloigna ensuite rapidement d’elle, conservant toujours ce même sourire, tandis que la haine tirait ses traits. Enfin, il fit signe à un autre garde d’ouvrir la porte de la cellule. « Je te conseille d’être sage. Enfin, j’ai beau dire ça, je suis persuadé que tu seras très sage de toute manière. » L’homme fit un geste de la tête pour saluer son comparse avant de tourner les talons. Celui-ci se hâta de faire entrer l’ange dans sa nouvelle cellule, et l’attacha de la même manière qu’elle avait pu l’être auparavant. Puis il s’en alla aussi vite qu’il était venu. Si la jeune femme n’avait pas eu le temps d’observer les quelques visages qui orneraient désormais son quotidien, tant les choses s’étaient passées vite, désormais elle aurait tout son temps pour le faire.

"Vous savez ce qui me manque le plus ?" Hortanse releva la tête vers son camarade de cellule, intriguée. Les discussions étaient plutôt rares, dans ce lieu. Les démons parvenaient toujours à gâcher les quelques bavardages intéressants qu'ils commençaient et les anges avaient fini par abandonner l'idée de communiquer librement. Ils avaient été enfermés dans leur cage, pour attendre que leur repas ne soit servi. Peut-être que son ventre vide déliait la langue du plus jeune. "Non, quoi ?" demanda la vieille d'une voix rauque. "Les jolies filles." A sa plus grande surprise, un sourire étira la commissure de ses lèvres. Cette prison était le dernier endroit où elle s'était imaginé sourire. Ce garçon était décidément plein de surprise. "Je ne suis pas sûre que l'Apakan approuve ce genre de pensées frivoles." Hortanse émit un rire. Son corps tout entier sembla protester : ses épaules douloureuses eurent du mal à se soulever, ses poumons semblèrent se bloquer et provoquèrent une quinte de tout et sa gorge enraillée laissa entendre un son tenant davantage du râle que du rire. Après s'être raclé le gosier, la vieillarde soupira. "Moi aussi, y'a quelque chose qui me manque beaucoup..." murmura-t-elle tout bas pour ne pas attirer l'attention des gardes. Le plus jeune se pencha vers elle, se rapprochant le plus possible pour connaitre son secret. "Les herbes..." lâcha finalement l'ancêtre. Face au regard perplexe du jeunot, elle mima une cigarette imaginaire qu'elle coinça entre ses lèvres. "J'avais l'habitude de les fumer..." L'air impressionné de l'ailé fit de nouveau rire la Sọnu, la mécanique étant cette fois-ci moins rouillée que la première fois, elle ne s'étouffa pas. "Quoi, tu crois que parce que je suis vieille je ne peux pas m'amuser ?" Un rictus se dessina sur le visage chenapan du plus jeune. "Oh non, je n'oserais jamais penser ça... Mais même moi, je n'ai jamais essayé." "Eh bien laisse moi te faire une promesse : quand on sera sortis de là, tous les deux, je te ferais goûter ! Je faisais pousser la mienne, dans mon jardin." Les deux camarades se sourires, sournois. "Peut-être qu'on devrait en proposer à nos amis, là bas. Ils ont l'air un peu tendus, qu'en dites-vous ?" renchérit le blond en indiquant leurs geôliers d'un geste du menton. Hortanse s'imagina un instant la scène, partageant un moment de détentes avec ces abominations qui lui faisaient vivre un calvaire chaque jours. "Pff, ils peuvent encore se gratter, s'ils espèrent pouvoir tirer ne serait-ce qu'une fois chez moi !"

De nouveau dans le silence, Hortanse laissa son regard papillonner de droite et de gauche. Sans ses lunettes, elle n'y voyait pas grand chose. Mais c'est la seule chose qu'il lui restait à faire, pour patienter : puisque les seules interactions se devaient d'être de courte durée, elle disposait de tout le temps qu'elle voulait pour essayer de deviner les formes floues qui dansaient devant elle.

Sa léthargie fut néanmoins interrompue par un événement inattendu. A défaut d'un dîner, un garde ramena avec lui une ange que la vieillarde n'avait jamais vue -tout de moins ne la reconnaissait-elle pas d'aussi loin. Immobile, elle observa leurs tortionnaires diriger la captive dans sa cellule. Pendant plusieurs secondes, elle ne fit rien. Elle ne dit rien non plus, attendant que le démon s'en aille un peu plus loin. Elle en profita pour observer avec minutie la silhouette de l'innocente. Elle était recouverte de bleus et de sang séché. Le coeur de l'ancienne magicienne se serra. Elle avait beau être entourée d'images cauchemardesques, voir une enfant dans un tel état ne lui était jamais facile. "Eh bien, ils ne t'ont pas manqués, de là d'où tu viens..." murmura-t-elle, suffisamment haut pour que la nouvelle habitante l'entende. Doucement, essayant de faire le moins de bruit possible avec ses chaines, elle se rapprocha de la plus jeune. "Laisse moi voir tes blessures, je peux peut-être t'aider..." Elle n'était pas aussi efficace que du temps de la guerre, sa magie ayant changé, mais elle parvenait quand même à se débrouiller. "Où est ce que tu as mal ?"

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La jeune femme n’avait pas encore eu le temps de s’approprier les lieux, qu’une de ses comparses s’enquérait de ses blessures. Le fait que celle-ci lui avait adressé aussi soudainement la parole avait manqué de la faire sursauter. L’aider ? L’aînée prendrait ce risque-là ? Même si parfois, certains actes pouvaient échapper à la vigilance des enfants de l’œil, cela n’était pas immuable pour autant. Que leur arriverait-il alors, si leurs tortionnaires les prenaient la main dans le sac ? D’un autre côté, la vertueuse ne pouvait pas vraiment ignorer son interlocutrice. De toute manière, même s’ils n’étaient pas sous constante surveillance, Shanxi ne s’estimait pas comme étant méritante de telle attention. La captive avait bien plus nuit à ses frères et sœurs, que ce qu’elle en avait soigné. Pour sûr. Du bout de sa langue, elle ré-humidifiait timidement ses lèvres ensanglantées, avant de rassembler tout son courage pour répondre à sa compagne. « Ce n’est pas grand-chose. Inutile de vous déranger pour cela. » Un douloureux mensonge, sans aucun doute. Si en effet, son visage n’avait pas trop souffert de la colère du maton, pour chaque côte qui se soulevait tandis que ses poumons emmagasinait de l’air, le supplice que la jeune femme subissait était intenable.


En réalité, Shanxi ne voulait surtout pas attirer l’attention sur sa personne, d’une manière ou d’une autre. Si accepter cette main tendue pouvait empirer sa situation, ou même celle de sa comparse, elle préférait alors continuer de subir, en bonne victime qu’elle était. Après tout, les afflictions que l’emplumée avait subit était bien préférables à l’attention des vils et leurs mains baladeuses. Sans se laisser trop emporter cette fois-ci par le flot de pensées qui inondait son esprit, l’ange s’attarda un instant sur sa compagne. Voir de très jeunes vertueux enfermés entre ces murs pourrait rendre n’importe qui malade, hormis leurs bourreaux bien évidemment. Et qu’en était-il de leurs aînés alors ? Une vision tout aussi écœurante. A croire que, finalement, que ce soit pour le sang neuf, ou au contraire le plus vieux, personne n’était mieux lotis, et tout deux abreuveraient aussi ces terres. Si chaque jour, la jeune vertueuse essayait de se réconforter, de se convaincre qu’elle n’assisterait pas à pire spectacle, que c’était impossible, chaque levé du soleil, chaque regard qui s’égarait sur Phoebe, apportait son lot de déception dans l’horreur. Un nœud semblait se former au fond de sa gorge, tandis que ses prunelles argentées se levaient avec appréhension de temps à autre vers la vieille emplumée.


Soudainement, la grille de leur geôle s’entrouvrit pour laisser passer deux vertueux. Une marmite entre les mains de l’un, tandis que l’autre portait une pile de récipients, ils distribuaient la pitoyable pitance de leurs frères et sœurs avec un empressement non dissimulé. Quoi de plus normal ? Sous le regard vigilant de leurs tortionnaires, ces pauvres bougres n’avaient pas le droit à l’erreur. Le moindre geste suspect, la moindre parole échangée pouvait leur coûter très cher. Bien trop cher au goût de quiconque serait doté de bon sens. Heureusement, aucun de ceux-là ne semblaient en être dénués, et quelques minutes suffirent à ce que la totalité des captifs furent servis. Aussi vite qu’ils furent venus, les deux anges furent repartis, et certains ne s’étaient d’ores et déjà pas fait prier pour commencer à combler le vide de leurs estomacs. Shanxi avait profité de tout ce mouvement pour se trouver une place, s’aidant du mur pour s’asseoir le plus lentement possible. Elle se remémorait les propos du vil qui l’avait escorté jusqu’à sa nouvelle cellule un peu plus tôt. Pour une fois, l’emplumée était d’accord avec lui. Travailler dans ces conditions risquait de lui poser problème, et ce, de bien des manières. Peut-être aurait-il finalement été préférable que l’enfant de l’œil ait passé sa colère autre part que sur sa cage thoracique.


La jeune captive ne savait pas non plus si elle devait se réjouir du traitement que celui-ci avait dû subir pour l’avoir dégradée de la sorte. Les commérages des vils avaient porté bien des horreurs à ses oreilles. Visiblement, l’apparence juvénile de la jeune démone ne lui faisait guère obstacle lorsqu’il s’agissait de taper du poing sur la table. D’ailleurs, était-elle vraiment ce qu’elle semblait être ? Il fallait croire que non, au vu des résultats qu’Ethel avait su obtenir pour chacune de ses entreprises.

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Bon je l'ai pas fait beaucoup interagir,
elle est timide pour le moment, tu comprends. 8D

Le bruit des cuillères raclant le fond des bols se faisait entendre dans les cages des emplumés, tel un chant macabre. Lorsqu'un repas était apporté, il était de coutume de tout avaler, jusqu'à la dernière miette, la dernière goûte, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune trace de nourriture. Peu importait le gout infecte que pouvait avoir le repas du jour, l'idée de gâcher la moindre source d'énergie et de nutriments semblait aussi grave que le pire des péchés. Un jour, au tout début où elle avait réapparut sur les terres angéliques, Hortanse s'était sérieusement demandé comment ces crétins se débrouillaient pour rater un plat aussi simple qu'une soupe. Persuadée qu'ils y avaient mis des substances fort peu comestibles - son imagination l'avait même amené à sérieusement se questionner sur le fait qu'ils aient, oui ou non, uriné dans la marmite- elle avait rendu son bol à moitié plein. Les regards et les remarques qu'elle avait récolté lui avaient vite fait comprendre le message : si elle n'en voulait plus, qu'elle donne sa ration aux autres ! Et puis, surtout, qu'elle ne montre pas ouvertement ce qu'elle en pensait. D'abord étonnée de cette réaction -elle ne voulait pas faire sa difficile mais, tout de même, ce n'était pas une façon de traiter des gens, quand bien même il s'agisse de prisonniers- elle avait finit par comprendre la colère de ses pairs : le lendemain, tous avaient reçu une portion bien pus maigre que la veille. Comme si le message qu'elle avait renvoyé aux vils était le suivant : "J'ai déjà trop mangé, alors il en va de même pour mes camarades." Elle n'avait pas été la seule payer sa bêtise. Et cela l'avait encore plus estomaquée. Puis le temps était passé et elle avait finalement compris. Ils n'étaient pas seulement des prisonniers. Ils étaient les choses de leurs geôliers. Les jouets, les divertissements. Il ne fallait pas espérer le moindre élan de sympathie dans leur traitement. Leurs repas étaient infâmes et le resteraient jusqu'à la fin, et si elle ne souhaitait pas se coucher tous les soirs le ventre creux, elle devrait avaler ce qu'on lui versait dans l'assiette, malgré toutes les choses abominables qu'auraient pu y verser leurs tortionnaires. Avec le temps, Hortanse avait appris à manger sans penser à tous ce que pouvait contenir ce qu'elle mettait dans sa bouche.

Le repas dura une vingtaine de minutes, avant que deux autres anges ne refasse le tour des cellules pour récupérer les récipients. A ce moment là, la vieille dame aurait très volontiers piquer un petit somme. Même si la nourriture était exécrable, elle n'endiguait pas le processus de digestion et l'était de fatigue qu'y suivait un repas. Mais bien évidement, dormir n'était pas une option. Leur labeur n'allait pas tarder à recommencer... Généralement, leurs bourreaux les laissaient travailler jusqu'à l'épuisement, attendant que trois ou quatre pauvres erres ne s'écroulent de fatigue, à bout de force. Là seulement, l'on autorisait le groupe à regagner leurs "chambres", où ils pourraient essayer de fermer l’œil en ignorant les cris de douleurs de leurs confrères que l'on torturait à quelques mètres d'eux pour avoir abandonné leur poste... Hortanse leva son regard sur la silhouette de la jeune fille qui les avait rejoint. Ferait-elle partie des malheureux qui subiraient le courroux des cornus ? Inquiète, elle se mordilla la lèvre. Discrètement, et après avoir vérifié qu'aucun garde n'était suffisamment près pour les entendre, elle chuchota : "Où étais-tu, avant ? Tu ne travaillais pas dans les mines n'est ce pas ?" Sa silhouette maigrichonne lui indiquait que non. Ici, les gens étaient quelque peu... comment dire... Ce n'était pas vraiment musclé -les monstres n'auraient pas risqué que l'un d'eux se trouve plus fort que nécessaire- mais ils avaient tous une certaine forme qui leur permettait de soulever leur marteau. Cette gamine, elle, semblait presque incapable de se mouvoir sans se briser en mille fragments...

Entendant le bruit de clés glissés dans une serrure, l'ancienne magicienne devina que l'on commençait à revenir les chercher pour les emmener trimer. Elle s'empressa donc de remettre de la distance entre elles. Une fois que le démon s'approcha de leur cage, elle se remit maladroitement debout, attendant que le vil change ses chaines pour une paire de menottes la laissant se déplacer, mais la liant à ses deux camarades. En silence et à la file indienne, le trio se dirigea vers leur lieu de travail.

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La jeune femme s’évertuait tant bien que mal à détourner son attention, pour ne serait-ce qu’oublier la douleur un seul instant. Les yeux clos, tandis que sa tête reposait contre le mur, une voix la sortit néanmoins de la torpeur dans laquelle elle s’était plongée. Shanxi soutenait à nouveau son interlocutrice du regard. C’était encore cette vieille femme. Si elle avait travaillé dans les mines ? Il était évident que non. La compagne de l’emplumée devait s’en douter. La captive n’avait pas les épaules pour cela. C’était d’ailleurs ce qui inquiétait Shanxi. Elle avait beau avoir quitté l’enfer du divertissement, la jeune femme craignait d’avoir troqué un supplice pour un autre. Elle était faible, et elle le savait. D’autant plus que les blessures qu’on lui avait infligé ne risquaient pas de l’aider. Se tenir sur ses deux jambes lui demandait déjà des efforts incommensurables, alors s’acquitter d’une tâche aussi physique que le travail dans les mines ne serait clairement pas aisé. Alors qu’elle s’apprêtait à donner une réponse nuancée de négativité à sa comparse, le grincement caractéristique de la grille de leur cellule, ainsi que le comportement alarmant de l’aînée, la coupèrent net dans son élan. Était-ce déjà l’heure ? Pour sûr, l’ange ne tarderait pas à avoir sa réponse, et quelques minutes à peine la séparaient d’un nouvel aspect de son quotidien.


Leurs pas se succédaient, tandis qu’ils arpentaient le long couloir. Les prunelles de la vertueuse s’égaraient sur les chaînes qui entravaient ses poignets. Shanxi ne savait pas vraiment si s’habituer à un tel milieu de vie était une bonne chose. Leurs conditions de vie ne les feraient plus souffrir, mais à quel prix ? Que devraient-ils abandonner pour arriver à ce résultat ? Leur compassion ? L’espoir qu’un jour, le peuple angélique puisse aspirer à un avenir meilleur ? Subir le courroux des enfants de l’œil était-il réellement moins pénible, lorsque la victime avait baissé les bras, et cessé de rêver ? Peut-être n’y aurait-il même plus de colère dans ce cas-là ? Qu’en savait-elle, finalement ? Les réflexions intenses de la jeune femme furent interrompues par l’arrivée du petit cortège sur leur lieu de travail. La captive observait ses frères et sœurs, se contentant des les imiter, dans toute son ignorance. On ne lui avait rien expliqué, après tout. En quoi consistait leur tâche, en premier lieu ? Certains, probablement les plus costauds d’entre eux, si l’on pouvait les qualifier ainsi, se saisissaient de petites pioches sous le regard vigilant de leurs tortionnaires. Les autres, se contentaient de marteaux, de burins, et de sceaux.


Après quoi, chacun affluait face à un mur de pierre, qu’ils martelaient aussi vigoureusement que possible. Les emplumés qui portaient les sceaux avaient pour tâche de ramasser ce que leurs frères sortaient de ce fameux mur, et d’aller stocker les minerais un peu plus loin, où une sorte d’inventaire était effectué par un vertueux, et encore une fois, sous le regard attentif d’un vil. Shanxi tenait entre ses mains frêles un amas de pierres et de terre qui semblait sans valeur. La jeune femme balaya rapidement la pièce du regard. Ses comparses semblaient trier leurs différentes trouvailles. La terre et les simples pierres dans un sceau, qu’ils se hâtaient d’aller vider un peu plus loin. Les minerais, quant à eux, étaient amenés dans un coin, pour être comptés. Tout allait très vite, et semblait organisé de manière à rentabiliser au mieux le temps passé au travail. Les équipes fonctionnaient en trio, et bien souvent, les visages qui la composaient appartenaient à ceux avec qui ils avaient été attachés sur le chemin pour rallier les mines. Les prunelles de la jeune femme vinrent discrètement se poser sur la vieille femme qui lui avait adressé la parole un peu plus tôt. Elle avait l’air de s’en sortir. Qui sait combien de temps l’aînée avait passé à servir les enfants de l’œil, après tout.


L’emplumée se demandait alors si celle-ci n’aurait pas préféré un travail moins physique. D’un autre côté, la seule autre occupation, car c’est bien ainsi que les démons le qualifiaient, était le divertissement de ceux-là. Une tâche moins physique certes, mais pas forcément préférable. Une partie du peuple angélique avait beau être captif entre ces murs, tous ne s’adonnaient pas aux mêmes activités. Pourtant, cette peur viscérale, qui lacérait leur estomac chaque jour, elle, était bien la même.

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Ils travaillent à la mine donc, si j'ai bien compris ?
Si c'est pas ça, n'hésites pas à me le dire et je modifierai tout ça. ^^