La culture Déchue

Le bruit courrait depuis plusieurs jours. Un homme avait inventé un objet des plus étranges. Mais également des plus incroyables ! Un objet qui permettrait d’apprendre l’Histoire d’une toute autre manière. D’une manière moderne. Sans les livres, qui peuvent parfois se révéler bien subjectifs. J’en savais quelque chose. Apprendre l’histoire en la vivant. Faire partie des évènements. Ce devait être si merveilleux. Mais si effrayant à la fois. De quelle manière cet homme a-t-il bien pu créer telle invention ? Probablement ne livrera-t-il jamais son secret. Mais un autre bruit courait depuis peu de temps. Il comptait faire essayer son invention avant de la rendre public, et pour cela il cherchait un volontaire. En entendant cette rumeur j’avais hésité pendant quelques instants. Mais ce genre d’expérience ne se représentera probablement jamais !

L’après-midi venait de commencer, et je ne savais pas vraiment quand me présenter à la Bibliothèque pour l’essai. Alors je partais le plus tôt possible pour ne pas être en retard. Je me dirigeais alors vers la Bibliothèque, là où l’homme menait ses recherches et comptait faire son premier test. C’est une fois devant le bâtiment que je me posais une nouvelle fois cette question : cette expérience était-elle réellement sans danger ? Un sourire éclaira mon visage. Cette expérience était totalement folle ! Mais j’allais la faire, et j’allais vivre l’histoire. J’entrais d’un pas décidé dans la bâtisse et frappais à la porte avant d’entrer dans la pièce où j’allais visiter je ne sais quelle période du passé. Un homme était déjà présent. Probablement l’inventeur fou de cette machine à remonter le temps. Il s’arrêta lors de mon entrée et m’observa quelques instants. « Le test pour la machine, c’est ici ? ».

C’est après un long discours sur la présentation de l’étrange machine que Typhon Tournaël, l’homme du jour, s’arrêta, me laissant dans un long silence circonspect. Cet objet pouvait-il réellement nous faire revivre les grands moments Historiques des terres du Yin et du Yang ? Rien que d’y penser, il y avait là-dedans quelque chose de si incroyable qu’il m’était bien difficile de me représenter le pouvoir qu’avait l’objet en question. Et pourtant. Mais d’une certaine manière, je ne pouvais m’empêcher de me demander s’il n’y avait pas quelques danger à retourner dans le passer. Peut-être pas. L’homme a dû prendre un minimum de précaution. Et puis, simple spectateur des évènements, qu’est-ce que je risquais ? J’aurais toutes les réponses à mes questions dans quelques minutes de toute façon. Et rien que m’imaginer à une époque différente, j’étais aussi excitée de participer à ce test que j’étais effrayée par l’inconnu de l’aventure qui m’attendait. Alors quand il me fit signe de m’installer, je me dirigeais  vers l’un des sièges. Avait-il prévu d’accueillir plusieurs personnes pour qu’il y en ait plusieurs ? Nous verrons bien. Peut-être l’expérience n’en serait que mieux à plusieurs que seule après tout.

Alors que le scientifique m’installait ce qui ressemblait plus à un bijou qu’à un objet pour remonter le temps, la porte de la salle s’ouvrit bien plus franchement que je ne le fis. Quel genre de personne pouvait bien agir ainsi ? Surtout dans une bibliothèque. C’est en voyant qui était entrée que mon visage s’éclaira et que cette franche entrée m’étonna beaucoup moins. Et d’un coup mes craintes sur ce futur voyage s’atténuèrent. Être avec quelqu’un que je connaissais était tout de suite plus rassurant. Surtout lorsqu’il s’agissait de Lilith ! Cela faisait bien longtemps que je n’avais vu la rouquine. La rencontrer ici et dans ces circonstances relevait bien plus de la chance que du hasard. Mais ça me mettait de bonne humeur.

Lorsqu’elle s’installait à mes côtés, je lui souris avant de sortir « Salut ! Il semblerait qu’on ait le droit à une nouvelle grande aventure. ». L’homme nous installait l’étrange machine, et en même temps qu’ils nous installaient le système lui et son apprenti, il nous expliqua qui nous serions, et ce qui allait se passer. D’un coup tout mon corps se raidit. Comment ça ? Je n’allais pas être spectatrice, mais réellement protagoniste ? Et pas des moindres si j’ai bien compris. Le premier Déchu. Rien que ça ! Pour un premier essai il place déjà la barre haute. Un hoquet m’échappa à sa dernière phrase. « Pardon ? » Rester en vie sinon toute la race Déchue s’éteindrai ? Et moi également ? D’un coup, cette simple expérience me semblait s’être transformé en mission suicide. J’aurais aimée demander ce qu’allait devenir Lilith. Mais c’était trop tard. Une sensation désagréable me saisit… Ca y est, l’expérience débutait.

J’ouvrais les yeux. Un nouveau monde, totalement différent de celui dans lequel je me trouvais il y a quelques secondes à peine, s’offrait à moi. En vérité, la seule différence… c’est le lieu. J’étais passé d’Avalon, la cité aux ailes noires, à la Citadelle Blanche, la cité aux ailes blanches. Un élan de nostalgie s’empara de moi. Même si c’était la même que celle que j’avais quittée, on pouvait remarquer quelques différences. Des bâtiments qui n’étaient pas encore construit, et au contraire d’autres qui ne sont plus présent aujourd’hui. Enfin, quand j’y étais moi, pas là tout de suite… Tout ça devient compliqué. Je décidais de faire un tour rapide dans les quartiers. Je voulais voir s’il y avait déjà ma maison, juste par curiosité. Mais évidemment elle n’y était pas. Etonnement j’étais déçue. Mais un élément extérieur me ramena à mon objectif principal. Une boule de feu m’avait manqué de quelques centimètres. Une boule de feu ? Sérieusement ? Les paroles de Typhon Tournaël me revinrent en tête. Sortir de la Citadelle en vie. Pour la survie de la race Déchue. Mais également pour ma propre survie…

J’ignorais d’où venait mon ennemi, alors je courais dans une direction au hasard. Peut-être la mauvaise. Peut-être justement je me dirigeais vers lui. Je décidais de résoudre le problème autrement en déployant mes ailes pour fuir, une nouvelle fois, la Citadelle par ses murailles immaculées. Mais rien. Il ne se passait rien. Il m’était impossible de m’envoler, pour l’unique raison que j’étais incapable de sortir mes ailes. « Non… Pas ça… ». Je l’avais sentie depuis tout à l’heure. Je me sentais bizarre. Différente. Je mettais ça sur le compte du péché. Mais il s’agit en fait de bien plus grave. Voilà le sentiment que l’on a lorsque l’on est privé de nos ailes. Une partie de nous-même comme arrachée, manquante. Je courais me mettre à l’abri dans un coin, le temps de me poser l’esprit. J’étais seule, dans un corps dont j’ignorais l’identité. Je ne savais même pas à quelle époque on se trouvait, ni même ce que je devais faire après être sortie d’ici ! Encore faut-il que j’y arrive. Ils ont l’air motivé pour avoir ma peau… Et Lilith ? Où était-elle ? Que pouvait-elle bien être devenue ? « C’est une catastrophe… ».

La culture Déchue

J'entendais les cris au-dessus de moi. Les Anges qui étaient à ma poursuite ? Probablement. Je me faufilai dans l'ombre des maisonnées, me cachant au moindre bruit que je considérais suspect. Il n'y avait personne dans les rues. Ils devaient tous s'être cachés en apprenant que je courais en liberté dans les rues. C'était pathétique... J'étais traquée comme une vile créature, s'en était effrayant et triste à la fois. Je regardais autour de moi. Je connaissais ces lieux. J'y avais passé pas moins d'un siècle bon sang ! Pourtant j'étais perdue. Je ne savais pas où je devais aller pour sortir d'ici en vie. Et je ne savais pas ce qu'était devenue Lilith. Quel était son rôle ? Quel était son but ? J'avalai ma salive avec difficulté en même temps que je courais alors que je traversai une artère principale, me mettant à découvert. Je devais rejoindre un point en hauteur, voir par où je devais aller pour quitter les lieux. Ma vie ne pouvait pas se finir à une ère qui m'était totalement inconnue alors que je n'étais en pratique pas même née ! C'était insensé !

J'escaladai un arbre qui se trouvait dans le jardin d'une propriété surplombant le reste de la ville pour me donner une vue d'ensemble. J'aurais pu avoir mieux. Mais c'était déjà pas mal. Le plus simple aurait été de passer par cette grande rue que j'évitai tant. Mais c'était également le moyen le plus simple de me faire repérer. Mauvaise idée donc. Je pouvais aussi menacer un de ces Anges de me faire sortir d'ici... Après tout ce n'est pas réellement '' moi ''. Mais justement, j'ignore tout de cette personne que j'incarne. Je ne connais d'elle que ce qui est commun à chaque Déchu, nos pouvoirs. C'est toujours un début. En descendant de mon perchoir, mon regard s'attarda involontairement vers la fenêtre de la résidence. C'était une bibliothèque. Mais ce n'était pas les livres que mes yeux venaient de capter. C'était un magnifique poignard entièrement sculpté dans le cristal, exposé en lévitation au-dessus d'un coussin bleu nuit aux brodures d'argents. Les rayons du soleil qui filtraient par la fenêtre du côté laissaient filtrer de chatoyantes couleurs sur les murs de la pièce aux couleurs d'albâtre. Je restais plusieurs secondes à fixer l'objet avant de donner un coup de tête dans le tronc. « Comme si c'était le moment cocotte ! », sifflais-je entre les dents serrées en plantant mes ongles dans l'arbre avant de reprendre ma descente.

Les genoux et les bras écorchés, les cheveux pleins de feuilles, je prenais un instant pour me concentrer. Il fallait que je fasse attention. Je venais d'être Déchue ici. J'ignore de quoi.... Mais ça ne change pas le fait que je dois autant faire attention à mes traqueurs qu'à moi-même. Tout de suite, ça devient bien plus compliqué encore à gérer... J'inspirai une profonde bouffée d'air avant de repartir. Et vite. Je me rendais compte que les habitants des lieux m'avaient vu et avaient prévenus la garde Angélique. J'aurais très bien pu les laisser approcher pour qu'il m'attrape et me jette hors de la Citadelle Blanche... J'aurais ainsi accomplie ma mission et serais enfin de retour à Avalon, à mon époque. Avec mes soucis, mes conflits et les conflits de mon époque. Mais j'ignorais si c'était là leur intention, me mettre dehors. Je préférais alors prendre la fuite et partais dans une course folle cherchant à leur échapper à tout prix, m'enfonçant ainsi dans la faute.

A bout de souffle, je trouvais une cachette dans un coin de ruelle et m'arrêtais là, me recroquevillant pour ne pas être vue, afin de reprendre ma respiration. Mais en observant mieux l'endroit, je me dis qu'il valait mieux pas que je ne m'attarde pas trop non plus. Cette cachette – qui se situait dans une magnifique rue sans issue – pouvait également me mener à ma perte si l'on me trouvait ici. Je réfléchissais. Quelque chose n'allait pas. L'on m'avait arraché mes ailes. Ou plutôt, on lui avait arraché ses ailes. Je n'étais pas encore là quand le châtiment avait eu lieu. Pourtant j'étais là à fuir comme un lapin, comme si cette punition n'avait pas suffit. Quelque chose avait dû mal tourner... A moins que ce ne soit quelques extrémistes qui n'aient pas supportés le fait de laisser un "aberration" comme moi – lui – sortir comme si de rien n'était. Ça ne m'étonnerait même pas... Après tout, même aujourd'hui les Déchus sont parfois vu comme monstruosité. Alors le Premier Déchu. Ah ! Pourquoi je n'y ai pas pensé avant... Un bruissement d'aile. Je me plaquait alors contre le mur. Qu'est-ce que j'aimerai que cette personne puisse fusionner avec la matière. Ou se rendre invisible. Ou encore mieux ! Se téléporter ! Les choses seraient tellement plus simple...

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Malgré le lieu peu rassurant où je me trouvais, j'étais restée encore quelques minutes, à croupie, à réfléchir à la raison qui avait pu me mener ici. Moi comme ce pauvre garçon. Lui, une simple limite qu'il avait malencontreusement franchi, ça allait de soi. La suite, plusieurs scénarios étaient envisageable. M'est avis qu'il s'agit seulement d'un problème de différence. Il est Déchu. Point. Quand à moi... C'est un terrible désir d'en savoir plus sur ce peuple que j'avais rejoins qui m'avait amené ici. Il fallait que j'apprenne à ne pas me jeter dans la gueule du loup sans réfléchir aux possibles conséquences. Me renseigner avant. Avoir les informations suffisantes pour savoir si je n'allais pas y passer dès les premières heures, entraînant par la même la chute de tout un peuple... Je prenais alors ma tête entre mes mains. Ce scientifique est un idiot de prendre des volontaires au hasard ! Mettre le destin de tout un peuple – son propre peuple ! - entre les mains d'un individu lambda ? Sérieusement ? Je poussais un soupir désespéré. Il fallait que je me sorte de là, je n'avais pas le choix.

Je repris ma cavalcade au milieu de la Citadelle, glissant contre les murs de pierre blanche des habitations, zigzagant d'une ruelle à l'autre lorsque je me faisais repérer par l'un des Immaculés. Dommage que cette course poursuite se passe ici. La Citadelle Blanche est bien trop ordonnée pour une partie de cache-cache... Ç’aurait été bien plus simple dans Avalon et ses multiples rues et ruelles. Une moue marqua mon visage. C'était totalement idiot en fait. J'incarne le Premier Déchu ! Avalon on n'y pense même pas ! Encore moins telles qu'elle est maintenant. La vérité était que plus je comparais ces lieux, cette ère, avec celui d'où je venais, plus j'avais l'impression de me trouver dans un monde parallèle. Je ne reconnaissais pas la Citadelle Blanche. Des villes n'existaient pas. Je ne savais même pas quel Aether prier pour me sortir de là ! Je me limitais alors à Edel, pour qu'elle me permette de quitter les lieux et, par la même, éviter un génocide. Après tout, la Vie et la Mort ont toujours fait partis du quotidien du monde.

« Je te tiens, vermine ! ». Plongée dans mes pensées, je n'avais pas fait attention à cet Ange qui plongeait dans ma direction, me plaquant alors au sol et m'empêchant d'effectuer le moindre mouvement dans une clef de bras. Mon cœur commençait à palpiter encore plus rapidement dans ma poitrine. Bon sang, aurais-je dû faire l'inverse, prier Ezechyel d'épargner un peuple au lieu de louer Edel de le sauver ? Des larmes commençaient à naître sur le coin de mes paupières en même temps qu'il me relevait alors qu'un groupe approchait. Je devais agir vite. Autre temps, autre loi. D'ailleurs, il n'y en avait aucune. Je fermais les yeux une seconde pour me concentrer sur le sort que je m'apprêtais à utiliser. La technique qu'il utilisait pour m'immobilisait l'obligeait à se tenir à proximité de moi. Très proche. Dans un mouvement brusque, j'arrêtais ma marche, surprenant l'Immaculé qui me percuta, inattendu. Un contact plus que suffisant pour lui insuffler le Souffle de Nephilim. J'attendais quelques secondes, espérant que ça ait fonctionné. Je sentais alors son étreinte se renforcer, jusqu'à m'arracher un cri de douleur. Peut-être finalement était-ce une mauvaise idée ? Mais en sentant le contact de son front contre mon dos je comprenais alors. Ça avait fonctionné. Quelque chose montait, il le sentait, et il luttait. Il n'empêche que j'étais toujours coincée...

Les autres approchants, je commençais à jeter des regards paniqués un peu partout. Puis je sentais cette fois ses mains se relâcher sur mes bras. Je n'attendais même pas son autorisation ou savoir si le pauvre bougre allait bien. Sans réfléchir une seconde je me précipitais dans la direction opposé au petit groupe Angélique et prenais rapidement la poudre d’escampette. Je me doutais que si quelques uns partiraient à ma poursuite, la majorité d'entre eux resteraient avec le Premier Ange à subir un sort Déchu. Je devais quand même avouer que j'étais curieuse de savoir quel obscur côté ce pouvoir avait bien pu faire ressortir chez lui... Voyant une fenêtre ouverte, je me glissais dans l'habitation. Ce voyage dans le passé commençait à trop durer, il était temps de changer ma méthode. Je vérifiais qu'il n'y avait personne dans la pièce avant de la fermer. Il était temps de s'équiper correctement si je voulais m'en sortir. De toute façon, si on me prenait en flagrant délit de vol, il allait se passer quoi ? On allait me dénoncer ? Je suis déjà recherchée alors ça ne changerait rien. Et avec ce qu'il vient de se passer, je n'ai plus aucun doute sur le sort qui m'attends si je me fais attraper.

La culture Déchue

J'avais parcourue quelques maisonnées ainsi, récupérant ce qu'il me semblait utile pour ma ''quête''. En fait, il m'était aussi arrivé de m'y délester de choses dont je me rendait compte après coups que je n'en avait aucunement l'utilité. Même, parfois, ça risquait plus de m'encombrer qu'autre chose. Un peu comme cet épais grimoire qui répertoriait toute la généalogie d'une famille dont j'ignorais même l'existence. Où cette flamboyante armure – bien trop grande – que j'avais pourtant commencée à enfiler avant de pester contre moi-même en voyant à quel point cette idée était absurde. Après tout, il valait mieux aller voir chez l'Ange que j'avais quelques peu malmené tout à l'heure. Cette dernière serait probablement plus à ma taille. Je marquais une pause en fixant le vide, avant de me taper le front avec la paume de la main. Il fallait vraiment que je m'en aille... Je n'étais même plus en train de chercher de quoi m'équiper pour partir en sûreté. J'étais juste en train de chercher et de prendre de tout, mais surtout de rien. Mais je prenais parce qu'il me le fallait. Je repensais à cette dague en cristal. Si je n'étais pas si loin je retournerais bien la récupérer...

Je jetais tout ce que je possédais par terre et fis un gros effort de concentration pour faire la part des choses afin de me saisir du strict minimum. Ce dont j'avais réellement besoin. Avant de sortir, je fouillais dans l'armoire de la chambre où je me trouvais et récupérais une tenue. Pour les prochaines minutes à venir, je serais de nouveau femme ! Je me changeais rapidement, troquant ma tenue toute poisseuse de transpiration contre une légère robe de soie et un petit sac de cuir. Je sortais en vitesse de la maison par là même où j'étais entrée, entendant des bruits de pas se rapprocher. Puis, après m'être éloignée de quelques mètres du lieu, je m'appliquais à transformer mon visage. C'était difficile, et éprouvant. Mais c'était le meilleur camouflage que j'avais trouvé, lui faire prendre mon apparence. D'un pas pressé, je traversais la rue principale en direction des portes de la Citadelle Blanche. Et comme je m'y attendais, un Immaculé vint à ma rencontre. Plus rapidement que je ne l'avais imaginé cependant. « Halte-là ! Où vas-tu comme ça ? ». Son œil était suspicieux, comme son intonation, ce qui pouvait se comprendre. « Je retourne chez moi avant que le jour ne décline monsieur. », fis-je avec un air embarrassée. Je l'étais. J'espérais que mon mensonge soit crédible et que mon sort tiennes au moins le temps de mon entretien avec lui. « Où est-ce ? » - « A proximité de l'enceinte. » - « Bien, je te raccompagne. ». Oups.

Un nœud m'étranglai la gorge alors qu'il prononçait ses mots. Ça je ne l'avait pas imaginé... « C'est inutile. Je connais le chemin et en me dépêchant je devrais arriver rapidement. », ajoutais-je avec une intonation beaucoup trop rapide en même temps que je le contournai. Son regard se fit bien plus suspicieux qu'il ne l'était alors qu'il m'avait interpellé. Compréhensif, à nouveau. « Les rues ne sont pas sure pour le moment. », insista-t-il simplement. Que pouvais-je faire pour lui échapper ? Jouer une nouvelle fois le coup du Souffle ? Non, ça ne marcherait pas. Je peinais déjà à maintenir mon apparence actuelle stable. Ce qu'il remarqua à mon souffle irrégulier et les profondes inspirations qu'il m'arrivait de prendre. « Tout va bien ? ». Je suis sure qu'il restait là pour me faire cracher le morceau le bougre, même s'il faisait comme s'il s'inquiétait pour mon sort. Je me repliais sur moi-même. Et cette fois ce n'était pas par jeu. J'étais réellement dans une situation problématique car j'étais en train de lutter pour maintenir une seconde de plus ce sort. J'étais si près de mon but ! Je ne pouvais pas me faire attraper ici !

Je profitais de cette aparté avec moi-même pour m'offrir une seconde de réflexion sur la marche à suivre pour me sortir d'ici avec les éléments que j'avais à portée de main. Je crois que je vais faire au plus simple avant de mourir d'épuisement à présent. Après tout, ne m'a-t-il pas proposé de me raccompagner ? « Mademoiselle ? », insista l'Ange sur un ton autoritaire face à mon absence de réaction. Je prenais une nouvelle inspiration avant de lui répondre. « Pardonnez-moi... Non, ça ne va pas très bien en fait... J'accepte votre proposition finalement... Celle de me raccompagner. Est-ce que vous voulez bien m'aider ? », ajoutais-je après une seconde inspiration en même temps que je lui tendais la main. Je le voyais se détendre à mes mots, en même temps qu'il passait un de mes bras par-dessus son épaule. Nous y voilà... Je pouvais enfin me détendre et faire tomber le masque. « Seulement ma destination a changé, j'espère que ça ne vous gêne pas ? », fis-je alors que je reprenais l'apparence du Déchu et que se lisait la surprise et la colère sur le visage de l'Ange. Il allait protester, c'était évident. Je lui rappelait alors ce que son collègue avait subit. En vérité, c'était plus un coup de bluff ça, car je me sentais bien incapable de me lancer dans n'importe quel sort sans tomber dans les pommes dans la seconde qui suivait ! Mais il n'avait pas besoin de le savoir... Et j'eus de la chance qu'il me croit sur parole.

A peine le pied posé hors de la cité, je m'élançai à toute jambes le plus loin possible de cet homme. Pourtant, quelques mètres plus loin, un sentiment me poussa à m'arrêter pour le voir une dernière fois et le remercier. Il était déjà parti. J'aurais au moins aimé connaître son nom. Je continuais à marcher un temps certains, trouvant abri dans une grotte. De là, j'attendis le retour de Lilith et mon retour à ma vie normale. Alors que je m'endormais sur la froide paroi rocheuse, une claque sur la joue et des cris me réveillèrent. « Mademoiselle ? Vous allez bien ? ». Je clignais des yeux, reprenant doucement contact avec la réalité. « Alors ? Comment ça c'est passé ? ». J'étais rentrée. « Mademoiselle ? ». J'étais en vie et de retour chez moi. « Vous m'entendez ? ». Des larmes s'écoulèrent le long de mes joues à cette pensée. Pauvre Typhon Tournaël, il devait s'attendre à bien des choses... Peut-être pas à ça.