Partie I – Le Passé est la clef de bien des énigmes et si certains pourraient prétendre qu'il est figé à jamais, d'autres tentent chaque jour de le rendre malléable.

Il avait été un Ange, promu à un avenir radieux. Il avait contribué à sauver le Monde en prévenant un présent encore sauf des horreurs du futur. Il avait été un Maître du Temps et avait passé des siècles à observer ce dernier, s'écouler lentement. Les tambours de la guerre résonnaient encore à ses oreilles et il n'avait qu'à fermer les yeux pour devenir le témoin de massacres qui n'en finissaient jamais. Il n'était pas fou. Il était las d'essayer de sauver ce qui ne pouvait l'être. Pourtant, en son esprit, avait germé une théorie : une théorie du Temps. L'ordre dont il faisait parti interdisait certaines choses, certains dires. Élaborer des théorèmes sur le temps était dangereux. Il en avait conscience mais... Et si ces théories permettaient de sauver le présent, en créant des guerres dans le passé, des guerres qui y seraient livrées ? Si le présent avait à se battre dans ce passé alors peut-être que le présent serait sauf dans son époque. On ne peut guère combattre sur tous les fronts. Il ne pouvait expliquer cette certitude qui avait germé en lui. Sans doute était-il infecté par une quelconque maladie, par un mal puissant, le mal de la curiosité. Il voulait expérimenter ce qui tournait dans sa tête depuis bien trop longtemps. Il ne pouvait en parler à ceux qui enseignaient la maîtrise du temps. Ils réfuteraient ses arguments bien avant qu'il ne les prononce. C'est pourquoi il se cachait depuis déjà plusieurs lunes, voguant dans les flots des différentes couches du temps. Tantôt dans le passé proche, il se rendait ensuite dans l'un des possibles futurs, y voyant à regret encore et toujours de la souffrance. La guerre des Dieux avait ouvert une brèche qui mettrait du temps à être refermée et c'est pourquoi, afin d'offrir la paix au présent, il voulait déclarer la guerre au passé. Il mettrait ses plans à exécution bientôt. À partir de ce moment là, et pour le reste de son existence, qu'elle soit passée, présente ou future, il serait un fugitif. Les Maîtres du Temps avaient sans doute dû voir cette possibilité, ou non. Le futur était si vaste. Tout et n'importe quoi y demeurait, des infinités de possibilités. Comment savoir ce qui arriverait ? Plus le futur se rapprochait du présent, plus il était limpide mais, lui, agirait dans le passé. Il déclarait la guerre au Temps, la guerre à ses maîtres et, ce, il en était persuadé, pour le plus grand bien de l'humanité.

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Aryaane ouvrit les yeux, subitement. En sueur, elle venait de faire un cauchemar. Elle était incapable de se souvenir des détails mais elle savait, au plus profond de son être, que ce songe était l'un des reflets du monde duquel elle venait, un monde futur qui n'existait plus depuis longtemps. Le futur et ses possibilités... Elle avait vécu dans une ligne temporelle dans laquelle elle s'était érigée en disciple du temps. Pourtant, lorsqu'elle avait compris que jamais elle n'existerait, que cette probabilité mourrait dans l’œuf, elle avait fui. De manière générale, ceux qui vivaient dans les futurs probables disparaissaient, ignorants leur destin ou résignés. La plupart ignorait. Elle l'avait vu car le temps lui avait montré la réalité. Dès l'instant où ses parents auraient choisi de s'abstenir de tout plaisir charnel, ce soir là, précisément, alors son existence aurait été réduite à néant. Elle ne l'avait pas voulu. Elle avait désobéi et elle attendait, tremblante, depuis ce jour, celui où des comptes devraient être réglés, persuadée d'avoir fait une erreur. Néanmoins, peut-être que le Temps lui-même avait voulu ce geste de sa part ? Elle ne pouvait pas le savoir, ses pouvoirs, depuis ce jour, presque réduits à néant. La Réprouvée soupira dans son lit. Au cœur de Basphel, elle se demandait quand viendrait le moment où Azaël se dresserait devant elle pour lui annoncer son jugement et sa peine. Elle n'avait aucune idée sur les intentions véritables des Maîtres du Temps. Pourtant, là où elle avait raison, c'est que le moment où elle devrait de nouveau être mêlée aux lignes temporelles n'allait pas tarder à se présenter. Un apprenti avait reçu pour mission de la retrouver.

Lentement, elle se leva de son lit et regarda par la fenêtre. Dehors, il neigeait. Aryaane sourit et une idée germa dans son esprit pour effacer sa peur et sa tristesse. Déterminée à enfreindre le règlement et à aller marcher dans l'herbe, recouverte d'un blanc manteau, elle ouvrit la fenêtre, attrapa un pull, enfila des chaussures et sauta. Ses ailes amortirent sa chute et elle se retrouva seule face à l'étendue glacée.

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