Catégorie de quête : XI ; Mission temporaire. Partenaire : Mirari Shax. Objectif : Pour assurer sa survie, Hestia décide de répondre à une annonce et se retrouve chez un Démon plus haut gradé en compagnie de Mirari. Ce dernier leur demande de récupérer l'argent que refuse de lui rendre l'un de leurs congénères, n'ayant pas le temps de s'en occuper et leur promet en échange la moitié du butin. Les deux jeunes femmes n'ont d'autre choix que s'allier pour mener à bien la mission.
S’il fallait se fier aux événements récents, la jeune femme aurait eu tendance à dire qu’on l’avait frappée d’une quelconque malédiction. D’humeur morose, elle ne pouvait que constater l’étendue des dégâts, ravagée par sa propre impuissance. Sous son crâne, une myriade de souvenirs insensés s’entrechoquait sans cesse. C’était tout bonnement incompréhensible. De ces images aléatoires, elle ne retenait ni les visages ni les lieux. Tout cela lui semblait terriblement familier et parfaitement étranger à la fois. Néanmoins, elle en gardait la certitude d’avoir un jour été diablement plus talentueuse. Une dérangeante impression de perte lui nouait la gorge, comme si on l’avait arrachée à elle-même. Dépossédée. « Tu as l’air bien songeuse, ce matin. » Hestia tourna la tête vers l’homme à ses côtés. Sans la moindre pudeur, elle se débarrassa des draps qui l’enserraient et se releva pour marcher à travers la chambre. La lueur vacillante des chandelles faisait danser les ombres sur son corps dévêtu. Quelques nuits plus tôt, au détour d’une ruelle, elle était tombée sur lui, et sa proposition lui avait semblé singulièrement alléchante. C’était ainsi que, sans rien savoir de lui, elle avait atterri au Passiflore en sa compagnie. Un client régulier de l’établissement qui ne lésinait pas sur les dépenses, selon les prostituées qui l’avaient salué d’un air enjoué. La Démone se tourna vers lui, une moue boudeuse sur le visage. « Je n’ai pas envie de te laisser, mais je voudrais aller faire un tour. » La sécurité avait beau être agréable, elle ne pouvait se contenter de coucheries du matin au soir. L’autre haussa les épaules avec une indifférence manifeste. Le ton de sa voix ne supportait pourtant aucune contestation. « Sois là au crépuscule. À genoux. » Hochant la tête, elle ramassa ses vêtements à la hâte et s’éclipsa.
Sans prêter la moindre attention au joyeux tumulte qui s’attardait entre les murs, la jeune femme s’empressa de sortir. La sensation de l’air frais contre sa peau lui fit le plus grand bien. Malgré les innombrables dangers que promettait la rue, elle se sentait soudain revigorée. Errer à travers cet endroit dont elle ne savait rien lui semblait une merveilleuse opportunité. Sa malédiction paraissait disparaître peu à peu, et si son étrange mécanisme restait un mystère, elle se moquait éperdument d’en découvrir davantage. Cela lui permettait même de découvrir différents lieux au sein desquels elle n’aurait jamais pu se rendre par ses propres moyens. Les doigts serrés autour d’une lame de rasoir dérobée à son généreux mécène, elle prit quelques instants pour observer les alentours. Où que se pose son regard bleuté, la Démone ne voyait que des devantures charmeuses où les corps s’enlaçaient et se séparaient en une harmonie sensuelle. Ce quartier lui semblait être le temple des désirs. Un groupe de jeunes femmes se tenait non loin, s’apprêtant à entrer dans l’un de ces établissements pour passer quelques heures des plus fiévreuses. L’une d’entre elles lui fit signe de les rejoindre, son geste accompagné d’un sourire qui assurait de bien des délices. Néanmoins, sa bourse restait désespérément inexistante, et elle ne pouvait pas vivre seulement des plaisirs de la chair. Il était temps de trouver une activité qui saurait satisfaire d’autres aspirations et lui fournirait en prime quelques-unes de ces curieuses pièces qui circulaient à tout va.
Au gré de ses déambulations à travers ces ruelles tentatrices, la brune finit par aviser une sorte de panneau d’affichage. Quelques individus traînaient autour, conversant tantôt en riant, tantôt en haussant le ton. Une fois que ses congénères prirent congé les uns des autres pour vaquer à de sombres occupations, elle s’approcha. Son regard défila sur les annonces. Ébahie, elle se frotta les yeux à plusieurs reprises. La plupart d’entre elles demeuraient indéchiffrables. Comment était-il possible qu’elle ne sache plus lire, elle qui avait passé la moitié de sa vie les yeux rivés sur des livres ? Rageuse, elle donna un coup de poing dans le bois. L’un des feuillets se détacha. La jeune femme se pencha pour le ramasser. Décrypter les lettres lui occasionna une migraine épouvantable. Le propos d’ensemble n’étant pas particulièrement complexe, elle finit par en comprendre le sens global : récupérer de l’or chez un homme réfractaire à le rendre. Rien de fabuleux. L’annonce précisait néanmoins qu’il fallait être deux. Hestia pesta en silence. Plus personne ne se trouvait sur la place, à l’exception d’une… chose recroquevillée et qui semblait sensiblement plus perdue qu’elle. « Toi, là ! Tu as l’air d’avoir besoin d’argent, et moi aussi. Qu’est-ce que tu penserais d’une petite mission toute simple ensemble ? » La Démone attrapa la main de sa semblable pour l’aider à se relever. Sans remarquer la cécité qui lui masquait la vue, elle songea que sa silhouette était tout à fait charmante. Un sourire de convoitise s’étira sur ses lèvres. Cette histoire s'annonçait sous les meilleurs auspices.
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Lun 16 Avr 2018, 11:05
Le contrat des Souvenirs
Si la jeune démone était prostrée c'est qu'elle était particulièrement épuisée par ces derniers jours. Il faut dire que la jeune femme découvrait tout de ce monde depuis qu'elle eut quitté l'antre de son père. Et il était fascinant. Surtout ceux qui le peuplaient. De la plus basses des engeances aux plus grandes ambitions, tous les vices, toutes les motivations se côtoyaient dans ce mélange de fange odorant et moite. Les textes que lui avaient enseigné son père lui paraissaient bien lointain désormais. Très loin de la réalité des choses et de la dureté avec laquelle il fallait s'y confronter.
Ceci dit, la jeune femme s'y plaisait, trouvant dans ces nouvelles expériences un enthousiasme et un sentiment grisant qui la poussait à ne reculer devant rien. Il lui fallait se tester et tester autrui. Qu'importe le résultat, elle parvenait toujours à en tirer un enseignement. Et ce jour là, fatiguée par son errance, elles'était simplement assoupie à côté de ce tableau d'affichage, à la vue de tous, mais pourtant, personne ne vint l'importuner, sans doute prise pour une vielle mendiante, ce n'est qu'une voix féminine qui la tirait de son repos sporadique . - " Hum ? " Une rapide inspection olfactive lui permit de constater, à son grand damne, qu'elle n'était plus tout à fait nette. Un gain substantiel lui aurait permit de se payer une chambre, un bain et sans doute quelques vêtements neufs... " De quoi s'agit-il ? "
Remise sur ses pieds avec l'aide de l'affriolante démone, l'aveugle baillait ouvertement à s'en décrocher la mâchoire, absolument affranchie des règles de bienséance imposées par son père. Un ébouriffement de sa crinière plus tout à fait blanche et un rapide ajustement de ses vêtements plus tard et les deux jeunes femmes se dirigeaient vers le point de rendez vous annoncé par le commanditaire de l'annonce. Sur le chemin, Mirari plutôt silencieuse s'exerçait à jauger des "énergies" qu'elles croisaient, approfondissant ce don des plus utiles pour en affiner la perception dans le but que tout cela fut instinctif. Et une brève projection extérieure la fit sourire devant le couple incongru qu'elles devaient former. Bien qu'elle ne put la contempler, elle savait la démone qui guidait ses pas plus grande qu'elle, sa voix trahissait un âge un peu plus avancé que le sien et surtout une assurance toute en charme... La blanche aurait été curieuse de caresser les reliefs de son visage et de son corps pour en jauger la beauté qu'elle soupçonnait chez sa compagne de route.
- " Tu n'as pas peur de travailler avec une aveugle ? Ou tu es désespérée à ce point ? " Son ton, amusé s'accordait d'un sourire presque moqueur, ces quelques jours en liberté lui ayant permit de constater que sa cécité était davantage une force qu'un inconvénient, trompant ceux qui se dressaient devant elle dans les premières secondes qu'elle employait judicieusement à son avantage pour frapper le plus lourdement possible.
Si quelques bribes de sa mémoires, bien trop ancienne, lui revenaient parfois, c'était loin d'être suffisant pour le comportement de l'aveugle soit autrement qu'entièrement dédié à la découverte, au défi, à l’interaction, par quelque moyen que ce soit. Son père avait lourdement marqué son corps dissimulé presque entièrement mais elle se refusait à lui faire la joie de se comporter en petite fille obéissante. Il était plus que temps de faire d'elle une démone à part entière et instinctivement, elle sentait que cette rencontre, au delà de l'aspect pécuniaire, serait d'une grande richesse. Il fallait dire que jusqu'à présent, elle n'avait pu croiser que peu de femmes, et qu'aucunes d'elles n'avaient retenu son attention et pas unes n'avait posé son regard sur l'aveugle. Aussi, Mirari voyait cette mission comme une opportunité d'en apprendre davantage sur sa propre espèce, son essence trop longtemps bridée ne demandant qu'à trouver ses exutoires et ses aspirations. - " Au passage, je m'appelle Mirari. Ce sera plus simple que "Hey, l'aveugle ! "" Fit-elle, d'autant plus amusée. Bien qu'elle fut toujours méfiante à l'égard d'autrui, rien ne l'empêchait de profiter des forces en présences pour servir ses propres intérêts et Hestia ne semblait pas hermétique à cette philosophie non plus du moment qu'elle aussi y trouvait son compte.
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Ravie de constater que sa proposition faisait mouche, la jeune femme devait avouer que le choix de sa partenaire la charmait sensiblement moins. La perspective de passer la soirée à venir en sa compagnie ne l’enchantait pas vraiment. Cela étant, sans doute une certaine élégance dormait-elle sous la crasse. Haussant les épaules, elle se rappela que sans la générosité de son mécène, elle croupirait elle aussi au fond d’un caniveau. Sa situation ne lui permettait pas franchement de jouer les effarouchées. « De ce que j’ai compris, il faut aller récupérer de l’argent chez un type pas forcément d’accord pour le rendre. » Cela promettait d’être amusant. Hestia s’engagea sans plus tarder dans les ruelles, à la recherche de la demeure du mystérieux commanditaire. L’impatience pointait déjà le bout de son nez, et voir bâiller sa congénère lui donnait envie de retourner se prélasser entre les draps du Passiflore et de ne plus en bouger jusqu’au lendemain. En chemin, elle ne se montra pas particulièrement d’humeur à entamer une conversation digne de ce nom. Néanmoins, la Démone lui surprit une première fois en mentionnant sa cécité ; elle ne l’avait même pas remarquée. « Ce sera plus simple de te trancher la gorge pour récupérer le butin si tu ne me vois pas arriver. » Un léger ricanement lui échappa. Une telle perspective n’était à ses yeux rien d’autre qu’une plaisanterie. Mettre un terme à l’existence de la blanche avant de la découvrir lui semblait une parfaite idiotie, et elle préférait de loin les festivités auxquelles leur réussite prochaine ouvrait la porte.
Leur errance à travers les rues tendait à se prolonger, la brune ne pouvant compter sur le soutien de sa partenaire pour la diriger. Le quartier lui paraissait un véritable dédale, et le schéma des ruelles un impénétrable fouillis. À la dernière question, elle ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt. Un certain malaise s’insinua dans ses entrailles. « Je m’appelle... » Son assurance soudainement envolée, elle eut la sensation dérangeante que son prénom lui-même ne lui appartenait pas. Quelque chose sonnait faux dans les syllabes que son esprit lui imposait. Sa réponse ne fut qu’un murmure. « Hestia. » Comment pouvait-elle ne pas en être sûre ? Les sourcils froncés, elle poursuivit sa route. Quelques instants plus tard, elle s’arrêta, brandissant l’annonce. Un dessin grossièrement exécuté y figurait, dévoilant l’adresse de leur futur employeur. Bien qu’elle ne soit pas experte en la matière, la similitude était flagrante. D’allure relativement modeste, la maison n’avait néanmoins rien de délabré. Un symbole inhospitalier en marquait l’entrée. « On dirait bien que c’est là. » Sans plus attendre, elle s’approcha. Son poing tambourina sur le battant de bois sans la moindre gêne. Cependant, il restait une manœuvre à accomplir pour s’assurer du bon déroulement des opérations. Plongeant la main dans sa poche, la jeune femme saisit quelque chose et passa derrière sa congénère. Doucement, ses phalanges effleurèrent la gorge de Mirari pour ramener sa chevelure vers l’arrière. Sa bouche se pencha vers l’une de ses oreilles, ses mots portés par un murmure à peine soufflé. « Avant que j’oublie... Cadeau de bienvenue. » D’un métal sombre, la broche se logea entre les mèches folles pour les discipliner. Se gardant bien de mentionner qu’il s’agissait d’un présent de son curieux mécène, elle se mordit la lèvre inférieure, espérant qu’il ne lui réclamerait pas l’objet de sitôt.
La porte s’ouvrit à la volée, faisant apparaître un homme singulièrement peu vêtu. Des effluves d’alcool émanaient de lui, et le plissement de ses yeux face à la lueur du jour en disait long sur ses récentes activités. Son regard avisa néanmoins bien vite le document entre les doigts d’Hestia. « Ah. Vous venez pour l’annonce. Entrez. » Sa silhouette s’effaça. Impressionnée par la force qui modulait sa voix malgré une ivresse persistante, la jeune femme obéit sans discuter, songeant amèrement que cet individu était sensiblement plus raffiné que l’homme avec lequel elle passait ses nuits. Il lui semblait qu’autrefois, un tel individu l’aurait laissée parfaitement indifférente. Le Démon se servit un verre. « Vous n’avez pas grand-chose à savoir. J’ai prêté de l’argent à cet imbécile. Il refuse d’ouvrir à mes messagers, et je n’ai aucune envie d’aller le récupérer moi-même. Je sais de source sûre qu’il le conserve quelque part chez lui. Récupérez-le pour moi, et vous en gardez la moitié. Et n’envisagez pas une seconde de vous enfuir avec le butin. » D’abord amical, le ton de sa voix devint menaçant sur la fin. Hestia sentit un frisson d’excitation courir le long de son échine. Amoureuse des défis, elle aurait presque pu prendre cet avertissement pour l’un d’entre eux. Étonnamment silencieuse, ses pensées partirent à la dérive, imaginant avec délice le châtiment qu’un tel acte entraînerait. Tournant les talons pour se précipiter vers la suite, elle saisit le bras de l’aveugle. Cette charmante vision fut interrompue par un nouvel éclat de voix. « Mesdemoiselles ! On ne part jamais à l’aventure le ventre vide. » D’humeur généreuse, il leur désigna le buffet encore garni de la veille ; leur allure en disait long sur leur état, et elles auraient besoin de toute leur énergie. En revanche, le commanditaire ne jugea pas utile de les aviser du danger que représentait la mission pour des créatures inexpérimentées. Le sourire aux lèvres, il songea qu’elles auraient tout le temps de le découvrir par elles-mêmes.
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Jeu 26 Avr 2018, 15:56
Le contrat des Souvenirs
Comme elle avait douté de son propre prénom ! La blanche en était rendue d'autant plus curieuse à propos de la brune qui guidait ses pas mais elle ne s'autorisait pas encore à lui en demander d'avantage bien que la remarque sur son hypothétique assassinat l'avait amusé et entamé un semblant de connivence amicale.
- " De bienvenue ? "
La démone aveugle bien que partiellement amadouée par Hestia se tendit quand elle glissait le bijou dans sa folle tignasse mais sans risquer le moindre geste malheureux, lui préférant un sourire lorsqu'elle réalisait, d'un passage de ses doigts sur la pièce de métal, ce qu'il en était. - " Merci. " Un sourire accompagnait ce simple mot avant qu'elles ne franchissent le seuil de la demeure de leur futur employeur.
Pour elle dont les sens étaient particulièrement développés, l'odeur lui sautait au nez et une légère grimace dégoûtée marquait son visage pendant qu'il parlait, vite remplacée par un microscopique sourire de défi lorsque la voix tonitruante grondait un avertissement à peine dissimulé. Son insolence se révélant d'heure en heure d'avantage. Insolence qu'elle sentait commune à l'étrange duo qu'elle formait désormais avec la splendide créature pendue à son bras pour la guider... Peut être que l'image plu au démon qui les avait reçu, sans doute, car il leur offrit de se remplir la panse avant de prendre la route.
L'aveugle sourit derechef, tournant son visage vers lui, par dessus son épaule comme si elle le regardait. C'est ce qu'elle faisait, à sa manière, observant la silhouette pâle se détachant sur son obscurité omniprésente et surtout, en son coeur, cette énergie plus lumineuse qu'elle associait maladroitement à son âme et sa puissance. - " Tu n'es donc pas pressé de récupérer ton argent ? " La couardise ne faisait pas partie de ses qualités, savoir garder sa langue dans sa poche non plus.
Se fiant à son nez, la blanche guidait sa comparse jusqu'au banquet et ouvrait un petit sac de toile, lui laissant le soin de le remplir alors qu'elle s'adressait à l'homme en face d'elles.
- " L'argent n'a pas l'air de te manquer ceci dit... " Une menace à son tour, à peine déguisée également, son interlocuteur souriait, l'air sournois.
- " Ramenez ce qui m'appartient et vous n'en manquerez pas non plus. Il se peut même que vous paraissiez moins miséreuses une fois que vous aurez profité de mes bienfaits... " Le sous entendus sans équivoque fit hausser un sourcil à Mirari, dédaigneuse.
- " Sans façon. "
Sans plus de politesse et une fois qu'Hestia eut rempli le sac, elles ne s'attardèrent pas. Il leur avait fournit des informations précises quant à l'emplacement de la demeure de leur cible, aussi, il fut des plus aisé pour la brune d'en trouver le chemin et un petit coin tranquille un peu en amont où se faire discrètes pour se rassasier.
Etablies dans une petite ruelle en cul de sac et dissimulées par un amoncellement de caisses et de sacs vides, les deux femmes purent prendre le temps d'élaborer un plan et entre deux bouchées, la blanche soulevait un point important.
- " Il doit avoir eu vent de l'annonce le concernant, et si notre cher commanditaire n'a pas jugé bon de se déplacer lui-même c'est qu'il redoute que la tâche soit fastidieuse... Notre grande chance est qu'il n'attend sans doute pas deux miséreuses. "
La blanche paraissait pensive cependant, des idées, des plans, des souvenirs de situations similaires se heurtaient dans sa tête, sans grande précision, juste assez vivaces pour que sa perception de la réalité en soit rendue secondaire pendant quelques instants. Avant que sa compagne de route n'ai le temps d'en faire la moindre remarque, elle secouait brièvement la tête pour chasser ces réminiscence de son esprit qui devait rester clair. - " Je peux te proposer de l'occuper le temps que tu fouille les lieux ? " Il se faisait visiblement passer pour plus riche qu'il n'était vu la maison toute en contraste avec celle de celui qui les avait embauchées, richement décorée, spacieuse, on sentait une certaine décrépitude sous le faste. Il n'y aurait rien d'étonnant qu'une jeune démone aveugle vienne y proposer ses services pour échapper à la rue...
C'était quelque peu grossier comme plan, sans connaître réellement les forces et les faiblesses de chacune mais l'improvisation se faisait un allié précieux de Mirari depuis qu'elle avait quitté le repère de son géniteur. Et n'était-ce pas une merveilleuse opportunité d'apprendre ?
Une excitation puissante animait la poitrine de l'aveugle, comme si elle s'apprêtait à commettre ce qu'elle était dédiée à faire, un jeu de dupe délicieux qui lui semblait être familier... Alors qu'elle se levait, dominant pour quelques secondes encore sa consœur, elle se penchait vers elle pour goûter ses lèvres d'un baiser furtif. - " En espérant que tu me porte chance... "
Aussitôt, elle s'éloignait vers leur cible, sa démarche pourtant assurée se modifiait, devenant tâtonnante et fragile, avant qu'elle ne fut visible, son expression passait d'une confiance absurde et d'une assurance farouche à la plus grande inquiétude, teintée d'une lourde fatigue, et cette dernière n'était qu'à peine feinte lorsqu'elle se saisissait du heurtoir afin de signaler sa présence au propriétaire.
Lequel des deux fut le plus surpris de l'aveugle qui se retrouvait face à un homme tout en raffinement, ignorant qu'il était tout aussi charmant qu'il sentait bon, élégant et poli, il ne laissait rien paraître de son étonnement à trouver la jeune femme aveugle, sale et l'air désespéré devant sa porte alors qu'il s'adressait à elle.
- " Mademoiselle ? "
Entre deux sanglots plus vrais que nature, un sourire plein d'espoir éclairait le visage de celle qui lui faisait face, les joues marquées par des sillons de larmes révélant la pâleur lunaire de sa peau sous la crasse.
- " Seigneur, je recherche un emploi contre un abri... Je saurai vous divertir et vous faire oublier ma présence ! Je vous le promets ! "
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La jeune femme n’hésita pas une seconde à laisser sa nouvelle acolyte mener la conversation, se souciant à vrai dire bien peu de nouer un quelconque lien avec leur commanditaire. Une vague impression de solitude se diffusait en elle, et il lui semblait se souvenir que les relations n’avaient jamais été son point fort. Indifférente à l’échange acerbe entre ses congénères, elle se contenta de remplir le sac de friandises en tout genre. La perspective d’une soirée à déguster ces délices _ quand bien même ils dataient de la veille _ en bonne compagnie suffisait à lui rendre sa gaieté. Ce ne fut néanmoins pas le destin qui les attendait. À l’abri des regards, elles s’empressèrent de se remplir l’estomac et s’efforcèrent de mettre en place une stratégie. À plusieurs reprises, la Démone ne put s’empêcher de lancer quelques railleries. « Si plus de gens prenaient le temps de baisser les yeux sur les affiches miteuses des rues de l’Enfer, les assassinats se révéleraient sans doute plus compliqués. » De fait, elle avait eu tout le loisir de jeter un œil aux contrats en question, et il fallait avouer que l’intégralité de ses semblables paraissait d’humeur à massacrer sans compter. Une passion qu’elle ne partageait pas encore. Sans interrompre sa camarade, elle prenait le temps de détailler chacune de ses expressions. À vrai dire, plus elle observait, plus la sensation étrange de l’avoir déjà rencontrée se faisait forte, et la confiance relative qu’elle lui accordait en disait long.
Parvenues à destination, la jeune femme se contenta de hocher la tête sans rien dire. Il lui avait fallu longer les murs à de multiples reprises ces derniers jours, et elle ne doutait pas de la réussite de leur larcin. Pensive, elle se montrait sensiblement moins joviale que précédemment, et si une nouvelle flamme semblait animer l’aveugle, elle-même devenait presque taciturne. Troublée par l’impression de déjà-vu qui lui sautait aux yeux dès que les siens s’attardaient sur Mirari, elle se renfrognait. Le baiser qu’elle lui offrit lui fit battre les cils d’un air perplexe. Ce n’était pas désagréable. Sans se soucier davantage de ce qu’entreprenait sa comparse, elle examina la place à la recherche d’une entrée propice. Par chance, personne ne faisait attention à elle, et l’occasion se présenta sous la forme d’un mur jalonné de légers renfoncements. S’élever au dessus des toits ne fut cependant pas de tout repos. En toute hâte, elle se précipita vers celui de leur future victime et atterrit tant bien que mal sur les tuiles, évitant de justesse une descente regrettable. Un frisson de pure terreur remonta le long de son dos. Elle était déjà tombée, et la chute avait ancré en elle une douleur plus profonde que celle de ses os meurtris. Sa respiration se mua en saccades. Les échos du souvenir retenaient son souffle. La dureté du sol sous ses pieds lui fit retrouver la raison et elle secoua la tête, incapable de comprendre ces sensations qui la foudroyaient quelquefois. Tout ce manège lui mettait les nerfs en pelote. Sans plus attendre, elle s’enfonça à l’intérieur de la maison.
Il fallait reconnaître que le luxe que laissait miroiter la bâtisse n’était rien de plus qu’un leurre. La décoration se révélait sensiblement pauvre, et sans les improbables babioles qui traînaient ça et là, on aurait pu facilement croire l’endroit abandonné. Le regard de la jeune femme se promena un instant sur les draps défaits. Des images de corps entrelacés s’imprimèrent sur sa rétine. Son pouls s’accéléra. Que dirait-il si elle venait à s’allonger là, et qu’à son retour il la trouvait, nue et désarmée ? Que lui ferait-il ? Se mordant la lèvre inférieure, elle secoua la tête pour chasser ces délicieuses pensées. Il ne fallait pas perdre de temps et garder la mission en vue. À l’exception du propriétaire des lieux dont elle entendait vaguement les paroles, la maison paraissait déserte. Toute en décontraction, elle passa d’une pièce à l’autre, s’efforçant tout de même de rester silencieuse. Les marches de l’escalier demeurèrent muette à son passage. Aucune trace du butin. S’apprêtant à examiner un bureau, son coude heurta le mur en un bruit sourd. Étouffant un juron, elle se glissa derrière le battant de bois. Personne n’avait entendu, ou du moins essayait-elle de s’en convaincre. En vitesse, elle approcha du meuble. La couche de poussière qui y reposait s’ébranla sous son souffle. Ses doigts se saisirent d’une nouvelle babiole. Il s’agissait d’une sculpture représentant un monstre étrange. Désinvolte, elle la balança à travers la pièce, son attention reportée sur un minuscule coffre qu’elle s’empressa d’ouvrir. La lueur de l’or se refléta dans ses yeux. Victorieuse, un large sourire se dessina sur ses lèvres. Leur commanditaire trouverait bien un moyen de rendre au trésor sa taille d’origine. Impatiente de retrouver la sortie, elle s’immobilisa. Quelque chose de chaud grognait dans son dos. Surprise de cette présence, Hestia pivota. Sa bonne humeur se crispa instantanément. Il fallait espérer que Mirari ait su tirer son épingle du jeu mieux qu'elle. « Tout doux mon grand, je ne fais que passer. » L’animal se dressait face à elle, toutes canines dehors. Sans attendre qu’elle prenne la fuite, le chien à trois têtes poussa un aboiement sonore et se jeta sur elle.
