Le voyage de Renata et Sam avait débuté sans trop d’embuche et même s’ils n’avaient pas toujours rencontré des gens très amicaux, cela ne les empêchait pas de profiter de la beauté des paysages des Terres des Magiciens. Si les ailes noires de la jeune femme n’avaient pas toujours permis une aisance dans les contacts, cela ne semblait pas déranger les Magiciens qui se montrèrent assez courtois au final. Habillée assez sommairement d’une robe noire déchirée jusqu’à mi-cuisse et de botines récupérées dans une allée du précédent village qu’ils avaient parcouru, le tout recouvert par un long manteau noir également, Renata contrastait énormément avec Sam qui était de son côté plutôt bien habillé avec des vêtements en parfait état, le gardant bien au chaud. Il faut dire que la Déchue ne dépensait jamais une pièce pour la moindre chose et elle ne comptait certainement pas changer pour de simples vêtements. Même pour la nourriture, c’était au Réprouvé de se débrouiller pour en acheter et ce, malgré le fait qu’elle récupérait une plus grosse part de l’argent qu’ils touchaient en échange de petits services à droite à gauche. Renata avait déjà essayé une fois de payer quelque chose mais au moment de se séparer de sa pièce, ses doigts ne parvinrent pas à s’ouvrir pour laisser filer ce morceau de métal. Son avarice ne semblait connaître aucune fin et heureusement pour elle, Sam ne semblait pas trop attaché à l’argent sans quoi, elle serait sans doute déjà morte de faim, refusant de payer pour se nourrir.

Quoiqu’il en soit, les deux amis ne tardèrent pas à entendre sur leur passage que les festivités de la saison des neiges battaient leur plein. S’interrogeant sur cette coutume magicienne, ils s’arrêtèrent près de deux femmes parlant de galette et de cuisiniers royaux. Rien qu’à les entendre, on pouvait aisément comprendre que c’était l’événement à ne pas manquer. Par simple curiosité, Sam décida de se renseigner un peu, alors que la Déchue semblait déjà bouder à l’idée de dépenser de l’argent pour acheter cette fameuse galette.

« Excusez-moi Mesdames. Je ne suis pas de la région et je me demandais si cela vous dérangerait de m’en dire plus sur cette fameuse fête ? »

« Ah mais vous arrivez au meilleur moment alors ! En fait, la coutume veut que les cuisiniers royaux préparent des galettes pour tout le monde en échange d’une petite participation financière libre. Dans une de ces galettes, ils vont placer une fève dorée créée par la Reine en personne. La personne qui tombera dessus aura le droit de visiter le Palais en compagnie de la Reine. Elle pourra également dîner avec elle et même lancer à ses côtés le premier lampion ! Vous imaginez de l’honneur que cela représente ? »

Ecoutant d’une oreille, Renata ne semblait pas plus emballée que cela à l’idée de perdre de l’argent pour des banalités pareilles, mais son intérêt fut un peu plus piqué lorsque la femme évoqua une couronne en or qui vaudrait une fortune. Tout d’un coup, son sang ne fit qu’un tour et elle se mit à se tortiller d’impatience à l’idée de peut-être obtenir un bien aussi précieux rien que pour elle. De son côté, Sam remercia les deux femmes pour leur temps et prit congé en retournant au côté de la Déchue qui était maintenant tiraillée entre son envie d’avoir cette couronne et le déchirement que serait la perte d’une simple pièce. Il ne fallut pas énormément de temps pour que Renata tente de forcer Sam à payer pour la galette mais bon, aucun des gains ne semblait l’intéresser de son côté, il n’y avait donc aucune raison de dépenser le peu qu’il avait par rapport à la Déchue, simplement pour une galette. Cette discussion ne tarda pas à attirer l’attention d’un homme transportant du vin. Il s’approcha d’eux et se présenta amicalement, levant son chapeau tout sale et s’inclinant légèrement.

« Bonjour chers amis. Je me présente Justin Frieb, vigneron en pleine expansion. Sans le vouloir, j’ai entendu votre conversation et je pense que j’ai peut-être quelque chose à vous proposer. En échange d’un petit service, je suis tout à fait disposé à vous donner une galette. Si la fève est dedans, tout est à vous. »

Les yeux de Renata s’illuminèrent comme une gamine à l’idée de ne rien payer pour avoir cette fameuse couronne en or. A la voir, il n’était pas difficile de comprendre que son esprit avait totalement oublié les faibles probabilités d’obtenir cette fameuse fève dorée. Seul Sam semblait s’en rendre compte et soupirait déjà à l’idée de devoir la calmer lorsqu’elle se rendra compte qu’elle a perdu. Acceptant la proposition du vigneron, ils l’accompagnèrent à son vignoble, s’émerveillant d’une si vaste étendue blanche où les vestiges des vignes semblaient vouloir disparaître. Une fois à l’intérieur de la grange assez glauque où il stockait son vin, Justin expliqua un peu plus en détails ce qu’il attendait de ses deux nouveaux amis. Son air enjoué prit un côté plus dramatique et il commença son histoire.

« Je me suis lancé dans le vin voici pas mal de temps maintenant, mais je me heurte à une concurrence rude. Loin de moi l’idée de penser que l’un de mes concurrents trafique son produit, mais je pense qu’il y a quelque chose de suspect quand même. Nos vignes sont côte à côte, il s’agit de la même variété et pourtant, son vin est meilleur que le mien. Il doit y avoir une astuce, mais je ne vois pas laquelle. J’ai tout essayé et si ça continue, je n’aurai plus qu’à fermer boutique. Il faut donc que vous trouviez pourquoi son vin est meilleur, ça doit sûrement être un produit qu’il rajoute. »

Si Sam n’était pas particulièrement emballé à l’idée d’aider le vigneron un peu trop crado à son goût, Renata de son côté était surexcitée, ne pensant qu’à la galette et à la fève dorée qu’elle se voyait déjà avoir. C’est donc avec un large sourire que la Déchue prit le chemin du vignoble voisin, criant sur son compagnon de route pour qu’il se bouge un peu plus vite et surtout, se montre un peu plus enthousiaste.

« Tu vas arrêter de tirer la gueule ? On va avoir une galette gratuite, ce n’est pas ça le plus important ? »

« Si tu voulais tant cette galette, pourquoi tu ne l’achètes pas simplement ? Ce n’est pas comme si ton argent s’envolait pour rien vu que c’est pour avoir le fameux prix en échange de la fève dorée. Ca nous aurait évité toute cette galère. »

« On n’en serait pas là si tu avais accepté de payer ! Tu as toujours plein d’argent pour acheter des légumes ou de la viande, mais pas pour une galette qui nous rapportera gros ! Et après, c’est moi la radine … »

« En attendant, tu comptes t’y prendre comment pour connaître la différence entre leurs vins ? Tu y as pensé au moins ? »

« Il suffit de demander non ? On voit comment il fait son vin et on le répète en détails à Justin. C’est simple quand même. »

Sam soupira à nouveau devant cette logique qui devait certainement être un reliquat de son passé angélique. Si elle croyait sincèrement que cet homme allait dévoiler son secret aussi facilement, elle se trompait fortement. Quoiqu’il en soit, après une bonne heure de marche, ils arrivèrent finalement devant l’imposante bâtisse du vigneron voisin. Il n’y avait pas à dire, cela semblait bien plus entretenu et propre que de l’autre côté mais bon, il ne fallait pas non plus juger un livre à sa couverture. Renata, très confiante quant à la facilité de cette recherche, frappa à la porte avec un large sourire, pensant déjà à la couronne en or qu’elle ne tarderait pas à avoir. Son ami était un peu moins confiant vu son expérience dans ce genre de conflits commerciaux où la concurrence pouvait parfois être féroce. Quoiqu’il en soit, la porte s’ouvrit et un énorme barbu dépassant facilement les deux mètres de haut apparut devant la jeune femme. Il la regarda un instant, avant de jeter un coup d’œil pour jauger de celui qui l’accompagnait. Sans prononcer le moindre mot, il attendit de connaître la raison se cachant derrière la présence de ces deux êtres à sa porte.

« Bonjour Monsieur ! On a entendu dire que votre vin était le meilleur de la région et c’était pour savoir en apprendre un peu plus car ça nous intéresse vraiment. D’ailleurs, mon ami m’a toujours dit qu’il espérait devenir vigneron un jour, même si je pense que c’est un travail bien trop dur pour lui. Peut-être que lui montrer à quel point votre travail est dur et minutieux, lui ferait comprendre qu’il ferait mieux de laisser ça à des gens motivés. »

Le mystère persistait sur ce changement soudain d’attitude car d’un coup, la Déchue avait changé son fusil d’épaule pour finalement la jouer plus finement que de simplement demander. Pour le jeune homme, c’était clairement la carrure et la froideur de son interlocuteur qui avait provoqué cela et il ne put s’empêcher de sourire en assistant à la scène. Il ne lui restait plus qu’à lui cirer encore un peu les bottes pour que cela fonctionne et c’est d’ailleurs ce qu’elle fit en le complimentant sur la propreté de sa demeure et sur le dur travail que cela devait représenter. Finalement, un rire sortit de l’imposante montagne barbue et il les invita à entrer, tapotant dans le dos de Sam lorsqu’il passa à côté de lui. Enfin bon, l’important était d’être entré même si tout restait encore à faire. Discrètement, les deux amis regardèrent un peu autour d’eux afin de constater que l’une des différences fondamentales était la propreté du lieu. Tout était propre et bien loin de la grange pourrie dans laquelle travaillait Justin. Après, ce n’était pas vraiment ce qu’ils cherchaient et par conséquent, Renata continua à essayer de lui extirper quelques informations.

« Je n’étais jamais venue dans un vignoble. C’est très impressionnant. Et c’est ici que vous faites le vin ? C’est quoi ces grosses bassines ? Et ces tonneaux ? Vous ajoutez des choses en plus du raisin ? Ca doit être compliqué ! Ca demande longtemps pour faire du vin ? »

En bombardant le vigneron de question, Renata espérait bien qu’il lui révèle son secret. Ce dernier se mit à rire devant l’attitude presque enfantine de la Déchue, avant de répondre à toutes ses questions sans grande difficulté. Bien sûr, cela ne fit que compliquer la tâche de la jeune enquêtrice qui se retrouva avec une affirmation sans détour que le vigneron ne rajoutait strictement rien dans son vin. Le secret devait donc être ailleurs ou alors, il mentait tout simplement.

Laissant au soin de Sam de fureter à droite et à gauche pour chercher l’élément manquant, Renata continua à bombarder de questions le vigneron qui trouvait au final tout cela très amusant. Le jeune Réprouvé mit enfin le doigt sur quelque chose d’intéressant ou en tout cas, cela le laissait supposer lorsque le colosse barbu lui ordonna de ne pas approcher d’une annexe dont la porte était mal fermée. La réaction du vigneron surprit Sam qui ne parvint pas à distinguer ce qui se trouvait à l’intérieur par la fine ouverture de la porte. Si cette brutale interruption de la discussion eut le mérite d’arrêter les questions de Renata, il eut aussi le mérite de révéler l’endroit potentiel où se trouvait ce fameux secret. L’homme qui semblait au final très amical contrairement à ce qu’avait laissé penser leur première impression, se révéla nettement plus agressif suite à cet événement et il ne tarda pas très longtemps à inviter les deux amis à partir de chez lui afin de le laisser travailler un peu. Ne voulant pas sembler suspect, Renata et Sam partirent en le remerciant chaleureusement pour son temps et pour les informations qu’il avait bien voulu partager avec eux.

Ils s’éloignèrent tranquillement de la bâtisse, jusqu’à être hors de vue derrière un mur de la propriété afin de mettre au point leur plan pour découvrir ce qu’il pouvait bien cacher. Si Renata pensait déjà à se faufiler à l’intérieur afin de simplement aller voir derrière cette porte ce qu’il cachait, Sam fut un peu plus tempéré vu qu’on ne pouvait pas dire que les deux compères étaient particulièrement discrets. Il proposa donc un plan visant à détourner l’attention du vigneron pendant que l’un d’eux irait voir à l’intérieur. Il ne restait plus qu’à veiller à la bonne distribution des rôles, ce qui n’était pas forcément le plus simple non plus vu les risques que chaque face comportait. Après un long débat durant lequel le Réprouvé tenta de convaincre la Déchue qu’il était préférable que ça soit lui qui s’introduise dans la bâtisse vu la violence dont pourrait faire prendre le vigneron mais malheureusement pour lui, son manque de finesse ne parvint pas à convaincre Renata qui mit en avant le manque de grâce que les pas d’éléphant de Sam pouvaient avoir. Il fallait bien admettre qu’il n’était pas très agile et que la discrétion n’était pas vraiment son fort mais bon, il ne voulait pas non plus que son amie se retrouve en fâcheuse posture. Sur cela, elle répliqua d’une simple phrase pleine de profondeur.

« Si tu vois qu’il va revenir et me voir, tu n’as qu’à faire ce qu’il faut pour l’en empêcher. Ce n’est pas compliqué quand même. »

Simple et efficace en théorie mais bon, en pratique ce n’était certainement pas aussi simple. Enfin bon, on pouvait dire qu’ils avaient un plan et il ne restait plus qu’à le mettre en œuvre. Renata s’approcha à pas de loup sur le côté de la grande maison, se postant à proximité de la porte arrière en attendant que Sam fasse diversion pour qu’elle puisse entrer, ce qu’il ne tarda pas à faire. Frappant à la porte du vigneron énergiquement, il prit un air paniqué et anxieux, ce qui ne fut pas difficile vu les circonstances. Lorsque le vigneron ouvrit la porte, il fit de son mieux pour lui faire croire à son histoire.

« Monsieur !!! Il faut venir m’aider !!! Mon amie s’est faite mal un peu plus loin et je ne sais pas la porter tout seul. Il faut qu’elle aille voir un médecin. Aidez-moi je vous en prie ! »

L’homme barbu regarda les alentours, avant de poser son regard sur le Réprouvé.

« Un grand gaillard comme toi ne sait même pas porter une fille ? En plus, elle ne m’a pas l’air bien grosse, à moins qu’elle cache ses kilos sous son gros manteau. Enfin bon, je vais prendre le traineau, ça sera plus simple. On peut dire que vous m’aurez fait chier jusqu’au bout aujourd’hui. Bon, elle est où ta grosse amie ? »

Serrant la mâchoire et crispant ses doigts pour ne pas aller lui retourner une claque dans la figure en hurlant, Renata écouta les paroles du vigneron et de Sam alors qu’ils s’éloignaient de la maison. Comment ce gros barbu avait pu la critiquer de la sorte, c’était vraiment mesquin ! Quoiqu’il en soit, elle entrant dans la bâtisse lentement, cherchant à s’assurer que personne d’autre n’était là avant de s’aventurer plus loin. Après tout, rien ne garantissait que le vigneron n’ait pas une femme ou même un enfant. Doucement, alors que le plancher craquait sous ses pas, provoquant un rappel des commentaires sur son poids dans son esprit, elle s’approcha de la fameuse porte secrète. Posant sa main sur la poignée, elle tenta de faire le moins de bruit possible en l’ouvrant mais bon, un superbe grincement se fit entendre, la faisant se figer un instant pour s’assurer qu’aucun autre bruit pouvant attester que quelqu’un l’avait entendu et se dirigeait vers elle. Devant le silence ambiant, elle continua à ouvrir la porte et pénétra dans la pièce secrète, espérant bien trouver ce qu’il fallait pour obtenir cette fameuse galette gratuitement.

Si la jeune femme s’attendait à une évidence qui lui sauterait aux yeux en entrant dans cette pièce, elle dût tout de même accepter la triste réalité, à savoir qu’elle n’y connaissait strictement rien en vin et que donc, elle ne savait pas ce qu’elle pouvait bien chercher. Il y avait des étagères avec des bouteilles de vin, d’autres avec des petites fioles ou encore d’autres trucs dont elle ne connaissait pas l’usage. Devant tout ça, elle se retrouva un peu bête car comment pouvait-elle savoir ce qui était l’élément qu’il rajoutait. Dans le doute, elle décida de prendre l’une des fioles et une bouteille de vin, espérant que cela soit suffisant pour obtenir sa galette tant désirée. Ne voyant pas de raison de rester plus longtemps, la Déchue se dirigea vers la sortie. Soudain, le bruit de la porte se fit entendre, figeant de frayeur Renata qui se demandait pourquoi le vigneron était déjà là. Le ton était visiblement monté entre Sam et lui car le grand barbu semblait particulièrement énervé d’avoir fait le trajet pour rien. La porte s’ouvrit d’ailleurs avec fracas tandis que le Réprouvé cherchait à le convaincre de poursuivre les recherches et que son amie ne devait pas être loin.

« Je ne vais pas passer des heures à chercher dans la neige. Si ton amie n’était pas là, c’est qu’elle n’était pas si blessée que ça, ou que tu t’es moqué de moi ! Donc maintenant dégage de chez moi car j’en encore beaucoup de travail pour les festivités de demain. »

Pratiquement jeté dehors par le vigneron, Sam sentit son sang bouillir et la rage s’emparer de lui. Sans réfléchir au fait qu’il devait se la jouer profil bas, il frappa à de nombreuses reprises sur la porte pour se défouler. Tout se vacarme permis à Renata de filer discrètement par la porte de derrière sans que le propriétaire des lieux ne la remarque. En même temps, celui-ci était tellement énervé par les agissements du Réprouvé qu’il ouvrit sa porte sèchement et lui administra un coup de poing violent au milieu du visage. Sam se retrouva étendu sur le sol, fixant le ciel en comprenant qu’il avait eu une petite crise de violence. Ne voulant pas plus d’ennuis, il se releva difficilement et s’en alla, espérant que Renata en avait profité pour partir également. Il fut soulagé de la voir derrière le mur un peu plus loin, un petit flacon et une bouteille en main. Devant le visage amoché de son ami, la Déchue ne put s’empêcher de rigoler. Lui qui avait fait tant d’histoire pour ne pas la mettre en danger alors qu’au final, il était celui qui se retrouvait blessé. Enfin bon, le jeune homme s’inquiéta donc de savoir si elle avait bien trouvé quelque chose.

« Alors, tu as trouvé ce qu’il rajoute dans son vin ? »

« Je ne sais pas trop. Il y avait une étagère remplie de fioles comme celle-ci et aussi des bouteilles de vin. Il y avait de la poudre aussi mais comme c’était à côté de l’outillage agricole, j’ai supposé que c’était pour les vignes. J’espère que ça suffira pour qu’il nous donne cette galette. »

« Ne t’inquiètes pas pour ça, si ça ne suffit pas, je la payerai moi-même cette fichue galette. Je ne compte pas me retrouver à nouveau dans une histoire tordue comme ça simplement pour une tarte. »

Le visage de Renata s’illumina devant cette annonce car quoiqu’il arrive, elle aurait bien cette galette lui permettant d’avoir la couronne en or. C’est donc en sautillant de joie qu’elle se retourna chez Justin afin de lui rapporter ce qu’ils avaient trouvé. De son côté, Sam essayait tant bien que mal de stopper le saignement de son nez qui ne semblait heureusement pas cassé. C’est que ce barbu avait une bonne frappe vu sa carrure. L’avantage, c’est que ça lui avait remis les idées en place instantanément mais bon, le retour à la raison était quand même douloureux.

En les voyant arriver le long du chemin, Justin alla leur ouvrir la porte, les accueillant chaleureusement. Il était très curieux de savoir ce qu’ils avaient pu découvrir et ne manqua pas de les questionner immédiatement. Toute sourire, la Déchue chercha à alimenter le suspens en détaillant leur aventure comme s’ils avaient risqué leur vie face à un monstre sanguinaire, échappant de peu à ses griffes acérées, et sacrifiant le visage de Sam pour parvenir à préserver les objets dérobés. Finalement, elle donna la fiole et la bouteille de vin à Justin, lui disant que c’était les seules choses suspectes qu’ils avaient trouvé chez son concurrent direct. D’abord interloquer par le peu de renseignements qu’ils avaient à lui fournir, il ouvrit la fiole pour en sentir son contenu. L’odeur était horrible, mais caractéristique d’une potion favorisant la fermentation. C’était souvent utilisé dans l’agriculture pour donner un coup de pouce lorsque les conditions météo sont difficiles mais bon, il n’avait jamais pensé à l’utiliser dans le vin. C’est vrai quand l’utilisant sur ses raisins avant le passage à la presse, ils devraient être mieux fermenté et donc apporter un meilleur goût, ou du moins un goût plus prononcé.

Maintenant, était-ce vraiment la seule raison derrière le meilleur goût du vin, Justin n’en était pas sûr vu qu’en laissant fermenter ses raisons plus longtemps, il pourrait également obtenir le même résultat. Il se mit donc à questionner la jeune femme afin d’obtenir plus de renseignement sur ce qu’elle avait vu chez lui. Très coopérative, Renata évoqua le moindre détail, de la forme des tonneaux à la couleur du plancher, laissant le vigneron sceptique sur les raisons de cette différence de qualité. Finalement, sans doute exaspéré par cette discussion où au final, la Déchue omettait un détail de la plus haute importance, il prit la parole et se montra des plus directs envers Justin, ne mâchant pas ses mots pour lui faire comprendre la triste réalité.

« C’est très simple si tu veux mon avis. Ton atelier est un taudis. Tout est dégueulasse chez toi, même tes vêtements. Tu penses sincèrement que cela ne joue pas sur le goût de tes productions ? Est-ce que tu nettoies seulement de temps en temps ton atelier ? Chez ton voisin, on pourrait manger par terre tellement il fait propre. »

A ces paroles, Renata acquiesça comme une gamine qui comprend enfin que cela pourrait jouer un rôle dans tout cela. Bien sûr, Sam ne manqua pas de continuer ses explications, vidant son sac sans ménagement.

« Donc oui, il rajoute certainement cette fiole pour gagner du temps. Sa chance peut-être le goût, ça j’en sais rien. Cependant, si tu veux déjà avoir du vin de meilleure qualité, commence par nettoyer un peu tout ça. C’est peut-être simplement les crasses qu’il y a dans tes bouteilles qui rendent ton vin moins bon. »

Un peu surpris du déballage du Réprouvé, Justin ne put malgré qu’aller dans son sens. C’est vrai qu’après la mort de sa femme, il ne s’était plus trop préoccupé du ménage et de la propreté de son atelier. S’il garda la fiole pour faire un test, il annonça à Renata et Sam que dorénavant, il allait rendre tout cela bien plus propre et qu’il pourrait comme ça se battre à arme égale avec son voisin. Bien sûr, devant cette décision, Renata attendit patiemment sa récompense et fut un peu déçue quand il lui annonça de revenir demain car il devait la commander. Il leur proposa de se détendre un peu et de revenir demain pour récupérer la galette qu’il aura été chercher. C’est donc satisfait du succès de leur petite enquête que les deux amis se rendirent en ville pour profiter de la fête, bien décidé à revenir demain pour découvrir cette fameuse fève dorée.