Les Esprits étaient muets ; pire, ils se détournaient sur son passage. C'était assez amusant en réalité. Aria avançait dans une rue, la tête haute. Si les Vivants stoppaient leurs activités pour la regarder, les Morts, eux, s'écartaient dès qu'ils la voyaient. La Vie était attirée par elle, la Mort la fuyait. L'image la fit sourire. Quoi qu'il en soit, quand bien même la scène était belle pour ceux qui avaient les capacités de la voir, elle devait trouver le fameux tableau. Puisqu'il avait appartenu à une ancienne Orishala, Lison, il avait dû être vendu aux enchères après sa mort. À moins que Cocoon Sforza soit un amateur chevronné d'art et l'ait gardé ? La chose l'aurait étonné. Il avait plus l'étoffe d'un guerrier impitoyable et d'un séducteur sans foi ni loi que celle d'un amoureux des toiles de maîtres. « Vous êtes particulièrement lente lorsque les Esprits vous tournent le dos très chère. Votre magie est certes puissante mais le contenu de vos sorts est maigre. » fit une voix familière alors qu'elle venait d'apparaître juste à côté d'elle. La Dame Rouge sourit à la Déesse. « Je ne vous ferai pas le plaisir de jouer l'étonnée si c'est ce que vous souhaitiez. ». « Absolument pas. » dit-elle en copiant l'expression de la Démone. Après un petit silence, elle ajouta. « Je ne vous cacherai pas que je vous ai menacé de représailles quant à mes enfants pour voir ce que vous feriez. Visiblement, vous n'avez guère peur de mon courroux. ». « Je me suis doutée que vous ne vouliez pas laisser en vie des incapables, quand bien même ces derniers seraient le fruit de votre création. Ne vous inquiétez pas, les méritants vivront. Les autres trépasseront. ». « Et cela sera pour le mieux. ». Impitoyable, la blonde fixait son ascendance de se s yeux verts tranchants. La Démone attendit un instant avant d'aborder un sujet délicat ; du moins, un sujet qu'elle pensait être délicat. « Les Démons soutiennent à présent Sympan. ». « C'est exact. Le Dieu de la Mort croit me défier et je lui en donne l'impression. Bien entendu, il faudra que je me venge de ce soi-disant affront mais la vérité est que je suis fatiguée. J'ai besoin de voir quelle serait la punition des Ætheri si Sympan venait à remporter cette guerre. ». La Dame Rouge resta un instant silencieuse. Il ne faisait aucun doute que la façon de penser de la blonde dépassait l'entendement. Soutenir un camp dans l'espoir de perdre tantôt, le soutenir dans l'espoir de changer la donne ensuite, voilà qui relevait d'un paradoxe important. Était-elle folle, finalement ? Un Æther pouvait-il seulement l'être ? « Vous savez, bientôt, vous serez sans doute aussi désabusée que je le suis. Quoi que... Vous êtes différente. Peut-être échapperez-vous à mon calvaire. ». « Je vous sais bien plus intelligente que je le suis, Edelwyn. De votre vivant déjà, lorsque je siégeais dans votre âme, silencieuse, je le sentais. Votre manière de voir le Monde est intéressante mais paradoxale. Vos actes ne reflètent en rien votre pensée, comme si vous décidiez vous même de vous abrutir. Vous semblez être convaincue que Sympan triomphera et, pourtant, vous ne soutenez pas sa cause. ». La blonde sourit. « Il est le Créateur. Qui pourrait se mettre en travers de son chemin ? Si les Ætheri gagnaient, sans doute cela voudrait-il dire que Delta n'obéit qu'à lui-même, qu'il n'est qu'un fanatique de plus ayant souhaité jouer dans la cour des Ætheri. Pourtant, Hans n'est plus. Qui sur les Terres auraient le pouvoir de tuer un Dieu ? ». Elle laissa un nouveau silence s'installer avant de continuer. « Jadis, dans mes recherches sur la génétique, j'ai trouvé de vieux écrits que je n'aurai su dater. Je les soupçonne, en réalité, de venir du même Monde qu'Erza. ». La Démone plissa les yeux. « Ils contaient l'existence d'êtres capables d'annihiler la magie des Divins afin de les punir lorsque c'était nécessaire des infractions qu'ils commettaient contre les lois de l'univers. Ceci est bien sûr trop complexe pour vous, je le crains, mais sachez que je pense qu'il n'est pas impossible pour un Mortel d'arriver à tuer un Dieu. Comme les Humains annihilent la magie, si des êtres arrivaient à faire évoluer cette anti-magie si néfaste, alors... ». « Vous voulez dire que ? ». « Peut-être est-ce ce que Delta a fait ? Peut-être a-t-il réussi à trouver le moyen... Il est le plus ancien Génie connu après tout. ». Elle sourit. « Inutile de vous préciser le nombre d'infractions que j'ai réalisé. ». « Pour la Déesse de la Justice, c'est un comble assez douteux. ». « Le Monde des Dieux n'a sans doute jamais été autant corrompu que ces derniers temps. S'ingérer dans les affaires des Mortels n'est normalement pas de notre ressort. Nous nous devons d'être élevés au dessus des minables conflits. Et pourtant... ».

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« Et pourtant vous n'arrivez pas à vous détacher de votre ancienne vie. » conclut la Démone en ramenant le débat sur sa descendante. Elle laissa s'écouler quelques secondes avant de sourire. Le temps s'était arrêté autour d'elles et la Dame Rouge ne venait que de le remarquer. Megido semblait figée. « Nous aurions pu être proches, vous et moi, vous savez. Pourtant... Vous m'avez volée cet homme. ». La Déesse ne dit rien, elle savait de qui elle voulait parler. « Je ne suis pas idiote vous savez. Quand bien même ce futur chaotique n'existe plus, je sais à quel point Jun n'est en aucun cas le fautif. Il me l'a fait payer, en quelque sorte. Je régnais, encore, avec la puissance du Créateur. Ce n'était pas moi, une autre, dans un autre temps, mais ce n'est pas le point que je veux aborder. Il a voulu vous sauver. Il a risqué sa vie pour vous. Il m'a défiée et il m'a battue. Le Mârid peut-il battre le Créateur ? Non. Il ne le peut pas, pas en temps normal. Et pourtant, son intelligence et cette femme ont fait en sorte qu'il y parvienne en tordant le temps et en se sacrifiant. Ne faites pas comme si cela vous était égal. ». La blonde semblait de marbre. « L'Histoire attribue la victoire à l'intervention des Maîtres du Temps mais je suis convaincue que sans la sienne, rien n'aurait pu être changé. Vous êtes la cause de la folie de Jun. Pire que tout, cela vous plaît de savoir que vous êtes la cause d'au moins deux des fléaux qui ont ravagé nos terres. J'aurai sans doute profiter avec vous de l'étendue de votre influence mais cet homme... Il était mien. ». Les traits de la Dame Rouge étaient durs. « Il m'a défiée pour vous sauver. Il a retourné le temps et cela l'a perdu également. Vous faites comme si vous ne le saviez pas. Vous continuez à copuler avec ce rustre sans cervelle alors que le plus merveilleux des hommes à tout sacrifier pour vous. Cette attitude me dégoûte. Il n'a jamais été bienveillant, les Génies ne le sont guère, mais il vous faisait toucher le Beau. Avouez qu'à présent le Monde vous blase. Plus rien n'a le pouvoir de vous émerveiller parce que vous vous êtes trompée de chemin. La perte de Naram-Sin est tel un poison qui me ronge un peu plus chaque jour. Il était mon meilleur ennemi, un homme avec une prestance remarquable et une manière de faire qui le rendait unique. ». Elle en devait presque hargneuse. « Sa disparition est entièrement de votre faute et quand bien même vous partagez mon sang, quand bien même vous êtes une Æther, je me suis jurée de vous faire payer cet affront. Vos actes démesurés et irréfléchis vous ont conduit vous même à ce stade de votre existence où le Monde vous blase parce que vous avez enlevé la lune qui savait illuminer votre regard. Tout ce que je vous souhaite, c'est de finir telle une gueuse dans une maison de passe douteuse. ». Drejtësi resta muette un instant puis murmura. « Naram-Sin règne sur les Djinns actuellement. Votre comportement présent ressemble à celui d'une folle hystérique. Je serai vous, je ferai attention à vos dires, je ne suis pas si magnanime. ». « Allons bon. À d'autres. C'est par mes souhaits qu'il est devenu ce qu'il est. Je saurai le reconnaître entre mille. Et vous aussi. ». Elle rit brièvement, mauvaise. « La vérité c'est que vous n'avez aucune idée d'où il se trouve, s'il se trouve encore quelque part. Et cela vous ronge, petit à petit, comme cela me détruit également. ». Elle se racla la gorge puis passa à un tout autre sujet comme si de rien n'était. « Quoi qu'il en soit, si je cherche ce livre, c'est uniquement pour Edwina. Je sais qu'il servira vos intérêts d'une façon ou d'une autre mais si votre objectif est de lui faire du mal, je pense que vous et moi aurons plus d'une affaire à régler. Corrompue ou non, Déesse ou non, je trouverai un moyen de vous blesser mortellement. ». « Je n'en doute pas. » fit-elle. « Vous devriez aller voir le notaire qui vit à deux rues d'ici. Il sait où se trouve l’œuvre. Quant à l'Ultimage, loin de moi le désir de lui faire quoi que ce soit de néfaste. Elle est sa sœur. Je souhaite, au contraire, l'aider. ».

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