Je le regardais prendre sur elle-même, tentant tant bien que mal de ravaler ses sanglots, se donner un semblant de force et de dignité. Il lui fallut une bonne minute environ pour y parvenir, lui laissant le temps pour se remettre d’attaque en conservant le silence. Rose-Alysse vint ensuite élire domicile sur mon épaule, lui offrant un panorama large de ce qui nous entourait. Cependant, déjà mon esprit était occupé ailleurs, modelant de mes mains l’eau que je fais sortir des jarres et vases bordant  le couloir où nous nous trouvions. Quand la Fae le questionna sur ce dont il s’agissait, je fus étonné tant la réponse me semblait évidente.

- Hé bien de l’eau oui, que met-on dans les vases, si ce n’est de l’eau ? Par contre, la question de savoir pourquoi est bien plus intéressante. Je vais faire d’une pierre deux coups, mais tu verras bien. Je laissais en suspend mon explication, me contentant d’un sourire énigmatique.

Il fallait avant tout trouver la Gouvernante et à défaut de la trouver elle, ses collègues pourraient nous aiguiller. Je laissais la Fae nous diriger, vu qu’elle habitait ici apparemment, mais à chaque intersection j’ai droit à un chapelet d’onomatopées d’hésitation. Avançant d’un pas pour finalement m’arrêter, recommençant pour obtenir le même résultat la seconde d’après, je stoppais net et la regardais en dévissant presque ma tête pour l’avoir dans mon champ de vision.

- Euh, tu te décides ? Ne me dis pas que c’est le premier jour où tu vis ici tout de même, ni que la maison est si grande qu’on peut s’y perdre à chaque carrefour ? Elle hésitait toujours, avant de réaliser que la perspective qu’elle avait des choses à pareille hauteur faussait son sens de l’orientation. La petite Fae descendit alors en rappel sur mes habits, jouant l’équilibriste et l’acrobate jusqu’à atterrir sur mes chausses et le sol.

- Et tu oses dire que c’est difficile d’être grand, quand on voit les efforts que tu as dû déployer juste pour …. arriver au sol ? La Fae s’éloignait déjà pour que je la perde de vue sous une table, et je me demandais si elle allait un jour revenir ou me laisser en plan ici. Très rapidement, sa frimousse réapparut, accompagné de grands signes de mains. Gardant alors une distance de sécurité élémentaire pour éviter une crêpe de Fae goût semelle, je focalisais toute mon attention sur la demoiselle pour ne pas la perdre de vue, donnant l’air aux autres « Géants » d’un attardé qui fixait d’un air concentré le sol devant lui comme s’il venait de trouver un fabuleux trésor juste devant son nez. A chaque fois qu’elle se retournait vers lui pour vérifier ne pas m’avoir semé, j’opinais simplement de la tête pour lui faire comprendre qu’elle avait toute mon attention.

Après plusieurs embranchements – était-ce par contre le chemin le plus court ? – l’odeur sucrée du miel se fit de plus en plus persistante à nos narines, et nous débouchâmes dans un couloir plus mince, probablement réservé aux gens du service pour ne pas se montrer à la vue des riches invités, avec au bout l'accès par un escalier au sous-sol. Visiblement les petites mains étaient à pied d'oeuvre, et Rose-Alysse me fit comprendre qu'il nous fallait descendre pour atteindre notre but. Plutôt que de me laisser la porter, elle se mit à l'escalade en descendant bon an mal an la marche. Des voix retentirent en contrebas et je décidai de tenter quelque chose que je n'avais pas du tout l'habitude de faire.

Alors que la Fae était devant moi, je changeai légèrement d'apparence, modifiant mes habits pour les rendre plus distingués, tout comme ma chevelure devenait coiffé, soigneusement entretenu et mon visage plus .... -aurais-je un jour pu me qualifier de la sorte ? - charmeur. Inspirant un grand coup, je descendis à mon tour d'un pas assuré, percevant le fil de la discussion que je prenais au vol. Visiblement, le sujet tournait autour des hommes, je comptais bien en profiter. Il me suffisait de calquer ce que j'avais pu entendre ici et là, et espérer qu'elles y soient sensibles.

Je n'imaginais pas qu'un sous sol puisse être aussi grand, et à vue de nez, devait facilement égaler la surface du rez-de-chaussée. Une véritable fourmilière grouillait ici, et chacun semblait avoir sa place et son rôle à jouer. Cela ne les empêchait pas pour autant de discuter tout en s'affairant aux tâches ménagères.

- Bonjour Mesdames, fis-je d'une voix qui se voulut plus grave sans même que je m'en rende compte. Il semblerait que je me sois perdu. Cela étant, je ne pouvais tomber mieux ! finis-je en guise de présentation, un fin sourire se dessinant sur mon visage.

L'une des servantes, probablement surprise d'entendre une voix étrangère ici, fit tomber l'assiette qu'elle tenait dans ses mains, la faisant se briser au sol tout en me fixant. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit.
La gouvernante, plus expérimentée ou moins sujette à ce genre d'émotions, me demanda poliment :

- Cet endroit est réservé aux gens de maison, messire, il n'est pas fait pour quelqu'un de votre statut.

Visiblement, j'avais peut-être un peu trop forcé sur mon changement d'apparence pour qu'elle me considère comme un noble. Yulenka en rirait probablement si elle assistait à la scène. Je ne me départis pas de mon sourire, puis enchaînait, l'air un peu désolé.

- Hé bien comment dire, je suis là pour deux choses à dire vrai. La première pour vous prévenir d'un souci au premier étage. Je laissais un temps de silence, attaquant d'un ton las, presque une supplication feintée. La deuxième, parce que je crains fort vous déranger tant j'ai désespérément besoin de votre aide.

Je fermais les yeux un instant, la tête penchée vers le sol, avant de les regarder de nouveau. Ces pièces de théâtre avaient finalement un intérêt, car j'avais capté leur attention.

- Quel problème ?... Et quelle aide ?...

Les deux sont situés au même endroit. Il semblerait que des gens moins soucieux de votre travail aient inondé la bibliothèque, à voir la mare d'eau se trouvant au niveau de la porte. Ils sont quatre, nous les avions quittés un peu avant. Je requiers votre aide car comme vous le savez, je recherche un livre volé, et je sais que vu l'excellence de votre travail, vous pourriez peut-être remarquer un élément inhabituel qui m'aiderait dans ma recherche.

Pour enfoncer un peu plus le clou, je finis par évoquer deux choses à l'apparence banale mais qui ne l'étaient pas.

- Il me faut une part de ce gâteau par contre, son odeur a hanté mon chemin jusqu'à m'emmener ici ! Soyez certains que votre aide ne manquera pas d'être .... "évoqué" à la maîtresse des lieux.

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