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 Ces histoires, que l'on conte, sont vraies |Solo - Part IV

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Jeu 25 Aoû 2016, 19:57


D’un geste doux et léger, elle démêlait du bout des doigts les boucles rousses de sa longue chevelure, encore humide. Les mèches retombaient lourdement sur la peau nue de son dos, une à une. La soie blanche de sa robe était trempée. D’un regard songeur, elle contemplait la surface brillante du grand lac d’où elle sortait à peine. La journée était belle, comme toujours sur les landes ensoleillées d’Emeraude. Le moment paraissait idéal pour flâner. Allongée près du rivage au beau milieu des fleurs des champs, elle aurait offert à des yeux étrangers un spectacle touchant, celui d’une ravissante inconnue à qui le premier venu n’aurait pu s’empêcher de faire la cour. Elle méritait qu’on se plie en quatre pour qu’elle, que les Rois incendient leur Royaume et que les nobles dilapident leur richesse, ne serait-ce que pour passer quelques minutes avec elle. C’était du moins l’impression qu’il avait. Le villageois avait fait une longue marche. Il lui tardait de rentrer chez lui et de retrouver sa mère. Cette hâte s’était éteinte à l’instant même où il avait posé les yeux sur elle. Il n’était plus qu’animé par un seul désir : la rencontrer. Il s’était arrêté sans même s’en rendre, stupéfait par ce qu’il voyait. Lentement, il laissa glisser son épais sac de voyage le long de son épaule, avant de s’élancer vers elle. « Est-ce que vous êtes perdue ? » s’empressa-t-il de lui demander, avec un soupçon de précipitation dans son rythme. Elle leva ses mires vertes sur lui et sourit. « Non. » Elle avait une si jolie voix. Il fit en sorte de réfléchir un instant, bien que la tâche soit rude. Cela faisait longtemps qu’il n’était pas revenu au village. Peut-être était-elle nouvelle, là-bas ? Il aurait adoré l’avoir pour voisine. Pourtant, elle dégageait un prestige qui l’incitait à croire qu’elle n’était guère de la région. « Est-ce que … vous êtes de passage, dans les parages ? » Il ne voulait pas s’en aller et cherchait tous les sujets de conversation possible. « Oui. J’avais une entrevue, ce matin même, avec le Vieux Halasar. » Il hocha la tête. Il le connaissait. C’était un artisan aussi habile que talentueux, capable de réaliser des merveilles avec ses mains usées. Il avait été demandé par bien des Souverains. Il avait toujours refusé. Il préférait la vie simple des petits bourgs de campagne et se contentait de réaliser les commandes de ceux qui avaient assez de courage pour venir au pas de sa porte. « Vous … » Il manquait de mot. Elle lui rappelait tant cette femme dont on lui avait parlé, souvent. Passée plusieurs fois dans les Terres, elle avait acquis une sacrée réputation à force de faire preuve d’une magie surprenante, le tout avec un sourire envoutant. Et si … ? « C’est vous, n’est-ce pas ? Vous êtes … l’Enchanteresse ? » Elle ne répondit pas, se leva doucement. « Vous êtes aussi du village du Vieux Halasar ? » s’enquit-t-elle tout bas. « Je … Oui. Pourquoi ? » Il bredouillait, les joues rouges. « Je suis adepte de la perfection numéraire. Je ne supportais pas l’idée de m’arrêter à un nombre pareil … Grâce à vous, le chiffre va devenir rond. » Il se gratta la gorge, mal à l’aise. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qu’elle racontait. Son trouble était visible et la Sirène pencha la tête sur le côté dans un soupir de compassion. « Vous n'êtes pas quelqu’un de très observateur, mon garçon. » le sermonna-t-elle, toujours aussi souriante. « C’est navrant d’être aussi distrait par la simple présence d’une femme. » - « Vous n’êtes pas n’importe qui. » répondit-il assez brusquement. Elle posa sa main sur sa joue. « Vous êtes gentil mais vous auriez mieux fait de voir. » Ses iris se mirent à vagabonder de droite à gauche, sans savoir ce qu’elles devaient chercher. Elles glissèrent de longues secondes sur le paysage, sans trouver quoi que ce soit d’intéressant. « Plus bas. » murmura-t-elle avec moquerie. Il finit par jeter un coup d’œil au lac, à ce qu’il y avait dedans. Il ne put que se figer, se glacer dans une expression tordue d’effroi et d’incompréhension. « Bah alors ? On ne dit même pas bonjour à sa chère petite maman qu’on n’a pas vu depuis si longtemps ? Elle vous a vraiment mal élevé. » Il ne l’entendait plus. Il pouvait seulement contempler la scène, ce tableau sur lequel il n’y avait aucun mot à mettre. Ils étaient tous là. Les autres villageois. Ils se balançaient lentement au bout d’une corde qui les empêchaient de flotter à la surface du lac, retenue par des poids qui avaient été jeté tout au fond du point d’eau. Ils avaient le teint livide et leurs cheveux ondulaient près de leur visage tuméfié. Quelques filets de sang s’échappaient, de ci et là. Ils avaient été massacrés. Ils étaient tous morts. « Est-ce que vous allez … » La phrase était difficile à dire. Le jeune homme avait la gorge serrée et peina à avaler sa salive. Vanille s’écarta d’un pas. Il la suivit dans son mouvement, pour être face à elle. Il ne pouvait pas la quitter des yeux. Il ne le devait pas. « Mon pauvre enfant. C’est fait depuis quelques minutes, déjà. » Face à son désarroi, elle lui expliqua sans ouvrir les lèvres, en déposant sa petite main blanche sur ses joues roses. « Je suis une femme faite de poison, paraît-il. » Il tomba à la renverse et plongea dans l’onde froide, les yeux écarquillés. Il était paralysé et pouvait à peine bouger les bras. Il savait ce qui l’attendait. Il allait se noyer, et finir attaché, comme les autres. Pourquoi ? Pourquoi ! Il n’aurait sans doute jamais de réponse à cette question. La vérité ne lui aurait certainement pas plu. Vanille avait simplement été contrariée. Il ne fallait pas offenser une femme telle qu’elle. Elle n’hésitait jamais à agir et réagir, surtout si elle pouvait laisser une marque de son passage à la douce Vénus dans le même temps. Dame Araé avait cru qu’on pouvait négocier avec la Khæleesi, qu’on pouvait l’offenser et sans sortir à moindre frais. La mémoire de l’Ange des Abysses était infaillible et elle s’arrangeait toujours pour payer ses dettes.

Une silhouette glissait sur l’horizon flamboyante, comme la menace d’une réplique à venir. Il avait beau être loin, sa stature se reconnaissait entre mille et présageait d’une carrure sans précédent. Néanmoins, le Golem n’avait pas la possibilité de quitter les frontières des bois et se cantonnaient à faire acte de présence, dans l’espoir que sa proie se rapproche et soit à portée. Vanille observait le Marcheur, un léger sourire aux lèvres. Il ne pouvait rien contre elle. Dame Araé avait commis une erreur en restreignant le champ d’action de ses Monstres. Elle allait le regretter, plus d’une fois. La Sirène devait profiter de cette faille pour agir à sa guise. Bientôt, la situation allait évoluer et ils iront où ils le désiraient. Avant que cela n’arrive, elle avait de grandes choses à accomplir. Rêveuse, elle baissa ses orbes pâles sur la bague qui ornait à présent son doigt. Tout était prêt. « Depuis combien de temps m’épies-tu, Karael ? » finit-elle par articuler, sans bouger d’un cil. « Tu sais bien que je ne suis jamais loin de toi. » Il s’était glissé près d’elle. « Je continue à m’assurer que tu seras une novice idéale. » - « Parce que tu n’en aies pas encore certain ? Voilà qui est terriblement humiliant.» Elle ne le semblait pas le moins du monde. « Tu repousses sans cesse le moment. Je m’interroge sur tes volontés et tes motivations. » - « Je te l’ai déjà dit : ce n’est pas l’heure. » - « Quand seras-tu prête ? » - « Je pense que tu t’en rendras compte par toi-même. » Il traça de larges cercles autour de la Sirène. « Je me lasse de te poursuivre. Lorsque tu auras décidé de nous rejoindre, il faudra te débrouiller. » - « Je ne comptais pas me reposer sur toi pour ma réussite. » Il eut un sourire froid. « Je n’ai jamais été aussi loin pour recruter un nouveau membre. Tu aurais dû te sentir honorée par mon implication. » - « J’ose espérer que tu ne couches pas avec toutes les femmes que tu cherches à embrigader, en effet. » Il se braqua, agacé par la remarque. « J’ai commis une erreur. » - « Au bout de la six ou septième fois, je ne pense pas qu’on puisse encore parler d’erreur. » Il prit un air mesquin. « Tu étais plutôt docile. » - « Et toi, occupé. Tu as un esprit qui regorge d’informations. » - « Que … Vanille, qu’est-ce que tu … » Elle le coupa : « Pars, Karael. Adraha entendra parler de moi bien assez tôt. » Il hésita. « Tu … » - « Oui, je sais. Si tu tiens vraiment à te rendre utile, demande à ton Roi de venir me voir. J’en ai assez de discuter avec un sous-fifre. » Il dissimula tant bien que mal son ressentiment. « Le Pendragon est un homme très pris. » - « Il trouvera bien quelques instants à accorder à une Reine. Je veux le voir. Ce que j’ai à lui proposer pourrait l’intéresser. » - « Une alliance ? » - « Une entente. Mon offre devait le ravir. Sois un bon chien, et sois l’homme qui lui porte la bonne nouvelle » Une main levée, il s’approcha. « Tu devrais faire attention à tes paroles, Vanille. » - « Et toi, à ton attitude. Tu ne t’adresses pas à une petite fille égarée que tu peux impressionner avec tes Dragons et tes promesses. Je me suis trouvée assez miséricordieuse dans ma façon de t’accueillir. » - « Pour me soutirer des renseignements sur les miens, à ce que je viens de comprendre. » - « Que croyais-tu ? » Elle commença à s’éloigner. La conversation était stérile et cela ne l’intéressait pas. « Je suis la Khæleesi. » Elle se retourna un instant vers lui, les bras écartés. « Et vous ne le savez pas encore mais je vais tous vous tuer. » Elle lui esquissa un au revoir avant de reprendre sa route. Les préparatifs touchaient à leur fin. Bientôt, tout allait débuter. Les vagues commençaient déjà à se déchaîner sur les côtes et le ciel grondait. On lui avait chuchoté à l’oreille que ses créatures étaient prêtes et qu’elle allait pouvoir semer la mort, partout où elle passerait. Cela serait des temps difficiles, pour certains. Vanille allait beaucoup s’amuser. Feindre l’ignorance et l’innocence allait être un jeu très divertissant. Voir les Monarques se rejeter la faute et chercher le coupable serait une vraie pièce de théâtre. Ce serait un vrai bain de sang, et Vanille s’en fichait.

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Sam 27 Aoû 2016, 00:56


« Il est inutile de vous débattre, ma chère. Je crains d’avoir été sévère vis-à-vis de votre sort. » La Khæleesi n’accordait pas le moindre regard à la vieille cage de fer et de bois. En quelques gestes élégants, elle prépara une théière et se servit un peu de la boisson chaude et parfumée, à l’eau encore frémissante. Elle prit doucement la soucoupe et la tasse entre ses longs doigts blancs. « Il faut dire que vos agissements n’ont pas aidé à raviver ma clémence. » Songeuse, elle but une gorgée de thé. « Vous vous attendiez sûrement à une réplique de ma part. Comment avez-vous réagi en apprenant que j’étais encore plus puissante et incontrôlable qu’autrefois ? Vous deviez faire pâle figure et craindre votre ombre. » Elle fit mine de réfléchir puis haussa les épaules. « J’imagine votre soulagement en ne me voyant pas venir. Avez-vous pensé que j’avais oublié ? Pardonné, peut-être ? » Elle eut un léger rire, froid et cruel. « Comme si j’en étais capable. Il n’est guère dans mes habitudes d’excuser, encore moins d’omettre le nom et le visage d’un individu ayant cherché à causer ma perte. Vous en étiez pourtant consciente, lorsque vous avez décidé de m’arracher mes forces en supposant que je n’arriverais pas à les retrouver. Cependant, j’admire votre audace. Qui plus est, vous aviez bien choisi votre moment. Ma magie n’avait pas atteint des sommets. Vous aviez une chance et avez tenté les diables. Le pari a été réussi. Plutôt, il l’était jusqu’à ce que j’atteigne le point culminant de mon potentiel. J’ai un sale caractère : vous l’avez toujours dit. Vous auriez dû vous méfier. » Elle marqua une pause. « Aujourd’hui, je me rends compte à quel point vous êtes faible et minable. Je ressens une pointe de dégout à l’idée d’avoir été abusée par une créature telle que vous. Etiez-vous si pathétique, à l’époque ? Je ne conçois pas que vous ayez pu parvenir à vos fins. C’est impossible. » Elle avait fini son breuvage et posa la porcelaine sur une petite table basse. « Du moins, pas seule. » Les mains sur les genoux, elle finit par poser ses grands yeux verts sur son interlocutrice, vacillante face aux mires perçantes de son bourreau. « Qui était votre complice, ma chère ? Quelle bonne âme a pu vous aider dans cette quête visant à m’anéantir ? » Malgré son effroi, la proie ne comptait pas abandonner les armes et tâchait de garder la tête haute. Dans un trait d’insolence, elle répondit : « Tu as toujours été une menace, Vanille. Même Marilyne redoutait tes excès. Il fallait t’arrêter. Je ne regrette rien et peux me consoler dans l’idée d’avoir donné un répit à ce monde. » - « Je suis sûre que les Terres du Yin et du Yang vous remercie de cette initiative. Pouvez-vous réellement vous prévaloir du savoir de celle que j’aurai été, sans votre intervention ? Je ne le crois pas. Ce que je peux vous affirmer, c’est que votre geste ne les aura pas aidés. Toutefois, vous n’avez pas répondu à ma question. Votre complice ? » - « Tu as de nombreux ennemis. Je te laisse fouiller parmi les centaines de noms de la liste. » - « Ils ne sont rien d’autre que de la vermine sans envergure, incapables de me contredire. » - « Tous ne sont pas aussi médiocres. Tu es trop hautaine et arrogante. » - « Mais ils manquent cruellement de courage. Son nom. » - « Tue-moi, Vanille. Tu en meurs d’envie et tu dois savoir que je ne te dirai rien. » - « Vous tuez … ? Ma chère … Vous êtes une femme de la famille Deslyce. Vous méritez un sort autrement plus marquant et spectaculaire. La mort sera votre cadeau, la délivrance qui achève un long tunnel d’incompréhension. J’ai tout mon temps. En théorie, du moins. » - « Que veux-tu dire ? » L’Ange des Abysses se mit à sourire, tout en passant les mains dans ses boucles de cuivre. « Je dispose de certains talents qui pourront m’aider à vous arracher la vérité. » - « J’ai toujours cru que tu étais une Liseuse. Mes pensées te seront inatteignables. Je m’étais préparé à cette hypothèse. » - « Bien entendu mais … Ma chère, vous êtes si faible ! » soupira-t-elle, comme prise de compassion. « Quelques secondes me suffiront à briser vos résistances et à flirter avec votre esprit belliqueux. Néanmoins … Je n’avais pas vraiment comme objectif de pénétrer vos pensées. »

Vanille quitta le confort de la méridienne et s’approcha de la cage où sa captive était retenue. Un charmant sourire aux lèvres, elle se mit à la jauger. « Ne t’approche pas de moi, catin. Je sais qui tu es. Je sais ce que tu es, au fond de toi. Finalement, tu n’es qu’une femme de petite vertu qui se complait dans les draps des hommes. Combien sont-ils à t’être passé sur le corps ? As-tu un registre, comme pour tes ennemis ? Je serai curieuse de voir la liste. Elle doit être remplie d’immondice et je sais que le nom de ton frère apparaîtra. » Elle fut presque étonnée de ne pas avoir été interrompue par la Dame des Abysses, qui l’avait écoutée sans broncher ni ciller. « Connaissez-vous Ser Perry dit « L’Ornithorynque ? » L’intéressée écarquilla les yeux, déconcertée par une interrogation qu’elle n’avait pas vu arriver. Bien loin d’être touchée par ce désarroi, Vanille enchaîna : « Il était un vieux philosophe du Rocher, l’un de ses hommes-animaux qui cherchaient à s’élever au-dessus de la condition brutale et sauvage de sa race. Il était moqué pour son Totem et rabaissé par ses pairs. Dans son autobiographie, il a écrit : Peu m’importe les railleries de ces gens qui se gaussent de mes incohérences, qu’elles sont physiques ou psychiques. Je suis un être complexe fait de contradictions, dessiné par la Plume des Dieux, à l’instar de vous. Je suppose que c’est aussi eux qui ont voulu que je devienne celui qu’on disait que j’étais, allant jusqu’à empoisonner l’eau des puits pour observer d’illustres inconnus mourir dans une lente agonie. Souvenez. Souvenez-nous de la Lune pâle et froide de cette nuit-là, le jour où vous avez façonné votre propre fin. » Elle battit des cils : « Je ne comprends pas. » Vanille se pencha lentement près d’elle. « Cela signifie, pétasse, que j’ai Le Don et que je vais me délecter de t’entendre crier. » La Deslyce n’eut pas le temps de rétorquer ou de s’échapper. Il ne fallut pas plus d’une seconde pour que la main de Vanille soit sur sa gorge et peu à peu, elle la privait de tout ce qu’elle était, de tout ce qu’elle possédait. La Sirène n’eut aucun mal à lui arracher le souvenir de cet homme qui avait mis au point, il y des siècles de ça, un stratagème pour la piège. Elle sourit. Elle avait ce qu’elle voulait. Néanmoins, elle continuait à absorber l’essence de sa victime, qui hurlait. La martyre pouvait s’époumoner autant qu’elle le désirait. Personne n’entendrait ses plaintes, là où elles étaient. Vanille la contempla de longues secondes tandis qu’elle s’effondrait. Le spectacle était délectable. Il dut cependant prendre fin. Le souffle court, la proie tâchait de reprendre ses esprits, le corps tremblant. « Douloureux, n’est-il pas ? » Vanille recula d’un pas. « J’ignorais que tu avais de la famille. » Elle leva la main et secoua l’index. « On essaie d’avoir des secrets pour moi, à ce que je vois. J’irai leur rendre une petite visite de courtoisie. Après tout, nous sommes du même sang et j'adore le faire couler. » Des pas lourds retentissaient. Quelqu’un approchait et le son de ses chaussures frappant le sol avait des airs de glas. Il ne tarda pas à faire son apparition. Le Patron se glissa auprès de la Khæleesi, sans se priver d’une main sur ses hanches. « Je ne prendrai même pas la peine de vous le présenter. Après tout, il n’est qu’un des hommes qui me passent sur le corps. Vous allez néanmoins avoir une relation privilégiée avec celui-ci. Je lui ai offert de vous utiliser à sa guise, pourvu qu’il vous garde pour mes visites. Je vais vous laisser récupérer un peu, puis j’utiliserai encore le Don sur vous. Et ainsi de suite. Entre temps, vous travaillez pour Monsieur. Ses affaires sont florissantes et il manque de chair fraiche. A la bonne heure. » Elle n’avait même pas la force de rétorquer et se bornait à poignarder du regard son bourreau. D’excellente humeur, Vanille se mit sur la pointe des pieds pour arracher un baiser violent à son amant. « A toute à l’heure. » lui susurra-t-elle. « A mieux considérer la question, je porterai la robe à son enterrement à elle. » Il était primordial d’être bien habillé pour jeter un cadavre entre les pattes de Dragons. « Je compte sur vous pour m’offrir une nouvelle toilette d’autant plus resplendissante, pour votre enterrement à vous. » Il la serra contre lui, pris de désirs ardents. « Compte sur moi, gamine. » - « Amusez-vous bien. Je vous laisse. Vos prochains clients arrivent. » Elle tourna la tête vers la jeune femme. « Des clients pour vous, ma chère. » Dans un rire, elle tourna les talons et claqua la porte.

« N’hésitez surtout pas à lui infliger les pires contrats. » murmura Vanille, allongée en travers d’un lit, alors que le Patron entrait dans la chambre. « C’était prévu, ma princesse. Les clients paient bien, pour ce genre de choses. Vous êtes plutôt bien roulées, dans la famille. Si tu en as d’autres à me vendre, toi non plus n’hésite pas. » - « Je prends note. » Il était toujours bon de savoir qu’un homme aussi fou et puissant que lui avait besoin d’autres filles, encore et toujours. Il ne les laisserait jamais partir : c’était un moyen ravissant de prolonger un calvaire sans avoir à s’en préoccuper. « Je suis … surpris que tu sois venu me voir. » - « Dites plutôt que vous êtes enchanté que je vous préfère à votre frère pour quelque chose. » - « Je suis meilleur que lui sur tous les tableaux. » - « Je ne suis pas là pour comparer. » - « Réellement ? J’avais l’impression que c’était pourtant ce que tu faisais, gamine. » Sa ceinture était déjà au sol. « En réalité, je m’en fous. » - « La présence de votre frère dans l’équation me rend plus désirable à vos yeux, je le sais. » - « Tout comme le fait que je sois son frère t’incite à me sauter dessus à la première occasion. » Il sourit en passant ses doigts autour de ses joues, remontant dans ses cheveux. « On est vraiment des pourris. » Elle fit une légère moue. Ce genre de choses ne l’intéressaient pas. Elle vivait comme elle l’entendait et personne n’avait son mot à dire. Elle était certaine que le Professeur savait ce qu’elle faisait. Elle n’en avait juste pas encore entendu parler. Elle pressentait que le moment allait arriver. Le Maître du Temps n’était pas quelqu’un de bien. Il ne contiendrait pas sa rage indéfiniment. Le Patron prit le visage de la Sirène brusquement. « Arrête de penser à lui. »  

1 880 mots - Post II/IV
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Mar 06 Sep 2016, 20:05


Des pas lourds et rythmés raisonnaient dans les interminables couloirs du Palais. Les Soldats de la Garde de la Cité Engloutie avançaient d’une démarche sévère et escortaient un homme jusqu’à la salle du trône. Gabriel épiait les alentours, pris d’un certain malaise à l’égard de ses sinistres accompagnateurs. Il appréhendait le moment, pour ne pas le comprendre. A plusieurs reprises, il avait tenté d’interroger les membres de l’Armée mais ils n’avaient pas daigné répondre à ses questions. La gorge serrée, il observa les portes ouvragées qui s’ouvraient lentement. Il fut presque poussé dans l’enceinte du hall. Interloqué et agacé, il releva les yeux sur la Reine. La Dame des Abysses avait fière allure dans le décor luxueux de la Grande Salle. Les voiles et la soie de sa robe rouge glissaient le long des immenses escaliers qui menaient au trône. Impassible, elle ne s’encombrait ni de sourire ni salutation. Ses grands yeux clairs étaient posés sur le Déchu, qu’elle dévisageait avec dédain et mépris. « Qu’est-ce que … ? Vanille, que se passe-t-il ? » Une lance s’abattit sur ses jambes et il s’accroupit, le souffle court. « Vous êtes prié de vous adresser à sa Majesté avec respect et hommage. » La Sirène croisa doucement les mains sur ses genoux. « Merci. Cela sera tout. » murmura-t-elle d’une voix tendre et douce. Les Gardes s’inclinèrent avant de reculer et de quitter la pièce. Ils étaient seuls, à présent. « Vanille … » commença-t-il en s’approchant d’un pas, les mains tendues. Elle ne cilla pas mais Gabriel interrompit son mouvement, l’oreille attirée par les grondements sourds qui venaient de s’élever. Les Dragons de la Khæleesi sortirent de la pénombre et l’entourèrent, la gueule grinçante et le regard avide. L’Ange Noir s’éloigna, surpris par la taille massive de certaines des bêtes. « Je ne comprends pas. » souffla-t-il, anxieux et impatient. « Réellement ? » chantonna-t-elle d’un ton léger. « Qu’est-ce qui te prend ? Je n’ai pas pour habitude d’être traité comme un criminel, pas ici, pas par toi. » - « Navrée d’être oiseau de mauvais augure, mais je te conseille de prendre goût à ce traitement. » - « Pourquoi ? Vanille, j’ai toujours … » Elle l’incita à se taire d’un geste de la main. Le silence s’installa pour quelques secondes, avant que la jeune femme ne se mette à rire. « Explique-moi. » - « Pardon … ? » - « Comment as-tu pu me dissimuler ta traitrise depuis si longtemps ? Il n’est pas aisé de me berner mais tu as réussi à cacher ta perfidie avec un certain brio. » Il avait arrêté de respirer l’espace d’un instant, figé d’effroi. « Vanille … » - « C’est tellement touchant. Tu as fait tout ça par amour, n’est-ce pas ? Je suppose que tu as appris à protéger ton esprit et tu n’as pas éveillé mes soupçons en te cantonnant à m’exclure que de quelques pensées. Plutôt astucieux. Qui t'a enseigné ?» - « Vanille, je … » - « Tu n’as jamais pu te contenter de ce que tu avais. Cela ne te suffisait donc pas ? N’étais-tu pas satisfait de ces nuits que nous passions ensemble ? Tu as gâché tes propres chances. Tu n’auras plus rien. » - « Comment as-tu su ? Comment va … » - « Pas très bien, mon cher Gabriel. Elle est soumise à diverses préoccupations qui l’empêcheront sans doute de s’inquiéter de ton sort. Bientôt, tu seras dans la même optique. » - « Vanille … » - « Tu m’es sûrement dévoué, Gabriel. Tu as toujours été un homme de main appliqué. Cependant … » Elle pencha la tête sur le côté. « Je ne peux décemment plus travailler avec toi. » Elle soupira, feignant l’ennui. « Je suis une personne rancunière. Tu le savais, pourtant. » Elle tourna légèrement la tête vers ses Monstres, le temps de chuchoter le nom de l’un d’eux. « Deimos. » Il avait été le premier de ses Dragons. Il était aussi l’Alpha, celui qui faisait preuve de la plus grande cruauté dans la meute. Revêche et carnassier, il avait aussi la carrure la plus imposante. Il n’eut pas à faire grand-chose pour rejoindre sa proie, qu’il plaqua au sol d’un coup de patte. « Ne t’époumone pas en hurlement. » lui recommanda la Dame, le timbre laissant entendre qu’elle prodiguait de précieux conseils à un proche, en toute amitié. « Il ne va pas te tuer. » ajouta-t-elle dans un sourire. Elle n’avait pas menti. Il ne fit que lui arracher les ailes, non sans lui mutiler le dos au passage. Si l’Ange des Abysses n’avait pas dans l’idée d’arracher la vie à son amant, elle ne s’était pas promis de le converser entier et bien portant. Peu lui importait qu’il finisse infirme. Il ne lui servait plus à rien. « Je ne t’inflige pas de telles supplices par désirs passagers ou caprices, mon pauvre Gabriel. » ajouta-t-elle tandis que Deimos lui broyait lentement les plumes. Il ne devait pas l’entendre mais elle s’en fichait éperdument. « Ta démission laisse un poste, qui m’est cher à cœur, vaquant. Crois-moi, il ne sera pas aisé de te trouver un remplaçant. Tu m’as prouvé que les hommes d’honneur étaient plutôt difficiles à dénicher mais je prendrais grand soin à sélectionner un individu capable de satisfaire à tous les impératifs de la tâche. » Elle fit mine de réfléchir, ignorant les plaintes. « Tu vas me manquer. Tu étais un excellent amant. » Deux Gardes apparurent. « Quel dommage. » articula-t-elle en se relevant. Elle sourit une dernière fois avant de tourner les talons.

« Je suis à votre service depuis de nombreuses années, Lady. » remarqua Nikolaï. Il avait emboité le pas à la Reine. Les bras croisés, il la suivait. « Vous venez d’avoir une promotion. » - « C’était déjà le cas. » - « Officieusement. Cette fois-ci, c’est officiel. Félicitations. Profitez bien de vos nouvelles prérogatives.» Le Démon ne s’attarda pas à la questionner davantage. Il n’en avait que faire. Son rival était tombé en disgrâce et il allait récolter des primes et du salaire. « Ne me décevez pas. » La menace était évidente. Nikolaï bomba le torse. Il était conscient qu’un autre risquait de prendre la place qu’il laissait libre. C’était le jeu. Un tantinet rêveuse, la Khæleesi se dirigea vers ses appartements privés où elle invita son homme de main à entrer, lui présentant quelques membres de sa famille dont il aurait la charge. La sirène connaissait le Diable depuis plusieurs décennies déjà. Il était entré à son service suite à la démission de son prédécesseur, qui n’avait su remplir toutes les exigences liées au poste. Vanille s’était toujours montrée méfiante à l’égard de Gabriel. Comment aurait-elle pu lui accorder sa confiance ? Il avait toujours été un amant encombrant et elle avait rapidement remarqué les changements de son esprit, lorsqu’il lui ferma la porte à certaines pensées. Sans se douter de l’ampleur de la mascarade, elle avait mis en place certaines mesures afin de s’assurer une tranquillité, jusqu’au jour où elle aurait levé le voile sur le mystère de l’Ange Noir. Voilà qui était chose faite, à présent. Dans un soupir, la jeune femme scruta la jeune Cælys, qui minaudait en toute innocence face au Démon. Il ne la repoussait que par décence, conscient qu’il était inutile de chercher à cacher quoi que ce soit à son employeuse. Ils se fréquentaient depuis quelques mois déjà, une relation qui n’avait rien à voir avec une question de sentiment. Cela ne dérangeait pas la Dame des Abysses. Ce n’était ni ses affaires ni son problème. Elle eut tôt fait de s’enfermer dans sa chambre, peu désireuse qu’on la dérange. Malheureusement, il semblerait que ses amants se relaient dans leur activité favorite : la contrarier. « Cole. » lâcha-t-elle dans un murmure en voyant le Maître du Temps, assis dans un fauteuil à siroter un verre qu’il s’était permis de se servir. « Vanille. » Les tensions étaient palpables. « Que veux-tu ? » - « Tu oses poser la question. » - « Je suppose que ton chemin a croisé celui de ton frère, récemment. » - « Bien évidemment. Il a même mis tout en œuvre pour me retrouver et m’interpeller, afin de fanfaronner devant moi avec ses nouvelles triomphantes. » - « Je constate que cela te déplait. » Il eut un rire sec. « Oui, en effet. Je ne m’attendais pas à ce que tu aies l’audace de le compter, lui, parmi tes prétendants bien heureux de ta compagnie. N'aurais-tu pas pu l'éconduire, comme presque tous les autres ?» - « Il ne sera ni le premier ni le dernier, mon cher. » - « Mon frère, Vanille. » Il s’était relevé d’un bond. Elle n’avait pas cillé. « En quoi cela est-il si important ? » - « Pardon, j’oubliais que je m’adressais à la femme pour qui cela ne posait aucun problème de séduire son frère et de coucher avec lui jusqu’à enfanter d’une fillette. » Elle arqua délicatement les sourcils. « Est-ce que cette remarque est supposée m’offenser ? » - « Oui, Vanille ! Oui ! » Il faisait de grands gestes et sa voix portait. Il paraissait à bout de nerf. « Est-ce que tu n’en as vraiment rien à faire de moi ? » Il s’était approché d’elle d’un pas brusque, l’obligeant à reculer. Elle était contre un mur et levait les yeux vers lui, impassible. « Est-ce que tu ne ressens donc vraiment rien ? Je me fous que ce soit de l’amour ou de la haine. Tu ne me feras simplement pas croire que, d’une manière ou d’une autre, tu ne m’es pas complétement dépendante. » - « Cole … » Il la coupa sans ménagement. « Tu n’as jamais manifesté une très grande opposition à ma présence. Oh, certes tu as fait mine de me repousser. Tu prenais grand soin à afficher une mine pincée lorsque j’apparaissais devant toi mais à chaque fois, tu cherchais à être avec moi. Je le sais. J’en suis sûre. Tu ne peux pas te passer de moi. » - « Tu … » Il prit son visage entre ses mains. Il n’avait aucun scrupule à la secouer et la malmener un peu. « En as-tu déjà marre de moi ? Es-tu effrayée à l’idée que je sois ton âme-sœur ? Voudrais-tu que nous ne nous soyons jamais rencontré ? » Ses bras glissèrent le long de ses épaules et il la brusqua de plus belle. « Réponds-moi, Vanille. » hurla-t-il presque. Seulement, elle ne disait rien, se bornant à le dévisager de son air sage et innocent. « Ma sœur pourrait remédier à cela. Elle pourrait faire en sorte que je ne me souvienne de rien. Elle le ferait avec plaisir : elle rêve que tu ne sois plus qu’un mauvais souvenir, un cauchemar que l’on expédie d’un revers de la main. Je pourrais aller la voir. Tout serait terminé en un clin d’œil. Ma vie reprendrait son fil, idéale et tranquille, sans toi. Je ne serai même pas malheureux : je n’aurai pas la mémoire de nos instants passés. Je ne verrai même pas la différence. » - « Moi, je la verrai. »

Le silence prit le pas sur le vacarme et ils contemplaient le regard de l’autre, sans rien dire ni rien faire. Vanille tâchait de contrôler sa respiration, certaine que quelque chose ne tournait pas rond. Pourtant, lorsqu’il lui susurra cette question, elle ne put que dire oui.

1 820 mots - Post III/IV
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Mar 06 Sep 2016, 22:45


Ses doigts glissaient avec tendresse le long de son échine, effleuraient la blancheur immaculée de sa peau de lys. Allongée au beau milieu des herbes folles et des coquelicots, elle feignait l’assoupissement et profitait des caresses dans un instant de légèreté qu’il ne gâcherait pas d’un commentaire acerbe. Les sentiments se bousculaient à fleur d’âme. D’un regard lourd, il admirait autant sa grâce que sa sensualité, plongé dans des pensées inavouables qui chaviraient son esprit préoccupé. Les premiers rayons de lune nimbaient sa silhouette et il se surprenait à nourrir des espoirs et des désirs inédits. Elle était désirable et pour cette nuit, elle ne serait qu’à lui. Dans un sourire, il se pencha près d’elle, cueillant d’une main les boucles rousses qui ondulaient le long de son dos, nu. Le laçage avait été défait et les rubans de soie voletaient au gré des brises pour s’emmêler dans les tiges des plantes aux nuances carmin. Le tissu vaporeux de sa robe dévoilait ses jambes, esquissait les lignes de sa gorge et de ses épaules. Le rouge lui sied tant bien. Dans un soupir satisfait, il s’allongea près d’elle, la paume dans la sienne, à contempler leurs doigts enchevêtrés, la marque douce et dorée qui ornait leur annulaire. Les Anneaux d’Olympe étaient des artefacts rares et précieux, qu’il n’avait pas hésité à dérober à un vieux marchand mourant d’une époque passée pour l’offrir à sa Belle dans cette cérémonie qu’ils s’étaient improvisés, sur les rivages d’un lac à l’ombre d’un grand saule pleureur. Ils n’avaient eu besoin ni de convives ni de témoins, pas même de grande salle ou de somptueux repas pour célébrer un mariage qui serait à l’image. Ils s’étaient contentés de vivre le moment sans chercher à l’appréhender ou le tordre à sa guise, jusqu’à tomber sur la petite chapelle d’une jeune Prêtresse vouée à la Déesse Geichara, devant qui ils s’unirent en toute simplicité, sans l’énoncé vain et frivole de vœu et de promesses qui ne seraient point respecté. Ils ne cherchaient pas à s’enchaîner ou s’emprisonner dans des mots ou des serments au fond des bois. Peu leur importait les traditions et les rumeurs, l’incompréhension des uns, la fureur des autres. Cette décision était égoïste et les répercussions n’allaient pas tarder à éclater. Etait-ce un mal de ne pas s’en préoccuper ? Etait-ce malsain de les attendre avec impatience ? Cela n’était que la preuve de la futilité d’une promesse. Les fiançailles étaient si faciles à briser, balayées d’un revers de la main sans que l’on n’y prête attention, pour leur préférer la saveur exquise d’une seconde d’interdit. C’était dans cette idée qu’ils avaient déniché les fondements des sentiments, parfois contraires, qui les liaient. Ils seraient plus proches qu’aucun autre être ne l’avait jamais été. Ils seraient des partenaires, capables de s’entendre pour la réussite d’un grand dessein et des ennemis, prêts au pire et au cruel pour parvenir à une fin qui contrarierait l’autre. Ils seraient des amis, à qui l’on peut confier les instants de doute et de faiblesse ainsi que les craintes et les peines. Ils seraient des amants, à jamais avides l’un de l’autre, et des rivaux, incapables de s’entendre. Les incohérences ne les avaient jamais dérangés.

« Qu’est-ce que c’était ? » murmura-t-elle d’une voix douce et basse. Si elle n’avait pas bougé, elle avait simplement ouvert les yeux et dévisageait son nouvel époux d’un regard inquisiteur. « Pardon ? » Elle l’avait tiré de ses rêveries et il peinait à rescendre de la délicatesse onirique de ses songes. « Dis-moi comment tu es parvenu à m’extirper cette réponse. » exigea-t-elle. Pourtant, elle ne paraissait pas fâchée ou contrariée outre mesure. « Il serait donc impensable que tu m’aies cédé par passion et raison. » chuchota-t-elle en passant sa main dans ses cheveux. Elle sourit. « Impensable, oui. Etait-ce un don d’empathie que tu m’aurais dissimulé ? » Il se laissa tomber sur le dos, égaré dans les étoiles et les astres. La contemplation ne faisait en rien faner son sourire, entre victoire et satisfaction. « Reconnais que mon jeu a été mené avec un certain talent. Je me demande ce que cela a bien pu te faire, de ressentir des émotions différentes de celles que tu connais. » Il scruta son visage. « Tu ne m’en veux pas. » Ce n’était pas une question. « Non. Je savais que je ne serai pas la femme de l’Empereur Noir. J’avais des doutes sur le pourquoi et le comment mais pressentais que tu ne serais pas étranger à l’annulation prochaine des festivités. Tu ne t’ai jamais caché d’être rebuté par l’idée. » Il rit. « Je ne peux que plaider coupable. Ce Sorcier n’est qu’un imbécile prétentieux, arrogant et suffisant. Violent de surcroit. Il ne te méritait pas. » - « Tu penses valoir mieux. » - « Je n’ai pas fait l’erreur de te sous-estimer. Pourquoi me fais-tu ces yeux-là ? » Son regard lui plaisait mais elle lui paraissait trop sage et docile pour être honnête. « Tu n’as donc pas peur. » - « De ? » - « Moi. De ce que je suis. Je n’ai mis que quelques jours à me lasser de mon précédent mari. Mes statistiques ne sont pas en ta faveur. » - « Un Ange de vertu et de moral. Cela n’a rien d’étonnant. » - « Un Magicien et Maître du Temps sera donc un meilleur parti ? » - « Tu n’as jamais cru à la pureté de mon aura. » - « Non, c’est vrai. Tu n’es pas quelqu’un de bien. » Il se glissa sur elle, son visage entre ses mains. « Tout ira bien. Fais-moi confiance. Je ferai en sorte que tu ne t’ennuie jamais de moi. » C’était une menace. Dans un rire, il l’embrassa. Elle ne lui échapperait pas. Cette nuit était la leur. Il ne comptait pas évoquer plus longtemps les hommes avec qui son Ange des Abysses avait ou allait passer quelques instants sulfureux. Il l’aimait pour sa liberté et son mauvais caractère, ses excès et sa cruauté. Il l’avait choisi, sans retenu. Pour le meilleur comme pour le pire.

Le Maître du Temps savait qu’il allait devoir répondre de ses actes, de ses choix et de ses omissions. Pour lui aussi, les répercussions risquaient d’être flamboyantes. Néanmoins, il ne parvenait pas à regretter son choix. Il l’avait toujours désiré et à présent, elle lui appartenait, à sa manière. C’était certainement le plus doux des cadeaux et il n’allait pas le souiller de remord. Il ne fit que sourire lorsqu’il la vit revenir, la chevelure encore humide de l’eau salée dans laquelle elle avait plongé, jusqu’à déterrer ce qui avait été jusque là oublié. Il savait ce qu’elle s’apprêtait à faire. Il ne pouvait pas prétendre l’ignorer. Il ne pouvait qu’avouer s’en ficher. Elle était sa chère et tendre épouse. Elle n’était pas facile à vivre tous les jours mais cela lui suffisait, n’en déplaise aux autres, n’en déplaise à tous ses morts qu’elle laissait sur son chemin. Il n’avait jamais été quelqu’un d’irréprochable et traînait aussi quelques centaines de cadavres dans un placard. Elle était la femme de sa vie. Les autres n’avaient qu’à éviter de lui déplaire. Une main sur son ventre qui s’arrondissait de jour en jour, il lui murmura une plaisanterie sur leur sujet favori du moment : l’Empereur Noir, qui espérait que l’enfant qu’elle portait était le sien. Vanille savait qu’il n’en était rien. Pas plus qu’il n’était de Cole, mais il savait qu’il allait être père, un jour, prochain. Pour sa part, elle laissait le Sorcier se noyer dans ses désirs et ses délires. Elle se délectait dans son rôle de bourreau, à ceci près que la mise à mort serait lente, précautionneuse et douloureuse. Une fin rapide se méritait. L’agonie se savourait. Cole acceptait les consignes de la Khæleesi, désireuse de préserver les apparences jusqu’au jour du prétendu mariage avec son fiancé, éconduit sans même s’en douter. Pour l’heure, il ne devait pas s’afficher dans ses domaines aux yeux des membres de sa famille, incapables de tenir un secret. Ce n’était pas un problème en soit. Cole avait toujours été doué pour apparaître à la jeune femme lorsqu’elle était seule. Il se plaisait à penser qu’elle accepterait sa présence dans ses demeures, une fois l’affront réalisé. Des guerres et des conflits se profilaient. Il attendait qu’ils passent, à ses côtés. « Qu’est-ce que c’est ? » s’enquit Vanille qui passait près du Magicien, occupé à parcourir des yeux un petit billet. « Rien. » Il jeta le mot dans le foyer de la cheminée. Elle arqua les sourcils. « Est-ce bel et bien le sceau de ton frère que je vois brûler ? » Il ne releva pas le fait qu’elle le connaissait visiblement plutôt bien, préférant ne pas s’agacer sur le sujet sensible qu’était Silas. « Il tenait à me féliciter. » - « De ? » - « Nos récentes épousailles dont il a eu vent. » - « Comment ? » - « Je ne suis pas le seul de la famille à être un immonde petit voyeur. C'est dans le sang. Je ne peux pas lutter. » - « Je suppose que je dois m’attendre à un billet d’insulte de ta jeune sœur. » Il rit. A vrai dire, il l’avait déjà donné au feu, cette lettre là.

« J’aimerai que tu m’accompagnes. » - « Mes oreilles ont-elles bien entendu ? Lady caël Deslyce requiert ma présence ! Qui suis-je pour lui refuser ? » - « Prends garde à ne pas me faire changer d’opinion aussi rapidement. » Il s’approcha, la bouche en cœur. « Que veux-tu, ma princesse ? » - « Les constructions de Port Dirælla avancent. Celle de mon domaine aussi. » - « Je suppose que les architectes ont craché le morceau. » - « Oui et je préfère autant être présente lorsque tu leur imposeras tes gouts esthétiques douteux. » - « Ce sera très tendance dans un siècle ou deux. Tu ne peux pas comprendre. Je suis visionnaire. Je tenais simplement à ajouter ma petite touche personnelle. Je vais vivre là-bas moi aussi. » Il ajouta après avoir avisé la mine de la belle : « Un peu. » Elle rit. « Soit. Allons-y. » - « Les rumeurs commencent à se propager. Ton Kraken est plutôt redoutable d’efficacité, lorsqu’il s’agit de dévorer sans distinction tous les voyageurs qui osent prendre la mer. » - « Gribouille possède un appétit sans fin. » - « Gribouille … » reprit le Magicien avec moquerie. « Je suppose que c’est Ismaël qui a choisi le prénom ? Un autre de tes enfants si ta bête est plus vieille. Franchement … Gribouille … J’ai du mal à envisager qu’on puisse donner un prénom aussi ridicule à une créature aussi monstrueuse. » Il scruta sa femme. Vanille. Quoi que. « Hum … » marmonna la Sirène. « Oui ? » - « C’est moi qui ai choisi son nom. » Passé la surprise et une fois opérée la vérification de la véracité du propos, Cole changea rapidement de sujet.

1 810 mots - Post IV/IV - Fin.
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Ces histoires, que l'on conte, sont vraies |Solo - Part IV

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