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  Ces histoires, que l'on conte, sont vraies |Solo - Part I

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Mer 20 Mai 2015, 14:40


« J'ignore encore ce que je peux faire de lui. Son cas me pose problème mais je dois avouer que je ne réfléchis guère à son sort. J'ai tendance à oublier son existence, habituée et ravie de sa mort. » Vanille soupira. Pourtant, un joli petit sourire étirait ses lèvres. Allongée entre ses draps, elle faisait courir le bout de ses doigts sur les oreillers, l'air pensif. Gabriel se rapprocha davantage de la jeune femme, glissant une main le long de son dos. Déjà rhabillé, le Déchu s'apprêtait à partir travailler mais il ne pouvait s'empêcher de toucher la Sirène dont il ne se lassait décidément jamais du corps. « Je peux me charger de lui si tu le souhaites. » murmura-t-il. Vanille rit. Elle savait que son amant ne faisait que tolérer ses rivaux mais qu'il ne lui déplairait pas de les éliminer un par un pour être seul à profiter de celle qu'il désirait. « C'est à moi de sceller son destin. » - « Depuis combien de temps pourrit-il dans tes cachots, Vanille ? Tu hésites. Laisses moi en finir avec ce fantôme qui n'aurait pas dû revenir. » - « Ne te mêle pas de mes affaires Gabriel. » Le ton était sec. Ce n'était pas la première fois qu'il tentait de s'immiscer dans la vie de la Khæleesi qui s'agaçait de ce comportement. Pour elle, il n'était qu'un parmi d'autres même s'il se consolait dans l'idée qu'il pouvait se considérer comme un favori. Sans rien dire, il s'écarta très légèrement. « Il faudra bien que tu fasses quelque chose.» - « Ai-je sous entendu que je ne ferai rien ? » - « Non mais ce doit être la première fois que je te vois parler d'agir au lieu d'agir simplement. » - « Je l'ai tué et il est revenu. Il est normal que je réfléchisse à un procédé plus définitif que le premier. » - « A moins que tu ne puisses par te résoudre à réitérer le geste interdit à son encontre. » La gifle claqua. La Dame des Abysses s'était relevée en un bond. « Tu es imbuvable. Les siècles ne t'ont rien appris. Je pourrai accomplir certains gestes interdits qui te seraient très déplaisants. Tu es divertissant. Tu n'as aucune position, aucune importance. Souviens-toi de cela. » articula-t-elle doucement en sortant du lit. Elle attrapa un kimono de soie qu'elle enfila. Gabriel hoqueta, amer. « J'admire cette capacité que tu as à croire que tu pourras mener cette vie éternellement. Un jour, il faudra choisir. » - « Va-t-on parler de ton talent, à toi, de ramener toutes les conversations sur ta petite personne ? Tu n'es pas le centre de mon monde et tant que je fréquenterai des hommes comme toi, je ne vois pas l'intérêt de faire un quelconque choix. » Elle voulut s'éclipser dans la salle d'eau mais le Déchu la rattrapa. Sans ménagement, il la plaqua contre un mur. Elle était si petite, tellement fine et menue par rapport à lui. Il ne lui faisait plus toucher sol. Tout contre elle, il la dévisagea, strict, avec une brutalité bestiale dans les yeux. Elle ne dit rien. « Allez va. Je te manquerai trop. Qui d'autre que moi accepterait tout ça.» Elle avait bien une petite idée mais se garda de la livrer. Il se pencha sur elle pour effleurer ses lèvres tandis que ses mains s'égaraient sur ses hanches et ailleurs. Dans un murmure, Vanille lui répondit en Anatæma, le dialecte des Ailes-Noires qu'elle maitrisait aussi bien que le sien :

Mon doux soupirant. Tu es perdu depuis le jour de notre rencontre.


Le temps n'était plus qu'une vague notion, sans plus de saveur ni consistance. Caliel leva doucement ses mains tremblantes, à la peau sale et usée. Il fatiguait. Bientôt, il ne serait plus qu'une vague ombre de ce qu'il était, de ce qu'il aurait pu être. Avait-il encore une raison d'être ? Il n'en discernait aucune dans l'obscurité. De temps à autre, une petite servante aux cheveux noirs venait lui apporter un peu d'eau et de quoi manger. Sa présence faisait sourire le jeune homme à chaque fois. Au premier coup d'œil, il avait vu qu'elle était comme lui : une Ange. Elle était gentille, serviable, et terriblement culpabilisée par ce qu'elle devait faire. Elle exécutait les ordres. Caliel ne lui en voulait pas. Il savait que la sulfureuse Vanille pouvait être terriblement persuasive. Il essaya quand même de lui parler, une ou deux fois. Il n'insista pas plus lorsqu'il comprit dans quelle situation délicate il mettait la demoiselle. Plus rarement, c'était la Sirène qui lui rendait visite, de façon écourtée et évasive. Tout ce qui lui était arrivé était à cause d'elle, ses peines autant que ses joies. Lorsqu'elle venait, il tâchait de la regarder d'un œil mauvais, avec rancœur et dégout. Il ignorait s'il parvenait à être convaincant. Malgré tout ce qu'elle lui avait fait, il n'arrivait pas à la détester. Il ne pouvait que l'aimer tout en sachant que les sentiments n'avaient rien de réciproque. Que pouvait-il faire ? Enfermé dans son cachot, il avait beaucoup réfléchi à cette question d'apparence banale. Il avait eu une idée. L'Ange n'était pas certain qu'elle soit bonne. Il s'accrochait pourtant à cette simple petite pensée. Elle était réalisable. Il le savait. Une femme était apparut, un jour. Il ne l'avait pas regardé. Elle avait juste manifesté sa présence, derrière lui, et ils avaient parlé. Elle pouvait l'aider, s'il le voulait. Il hésitait. « Tu réfléchis trop, mon cher et tendre. » La voix était moqueuse et le surnom affectueux résonnait comme une grossièreté acide. « Vanille. » murmura Caliel tout bas en guise de salutations. « Puis-je savoir ce qui te triture tant les méninges ? » Immédiatement, l'Ange scella son esprit avec un mur en brique et une porte de fer. Il avait appris à protéger ses pensées de sa femme, à force de vivre à ses côtés. « C'est personnel. » Elle souriait. La duperie ne prenait pas. « Hum hum. Je viens simplement t'annoncer que ta situation changera sous peu. » - « Quel grand honneur. En bien ou en mal ? » Vanille s'accroupit doucement. « Cette vision manichéenne ne me convient pas.» - « Oh. Toutes mes excuses, ma belle Lady. Gris clair ou gris foncé ? » - « J'ai fais quelques recherches. Officiellement, je suis toujours ta femme puisque tu es revenu à la vie et cela ne me plait pas. » - « Rien ne te va aujourd'hui.» - « Ne joue pas au sarcastique, Caliel.» - « Pourquoi continue-tu à venir me voir ? » - « J'aime bien. Te voir aussi misérable est amusant. »

Caliel grinça des dents. « Est-ce que tu m'as un jour aimé, Vanille ? » - « Oh je t'en prie. Te voilà dans une phase de nostalgie, il ne manquait plus que ça.» - « Réponds. J'ai besoin de savoir. » - « Le mystère risque de te faire souffrir. » Douce et impassible, elle se releva. Perdue dans les grands yeux bleus de l'Ange qu'elle dévisageait avec soin, elle ne disait plus rien. « Tu as déjà ta propre idée sur la question, n'est-ce pas ? » - « Possible. Me laisseras-tu voir mes filles, avant de te débarrasser de moi ? J'aimerai tellement voir ce qu'est devenue ma petite Nausicaa. » - « Non. » Elle souriait toujours. La réponse était claire, nette et sans équivoque. « A plus tard.» La Khaeleesi tourna les talons, toujours aussi élégante. Caliel se redressa dans un bond pour sauter sur les barreaux. « Vanille ! Attends ! » Elle était déjà partie. Il pesta. Il voulait tellement parler avec elle. Il aurait aimé avoir une réponse à cette question, celle qu'il se posait depuis si longtemps. Est-ce qu'un jour, elle avait éprouvé la moindre chose pour lui. Après réflexion, il avait estimé que non. Elle avait vu son âme sœur. Cette vision l'a peut être troublé. Elle a cherché à comprendre et choisit d'essayer de faire ce qu'elle n'avait jamais fait, mener une vie normale. Elle avait accepté d'être son épouse, de vivre avec lui dans la Forêt Enchanteresse et de fonder une famille. Ce n'était qu'une expérience et elle n'avait pas été concluante. Voilà ce qu'il pensait. « As-tu pris une décision ? » souffla l'étrangère. Caliel frissonna. Il ne se retourna pas. Il savait que c'était elle, cette inconnue qui se proposait de l'aider à réaliser son projet, le dernier de ses projets. « Je crois. » - « Parle moi, mon ami. Je t'écoute. » Il laissa son front tomber sur les barreaux froids, les lèvres pincées. Doucement, il ferma les yeux dans un mouvement presque douloureux. Puis il hocha doucement le menton. Tout devait changer et pour le mieux. Il était prêt à être l'architecte d'un nouveau monde, même si cela devait signifier qu'il n'en ferait pas parti. Il avait déjà bien assez vécu. « Es-tu réellement conscient de toutes les conséquences ? Ce ne sera pas la mort, mon jeune ami. La mort est douce, elle est une existence en soi. Cet acte … » - « Je sais. J'ai compris. » - « Tu veux tout de même faire ça, pour elle.» Il eut un pauvre sourire. « Vous ne l'aimez pas.» - « Non.» - « Alors pourquoi m'aider ? » - « Tu œuvres pour son bien, par amour pour elle. Tu penses que c'est le mieux à faire. C'est louable. Quant à moi, je te viens en aide car je pense que tes idées lui seront hautement préjudiciables, que ce ne sera que pour son mal et qu'elle te maudira pour le reste de sa vie.» - « Question d'interprétation, je suppose.» - « Non. Tu es juste bon, naïf et éternellement amoureux d'une femme qui ne mériterait pas qu'on pose les yeux sur elle. Donne moi ta réponse, à présent.» Il réfléchit de longues minutes avant de hocher la tête, presque résigné.  « Quand ? » insista l'étrangère. « Bientôt. J'ai besoin d'un peu de temps. J'aimerai la revoir … Voir … quelques personnes … J'ai à faire, avant que ce soit la fin.» - « Bien. Ne tarde pas trop Caliel. Elle pourrait apprendre tes projets et les compromettre. » - « Ne pouvez-vous rien faire pour moi ? J'aimerai tellement revoir mes filles. » - « Je ferai mon possible. Je suis navrée mais mon objectif est de ne pas éveiller ses soupçons. Si je fais venir tes filles à toi et qu'elle croise l'une ou l'autre, elle saura. »

Il se tramait dans l'ombre un complot, un complot aussi étrange que décalé. Vanille avait déjà quelques doutes. Ses dons étaient en ébullition mais elle ne percevait rien de concret pour l'instant et ne s'en préoccupait que superficiellement. Ce n'était pas l'heure.

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Mer 20 Mai 2015, 14:48


« Caliel. Viens avec moi, il faut faire vite. » murmura une petite voix. L'Ange ouvrit les yeux, surpris. Lentement, il se releva du carrelage froid pour dévisager avec une pointe de suspicion celle qui était accroupie près de lui. Elle était petite et mince, avec de longs cheveux blonds et de grands yeux clairs. « Vous êtes … ? » - « Oui. » Elle sourit. « Je suppose que ce n'est pas votre véritable apparence. » - « Non. » consentit-elle dans un rire léger. « Qu'est-ce que la vérité, au fond ? Celle-ci sera la tienne.» Elle lui tendit la main. « Dépêche-toi. Je t'ai promis de faire mon possible pour satisfaire tes quelques volontés. Je ne faillirai pas à ma parole. » Le jeune homme prit le temps de peser le pour et le contre, mettant en balance ses désirs et son projet. « Je … J'ignore si c'est vraiment raisonnable. Elle pourrait s'en apercevoir. Vous l'avez dis, nous ne devons pas éveiller sa méfiance. » - « Crois-tu que je prendrais ce risque ? Ta charmante épouse est occupée. Elle ne pensera pas à toi avant de longues, longues, heures. Nous avons un peu de temps. Ne le gaspille pas. »  Il finit par obtempérer. A peine eut-il effleurer sa main qu'ils s'évaporèrent. L'esprit troublé, Caliel tâcha de calmer les battements de son cœur. « Où sommes-nous ? » balbutia-t-il péniblement en clignant des paupières. L'odeur était nauséabonde. La nuit tombait. « Quelque part sur le Port.» Étonné, l'Ange tourna la tête. « Que faisons-nous là ? » - « Voir l'une de tes filles, voyons. » - « Scylla ? » La femme eut une petite moue, l'air embêtée. « Non. » - « Nausicaa est la Princesse des Mers. Que ferait-elle ici ? » - « Je vois. Ta bien-aimée a encore frappé et elle n'a pas trouvé probant de t'annoncer la nouvelle. » Caliel respirait lentement. Il était un être céleste et s'évertuait à la mesure. Cependant, ce n'était pas des plus aisés tous les jours, surtout lorsqu'on était le défunt mari d'une femme telle que Lady Deslyce. « Quelle nouvelle ? » finit-il par demander. « La jolie Nausicaa Deslyce a été déchue de tous ses titres. Elle est une affranchie, une bannie, qui ne doit revenir à la Cité Engloutie ou être vue dans le Royaume sous peine de diverses sanctions réjouissantes. La Khæleesi a pris sa décision lors des évènements de la Coupe des Nations. Nausicaa est rapidement venue chercher ses affaires avant d'être contrainte à partir. Elle n'a pas vraiment contesté la chose. D'une certaine manière, elle doit être soulagée d'un poids en moins. Peut-être que sa vie sera matériellement moins confortable, mais elle a une chance de vivre normalement, à présent. » - « Je ne suis pas certain d'avoir saisi : êtes-vous entrain de me faire l'état de la situation ou essayez-vous de me convaincre que cet horrible décret est un acte de bonté dans l'intérêt de ma fille ? » Elle eut un pauvre sourire. « Peut-être. Avoue tout de même que tu préfères savoir ta fille libre qu'entre les mains de ta femme. Elle n'est pas la mère rêvée. Nausicaa a vécue un calvaire, un enfer qui l'a fait sombré dans des travers inavouables. Elle peut en sortir, maintenant. » - « Quels travers ? » - « Opium. Entre autres choses. » Les lèvres tordues, Caliel glissa ses doigts dans sa tignasse claire. « Pensez-vous qu'elle se souvienne de moi ? Je veux dire va-t-elle me reconnaître si je vais la voir ? » - « Elle n'était qu'une enfant lorsque tu es parti, sans compter qu'elle ignore que tu es revenu. Alors non. Ton visage lui sera peut-être familier, mais rien de plus. »

Nausicaa soupira pour la énième fois. Le menton posé dans le creux de sa main, elle traçait des cercles sur le rebord de son verre du bout des doigts de l'autre.  Elle était encore déboussolée par la décision de sa mère.  Cela ne l'étonnait en rien. Elle était même assez surprise de la patience de la Dame des Abysses, ainsi que du simple fait d'être encore en vie. Qu'allait-elle faire, à présent ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Elle se sentait à la fois libérée et misérable. D'une certaine manière, elle avait enfin ce qu'elle souhaitait. Vanille ne voulait plus d'elle. Elle pouvait faire ce qu'elle désirait. D'un autre côté, elle ne se sentait capable de rien. Elle n'était plus rien. Elle aurait aimé filer dans les bras de Mikaïl, lui parler et l'embrasser. Seulement, elle n'oserait jamais se présenter à lui ainsi. Pourrait-elle lui confier qu'elle n'était plus personne, qu'elle n'avait plus de toit, plus de famille, plus d'avenir ni d'espérance ? La Sirène eut un sourire acide.  Elle ne pouvait rien faire si ce n'est vivre au jour le jour avec le peu d'argent qui lui restait. Tremblante, elle ressentait le manque mais tâchait de l'oublier. D'une traite, elle vida sa coupe. « Vous allez bien ? » s'enquit une voix basse et douce. Nausicaa jeta un coup d'œil à l'homme qui venait de s'installer sur le tabouret juste à côté du sien. Un grand blond aux yeux bleus qui cachait la misère de ses vêtements sous une large cape noire. Ses traits lui rappelaient vaguement quelque chose sans qu'elle parvienne à mettre un nom sur le visage. Elle ne s'en préoccupait pas vraiment. Elle n'aimait pas qu'on vienne l'importuner quand elle voulait être seule, d'autant plus que les hommes avaient le chic pour tenter de la charmer, conscients qu'elle était malheureuse en l'instant et forcément influençable. « Hum hum. » marmonna-t-elle avec dédain. « Je suis navré. Je vous gêne. » Elle haussa les sourcils, ne s'attendant pas à cette réaction. Durant quelques secondes, elle s'attarda davantage sur l'étranger. « Vous aussi vous avez une mine affreuse. » - « Je sais. » Il rit. « C'est pour ça que je bois. » Il souleva son verre pour illustrer le propos. « Vous n'avez pas l'air du coin, mademoiselle. » - « D'où je viens … Vaste question … J'imagine que vous avez raison. Peut-être que je vais m'installer dans les parages. Peut-être pas. Je suis un peu perdue. » L'ivresse aidait à la discussion. « Pardon. Je parle trop. Vous n'avez pas non plus l'allure des gens qui traînent pas ici. » - « Je ne fais que passer. »

Les minutes s'écoulèrent. Puis une heure. Caliel et Nausicaa conversèrent sans interruption. La jeune femme allait même jusqu'à se livrer sur les derniers rebondissements de son existence. « Qu'allez-vous faire, à présent ? » - « Je ne sais pas … » Elle avait la tête basse et contemplait ses ongles avec un infini soin. « Il y a longtemps, j'avais une famille, une réputation et je faisais quelque chose de ma vie. Puis il s'est passé quelque chose et j'ai passé quelques temps … enfermé. Ce sommeil sans rêve a tout dévoré de moi. J'aurai aimé mourir mais on est venu me réveiller. Si j'avais cru avoir subi le pire, on me démontra le contraire. Je n'ai … plus rien fait par moi même depuis mon réveil. Je doute être capable d'être aussi forte qu'avant mais il faut dire que je me vois assez mal reprendre une vie vagabonde. » L'Ange réfléchit brièvement. « Prenez votre destin en main, Nausicaa. Vous n'êtes pas sotte et incapable comme vous aimez vous le répéter. Tant de perspectives s'offrent à vous ! Ne vous brimez pas. Voyez en grand. Vous avez été l'une des femmes les plus puissantes d'une époque. Croyez en vous. » Elle sourit. « Je ne battrai jamais celle qui veut ma perte. » - « Peut-être ne se préoccupera-t-elle plus de vous. » - « J'en doute. A quoi bon faire des projets si elle vient tout détruire ? La dernière fois, c'est ainsi que ça s'est passé. » - « De grâce, arrêtez de vous dénigrer. » Caliel releva les yeux. Au loin, l'étrangère aux cheveux blonds paraissait s'impatienter. Lorsqu'elle capta le regard de son protégé du moment, elle lui manifesta le besoin pressant de filer. Le temps venait à manquer. Le jeune homme soupira. A présent qu'il voyait sa fille, qu'il lui parlait, il n'avait aucune envie de s'en aller ni de concrétiser son projet. C'était injuste. Il avait passé si peu de temps avec elle. « Veuillez m'excuser, Nausicaa. Je dois m'en aller. » La Sirène imita son cavalier du soir qui sautait de son tabouret. « Très bien. Merci pour ce soir. » Elle sourit. « Je crois que ça fait du bien, de parler un peu. » Ils restèrent longuement, l'un en face de l'autre, à se dévisager sans rien dire. « Au revoir. » L'Ange se permit d'embrasser le front de la jeune fille avant de tourner prestement les talons. « Désolé. » marmonna-t-il à la femme qui lui emboita le pas pour sortir de la taverne. « Libre à toi d'user de mon présent comme il te plaît. Tu as passé tant de temps avec ta cadette que tu ne pourras pas voir l'aînée. » - « Quoi ? » Il fit une pause. « Que me cachez-vous ? » Elle soupira. « Ta fille aînée n'est pas … en état d'être vue. Elle va bien. Disons simplement qu'elle ne sait pas trop où se situer dans ce monde et qu'on ne lui demande pas toujours son avis. » - « J'aimerai la voir. Même de loin. S'il vous plait. » - « Très bien … »

De retour dans l'ambiance glaciale de son cachot, Caliel s'assit par terre, l'air las. « J'espère que cette virée t'a plu. » - « Oui. Merci. » Elle hocha doucement la tête. « Ce sera … pour quand ? » - « Bientôt, je suppose. Tu dois être prêt et je sais que tu veux la revoir avant de partir, ta charmante épouse. Ne tarde pas trop. » - « Rien ne presse. Ce sera fait. » - « A une prochaine fois, Caliel. La dernière fois.»  Elle s'éclipsa, lançant l'Ange seul avec ses pensées et ses tourments. S'apprêtait-il réellement à faire cela ? Il avait du mal à y croire. Dans un soupire, il secoua la tête. Il ne voulait pas hésiter. Il était résolu à faire ce qui devait être fait. C'était le grand drame de sa vie, un drame dont il ne pouvait rien tant il était amoureux de la belle et l'objet de tous ses tourments passe le plus clair de  son temps au lit des autres ou un meurtre au bout des lèvres. Il restait persuadé que ce n'était pas sa faute si on l'avait lié à une femme si jolie et acide.

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Mer 20 Mai 2015, 14:56


« Avez-vous faim, Khæleesi ? » s'empressa de demander Asælys lorsqu'elle vit la Reine pousser la porte de ses appartements. Il était tard et la jeune femme venait tout juste d'achever une longue journée de labeur diplomatique. Si l'Ange n'osait guère interroger la Sirène sur son emploi du temps, elle se doutait qu'elle n'avait pas passer son temps à flâner dans les rues. Pour preuve, elle ne semblait pas particulièrement de bonne humeur. « Non. » répondit-elle simplement en jetant une pile de paperasse sur la première table venue. L'air rêveuse, elle s'assit sur le divan pourpre qui longeait le tapis près de la cheminée. « La journée s'est-elle bien passée, ma Dame ? » Malgré la peur, elle ne pouvait freiner son insatiable curiosité. Elle regretta bien vite son audace lorsqu'elle croisa le regard de Vanille. « Sais-tu où j'étais, ma douce Asa ? » Debout à quelques pas de son employeur, la demoiselle se tenait, maladroite, à emmêler frénétiquement ses doigts avec ses longs cheveux noirs. « Bien c'est à dire que … Je crois que … Je dirai … Enfin … » - « Je suis allée au Parlement pour prendre la parole devant l'Assemblée. Il est rare et exceptionnel qu'une Princesse des Mers soit déchue de ses droits, je me devais d'expliquer cette décision mûrement réfléchie à cette part de mon gouvernement. » - « Oui tout à fait … Les parlementaires devaient … être tristes. » Elle termina sa phrase, lamentable. Les mots avaient eu du mal à franchir le seuil de sa bouche tant elle-même les trouvait risibles. Vanille eut un léger rire. « Tu es une gentille fille, Asælys mais tu ne comprends rien à rien. Je crois au contraire qu'une grande majorité était ravie de la nouvelle. » Dans un sourire, elle se servit un verre de vin. Portant la coupe à ses lèvres, elle ajouta avec une pointe de sarcasme : « Tu n'imagines pas à quel point Nausicaa était embarrassante aux yeux de ces gens. » - « Oh ! » s'exclama la servante dans un éclair de génie. « Une lettre est arrivée pour vous. Elle porte un sceau que je ne connais pas. » - « N'aurais-tu pas pu me le dire avant ? » Agacée, elle s'empara de son courrier, pour le scruter d'un regard. Elle sourit, moqueuse. « Je vois. » Sans même être ouverte, le papier finit au feu, consumé, en quelques instants par les flammes de la cheminée. Asælys écarquilla les yeux, surprise. « Certains mots ne nécessitent pas d'être lu ; d'autres ne le méritent pas. » - « Puis-je vous demander le nom de l'envoyeur ? » - « Non, tu ne le peux pas. Où est Mælodya ? » - « Enfermée dans sa chambre. Yun est allée lui hurler dessus, il y a moins d'une heure mais je n'ai pas compris grand chose à ce qu'elle disait. Elle parlait trop vite dans votre langue, Khæleesi. » - « Et Ismaël ? » - « Il dort. J'ignore où est Cælys. Je crois qu'elle s'intéresse à ce qu'il y a derrière la porte du fond du couloir. Eowyn s'occupe de Clémentine qui ne paraît pas au mieux de sa forme depuis quelques temps. »

Vanille croisa lentement les jambes et posa ses mains sur ses genoux. Quelque chose l'avait toujours dérangé, un petit rien dans le visage d'Asælys qui l'avait poussé à faire de cette fille incapable et maladroite sa servante. Parfois, elle regrettait presque cette curiosité dévorante tant la petite Ange accumulait les bêtises. Néanmoins, le mystère était trop pesant pour qu'elle se débarrasse de la demoiselle. « Est-ce … vous avez besoin de quelque chose ? » murmura Asælys qui peinait à supporter le regard inquisiteur de la Sirène. « Ressembles-tu à tes parents ? » La question était soudaine, surprenante, et déconcerta l'intéressée qui continuait à emmêler ses cheveux. « Pas vraiment. Ils m'ont adoptée. Si j'ai vécu toute ma vie en tant qu'Ange, j'ai vu le jour sous une autre race. » Vanille tapotait lentement le divan du bout des doigts. Elle avait compris et la vérité ne lui plaisait pas. « Comment est-ce possible ? » - « On m'a expliqué que c'était dans l'ordre des choses, le cycle de la vie. J'ignore si ce ne sont que des rumeurs mais j'y crois. On raconte que les enfants morts trop jeunes d'une façon naturelles se réincarnent en Faes mais que les bébés que l'on a tué sont accueillis par les Anges. » - « Hum hum. » Elle se servit une verre de vin, qu'elle se mit à siroter du bout des lèvres. « Je me suis toujours demandé à quoi avaient bien pu ressembler les premiers jours de mon existence. Pourquoi m'a-t-on fait ça … Qui … Est-ce que mes parents sont encore en vie … Est-ce qu'ils me pleurent. » - « Tu as fais du bon travail aujourd'hui. Prends ta soirée, Asælys. » Le visage de l'Ange s'illumina instantanément. « Réellement ? » - « Oui.» soupira la Reine, qui détestait devoir se répéter. Elle fit léviter une petite bourse jusque dans les mains de l'Ange. « File. Amuse-toi. » Un léger sourire aux lèvres, elle patienta, regardant la fillette qui sautillait, heureuse dans la candeur et la simplicité. Lorsqu'elle fut partie, Vanille se retrouva seule dans le salon, bercée par le «tic-tac» de la vieille horloge qui ronronnait près du feu. La Sirène baissa ses grands yeux verts, perdus dans le vide. Les enfants assassinés devenaient des Anges. Si elle connaissait l'existence des Ombres, elle ne s'était pas vraiment intéressée aux spécificités des morts, une omission qu'elle regrettait amèrement. Les enfants assassinés devenaient des Anges. Cela signifiait que tout ceux qu'elle avait tué étaient encore en vie, à moins qu'ils aient trépassé d'une manière qui ne l'incriminait pas. Les enfants assassinés devenaient des Anges. Ils étaient encore en vie. Ils étaient des Anges. Des Anges. Vanille resserra ses doigts sur la coupe de vin avant de la jeter contre le mur. Furie, elle dévala les escaliers jusqu'à arriver à la cellule de son cher et tendre ex défunt mari.

« Tu le savais. » souffla-t-elle d'une voix basse, lente. Caliel se releva en grommelant. « De quels maux m'accuses-tu encore ? N'en as-tu pas marre, de me mettre tout ce qui ne te convient pas sur le dos ? Tu n'es pas parfaite. » - « Tu m'as épié durant ta mort ; je ne tolérerai pas que tu me dises ignorer le destin de mes enfants. » - « Ah ça … » Il passa une main dans ses cheveux, conscient que la discussion ne tournait pas à son avantage. « Est-ce que tu savais ? » Il prit une légère inspiration. « Que croyais-tu … Je n'allais certainement pas t'avouer cette chance dont bénéficiaient ces enfants. Ils ne méritaient pas ça. Laisse les, Vanille. » Elle rit, chanson douce et cristalline qui résonnait de façon froide, presque glaciale. « Tu me connais mieux que ça, mon amour. Je déteste ne pas finir mon travail. » - « Tu n'as même pas donné de noms à ces enfants là ! Ils ont une vie, loin de toi, dans l'ignorance même de leurs origines. » - « Je consens qu'il y a mille et une raisons à avancer pour tenter de m'arrêter. Certaines sont vraisemblablement d'excellents arguments mais vois-tu … » Elle se pencha légèrement en avant, un joli sourire aux lèvres. « Encore aurait-il fallu que j'ai une quelconque raison de vouloir leur mort. Ce n'est qu'une envie et ne prend pas cette mine désemparée, tu rejoindras bientôt le peloton des Anges que les Ombres vont devoir accueillir grâce à moi. » - « Vanille ! » Elle s'était déjà téléportée et était bien loin. Caliel pesta. Même si le geste était inutile, il tapait sur les barreaux, de rage et de désespoir. Il ne supportait pas cette impuissance à laquelle il était condamné face aux faits et gestes de la femme qu'il avait tant aimé. « Le temps presse. » glissa une voix venue d'ailleurs. « Je sais … » grogna le jeune homme. « Je crois que ... Je suis prêt. » Il aurait aimé que les derniers mots échangés avec Vanille soient plus tendres. Néanmoins, il ne s'étonnait guère que ce n'est pas été le cas.

« Bonjour. » articula doucement une voix timide. « Oh ! Bonjour ! » Une jolie Ange aux cheveux roux se releva, souriante. Elle avait les mains pleines de terre à force de s'occuper de son potager ; un panier plein de fraises reposait à quelques pas d'elle. Étonnée, elle dévisagea la nouvelle arrivée, une blonde à l'aura aussi lumineuse que la sienne qu'elle prit, à tord, pour une consœur. « Excusez-moi, je n'ai pas l'habitude d'avoir de la visite. » Elle vivait dans un chalet, perdu dans les montagnes. « C'est moi qui vous demande pardon. Je crois m'être égarée. Pouvez-vous m'indiquez mon chemin ? » - « Bien entendu mais venez boire une tasse de thé auparavant, vous m'avez l'air fatigué ! » C'était dans la nature de la jeune femme d'être bienveillante, agréable et serviable. Elle n'avait pas pour habitude de mettre en doute les paroles d'autrui ; peut-être aurait-elle dû. Sans appréhension, elle fit entrer une étrangère dans sa demeure. Elle servit des boissons chaudes, discutant volontiers de tout et de rien. « Non je n'ai pas d'enfant. » soupira l'Ange, mélancolique, en réponse à la question posée par celle qui s'était présentée sous le prénom d'Alice. « Mon époux aimerait beaucoup construire une famille seulement … Je ne me sens pas prête malgré quelques décennies, presque un siècle, d'existence. Je crois que je ne pourrai me résoudre à enfanter tant que certaines brides de mon passé n'auront pas été éclaircis. » Alice pencha doucement la tête, les lèvres pincées, l'air désolé. « Navrée que vous ayez vécu des moments troubles. » - « C'est plutôt que j'ignore tous de mes parents et je crains qu'il arrive la même chose à ma propre descendance. » - « C'est compréhensible. » - « Et vous, Alice ? Avez-vous des enfants ? » - « Oui, plusieurs. » C'était bien le problème ; même si la pauvre Ange ne le savait pas et ne pouvait comprendre qu'elle était face à sa mère, cette femme qu'elle avait rêvé de rencontrer, cette femme qui ne l'avait jamais aimé. « Peut-être devrai-je me décider … Mon mari va finir par perdre patience. » Alice glissa doucement ses mains dans celles de l'Ange. « Tout ira bien. » Elle sourit. « Vous êtes adorable. » - « Vous avez laissé votre eau sur le feu. » - « Oh ! » Elle sursauta et se releva d'un bond pour filer jusqu'à la cheminée et retirer la marmite. Elle ne souligna même pas le fait que sa convive l'avait griffé quand elle s'était écartée. Comment aurait-elle pu imaginer que le scénario avait été pensé pour qu'elle n'y survive pas ?

1 843 mots - Post III/VI
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Mar 02 Juin 2015, 23:10


Un brin rêveuse, un léger sourire aux lèvres, Vanille buvait les dernières gorgées de son thé. Lentement, elle croisa les jambes. L’espace d’une seconde, elle contempla de ses grands yeux verts les cadavres inanimés qui gisaient à ses pieds dans une mare de sang qui s’agrandissait un peu plus chaque seconde. Cela ne la dérangeait pas de rester à côté des dépouilles. Ils étaient de meilleures compagnies morts ; tandis que vivants ils n’étaient que des gêneurs, agaçants et futiles. Vicieusement, rapidement, le poison avait rongé les forces et la magie de l’Ange. Son expression avait été belle, incompréhension candide d’une souffrance soudaine. Elle s’était effondrée sur la table, les lèvres tremblantes, implorant du regard son invité, qui sirotait son thé sans rien dire ni bouger, le joli minois illuminé d’un charmant sourire de courtoisie. L’Ange avait alors compris qui était son bourreau, sans saisir toutefois les raisons de son meurtre. Puis elle était tombée, suffocante, pour mourir. Quelques minutes suffirent à ce que l’époux de la jeune femme, un homme certainement sensible et doué d’empathie, revienne en trombes au domicile. Vanille ne prit même pas la peine de se lever de sa chaise, esquissant un petit geste des doigts. Un couteau de la cuisine s’agita pour aller se loger dans la gorge de l’Ange qui, en un battement de cils, rejoignit sa femme. Pauvre âme dont l’unique crime avait été d’avoir une belle-mère indésirable. La Dame des Abysses, posa sa tasse sur la table et se releva. Démarche féline et aérienne, elle enjamba les macchabés avec une facilité déconcertante que donnait les siècles d’expérience en matière de tuerie pour sortir de la petite chaumière. D’un autre geste, elle arracha une pierre de la cheminée grâce à ses dons. Les braises et le feu se répandirent et se mirent à dévorer la petite maison et les restes de ses propriétaires. Pensive, Vanille scruta quelques instants les flammes ardentes qui brûlaient tout. Elle ne pensait déjà plus à cette fille qu’elle venait de tuer, choisissant déjà sa prochaine proie. Durant sa conversation avec cette douce enfant qu’elle n’avait jamais voulu, la Khaeleesi, peu intéressée par les bavardages de rigueur, avait fouillé les pensées et la mémoire de la jeune femme, pour dénicher des noms, des visages. Elle avait tout une liste, à présent et la pauvre défunte ignorait qu’elle causerait la perte de ses sœurs. La population angélique allait en prendre un coup démographique. Vanille tourna les talons, prête à continuer sa marche lugubre et à éliminer chacun de ses noms qu’elle ajoutait.

Vanille se laissa tomber au sol. Les doigts tremblants, elle serrait sa poitrine, soumise à des douleurs inédites, des maux inconnus qu’elle ne connaissait pas. La souffrance était inimaginable, sans que son corps ne soit agressé par la moindre lame ou la plus petite magie : c’était au-delà du palpable, au-delà de ce qu’on pouvait croire. Quelque chose se tramait plus haut. Coup dans l’âme et l’esprit, dans le cœur et les songes, quelqu’un lui faisait quelque chose sans qu’elle ne saisisse réellement quoi. C’était indescriptible, incompréhensible, et terriblement éprouvant même pour la Sirène, dont le seuil de tolérance à la torture était impressionnant tant elle s’en délectait d’ordinaire. Doucement, la jeune femme ferma les yeux, dans l’attente d’un répit. Pourquoi se sentait-elle si mal ? Que se passait-il ? La peine ressemblait à une blessure qu’elle avait ressenti, une fois, des siècles auparavant, lorsqu’elle avait mis fin à la vie de son mari. Ce vide, ce rien, ce noir. A l’époque, c’était un moindre mal qu’elle avait vité oublié. Aujourd’hui, c’était pire, comme si son existence n’avait plus aucun sens, comme si elle n’avait plus rien à faire en ce monde, comme si elle était une erreur. Le supplice s’éternisait, longues minutes d’agonie où plus rien n’avait d’importance. Puis plus rien. Vanille se releva lentement, prudente. Elle fit glisser ses doigts sur sa gorge. A présent, elle se sentait bien, même apaisée. Pourtant, quelque chose avait changé, c’était une évidence. « Caliel. » murmura-t-elle. Un lien s’était brisé, celui qui l’unissait à lui, l’homme que les étoiles lui avait destiné. Qu’avait-il fait ? Elle s’éclipsa prestement pour regagner la Cité Engloutie, apparaissant dans la cellule de son mari des temps jadis. Il n’était plus là. Il n’y avait plus rien de lui, pas même des résidus. Il n’était pas mort. C’était bien pire : il avait été détruit. Vanille soupira, irritée par ce geste inconsidérée dont elle n’était pas certaine des conséquences. Les Anges étaient décidemment son soucis du moment. Caliel … Qu’avait-il fait ? Pourquoi ? Comment. Quelqu’un l’avait forcément aidé, une personne à la puissance sans limite. Elle grinça des dents. « Vanille ? » souffla une voix basse et hésitante. Le Professeur. La Sirène leva les yeux au ciel. Il ne manquait vraiment plus que ça. « Je n’ai pas de temps à vous consacrer aujourd’hui, Cole. » Elle fit volte-face pour se retrouver face au Magicien. Elle s’immobilisa, surprise. Elle le voyait … différemment. Le Maître du Temps sourit, embarrassé. « Oui, moi aussi j’ai remarqué. » - « Qu’a-t-il fait ? Caliel. Que m’a-t-il fait ? » - « Réécris ce que je ne pensais pas possible. » Vanille savait déjà de quoi il parlait. Seulement, elle ne voulait pas croire en cette vérité délirante. « De quoi parlez-vous ? » - « Vanille, nos âmes sont devenues sœurs. » - « Impossible. Caliel est la mienne et vous devez … » - « Elle est morte avant même que je fasse sa connaissance. J’étais seul. Libre. Disponible à un changement. » - « C’est impossible. Comment aurait-il pu parvenir à ce résultat ? » - « Aidé par les bonnes personnes, je suppose. » - « Êtes-vous pour quelque chose dans cette histoire ? » - « Non. » Etrangement, elle le crut. « Impossible. » répéta-t-elle tout bas. Elle était furieuse. Ses mains la démangeaient, prête à se saisir de ses armes pour tuer cette nouvelle âme sœur. Elle n’en fit rien. Ils se dévisageaient, simplement. Rien n’avait changé, entre eux, mais elle ne pouvait plus faire semblant. « Allez-vous en. » murmura-t-elle, brisant le silence. Il obtempéra sans protester.

« Est-ce que tout va bien ? Khaeleesi, vous n’avez rien mangé. » Vanille était assise à la grande table du salon, en compagnie de quelques membres de sa famille. Pensive, elle rêvassait devant une assiette qu’elle n’avait pas touché depuis de très longues minutes. Le regard bas, elle ne réagit pas à la remarque d’Asaelys, inquiète, qui était penchée près d’elle. « Khaeleesi ? » répéta-t-elle, embarrassée. « Je n’ai pas faim. » - « Pardon. » Elle s’empressa de s’éloigner. « Oula. » se moqua Caelys tout bas, les yeux de Yun lançant des éclairs pour la dissuader de prononcer toutes paroles qu’elle regrettait. L’insolente Ondine ne s’interrompit pas pour si peu. « Quelqu’un quelque part devrait s’inquiéter. Elle a l’air en rogne. » - « C’est peut-être à cause de Sioban. » articula Eowyn avec prudence. La Dame des Abysses planta le vert de ses mires sur le clone. « Sioban ? » reprit-elle d’une voix douce. Elle était la Néris de l’Ot’Phylès Laecaosie, un clan qui prônait un retour au temps de la traitrise, sur les voies du bien. Yun soupira, agacée par la bêtise de la copie qui aurait mieux fait de se taire. « Elle est venue au Palais peu de temps avant votre retour. Elle demandait audience à vous ou l’Empereur mais vous étiez tous deux indisponibles. Elle n’a pas dit les raisons de sa visite.» - « Bien. Je vais donc aller lui poser la question en personne. » Elle eut un vague sourire. Sioban se reposait sur ses acquis depuis bien trop longtemps, persuadée de sa propre vertue ; elle se comportement en déesse et exigeait que l’on l’idolâtre. Les personnes nostalgiques du temps des Traitres n’avaient plus leur place à la Cité Engloutie et, bientôt, ils en prendraient conscience. Un brin trop tard, malheureusement pour eux. « Asaelys, va chercher Aristote. Que lui et ses hommes soient prêts dans les plus brefs délais. » Vanille avait trop longtemps toléré la présence de la Néris et des membres de son clan. Ils n’avaient jamais réellement été sa priorité, tant ils étaient insignifiants à ses yeux. Seulement, en cette belle soirée, la Dame des Abysses était irritable, irascible. La miséricorde, qui habituellement était une vague notion qui lui permettait d’expliquer à quelqu’un qu’elle ne lui trancherait pas la gorge en échange de bons et loyaux services, s’était absentée de son vocabulaire. Elle n’avait jamais eu la moindre pitié. Elle n’était prompt à laisser passer quoique ce soit.

Les Sirènes avaient toujours été un peuple dont les traditions s’ancraient dans le mal. Les contes et les légendes les peignaient toujours fabuleuses, enchanteresses et envoutantes, mais rarement timides, fragiles et sensibles. Elles étaient les monstres marins les plus terribles qu’ils puissent être ; car elles étaient aussi douées d’éloquence que belles, aussi charmantes qu’affamées d’enfers. Sans remord ni hésitation, Vanille se rendit à la Villa de l’Ot’Phylès Laecaosie, en compagnie de centaines de soldats armés. Il était tard ; beaucoup dormait. L’attaque fut brève, vicieuse. La Dame des Abysses restait en retrait des affrontements, se bornant à observer ses hommes qui, guidés par Artistote, semaient la mort sans broncher, assassinant des Ondins sans poser des questions. Le clan ne jouissait pas d’une bonne réputation ; ses membres considérés comme des pions fanatiques à la solde de Sioban. Les Sirènes aspiraient au mal tandis qu’eux prônaient le bien. Personne ne les regrettait. Le Parlement avait même, sous la pression populaire, pousser le gouvernement dans ce sens. Voilà qui était fait. Des groupuscules, liste en main, visitaient les Quartiers à la recherche des adeptes qui n’étaient pas au quartier général, avec l’ordre d’épargner les enfants affilés contre leur volonté. Bientôt, la voie blanche serait éradiquer de la Capitale Ondine. « Avez-vous trouvé la Néris ? » s’enquit Vanille dans un sourire. « Oui. » répondit le Chef de Cala’Tiare. « Elle a été enfermée dans son bureau, Majesté. Elle est à vous. » - « Parfait. » Elle se rendit auprès d’elle d’un pas tranquille.

« Comment osez-vous ! Félons ! Couards ! Vous le paierez ! Qui vous envoie ! Qui … Khaeleesi ? » Sioban crachait son venin à tout va, jusqu’à apercevoir la silhouette de la Reine. « Vous … » souffla-t-elle, surprise. Elle se mit à rire. « J’aurai du m’en douter. Qu’allez-vous faire de moi, maintenant ? M’enfermer ? Me réduire à l’esclavage ? Cela vous ferait plaisir de me voir servante au Palais, à exécuter vos volontés. » - « Sioban ? » - « Quoi ? » - « Ton époux est infidèle. Je suis bien placée pour le savoir. » La furie voulut hurler. La peau soudainement teintée de rouge, sans voix, elle s’effondra.  

1815 mots - Post IV/VI
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Mar 09 Juin 2015, 20:06


A moitié nue, Vanille contemplait la Cité Engloutie de la grande fenêtre de sa chambre ; assise sur le rebord, le dos contre le mur et les jambes croisées en l'air. Du bout des doigts, elle jouait avec une boucle de ses longs cheveux cuivrés. Il était tôt. L'horloge qui se balançait paresseusement dans un coin de la pièce se mit à teinter, sonnant les cinq heures du matin. La Sirène tourna très légèrement la tête, jetant un rapide coup d'œil à la grande pendule. Elle n'avait pas dormi de la nuit. D'ordinaire, elle sommeillait déjà peu. Depuis le sacrifice de Caliel et la découverte de son âme-sœur, elle avait manqué d'envie de prendre du repos, se bornant à réfléchir aux récents évènements. Elle ne savait trop que penser de tout cela, partagée entre l'envie de rejeter cet homme au sourire ravageur et le désir de s'en emparer. Dans un soupir fatigué, la jeune femme se releva doucement, posant délicatement ses pieds nus sur le parquet froid pour faire quelques pas. Elle croisa les mains, rêveuse, préoccupée. Le départ précipité de son défunt époux ne la peinait pas réellement. Elle n'avait jamais eu de sentiments pour lui. C'était différent avec Cole. Le Magicien avait éveillé en elle des chaleurs inédites, un souhait de partage et une volonté d'ensemble ; émotions cependant fugaces d'un instant de faiblesse. Vanille n'était pas une parfaite petite épouse, prête à fonder une merveilleuse famille dans une maison idéale. Cole devait mourir. Il représentait un danger, celui de faire pression sur l'essence qui la composait, de la changer, même un tant soit peu. La sulfureuse Khæleesi ne comptait pas jeter aux orties des siècles de travail. Il devait mourir. Oui, il le devait car il devenait aussi une faiblesse qu'elle ne s'autorisait pas. L'aimait-elle ? Elle n'en était pas certaine. Son cœur était de cendres ; il n'avait jamais servi aux passions. Elle ignorait si elle ressentait quoique ce soit pour cet homme mais elle ne pouvait nier le convoiter. « Tu es née pour être ma femme, Vanille. J'en suis convaincu. J'aimerai que tu deviennes enfin mon amante. » susurra tout bas une voix. Elle frissonna, sans toutefois se retourner ou même s'échapper lorsqu'elle sentit deux bras lui enlacer la taille et les épaules. « On ne se vouvoie donc plus ? » répondit-elle avec un léger sarcasme dans le ton. Cole rit doucement, enfouissant son visage dans la gorge de la jeune femme, il la serra davantage contre lui. « Tu esquives le véritable sujet. » Il fit glisser son nez sur la ligne de son cou, déposant un petit baiser à la fin de la course. Vanille frémit. « Je … » souffla-t-elle, sans parvenir à achever sa phrase. « Quoi ? » - « Ce n'est … » - « Pourrais-tu cesser de me rejeter et te laisser un peu aller ? » - « Cole. » - « Oui ? » - « Rien ne pourra jamais aller. » - « Je sais ce que tu es et je l'accepte. Je fermerai les yeux sur tes écarts. Je ne me mêlerai pas de tes affaires. Je te tiens pas à t'enchaîner, Vanille, simplement … » Il relâcha légèrement son étreinte et, sans quitter les bras du Maître du Temps, Vanille se retourna vers lui, plongeant ses grands yeux verts dans les siens. « Je ne peux pas. Je ne suis pas comme ça. » chuchota-t-elle. « Je t'apprendrai. » Il s'approchait d'elle, qui reculait en même temps. Le mur arrêta sa fuite. « Tu vas en souffrir. » - « J'ai attendu plus de cinq siècles pour toi et je crois que je ne connaîtrai rien de pire. Laisse moi être à tes côtés pour l'éternité, c'est tout ce qu'il me faut. » - « Cole … » - « La ferme, Vanille. La ferme. » Il sourit, agrippant les épaules de la Sirène. Elle était si petite, fine et fragile ; belle et adorable à le regarder avec ses grands yeux verts. Il la voulait. Il l'avait toujours voulu. D'un geste, il caressa sa joue, jusqu'à s'arrêter à son menton. Soumis à ses envies, il se pencha soudainement près d'elle pour plaquer ses lèvres contre les siennes. Ces baisers avaient une saveur différente à tout ce qu'elle avait connu. Vanille finit par fermer les yeux, faisant remonter ses mains dans le dos de Cole, jusqu'à attraper ses épaules. Lui laissait s'égarer ses doigts dans ses cheveux, de plus en plus avide d'elle. Peut-être même un peu trop. « Cole … » Elle le repoussa légèrement. Il se mit à rire. « C'est une première. » souligna-t-il, joueur. « Cela me conforte néanmoins dans l'idée que je suis différent. Tu devras quand même te faire pardonner ces années. » - « Pardon ? » Il la força à reculer jusqu'à son lit, la faisant tomber entre les draps sans la lâcher. « Tu es vraiment délicieuse. » murmura-t-il en l'embrassant toujours plus. Puis il finit par poser sa tête près de son cœur, paupière close. « Laisse-moi réfléchir à si je t'excuse ou non de ton comportement. » Vanille respirait lentement, le cœur emballé. Elle resta longtemps sans bouger, jusqu'à ce qu'elle croise les bras autour de la tête du Magicien.

Vanille rouvrit prestement les yeux. Battant quelques instants des cils, elle se dégagea discrètement des bras de Cole. Ils s'étaient endormis, l'un contre l'autre. Quelques heures s'étaient écoulées. La Khæleesi se mit à genoux sur les draps, juste à côté du rêveur qui sommeillait sans crainte. Elle se mit à le dévisager, tout en réfléchissant à ce qu'il se passait. D'un geste lent, elle prit son poignard, dissimulé sous ses oreillers. Il devait mourir. Du bout des ongles, elle tapotait la lame argentée, indécise. Elle scrutait avec insistance les traits du Magicien, paisibles. Il était vraiment bel homme et, assoupi, perdait d'arrogance pour gagner en douceur et mélancolie, révélant une facette de son caractère qu'il s'évertuait à cacher. Vanille soupira. Elle avait l'occasion de trancher la gorge à ce Maître du Temps si puissant qui rivalisait avec sa magie ; mais elle ne pouvait plus se résoudre à l'éliminer. Les lèvres pincées, le feu au fond des yeux, elle quitta le lit pour s'habiller. « Khæleesi ? Est-ce que tout va bien ? » s'enquit Asælys qui percevait sans mal les humeurs de sa maîtresse. Celle-ci hocha distraitement la tête. « Non. » Elle arrêta brutalement la servante qui se dirigeait dans sa chambre. « Je … voulais simplement refaire … » - « Non. » La petite avala péniblement sa salive, effrayée par la dureté dont faisait preuve la Sirène. « Bien, Majesté. Pardon. » Plus loin, Cælys marmonna à Eowyn : « Super. Ces derniers jours, elle est un peu plus énervée à chaque fois que je la croise. » - « Tu sors ? » s'étonna Yun. « Ton fiancé et toute une joyeuse ribambelle de sorciers festifs vont débarquer d'une minute à l'autre. Il serait plus prudent d'attendre leur arrivée qui ne saurait tarder. » Vanille ne répondit pas, se contentant de passer la porte. « Tu es suicidaire, Yun. Vraiment. »

Les rues de Theialle étaient bondées. La Dame des Abysses percevait à peine la foule grouillante, l'esprit ailleurs. Peu désireuse de s'attarder en inutile balade, elle se dirigea tout droit dans l'une des bijouteries les plus prestigieuses de la Cité Engloutie. Elle n'eut pas à se présenter ni même à signifier l'objet de sa visite. Le personnel reconnu immédiatement leur Reine et sauta près d'elle, déblatérant des formules de politesse et des banalités à tout va. « Mon mari est à vous dans une petite seconde. Votre commande est terminée, j'espère qu'elle vous satisfera. L'ouvrage est – à mon humble avis – splendide. Quant aux enchantements, ils ont été réalisé avec le plus grand soin selon les indications de la vieille magie que vous souhaitez. Puis-je vous offrir quelque chose à boire, Lady ? Peut-être une tasse de thé ou bien … » Elle s'interrompit. Elle s'apprêtait à lui proposer quelques boissons alcoolisées mais s'était rappelée des rumeurs qui circulaient sur la jolie Vanille, que l'on disait enceinte. La Sirène aurait été curieuse de savoir où et comment était née cette fable : elle ne venait pas d'elle et était – du moins le croyait-elle – infondée. « Non merci. » Elle était assez pressée. L'Empereur Noir était sur le point d'arriver à la Capitale et Vanille se ferait un plaisir de la quitter à ce moment précis pour vaquer à ses occupations, pourvu qu'elle n'ait aucun rapport de près ou de loin avec les noces prévues. « Majesté ! » s'égosilla le bijoutier qui dévalait les escaliers, un petit paquet à la main. « C'est un honneur de vous recevoir ! Je suis au comble du bonheur depuis que j'ai reçu votre missive. Notre maison ne vous remerciera jamais assez de lui avoir fait confiance pour réaliser l'un de vos bijoux. » Avec une infinie délicatesse, il déposa le coffret sur le comptoir. Il devenait nerveux, guettant la moindre réaction de sa Souveraine. Doucement, elle ouvrit la boite. Une bague reposait sur un coussin noir, petit anneau d'argent surmonté d'un diamant rouge. La pierre était d'une pureté incroyable, taillée avec élégance pour rappeler un cœur. Des arabesques délicates se dessinaient sur la monture. « C'est parfait. » Il sourit, soulagé. « Puis-je ? » S'assurant de l'autorisation de la jeune femme, il prit le bijou pour le glisser à l'un des doigts de Vanille. « Le bouclier est déjà en place. Ensuite, concernant le deuxième pouvoir qui est lié à cet artefact … Il n'a comme seul limite que votre imagination. Tous vos désirs seront assouvis et vous causerez la perte des couturiers qui se battent pour avoir le privilège de vous voir porter l'une de leur création. » - « Combien est-ce que je vous dois ? » - « Par Phoebe ! Rien, Majesté. » -  « J'insiste. » En réalité, elle s'en fichait mais une Reine aussi réputée qu'elle se devait de sauver les apparences. « Ma Reine, vous voir porter ce bijou est une récompense époustouflante. » Surtout, sa Maison risquait d'être prise d'assaut par les adorateurs de la Khæleesi, qui chercheraient à acheter dans les mêmes boutiques qu'elle. « Êtes-vous certain ? Cela me gêne. » - « Oui. Nous espérons tous vous revoir. Nous serons présents pour votre mariage avec le Roi Sorcier, en tout cas. » - « Alors à bientôt. » Dans moins longtemps qu'ils le penseraient, en réalité. La Sirène s'en alla, un léger sourire aux lèvres. Ils ne le savaient pas encore mais cette journée serait la dernière, du moins pour quelques membres de la famille. Vanille n'avait pas spécialement besoin d'éliminer ces gens-là, qui n'avaient fait que lui créer la base d'un de ses projets. Simplement, elle en avait envie.

1900 mots - Post V/VI
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Dim 09 Aoû 2015, 00:22


« Je savais que l'idée d'être mon amante aurait des conséquences néfastes sur le monde mais je ne m'attendais pas à ce que tu réagisses aussi … violemment. » - « Tu n'avais qu'à te plonger dans l'avenir pour contempler les conséquences de tes actes, Maître du Temps. » - « Hum. Pourrais-tu t'en tenir à Maître ? Ces mots entre tes lèvres … C'est assez plaisant. » Cole se mit à rire. Mains dans les poches, il se tenait en bas des grandes marches qui menaient au trône sur lequel la Khæleesi était et observait le spectacle offert par ses sept dragons, qui se disputaient quelques carcasses ensanglantées, devenues difformes à force de coups de crocs et de griffes mais dont on devinait la forme vaguement humaine qu'elles devaient avoir, autrefois. « Qui étaient ces gens ? » s'enquit le Professeur, d'un ton léger. Il prenait garde de rester à bonne distance des bêtes, que leur maîtresse avait dressé pour qu'ils le repèrent et le chassent. Heureusement, ils étaient occupés. « Je l'ignore. » Il haussa les sourcils. « A quoi est-ce que tout cela rime donc ? » - « J'en avais envie. Voir mes Dragons se battre pour ses restes est splendide. » - « Étaient-ils déjà morts ? » - « Lorsqu'ils ont fait la rencontre avec Deimos et sa meute ? Non. Je n'allais pas priver mes chéris d'un jeu amusant. Bref, mais amusant. » - « Ils n'ont donc rien fait pour te déplaire. » - « C'est ce qu'on appelle être au mauvais endroit au mauvais moment. » - « Dame Fatalité, cruel destin de t'avoir rencontré. » Ce n'était pas la stricte vérité, en réalité. Certaines proies avaient été choisies, comme le bijoutier et sa femme, quelques prisonniers ondins et deux ou trois parlementaires encombrants. Ce n'était que du détail, aux yeux de Vanille. Dans un soupir, le Magicien grimpa les escaliers pour se glisser près de la jeune femme. Il se mit à jouer du bout des doigts avec une mèche de ses cheveux. « Fais-tu tout cela simplement parce que tu ne supportes pas l'idée d'être la compagne de quelqu'un comme moi ? » - « Ne crois pas être le point central de mon existence. » Il ne l'écoutait pas vraiment. « Vanille, je ne suis pour aucun camp. Les Maîtres du Temps ne s'intéressent plus à la politique, même à la tienne. Nous sommes au-delà de ses considérations. Je ne suis pas réellement un Mage Blanc, ce n'est que le peuple dans lequel j'ai vécu. » - « Je t'imagine volontiers comme un citoyen modèle. » se moqua-t-elle. Cole n'était pas l'homme le plus intègre qu'elle avait rencontré. « Disons simplement que je frôlais les limites sans cesse. » Il se mit à genoux pour être à la hauteur de la Dame des Abysses, la regarder droit dans les yeux. « Si tu souhaites simplement que je ne sois plus blanc comme neige, cela peut s'arranger.  » Vanille sourit légèrement. « Je ne tiens pas à ce que tu sois différent. » Sans compter qu’elle était certaine qu’il était d’un gris plutôt sombre. « Fais ce qui te semble bon de ta vie. Pourvu que tu ne tentes pas de me changer. » - « Je ne souhaite pas que tu sois différente. » Il fit glisser sa main derrière la nuque de la jeune femme pour approcher ses lèvres des siennes, et l'embrasser.

« Mes noces approchent. » murmura-t-elle entre deux baisers, sans que le Mage ne se détache réellement d’elle, se bornant à marmonner quelques « hum » lointains. « Cette idée ne t’inquiète donc pas ? » Il rit doucement. « Pas vraiment. Je doute que tu ais un jour réellement eu l’intention de te marier avec l’Empereur Noir. » - « Tu pourrais avoir tort. » - « Oui. » consentit-il après une petite hésitation. Il se gardait bien d’épier le futur de la Khæleesi. « Je ne crois pas que ton statut serait problématique. Tu n’es pas une femme douée dans la fidélité. » Ils se dévisagèrent. « Cela ne te dérange pas ? » Il soupira, glissant une main dans ses cheveux bruns. « Je mentirai si j’affirmais que ça n’avait pas la moindre importance. Seulement, je ne tiens pas à faire de toi quelqu’un d’autre. Je te prends toute entière : avec tes quelques qualités et ta foule de défauts. » - « Cette phrase ressemblait à un compliment, au début. » Il sourit. « C’est de l’impétueuse créature que tu es, indomptable et sauvage, que je suis tombé amoureux. » - « Adorable. » - « On pourrait vivre ensemble. » La conversation prenait – pour la femme sentimentale qu’était Vanille – une tournure désagréable. Elle choisit de mettre un terme à l’entrevue.  « Les couturiers arrivent. Je dois choisir ma robe pour le mariage. » - « Dans un endroit qui ne serait qu’à nous. » Rêvassait-t-il, faisant la sourde-oreille. « Cole, je vais me marier. » finit-elle par lâcher, agacée. « J’attends de voir ça. » Il se releva. « Tu n’es pas du genre à tenir une promesse aussi importante. » - « Tu devrai courir, mon petit cœur. » Il haussa les sourcils, surpris par le conseil inattendu. Vanille le contemplait, un petit sourire aux lèvres. « Je crois que mes bêtes viennent d’achever leur repas. » précisa-t-elle, l’air de rien. « Est-ce que des pairs d’yeux sanguinaires me scrutent avec haine et appétit ? » - « Je le crains. » - « Tu … les as bien dressé. » - « Je sais. » Il jeta un coup d’œil aux Dragons qui, d’un pas lourd, rôdaient près du trône, prêts à bondir. Il prit une grande inspiration, contrarié. « A plus tard. » claironna la Khæleesi, un brin de malice dans la voix. Le Professeur lui accorda un regard froid avant de se mettre à détaler dans les couloirs, suivi de près par Deimos et sa meute. « Ma Dame ? » souffla la douce Asælys, encore à moitié dissimulée derrière la grande porte qu’elle n’osait franchir sans autorisation. « Entre. » répondit-elle. La jeune fille se glissa d’une démarche indécise et maladroite. Vanille l’observait sans rien dire, tout en se demandant qui pouvait bien être son père. « Le Roi est arrivé. Il est reçu avec sa délégation dans le petit salon rouge de l’aile sud par votre fille, Mælodya. Vous êtes attendue dans le hall, pour votre robe. » - « Bien. Asælys ? » Crispée, les joues rouges, l’Ange bredouilla un « oui » confus. « J’aimerai que tu m’accompagnes. » La nouvelle arracha un hoquet surpris à l’intéressée. Elle s’attendait plutôt à une quelconque réprimande. « Bien entendu. J’en suis ravie et honorée, Khæleesi. J’ai aperçu certaines des créations qui ont été réalisées pour vous. Elles sont superbes. Vous serez éblouissante. »

Vanille participait à peine aux discussions, une fois le soir venu et les invités conviés à sa table pour un dîner formel. Rêveuse, les pensées égarées, elle n’écoutait pas les conversations et ne s’intéressait pas aux débats. Elle attrapa distraitement son verre de vin pour boire quelques gorgées du nectar fruité, laissant ses grands yeux verts glisser sur les Sorciers qui l’entouraient, Lord à ses côtés. « Un nouveau bijou ? » s’enquit l’Empereur Noir en désignant d’un mouvement du menton l’anneau d’argent au diamant ensanglanté qui ornait l’un des doigts de sa main. « Depuis quand vous intéressez-vous aux trésors de mes coffres ? Je possède des milliers de parures et de bagues. » - « Ce solitaire me semble différent. » - « Il l’est. » - « En quoi ? » - « Il attire les curiosités. » - « Vous êtes puérile, ce soir. » - « Vous êtes morne, aigri et insipide depuis toujours mais je ne comptais pas vous en faire la remarque. » Il s’enquit après un silence : « Est-ce que tout va bien ? Vous êtes pâle. » - « Je suis fatiguée de ce dîner. Veuillez m’excuser. » Elle se releva, imitée par les Mages Noirs qui s’inclinèrent. Vanille s’en alla. Enfermée dans ses appartements privés, elle se laissa tomber sur le divan. Le bras levé, elle se mit à admirer sa bague. De sa main libre, elle caressa la vieille montre qui se balançait au bout d’une longue chaîne, cachée sous ses vêtements. Elle avait encore tant à faire. Elle ne voulait pas traîner. « Le Mage de pacotille n’a pas tort. » grogna la voix inhumaine du Tigre Géant, qui s’affala sur le tapis. « Tu es hideuse. Tu as le teint terne et mauvaise mine. » Kesmos avait toujours eu un infini tact. C’était un animal. Il ne trouvait pas sa maîtresse jolie, se contentant de faire la différence entre le visage habituel et celui qu’elle abordait en l’instant. « J’ai mal au crâne. » - « Va voir le guérisseur du palais. Ce type est là pour ça. » - « Non. Je dois partir. » - « Où vas-tu, encore ? » - « A Pabamiel. » Eowyn, qui lisait tranquillement, demanda tout bas : « Dois-je prendre ta place ? » - « Oui. Refuse de voir qui que ce soit en arguant une maladie quelconque. » Le clone acquiesça. Lentement, elle changea d’apparence jusqu’à devenir la copie parfaite de la Khæleesi. « Fais en sorte que Lord ne t’approche pas. Il ne sera pas leurré. » Vanille avait beau avoir une moindre estime pour l’intellect de son fiancé, elle ne le sous-estimait pas au point de le croire aussi stupide. Sans accorder plus d’attention à ses proches, la jeune femme alla s’enfermer dans sa chambre, le temps pour quelques pensées sombres. Son regard se promenait tranquillement sur le mobilier. Elle se mit à sourire. Bientôt, ce serait la fin de cette vie. Elle ne la regretterait pas. Peu à peu, elle bâtissait les fondations de son existence future. Tout était prêt. Le monde risquait de lui en vouloir. Seulement, elle s’en fichait.

« Es-tu certain qu’elle est une candidate idéale ? » Perchée sur les toits des grands édifices de la Cité Engloutie, une jeune femme avait soufflé cette question à son acolyte, assis un peu plus bas. Celui-ci sourit. « Oui. Je l’interpelle depuis longtemps. Elle sera parfaite. » - « Tu joues un jeu dangereux, Karael. » - « C’est notre lot quotidien. » - « Elle a l’air de préparer quelque chose … de monstrueux. » - « Nous ne sommes pas là pour la juger. Pas sur ça. Elle partage les valeurs qui nous sont les plus chères. » La femme haussa les épaules. « C’est ton choix, après tout. Tu seras responsable d’elle. » - « Oui, je sais. » Elle hésita un court instant avant de demander : « Est-ce que c’est vrai ? Ce que Josh raconte. » - « En quoi est-ce que ça te concerne ? » - « Tu sembles particulièrement impliqué, avec elle. » - « Non, pas vraiment. J’aimerai simplement qu’elle soit parmi nous. » - « Alors tu as vraiment couché avec elle ? » Il ferma les yeux, soupira. « C’est une très belle femme. Désolé de n’être qu’un homme. » Il s’interrompit une seconde avant d’ajouter sur un ton de reproche : « C’est toi qui m’a quitté. » Il reporta son attention sur la Dame des Abysses. D’un bond, il se releva en pestant. Elle était partie. Il n’avait rien vu. « C’est de ta faute ! » hurla-t-il en dévisageant sa partenaire. « Karael, je … » - « Je ne voulais pas que tu viennes. Pourquoi est-ce que tu t’entêtes à me poursuivre ? Si tu tenais tant à moi, la solution était simple. » Il sauta du toit et se mit à courir à travers les allées de la Cité Engloutie.

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