J’enfilais mes gants, tandis que des tas de questions défilaient dans ma tête. Trop à vrai dire. Sur notre situation ; qu’est-ce qu’il pouvait bien arriver à une personne sans ombre ; pourquoi avait-elle précisé de faire vite… Mais la main de Nissa qui s’empara de la mienne interrompit le fil de mes pensées. Encore plus lorsqu’elle m’entraina dans le labyrinthe de haie à la poursuite de la servante.  Cette dernière avait filé à une vitesse incroyable. Pensait-elle vraiment la rattraper ? Mais Nissa semblait avoir la ferme conviction de vouloir retrouver cette femme. Aussi, même si j’essayais de garder des points de repères – chose difficile dans un endroit où absolument tout se ressemble – je tentais également de garder une allure régulière pour ne pas m’entraver dans les quelques branches au sol et me faire traîner par ma compagnon d’infortune. Et après des tours et des détours, nous débouchions sur un espace aéré et circulaire. En son centre une grande fontaine sculptée dans de la pierre blanche était érigée. Et il y avait également la jeune femme après qui l’on, surtout Nissa, courrait. Et la réponse qu’elle donna sur la raison pour laquelle nous devions rapidement trouver nos ombres fut effrayante. Nous deviendrons des ombres ? A la tombée de la nuit ? Ça fait presque conte de fée. Et pourtant, ça ne semblait pas en être un…

« Bon… Maintenant on sait combien de temps la maîtresse des lieux nous tolère dans cet endroit. On ferait mieux d’agir vite… ». Nissa fit une remarque sur la disparition des ombres en absence de Soleil. Oui, c’est une première piste. Mais la lueur d'une bougie ne leur suffit-elle pas pour apparaitre ? « Sauf si la Maîtresse de cette forteresse est phobique du Soleil, il peut également pénétrer à l’intérieur du bâtiment par les fenêtres. Mais je suis d’accord, commençons par les jardins qui sont plus exposés. ». Je marquais un temps de pause, le temps d’observer l’environnement où nous nous trouvions. Cette petite place avec la fontaine, trois sorties différentes et qui pourtant se ressemblent en tout point. Je remercie le ciel de m’avoir fait naître en être ailé pour le coup. « Pour ce qui est de la hauteur, ça je pense pouvoir gérer. ». Je déployais mes ailes et m’envola à quelques mètres au-dessus de mon point de départ initial. Et je vis le dédale. Un véritable enchevêtrement de couloir buissonneux. Certains menant nulle part. D’autres menant sur de nouveaux chemins. Au fond, celui qui a créé ce labyrinthe est un artiste. Parce que c’est beau, bien fait… Et terriblement dangereux ! J’espère que Nissa a la capacité de voler également, sinon sortir d’ici va se révéler un véritable challenge.

Je trouvais un chemin pas très loin du labyrinthe, cerné de grandes colonnes également dessinés dans cette même pierre blanche qui constituait la fontaine. Je décidais de me poser sur l’une d’entre elle. Je préférais limiter l’utilisation de magie, même si celle-ci fait partie intégrante de mon corps. Cette forteresse avait bien volée nos ombres. Qui sait ce qu’elle pouvait encore nous prendre. Je regardais aux alentours. Ces jardins étaient magnifiques. Et entretenus d’une façon exquise. Mais même se cachaient parmi les forêts de buissons et d’arbres, il ne serait pas aisé de les retrouver. Le labyrinthe n’était en réalité qu’un avant-goût de ce que cet endroit avait à nous offrir. « Si les jardins permettent déjà d’offrir mille-et-une cachette à quelqu’un, qu’est-ce que ce doit être pour une ombre ? ». A l’origine je voulais m’adresser à ma nouvelle associée d’un jour, mais je fis rapidement la constatation… Qu’elle n’était pas à mes côtés. Flûte ! Je jetais un dernier regard à ce qui m’entourait, d’ici que je repère les ombres. Mais bien évidemment, ce ne fut pas le cas.

Je redescendis en direction de la jeune femme qui m’accompagnait, mais restais à planer dans les airs. « Je vais essayer de t’aider à sortir de là. Tu n’auras qu’à suivre mes indications. ». Il le fallait bien. Je ne pouvais pas la laisser là. Et puis on sera bien plus efficace à deux pour retrouver nos ombres disparues. Je reprenais un peu de hauteur pour mémoriser le chemin. Ça n’allait pas être simple. Il allait falloir être attentif. Des deux côtés. Je replongeais dans sa direction en gardant un peu de hauteur pour mieux voir la route à emprunter. « Bien, j’espère juste que ce labyrinthe n’a rien de magique. Sinon ça va nous compliquer légèrement la tâche. Allons-y ! »

De ma hauteur, je gardais un œil sur la route qu’empruntais Nissa qui voulait également que je cherche les ombres. Je veux bien que ce soit pratique d’avoir une vision globale des environs, mais je ne peux pas surveiller à la fois ses déplacements et ceux de nos ombres ! Si j’étais omnisciente, ça se saurait. Je ne serai pas là à courir après mon ombre et à guider une fille capricieuse qui s’est perdue dans un labyrinthe parce qu’elle n’a pas eu l’idée de prendre de repaire… Bon sang, c’est rare les gens qui m’agace de cette manière. Ou est-ce une réaction dû à l’absence de mon ombre ? Elle agit tel un reflet de ténèbres captant cette part obscure de mon être, et son absence fait ressurgir toute cette haine et cette rage qui aurait dû être captive en son sein… Jusqu’à ce que je devienne l’ombre de moi-même selon cette jeune servante.

Nissa avançait, doucement mais surement. Seulement la route me paraissait étrangement longue. Vu d’en haut il ne me semblait pas qu’il y avait tant de chemin à faire. Je reprenais un peu de hauteur pour vérifier le parcours une seconde fois… Et retins un cri de surprise. Le labyrinthe semblait complètement différent.  Les chemins n’étaient plus les mêmes. Je pris de nouveaux points de repères vers la sortie et ne dis rien de cette information à Nissa. Elle avait l’air d’être déjà assez sur les nerfs comme ça, si en plus je lui annonçais que la direction qu’elle prenait était loin d’être celle de la sortie… Non je vais juste la rediriger vers la nouvelle route, c’est mieux ainsi.

« Attention ! » - « Mmmh ? ». Ce ne fût qu’à la dernière seconde que je vis un jet de flamme venir droit sur moi. Immédiatement je rétractais mes ailes pour m’écrouler au sol dans un bruit sourd. « Merci ça va. Disons qu’il y a eu plus de peur que de mal. ». Je n’étais pas très haut, la chute ne fut pas terrible. Mais en me relevant, ma surprise fut de nouveau terrible. « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? ». Les magnifiques haies vertes et chatoyantes avaient laissés place à un décor mort et misérable. Là où la vie régnait en maître depuis mes hauteurs, c’était un territoire de désolation vu du sol. Un sort d’illusion ? Probablement. Mais Nissa avait raison. Nous n’avions pas de temps à perdre ici. Il fallait sortir quitte à détruire ce dédale et brûler les haies ! Je m’apprêtais à décoller mais mes ailes semblaient de plombs, et les déployer me demandait déjà un effort incroyable. Sérieusement, j’avais l’impression de me retrouver à ma première leçon de vol tellement je galérais !

Nissa avait pris un peu d’avance alors j’accélérais le pas pour la rejoindre. « Non, aucun signe de nos ombres jusqu’à maintenant. Elles doivent être plus loin. Sortir d’ici facilitera grandement nos recherches. ». Encore faut-il que je puisse décoller du sol… Mais la disparition soudaine de Nissa me stoppa net dans mes mouvements et dans mes pensées. Non, juste un plongeon dans un trou d’eau en plein milieu du chemin, apparu de nulle part. Je ne préférais même pas chercher à comprendre le « pourquoi » du « comment ». Depuis ce matin, depuis la perte de nos ombres, plus rien n’avait de sens. Avec un peu de chance, tout cela n’était en réalité qu’un rêve et j’allais me réveiller dans ma chambre, à Avalon. Si seulement… « Nissa ? Est-ce que tu vas bien ? ». M’entendait-elle seulement ? Lorsqu’elle revint à la surface, je compris alors qu’il allait être difficile pour elle de décoller en effet. Une Sirène volante, quel drôle d’idée !

Je me retournais quand le loup se mit à grogner dans la direction que l’on venait d’emprunter. Puis de nouveaux grognements. Mais cette fois-ci, ils ne venaient pas du familier de la Sirène. S’en était d’autant plus inquiétant. Une créature étrange apparue au tournant que nous avions pris. Une bête de deux fois la taille d’un homme moyen, complètement rachitique. Les poils qui la recouvraient amenuisaient à peine cette apparence. Entre l’humanoïde et l’animal, je ne savais pas vraiment dans quelle catégorie ranger cette chose tant son apparence était étrange et dérangeante. Au moins elle collait bien au décor. Peut-être aurions-nous été dans une partie plus accueillante du labyrinthe, ce serai un énorme mouton rose qui serait apparu. Une idée me traversa l’esprit pour tenir à l’écart cette créature. Pour le moment je préférais me fier au loup et la considérer comme dangereuse. En théorie ça devrait fonctionner et nous faire gagner un peu de temps. Ca n’est qu’une bête après tout. Je me concentrais et mesurais ma respiration afin de mieux visualiser l’image et l’appliquer ensuite. Puis je lançais l’illusion. Le trou d’eau dans lequel était tombé Nissa s’était allongé de quelques mètres devant nous, laissant un petit carré de terre pour nous trois, histoire que ça fasse plus réaliste. Maintenant j’espérais que la bête tombe dans le panneau, parce que ça ne reste qu’une illusion. On est toujours aussi exposé qu’il y a deux minutes. Et ce n’est pas dit que je puisse la maintenir éternellement. Mais n’ayant pour le moment aucun n’autre plan de secours, il allait falloir se contenter de ça pour le moment. Je jetais un œil sur Land avant de me tourner vers la Sirène. « Dis-moi, ton loup sais nager ? ». Déjà que j’avais du mal à voler seule, alors prendre un passager avec moi risquait d’être difficile. Et je ne comptais pas affronter cette bestiole pour le moment. Disons que ce n’était pas ma priorité… Pour le moment il ne me tardait plus que de sortir de ce dédale et de retrouver mon ombre. J’en avais plus qu’assez d’être ici et de tourner en rond pour aider une Sirène qui s’est mise seule dans ce pétrin. J’aurais pu commencer véritablement les recherches depuis dix minutes au moins ! Mince… J’espère vraiment que c’est à cause de la disparition de mon ombre que je suis aussi amer.

Après un soupir je pris mon envol avec beaucoup de peine. D’autant plus qu’il fallait que je reste concentrée sur mon lac fictif. Puis il y avait les ombres à repérer. Et la sortie à retrouver… Je ne vais jamais y arriver ! Et en effet. Je n’étais pas encore une pro de l’illusion et penser à tout ça, plus l’effort du vol… Je voyais petit à petit mon illusion perdre de son éclat et ressembler plus à une espèce de flaque d’eau qu’à une étendue d’eau plus ou moins crédible. « Flûte ! ».

Dans notre fuite, je suivais de près Nissa. Même si je dois l’avouer, à présent je ne la guidais plus vraiment. Même, je ne la guidais plus du tout. Je ne faisais que rester à proximité dans le cas où elle aurait besoin de moi. Car après tout, entre nous deux, ce n’est pas moi qui court le plus de danger ici en ce moment. Je surveillais donc en même temps, de temps à autre, si la créature nous poursuivait toujours. Je dois bien dire que je me demandais encore qu’est-ce que cette chose pouvait bien être. Heureusement l’Ondine avait pris de l’avance et réussie à distancer la bête. Mais pour combien de temps ? Et soudain, miracle ! L’instinct de survie peut parfois être surprenant en faisant renaître nos plus profondes aptitudes.  Car alors que l’on s’y attendait le moins, la sortie du labyrinthe se présentait enfin. Enfin la liberté nous était offerte. Enfin, était offerte à Nissa et son loup.

Certes, certaines parties du jardin étaient bien plus accueillante que celle où l’on venait d’atterrir. Mais vu la zone du labyrinthe où nous nous trouvions il y a quelques minutes à peine, cet endroit était agréable à voir. Qui plus est, le monstre ne semblait pas pouvoir sortir du dédale, comme si une barrière invisible l’empêchait de nous suivre au-delà des limites du labyrinthe. Que demander de mieux ! Si, retrouver nos ombres éventuellement. Ça serait pas mal, ma foi.

Ralentissant le rythme, étant bien plus en sécurité à présent que dans le labyrinthe, je remarquais seulement maintenant la nudité de la Sirène. Décidément, serait-ce une habitude chez elle ? Je levais les yeux au ciel avant d’entendre Nissa qui affirmait mon sentiment de sûreté. Mais plus encore. Elle m’indiqua également avoir aperçu nos ombres. Je regardais dans la direction qu’elle pointait. En effet, ces ombres-ci étaient différentes de celles que l’on pouvait observer au pied des plantes. Alléluia ! Tout ce que j’avais souhaité c’était enfin réalisé ! Je ne pus m’empêcher de réaliser une " danse de la victoire ", en enchaînant différents pas de danse que je connaissais, et certains improvisés, de différents style musical. Malgré tout, j’étais en plein vol, et je manquais de peu la chute. Me ressaisissant, je repris mon équilibre pour retrouver nos reflets obscurs perdus. Alors que la jeune femme traversait les hautes herbes, difficilement semblait-il, par voie terrestre pour rejoindre enfin nos ombres, je continuais ma route par voie aérienne.

Pressée de quitter ce lieu, de retrouver une vie normale et de rentrer chez moi, je traversais immédiatement le jardin. Mais quelque chose m’inquiéta de plus en plus, au fur et à mesure que j’avançais. Les ombres semblaient s’allonger de plus en plus. Tout ici paraissait de plus en plus obscur et nos ombres commençaient à se fondre parmi les autres. D’un coup je commençais à paniquer. Et si nos ombres se faisaient entièrement engloutir ? Pourrions-nous encore les récupérer ? Et si nous-même étions touché par ces ombres qui semblaient vivantes. Que se passerait-il ? A trop me questionner, je ne vis pas que je volais apparemment trop prêt du chêne, trônant comme un roi au milieu du jardin. Hors, c’est bien de ce vieux chêne solitaire que j’aurai dû m’inquiéter…

D’une manière inattendue, je sentie quelque chose attraper ma cheville. Je cherchais des yeux le coupable, mais ne vis personne. A part cet arbre bien trop sombre à mes yeux. Paniquée je tentais de retirer cette main invisible qui tenait en étau ma cheville. Mais il n’y avait rien à faire. Je tentais d’utiliser mon contrôle de la lumière pour éloigner l’ombre qui semblait forcer toujours plus son étreinte. Mais rien ne se produisit. Cette fois-ci, ça ne voulait pas. « Comme par hasard ! ». J’étais effrayée. Jamais je n’avais senti mon cœur battre aussi fort. Aussi vite. Je ne savais que faire face à cette menace invisible, et des larmes commencèrent à perler à mes yeux. « Non… Je dois lutter… ». Je tournais un regard de détresse en direction de la Sirène. J’espère qu’il ne lui est rien arrivée à elle non plus, ou alors notre quête est terminée…

La panique s’était emparée de tout mon être. J’aurais aimée hurler, faire entendre ma voix  par-delà les murailles de cette forteresse. Mais aucun son ne voulait sortir de ma gorge. Je me contentais alors de me débattre, accélérant  la cadence de mes battements d’ailes dans l’espoir que ça puisse changer quelque chose. Un autre regard sur Nissa m’emplie d’effroi. Les ombres la retenait également prisonnière de leur lien liens invisibles. Et je pouvais la voir se transformer peu à peu  en bête. Pendant un instant je pris peur. Je pris peur, craignant qu’elle ne revête l’apparence de cette créature, croisée il y a quelques minutes à peine dans le labyrinthe. Mais heureusement, c’est dans une forme quelque peu plus appréciable que la sirène se métamorphosa. Je vis alors la panthère qu’elle était devenue se diriger avec aisance vers nos ombres, me laissant dans mon désarroi. « Elle ne va tout de même pas me laisser là ? ». Je tentais de l’appeler. « Nissa… ». Un souffle, à peine audible. Tu m’étonnes qu’elle m’ignore complètement et continue à se diriger vers nos ombres plutôt que de prendre le temps de venir à mon secours.

Je voyais, je sentais cette ombre s’étendre de plus en plus sur mon corps, et je compris à ce moment-là la raison pour laquelle mes cris étaient si vains. Elles enlaçaient déjà mon coup et l’étranglait de sorte qu’il m’était impossible de débiter le moindre son. C’était à peine si je pouvais faire la différence entre l’ombre de l’arbre et celle qui me tenait captive. Dans l’incapacité totale de faire quoique ce soit, j’hésitais pendant une seconde à arrêter de lutter, et me laisser sombrer dans ces ombres mouvantes. Mais la vue de Nissa faisant demi-tour et me venir en aide me retira cette idée de l’esprit. Même, comment ai-je pu songer un instant à abandonner ? Mais elle, qu’allait-elle bien pouvoir faire sous cette forme ? En la voyant bondir vers moi, je commençais à deviner ses intentions. Du moins je le pensais. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me lacère l’aile de cette manière, m’arrachant au passage un cri de douleur.

L’ombre ayant relâchée son étreinte, je m’écrasais, au sens propre du terme, sur le sol avec la Sirène qui avait repris forme humaine. La chute, aussi brutale que douloureuse, me fit tout de même cracher un juron.  « Ah ! p*tain ! ». Je me relevais, les jambes encore tremblantes, et constatais les dégâts. La plaie formée par la morsure saignait, laissant une sensation des plus désagréables sur les plumes. Peut-être était-ce ce qui pouvait arriver de mieux. Si l’ombre ne m’avait pas lâchée, j’aurai probablement l’aile déboîtée à cette heure-ci... « C’est bon ça va aller… On verra après pour les premiers soins. », répondis-je rudement à l’Ondine. Toute cette histoire m’agaçait et je perdais petit à petit de mon sang froid. Je respirais un bon coup pour me remettre les idées en place. « Allons récupérer nos ombres tant qu’on les a sous la main. ». Encore, devrais-je ajouter. L’échec de ces ténèbres vivantes sur notre capture semblait les avoir fait changer de cible. Et ces nouvelles cibles étaient nos ombres. L’avantage c’est que maintenant on allait pouvoir les rejoindre plus facilement. Mais Nissa me retint avec une question qui demandait réflexion. Des illusions ? Je regardais à nouveau ces silhouettes obscures. « Je ne pense pas. Une illusion ne peut pas métamorphoser quelqu’un. ». Car la blessure qu’elle m’avait infligée plus tôt n’était en aucun cas due à une dentition humaine. Et même si c’était le cas, elle aurait dû y aller sacrément fort pour me mettre l’aile dans cet état-là. « Le Fléau des maudits… ». Ce n’est pas le plus récent des évènements. Si ces spectres sont réellement plus que de simples ombres animés par je ne sais quelle sorte de magie… « J’espère que tu as tords, car ces ombres pourraient être plus dangereuse qu’on ne le pense alors. ».

Je reportais mon attention sur nos ombres. Seulement… « Nos ombres ! ». Où étaient-elles ? Je les cherchais  des yeux, priant pour qu’elles n’aient pas été gobées par ces ombres mouvantes. Non ! Là-bas. Elles semblaient avoir compris que la zone était dangereuse et avaient filés. Elles semblaient avoir compris… C’est un peu comme dire qu’elles possédaient une volonté propre ça. S’en était presque dérangeant. Cette fois-ci je contournais l’arbre et les buissons, évitant les ombres au maximum. Je ne prenais pas garde à mes deux compagnons d’infortune, me concentrant surtout sur les zones où il ne fallait surtout pas poser le pied. Heureusement elles étaient bien moins agitées que tout à l’heure. J’étais presque arrivée à l’autre bout, mais à nouveau les ombres s’étaient enfuies. « Mais c’est pas vrai ! ». Peu importe, à présent le plus important est de sortir de cette section des jardins. Partir dans une zone plus éclairée et ouverte. Hors de portée de la plupart des végétaux, je prenais le temps de me reposer et de souffler. J’étais épuisée. Mon " combat " de tout à l’heure ? Peut-être pas. Les mains sur les genoux je remarquais un étrange phénomène. Il n’y avait plus aucune distinction entre mes chaussures et mon pantalon. La délimitation était invisible, fondue dans une opacité sombre et effrayante. Relevant la tête, je m’adressais à l’Ondine la voix tremblante. « Nissa… On doit absolument retrouver nos ombres. ».

Nissa me rejoins rapidement. Et j’eu à peine le temps d’enfiler mon gant comme elle me le suggéra, pour ne pas dire ordonna, qu’elle me saisit par la main, m’entraînant hors de cette partie du jardin à la poursuite de nos ombres en fuite. « C’est pas vrai, elle va pas recommencer ! ». Elle a pas intérêt à nous perdre cette fois-ci ! Toujours épuisée de ma précédente lutte, le souffle commençait à me manquer dans cette course poursuite. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que j’avais l’impression qu’il allait exploser ! Mais je gardais le rythme, car il était hors de question que nos ombres nous échappent à nouveau.

Dans un croisement, la Sirène se stoppa net. Je regardais alors ce qu’il se passait, pourquoi la course s’achevait ici. Nos deux ombres avaient pris des chemins différents. A nouveau j’eus à peine le temps de réagir que j’étais propulsée sur la route qu’avait empruntée mon ombre. Je me retournais aux trois-quarts,  de façon à garder l’ombre dans mon angle de vue, mais aussi pour répliquer à Nissa. Bien sûr c’était trop tard, elle avait déjà pris le chemin de son ombre. Déjà tout à l’heure j’avais préféré ne pas relever sa dernière remarque sur mon aile handicapée. La tension était déjà bien trop palpable pour en rajouter une couche. Mais me dire que je ne serais qu’un poids, uniquement parce que je suis privée, temporairement qui plus est, de ma capacité de voler… Est un peu abusé. Juste à cause de ça j’aurais bien aimé être capable de créer un magnifique jet d’eau. Juste pour lui montrer que je ne dépendais pas d’un élément pour faire apparaître, ou disparaître, mes ailes moi. Et qu’à ce titre je ne suis pas plus un poids qu’elle. C’eut été mesquin, certes. Mais ce n’était tout de même pas un poisson qui allait me donner des leçons sur la vie à la surface !

Je reportais mon attention sur mon ombre qui portait sa main à son visage. Je l’imaginais parfaitement en train de me faire un pieds-de-nez, dans le sens « Essaye donc de m’attraper ! ». Après tout, à l’origine cette ombre faisait partie de moi avant de prendre la poudre d’escampette. Et me connaissant, je serai tout à fait capable de faire ça...  Alors je lui rétorquais dans un air de défi. « Tu vas voir. ». Elle avait à peine commencé à détaler que je bondissais sur elle, la plaquant au sol. « L’avantage d’être dans le monde physique. J’ai bien plus de liberté de mouvement. ». Sur ces mots, je posais mes lèvres sur mon ombre, là où elles sont supposées se trouver. J’espérais juste que ce n’était pas un canular, et qu’il fallait réellement embrasser nos ombres pour les à nouveau les lier à nos corps. Mais il fallait bien les embrasser, à la manière d’un compte de fae, pour que tout redevienne comme avant. Je m’adossais contre la haie, haletant, prenant quelques secondes de tranquillités. Mais cette pause, réveilla une blessure endormie. Une blessure que j’avais oubliée, occupé à retrouver ce reflet qui s’était échappé. Je regardais mon aile. La blessure n’était pas jolie à voir. Et vu la réaction de Nissa, je crois que je peux dire adieu aux soins qu’elle proposait. Nous verrons bien. Je me relevais pour la rejoindre, voir si elle avait également retrouvé son ombre.

En prenant l’autre chemin, j’avais peur qu’elle ne se soit enfoncé trop profondément pour que je la retrouve. Heureusement je pus la rejoindre rapidement et constater qu’elle avait réussi également à retrouver sa moitié. « Je l’ai. ». On va enfin pouvoir quitter cette demeure maudite. Encore faut-il retrouver notre chemin… « Ce serai dangereux  de reprendre par où nous sommes arrivée. Il faut trouver un autre chemin. Et rendre ça aussi. », ajoutais-je en tendant ma paire de gant. Avec de la chance, ce sera de nouveau quelqu’un qui va venir à nous, nous reprendre le matériel et nous guider vers la sortie. Ce serai trop beau, évidemment… Je regardais autour si je ne reconnaissais rien. Après tout j’avais déjà eu une vue d’ensemble. Rien à faire… A croire qu’aujourd’hui tout irait mal. Une fois sortie de ce manoir, je m’assoie dans un coin et je ne bouge plus jusqu’à demain !

Quoique finalement, peut-être une petite lumière reste visible dans cette sombre journée ? Un bruit derrière moi attira mon attention. Un sourire amusé aux lèvres, la jeune femme de tout à l’heure était là. « Comment ? ». Nous a-t-elle suivit ? Ou y a-t-il des passages secrets ? « Vous avez réussi à les retrouver. Félicitations. ». Félicitations ? A croire que c’était un jeu pour elle de nous regarder nous débattre ainsi, recherchant nos ombres à travers cet immense jardin. « Les gants, s’il-vous-plait ? ». Je tendais ma paire, toujours cherchant à comprendre d’où elle pouvait bien venir. Est-ce que la suivre nous mènera à la sortie ou nous enfoncera à nouveau toujours plus dans cet infernal jardin ? Je l’ignorais. Et je dois bien admettre que trouver le chemin par nous-même me parait plus raisonnable, même si la perspective d’un gain de temps affolant est alléchante…