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 Mon ombre, mon autre [Quête feat. un fichu démon]

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Mer 27 Jan 2016, 22:50

Une légère douleur lui vrillait les épaules. D'étranges et inconfortables courbatures qui ne cessaient de tirailler les muscles de son dos depuis que ses os avaient cédé sous une poigne surhumaine. Se remettre du fâcheux épisode lui avait pris plus de temps que prévu, si bien que Jacob avait fini par la retrouver, guidé par Asmodée.  Le félin possédait définitivement des capacités peu communes malgré la normalité dont il faisait preuve la plupart du temps. Cela dit, Callidora ne pouvait que l'en remercier. Les heures et les nuits passées à observer les étoiles à travers la fenêtre sans oser se lever avaient fini par l'épuiser, et elle n'aspirait qu'à retrouver un semblant d'aventure, légèrement moins mortelle de préférence. Dissimuler ce qui lui était arrivé au Sorcier s'était révélé moins complexe que prévu : voyant son air songeur et l'éclat fiévreux de ses prunelles blondes, il avait préféré ne pas insister. L'esprit de la Rehla s'égarait en des profondeurs insoupçonnées qu'elle ne parvenait pas à ramener à la surface. L'impression évanescente de mettre le doigt sur un élément d'une importance capitale cédait la place à l'incompréhension lorsque la réalité revenait à elle, une réalité dont elle ne voulait pas. À mesure que le temps s'égrenait, elle ressentait un décalage persistant avec le monde qui l'entourait. Le sens des choses lui échappait, ou peut-être voyait-elle trop loin sans parvenir à transcrire ses visions. Quoi qu'il en soit, elle laissait Jacob prendre la tête des opérations, ne sachant plus vraiment ce qu'il convenait de faire. C'est ainsi que les deux partenaires se mirent à explorer les parages des jours entiers, la Rehla s'enfermant dans un silence obstiné.

Lasse de ses errances dans les environs, la brune contemplait sans mot dire la splendide forteresse qui se déployait sous ses yeux. Un unique pont l'en séparait, un pont qu'elle n'osait franchir, terrifiée pour une raison qu'elle refusait d'avouer. Des horreurs d'un autre temps s'exhalaient de la demeure, des horreurs qu'elle n'osait imaginer. Jacob resplendissait dans cet environnement sombre, se délectant de l'atmosphère sinistre comme d'un nectar divin. Sous la pâleur des rayons de lune, il ressemblait à s'y méprendre à un individu aux intentions malhonnêtes. Et tout bien réfléchi, il n'était rien que malveillance. Son attachement envers le brun défiait les lois de la logique. Cela dit, il y avait énormément de phénomènes en ces terres qui dépassaient les lois de la logique. Un être presque fantomatique apparut à l'une des immenses fenêtres dévorées de lumière pour poser son regard infernal sur elle. Même en se trouvant à plusieurs centaines de mètres en contrebas, elle sentait ses yeux de prédateur surveiller ses gestes. Cette présence assurément maléfique la mettait profondément mal à l'aise. Au moins autant qu'elle l'intriguait. S'arrachant à l'horizon de sa rêverie, elle reporta son attention sur la passerelle qui se couronnait d'une nappe de brume. L'emprunter, ou faire demi-tour ?

S'aventurer sur l'infrastructure hésitante ne l'enchantait guère. Pour une fois, elle préférait se montrer prudente. Malgré les forces reprises ces derniers temps, elle ne se sentait pas d'humeur à mener à combat si l'occasion se présentait. La fatigue l'envahissait, un curieux ennui de tout qui ne lui ressemblait pas. Un désintérêt vif qui écrasait son coeur. Comprendre d'où il venait ne la préoccupait même pas. Peut-être était-ce ce que ses semblables appelaient le Spleen. Ce sentiment de vivre en lambeaux, déchirée par la promesse d'éléments innommables et inconscients qu'elle ne faisait que pressentir. Ne pas savoir ce qui lui arrivait la rendait étrangement instable. Et cette passerelle de bois qui l'invitait à se précipiter dans les affres du danger, à prendre son envol vers quelque chose qui risquait de la détruire si elle n'y prenait pas garde. Une odieuse tentation qu'elle se devait de refréner. La compagnie de Jacob l'irrita soudainement. « Va frapper à la porte. Je veux savoir qui vit là-bas. » Son ton autoritaire et détaché n'admettait pas de répartie. Quoi qu'il en soit, elle doutait que le Sorcier lui oppose une quelconque résistance. « Je t'avais bien dit que tu finirais par reparler ! Comme quoi, il ne faut jamais désespérer, même avec des personnes aussi étranges et imprévisibles que toi ! » Un sourire radieux compléta sa déclaration d'un ridicule mortifère. Remarquant les éclairs qui embrasaient le regard de Callidora, il s'exécuta sans rien ajouter, disparaissant en quelques secondes dans la brume épaisse.

Enfin seule. Avait-elle un jour été autre chose que seule ? Secouant la tête pour chasser les immondes pensées qui s'y glissaient avec sournoiserie, elle s'efforça de se concentrer sur la première chose qui lui tomberait sous les yeux. Ce fut la Lune, d'une opalescence lumineuse, ronde comme le sein d'une mère. Laissant ses perceptions s'envelopper des rayons blancs, elle s'abandonna toute entière à cette douce contemplation, presque réconfortante. Fragile. Le mot éclata en elle sans provoquer le moindre remous, comme un sillon d'écume s'abattant sur le rivage. Sa fragilité lui apparaissait clairement, faille évidente d'une créature imparfaite. Envahie à nouveau par la lassitude, la brune s'approcha du rebord de la falaise sur laquelle elle se trouvait. Plus loin _ trop loin _, elle discernait les lumières délicates d'une ville en ébullition, prête à laisser échapper une flopée d'êtres rongés par l'espoir et le désir. Savaient-ils seulement dans quel guêpier ils mettaient les pieds ? Un soupir lui échappa avant qu'elle ne croise les bras sur la rambarde de fer qui protégeait les voyageurs du vide. Se penchant légèrement, elle se mordit la lèvre inférieure, dérivant à nouveau au gré de son esprit. Sa faiblesse l'obsédait, ébranlant ses certitudes. Perdue en elle-même, elle en venait à oublier le monde.


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Jeu 28 Jan 2016, 18:26


Figée dans les cimes d’un arbre, l’ombre d’une bête se laissait visible dans la pénombre. Les tressaillements de la végétation se fondaient dans la brise qui grondait son cri en la déferlante de quelques bourrasques. Les buissons tremblaient, et c’est à l’improviste qu’après un court silence, une escouade de petites créatures s’extirpa du végétal en se hâtant de toutes leurs forces. Ils fuyaient quelque chose, et ce quelque chose était l’un des prédateurs les plus impitoyables de la forêt. Il s’agissait en réalité du loup le plus étoffé des environs, à savoir le magistral Krog, qui d’une agilité exemplaire, se jeta sur ses proies en les débusquant avec brio. Il ne lui fallut que quelques secondes pour tous les assaillir, si bien que le sol accueilla une multitude de cadavres dont le sang s’échappait par faibles quantités. Les rayons de la lune permettaient de voir le flamboiement des iris du prédateur qui rangea toutes les proies dans sa gueule avant de les déposer un peu plus loin, dans un refuge creusé dans la terre qu’il avait lui-même institué. En les déposant à l’abri, le quadrupède hurla ensuite jusqu’à la mort en cette nuit de pleine lune, non pas pour s’entretenir avec les siens, mais pour informer tous les autres charognards aux alentours. En somme, il voulait simplement prémunir les autres d’un tu touches à ma nourriture et je te dilapide. Ses oreilles se retroussèrent lorsqu’il entendit des pas fouler les minéraux. Il vira la tête en insérant ses griffes dans l'humus, visiblement prêt à surgir. « La pêche a été bonne ? » Interloquée, la bête se retourna. Zane se profilait derrière lui. De dos, il se trouvait d’ores et déjà dans la tanière sans qu’il ait pu le repérer au préalable. Le démon était nanti d’un léger rictus.

Il savait qu’il avait réussi à duper son ami, pas spécifiquement à cause de sa furtivité assurée, mais surtout parce qu’il venait de larguer une quantité colossale de dépouilles animale. Peut-être avait-il attrapé le double, voire le triple du chasseur naturel. « Je me demande comment tu te débrouilles pour me battre avec toujours autant d’écart. Tu es pourtant… un satané démon. Tu as encore triché ? » L’homme se dérida en s’abreuvant d’une bouteille qu’il conservait intacte dans la main. Krog était aussi compétiteur que lui, c’est pourquoi il détestait perdre, même contre le meilleur des meilleurs. Le démon sauvegarda ensuite la pitance d’un filet d’ombre. Si quelqu’un s’en approchait, il aurait ainsi quelques retours désagréables en contrepartie. « La tricherie fait partie du jeu. Sans elle, adieu l'imprévu. Sans imprévu, pas de surprises. Et sans surprises, tout devient morne. C’est ainsi que va le cycle des aventuriers, mon ami. D’ailleurs, nous ne serions pas là si mes choix se référaient à la logique. » Il n’avait pas tort. Le loup se rappelait réalistement l'origine qui les avait incités à se rendre ici alors qu’aucune personne responsable ne s’y rendrait en temps normal. C’est au terme de plusieurs jours de pèlerinage qu’ils s’étaient relaxés dans une auberge ; lieu propice à tous ceux qui s’attiraient des employeurs pour leurs revendications passéistes. Zane avait alors fait la connaissance d’une jeune femme, très engageante. Celle-ci lui avait proposé quelque chose qu’aucun homme primitif n’aurait décliné. En échange de la luxure convoitée par plusieurs de ses sœurs, elle lui avait promis une richesse qualifiée d’une estimation rarissime. Un peu plus tard, c’est un vieillard qui s’était présenté à lui en lui déléguant un quartier de cube retentissant. Le fragment avait d’après lui le pouvoir de trouver toute chose que souhaitait plus que tout le démon. Plus il approcherait du sujet en question, plus la pièce se mettrait à se secouer en union au son. Elle disposait aussi d’un code couleur qu’il avait retenu à la lettre. En échange de ce bien qui fonctionnait exclusivement sur les êtres à tendance maléfique, il avait dû lui faire une promesse.

De ces deux propositions sensiblement tranchées, le diable avait choisi d'opter pour cette dernière, cela pour des raisons qui avaient échappé à Krog. Lorsqu’il le lui avait demandé, Zane lui avait simplement répondu que l’obtention de plusieurs femmes ne contribuait en rien un challenge et qu’en revanche, savoir si cette pierre fonctionnait et où cela le mènerait était d’autant plus exaltant. Confier son destin à un vieil homme n’était peut-être pas la meilleure bifurcation, mais c’est celle qui contribuait le plus à son mode de vie. En sortant de la caverne, Zane obstrua l’entrée en engendrant un bloc de pierre assez ample et résilient pour empêcher toute intrusion. Tous deux ne savaient pas pour combien de temps ils en auraient, alors le repère constituait leurs meilleures chances pour demeurer en sécurité. Mécaniquement, il introduisit sa main à l’intérieur de ses vêtements afin de faire parvenir le fragment dans le creux de sa main. À en juger par l’intensité de la vibration, ils étaient plus que jamais près du but. D’un hochement de tête réciproque, le duo s'orienta alors en direction de la forteresse, seul endroit qu’ils n’avaient pas encore passé au peigne fin.

En contournant la végétation, le tandem parvint rapidement à rejoindre les devants. Avant d’atteindre le pont suspendu, le démon se tétanisa sur place. Un vif courant lui traversa le cœur en passant par ses nerfs, jusqu’à atteindre le bas de son corps. Ankylosé le temps d’un instant, il tituba en arrière avant de se reprendre. L’équilibre retrouvé, il agita frénétiquement sa tête comme pour dégager des idées noires. « Zane. Nous avons un problème. » Quand il considéra son attention sur son ami, celui-ci lui fit jeter un œil derrière lui. La limpidité de la lune ainsi que l'éclat présent derrière les carreaux de la forteresse auraient dû catalyser leurs ombres, pas les faire disparaitre. C’est en étant à proximité de l’endroit que l'incident avait eu lieu, et c’est immédiatement après la décharge qu’elles s'étaient dissipées. Zane se hâta en entreprenant une course effrénée. Non seulement la particule le sommait de s’y rendre, mais la réponse devait forcément se trouver à l'intérieur. Lors de sa précipitation, ses yeux se posèrent sans apprêt sur la personne qui se trouvait accoudée à la rambarde. Pouvait-il encore prétendre être renversé après tout ce temps ? Regagnant instantanément le sourire, Zane évolua alors en un mignon raton-laveur. Domestiquer le changement d’apparence lui permettait quelques égarements, et celle-ci était l’un d’entre eux. Krog s’était sciemment mis à l’écart pendant ce temps. Quelques secondes plus tard, l’animal grimpa sur la rambarde en se frottant automatiquement le museau « Vous semblez bien mélancolique, Mademoiselle. Peut-être que cette accueillante poitrine est apte à m’accueillir tout contre elle ? » Évidemment, il se trahissait intentionnellement. Il aurait certes pu la berner un certain moment, mais c’était plus fort que lui. Au cas où elle n’aurait pas compris, Krog avança à son tour.


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Ven 29 Jan 2016, 11:44


Le silence, à peine troublé par l'arrivée de deux autres créatures et leurs tribulations, amplifiait les pensées de la Rehla. Le regard perdu dans un autre royaume dont elle approchait le rivage déraisonné sans réellement le comprendre. Ses raisonnements précipités et maladroits se perdaient en une interminable réflexion saisissante d'illogisme. Un déchirement singulier se diffusait dans chacune de ses cellules comme si ces dernières cherchaient à se détacher de son corps. Perturbée par une pareille sensation, elle ferma les yeux pour retrouver la sérénité bouillonnante qu'elle refusait d'abandonner. Paradoxalement, cet état d'incertitude ravageuse lui apportait un semblant de réconfort, et le peu de force dont elle disposait venait de cette improbable tempête. Nul doute que son esprit fonctionnait d'une manière incompréhensible, et elle-même peinait à le suivre. Le langage lui-même lui semblait d'une imprécision terrible qui ne faisait qu'enfermer davantage les êtres dans leurs représentations. Cela dit, elle ne trouvait pas même les mots pour expliquer une telle étrangeté. Et ses égarements se creusaient avec frénésie à chaque instant, l'éloignant davantage du réel.

Un contact inhabituel réveilla son épiderme. Un frisson lui échappa alors qu'elle baissait la tête jusqu'à une charmante boule de poils qui venait de la rejoindre. S'apprêtant à le saluer d'une caresse le long de son dos, elle s'interrompit brusquement en entendant les paroles qu'il proférait. Un tel langage ne pouvait appartenir qu'à un seul individu, un individu dont la présence en ces lieux ne se révélait pas outrageusement surprenante. Chaque endroit aux allures effrayantes et marqué par le spectre du danger l'attirait d'une manière tout à fait irrésistible. Qu'elle se retrouve au même moment sur ces territoires maudits ne relevait pas seulement d'une coïncidence. Ne sachant quelle réaction adopter, elle se détourna avec pudeur et croisa les bras sur sa poitrine, un geste qui n'avait pas lieu d'être entre eux. Avisant le loup qui semblait avoir recouvré l'intégralité de sa fougue, elle lui adressa un léger signe de main accompagné d'un presque sourire. « Bonsoir, Krog. Tu devrais le dévorer tant qu'il est sous cette forme. Sa chair de démon est probablement avariée, et tu n'auras peut-être pas d'autre chance. » Elle-même ignorait si elle était sérieuse ou non, et sa voix totalement détachée ne permettait pas non plus de le découvrir.

Dénouant ses membres en se délectant des rayons lunaires qui tombaient sur son corps, elle s'autorisa un étirement délicieux. La domination de ses pensées s'apparentait à une forme de sommeil. Un véritable réveil s'imposait. S'accorder quelques pas hésitants à la manière d'une funambule lui permit de basculer enfin dans le monde réel. Sans jeter un seul regard au Démon curieusement transformé pour ne pas se laisser berner par son aspect adorable. Un soupir lassé précéda sa question. « Qu'est-ce que tu veux ? » Permettre aux mots de sortir se trouvait être une mauvaise idée. Un flot incontrôlable de paroles se pressait derrière ses lèvres. « Qu'est-ce que tu veux, Zane ? Tu n'aurais pas pu simplement passer ton chemin en ignorant ma présence ? Non, bien sûr, non. Il fallait que tu viennes, encore. Sans rien dire, ou plutôt parler, sans jamais dire. Un soupçon de danger, des heures de questionnements sans fin. Sans cesse. Alors, ta petite distraction est à la hauteur ? L'amusement est toujours au rendez-vous ? Quelle importance, après tout ! Si elle ne fonctionne plus, il suffit de changer. De toute façon, elle est d'accord, alors quelle importance ? Oui, quelle importance ? Il faut achever l'aventure et repartir, vite. Ne rien expliquer surtout, et repartir. » Marcher en tous sens, les doigts agités de tressautements imprévisibles, symbolisait parfaitement la confusion qui régnait en elle. Plus rien n'avait de sens, et peut-être qu'en fin de compte, c'était ce qu'elle aimait.

Arrêtant brusquement sa marche, elle battit des cils une seconde et se retourna vers l'animal impromptu. Son regard semblait apaisé, et l'éclat lumineux qui y fleurissait dénué de reproche. « Cela dit, tu es charmant ainsi. Je vais peut-être songer à te garder. » Un sourire malicieux naquit sur ses lèvres alors qu'elle approchait de lui. D'un geste de la main, elle lui envoya un baiser accompagné d'un clin d'oeil. Cependant, quelque chose clochait avec elle. Son attention fut détournée par une curieuse absence. Baissant les yeux sur la terre stérile sur laquelle aurait dû se découper sa silhouette, elle constata que son ombre ne se trouvait plus dans les parages. Malgré la caresse d'argent de la reine des nuits, le manque se profilait bel et bien. « Tiens donc, et voilà nos ombres qui partent en promenade. Une poursuite s'impose. Monsieur est satisfait ? » Un éclat de rire plein d'ironie et presque déplacé pour quiconque avait un minimum de raison acheva sa question. Pour la première fois, la Rehla se révélait dans toute son instabilité.


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Ven 29 Jan 2016, 17:01

Ancré dans l’illusion de procurer de la sympathie à une jeune femme délaissée, le mignon petit carnassier se comportait à l’avenant de tous ses congénères. Ses frêles articulations polissaient son adorable minois avec empressement et justesse. Dans sa patte gauche se trouvait en outre un fruit que la bête rinçait à l’aide de l’humidité présente sur la rambarde. Il avait la taille irréprochable pour prendre appui dessus sans risquer de tomber à la renverse, à moins qu’une maléfique créature se voie une soudaine envie de le faire. Ses yeux arrondis se posèrent sur la jeune femme qu’il contempla d’un regard insistant. C’était la première fois qu’il l’observait d’un autre point de vue. Certes, il s’était déjà changé en volaille contre sa volonté, mais ce jour-là, les complications l’avaient trop désorienté pour faire usage de sa parade habituelle. Dans le contexte, il pensait qu’être petit n’était pas aussi astreignant qu’il le pensait, mais encore fallait-il que son charme opère. La brune semblait insensible à la splendeur animale, ou du moins elle était en partie réfractaire au coup du démon-laveur. Elle se détourna ensuite dans l’indifférence feinte en masquant sa poitrine avec ses avant-bras, faisant intervention d’une proposition malsaine au loup. Celui-ci perpétua son avancée sur le pont avant de s’asseoir un peu plus loin. « Je refuse d’être maudit sur plusieurs générations. » Sa réponse était tout autant isolée que la sienne.

En vérité, il n’avait pas envie de se concilier à leurs récréations, pas cette fois. Quelque chose le préoccupait davantage, à commencer par la mancipation de son double obscur. Un peu en retrait, le démon avait laissé choir ses mimiques bestiales en place de se distraire par des effervescences qu’aucun d’entre eux ne matérialisait dans la vie courante. Toujours sous son aspect de mignonne petite chose, le raton s’efforçait de faire quelques entrainements musculaires, sûrement plus par ludisme que par besoin d’ailleurs. Il frappa ensuite dans le néant à plusieurs reprises, avant de finalement se verser en arrière -les pattes tendues de chaque côté- comme s’il désirait prendre son envol. Arrêtant son regard sur les rayons de la lune qui illuminaient son pelage durant sa déchéance, il se coiffa en boule et roula sur la plateforme pour se redresser sur ses deux pattes. Coordonnant quelques enjambées imprécises, il écouta -en apparence- le récit invraisemblable de la brune. De ses introspections égarées, il ne retenait que l’essentiel. Le propos de la femme -insane et gavé de la fantaisie qui la définissait- n’avait probablement pas le même impact qu’elle souhaitait lui attribuer. En définitive, elle sombrait humblement dans des rêvasseries dont le démon n’avait pas encore empoché le volume apte à les traduire.

Il n’avait aucune explication claire de ce qui se tramait en elle, et sans doute ne l’aurait-il pas de sitôt. Peut-être avait-elle perdu la raison lors de l’une de ses aventures privées de son influence, ce qu’il comprendrait aisément. « Tu devrais penser à faire un suivi de ton état psychologique. Tu pourrais finir comme moi. Ce serait une excellente évolution si tu étais une démone cela dit. » Mais pouvait-on seulement prendre en considération les exhortations d’un animal primitivement assez ridicule suivant sa taille ? Il était parfois bon de se méfier. Toutefois, la seconde partie de ce qu’elle avança s’avérait nettement plus rationnelle, et ce malgré la fluctuation des émotions dont elle semblait être affublée. C’était la première fois qu’il la voyait ainsi, c’est pourquoi il ne savait pas encore si c’était un bon ou un mauvais présage. Pour mener à bien son devoir, il était temps de reparaître à l’état initial de sa forme la plus irréprochable. Tournant sur lui-même, le corps du carnivore se mit à s’étendre et à ballonner. Avant même de voir l’évanouissement des poils intervenir, c’est sa longue chevelure symbolique qui s’exonda. Tout le reste suivit jusqu’à l'obtention de son élégant physique. Pour changer un peu, sa tenue était présentement plus rustique, moins aristocratique que ce qu’il avait l’habitude d’enfiler. Il ne portait que le strict minimum, à savoir une vieille tunique blanche écharpée ici et là, ce qui laissait entrevoir une partie de son torse. « Satisfait ? Moi ? Mais non, voyons. La tragédie me préoccupe énormément. Je serais satisfait quand on se rendra compte des complications. » Il connecta son rire au sien en lui administrant une légère claque sur les fesses lors de son passage au premier plan. Une action totalement instinctive venant de sa part.

Le groupe traversa rapidement le pont avant d’entrer à l’intérieur des murs de l’immense forteresse. Au moment où ils empruntèrent le seuil de la porte, un individu douteux les fixait avec de grands yeux globuleux. Comme il devait forcément s’agir du type supposé les accueillir, Zane se présenta à lui avec un large sourire et en lui étreignant énergiquement la main, cela au point de secouer le petit homme. « Votre demeure est très avenante. Ma compagne souhaiterait une chambre pour que je puisse m'occuper de son plaisir durant toute la nuit. Une literie résistante ne serait donc pas du luxe. » Plaisanta-t-il en ne lâchant toujours pas l’individu de sa poigne qu’il tentait en vain de se défaire par tous les moyens. « Je sais que vous êtes venu chercher vos ombres. Pas besoin de me torturer… » Il tendit deux paires de gants à Zane. Celui-ci s’en empara en desserrant l'emprise. D’abord suspicieux, il étudia ces derniers. « Vos ombres sont en cavale. C’est une longue histoire, mais sachez que je n’y suis pour rien. Ces gants vous accorderont le pouvoir de les saisir. Mais pour qu’elles reviennent à vous, il faudra également les embrasser. » Le démon confia ainsi la seconde paire de gants à Callidora. « Ce n’est pas tellement l’ombre que j’ai envie d’embrasser, mais pourquoi pas. » Transmit-il à l’égard de la belle en ripostant à son clin d’œil précédent par un autre. Krog, qui n’avait pas la même habilité qu’eux se vit toutefois équipé d’un appareil adapté pour sa mâchoire. Le démon enfila les gants à la minute où son visage incarna un masque vicieux. « Je vais devoir vous ausculter, Madame. Déshabillez-vous, je vous prie. » Tout était prétexte à se réjouir pour lui, ce qui n’était pas de dans l'optique de Krog qui avait déjà pris les devants pour instaurer les recherches.


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Dim 31 Jan 2016, 11:43

Reprendre ses esprits lorsque l'on s'aventurait aussi loin dans le royaume de la déraison, était-ce seulement possible ? La brune savait que Zane ne comprendrait rien à ses élucubrations, et à vrai dire, elle ne savait pas elle-même avec certitude le sens de ses propos. L'impression fugace de ne pas s'exprimer mais de laisser quelque chose d'autre en elle lui échapper à travers ces mots décousus la tenaillait, quelque chose qui ne devait pas rejoindre la réalité pour le moment. Personne n'y était préparé, et surtout pas elle. Ainsi, le rationnel revenait peu à peu se frayer un chemin en elle, la délivrant de ses multiples hésitations auxquelles elle n'entendait rien. S'abandonnant aux affolantes lois de la logique, elle sentit ses forces revenir brusquement, presque au moment où Zane lui conseilla un bilan psychologique. La Rehla savait que ce ne serait qu'un travail inutile. Les rouages insensés de son cerveau ne demandaient pas la compréhension des autres, ils se contentaient de fonctionner d'une manière tout à fait singulère mais qui ne la surprenait même plus. « Quelle charmante attention. Cela dit, tu oublies un détail majeur. Ton conseil serait avisé si mon avenir était certain. Et qui sait ce que je pourrais devenir ? » Un sourire mystérieux sur les lèvres, elle l'observa se métamorphoser tranquillement, manquant éclater de rire en voyant qu'il commençait par matérialiser sa somptueuse chevelure. Décidément, il restait fidèle à lui-même en toutes circonstances.

Sa transformation ne prit pas plus que quelques instants. Son apparence humaine se révélait beaucoup plus attirante aux yeux de la brune qui ne put s'empêcher de laisser son regard dériver sur sa peau découverte. Une fois de plus, son coeur rata un battement. Malgré toutes les aventures vécues en sa compagnie, elle ne pouvait pas nier qu'il lui faisait toujours le même effet. C'en était affligeant. Le laissant parader sur les complications impliquées par la perte de leurs ombres, elle se retint de lever les yeux et s'apprêta à rejoindre Krog et les ennuis qui s'annonçaient. Cependant, elle fut interrompue par un contact inhabituel. Instantanément, ses joues se couvrirent de rose, autant de gêne que de plaisir. Secouant la tête pour chasser certaines pensées, elle maudit le Démon en silence avant de le suivre sur le pont à la solidité incertaine. En dépit des tremblements qui agitaient les cordes et du vide qui s'ouvrait sous leurs pas, ils parvinrent à la forteresse sans aucune difficulté, n'échangeant plus le moindre mot. Se retrouvant face à une porte à l'élégance indéniable, ils l'empruntèrent sans hésiter. Une légère inquiétude fronçait les sourcils de la Rehla : en dehors de ses égarements, elle se demandait surtout quelles souffrances elle devrait affronter aujourd'hui.  Peut-être était-cela, la folie, en fin de compte. S'attacher à une créature née pour répandre tous les vices sur le monde et se révéler incapable de la laisser partir.

Quoi qu'il en soit, Zane prit à nouveau la tête des opérations en apostrophant le majordome de l'étonnante demeure. Cela dit, la déclaration qu'il prononça ensuite manqua la faire s'étouffer. Le Démon pouvait souligner ses troubles psychologiques tant qu'il le voulait, il en avait au moins autant. Que se passait-il donc dans cet esprit maléfique ? Les révélations qui suivirent ne surprirent pas Callidora outre mesure. En revanche, que l'individu malmené sache d'emblée que leurs ombres avaient disparu lui déplaisait fortement. Méfiante, elle accepta la paire de gants qu'il lui tendait sans les enfiler immédiatement. Mieux valait s'assurer d'abord qu'il ne s'agisse pas d'un piège quelconque. Embrasser son ombre ne lui posait pas spécialement de problème, même si elle ne parvenait pas à comprendre en quoi un tel baiser se trouvait nécessaire. Se fichait-il d'eux ? Mais ce fut la remarque du Démon qui attira une nouvelle fois son attention. Se sentant piquer un fard, elle préféra observer Krog et l'étrange appareil dont il était désormais affublé. Cela lui donnait un air parfaitement ridicule, et par là même, absolument inoffensif. D'une manière ou d'une autre, le loup finissait vraisemblablement par être toujours le moins crédible d'entre eux.  Cependant, il restait quelque chose à régler avant de partir, quelque chose que lui rappela la dernière plaisanterie de Zane.

Un clin d'oeil complice à l'adresse du brun plus tard, elle déboutonna son manteau. « À vos ordres, monsieur. » Sans perdre de temps, elle enleva avec délicatesse ce qu'elle portait jusque-là, révélant une tenue inédite. Une robe quasiment semblable à l'ancienne, si l'on exceptait le rouge sombre qu'elle arborait et l'absence de tissu recouvrant son dos, à peine dissimulé par de fines cordelettes destinées à faire tenir le tout. Sortant un stylo et un morceau de papier de la poche de la veste, elle griffonna quelques mots avant de les tendre au majordome. « Pourriez-vous rendre ceci à Jacob Kole ? Il est arrivé il y a peu de temps, et ceci lui appartient. » Se retournant vers le Démon, elle s'approcha de lui sans hésiter et fit glisser deux de ses doigts sur le torse presque dénudé. « Alors, où en étions-nous ? Tu parlais d'une literie solide, il me semble. Peut-être en auras-tu besoin avant ce que tu avais prévu. » Un sourire taquin illumina ses traits alors qu'elle rapprochait leurs visages. D'un geste amusé, elle laissa ses dents effleurer la lèvre inférieure de Zane, l'une de ses mains se promenant négligemment dans ses cheveux d'ébène. Un toussotement la fit cependant cesser son petit manège, et elle tourna la tête pour voir quel importun osait l'interrompre.

Pas le moins du monde perturbé par ce qu'il venait de voir, Jacob rejoignit les deux protagonistes de la scène en quelques pas. Sans ménagement, il écarta Callidora à laquelle il lança un regard noir avant de mettre un genou à terre face au Démon. D'un geste mal assuré, il tenta de saisir la main de celui-ci. Une lueur fanatique éclairait ses yeux azurés. « J'abandonne, tu as gagné. J'ai bien essayé de m'intéresser à nouveau aux femmes, mais je ne vois plus que toi. Depuis notre première rencontre, mon coeur brûle dès que je pense à ta chevelure sublime et à ton corps de dieu. Alors ce soir, je me lance. Zane, veux-tu m'épouser ? » La Rehla s'étouffa en entendant ces paroles, n'osant croire à ce qui se déroulait devant elle. Reprenant une contenance tant bien que mal, elle laissa échapper un éclair à côté du Sorcier. « Jacob. Casse-toi. » Etonnament obéissant, il se releva avec souplesse et lui adressa une légère révérence avant de tourner les talons. Quasiment arrivé au bout du couloir, il lança un baiser à Zane en paradant gaiement. « Je t'attendrais derrière la troisième porte à gauche, mon mignon ! » Il disparut sur ces mots. Interloquée, la Rehla battit des cils à de nombreuses reprises pour tenter de se rassurer sur sa santé mentale. Son esprit ne pouvait malheureusement pas lui jouer un tour aussi improbable. « Bon, et bien maintenant je suppose que nous pouvons y aller. » Levant les yeux au ciel, elle se dirigea vers la sortie, se promettant de faire passer un sale quart d'heure au Sorcier dès qu'elle serait en possession de son ombre.


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Lun 01 Fév 2016, 14:56

La brune était un vrai cas d’école. Converser avec elle relevait autant de l’insouciance que de la démence. La comprendre se révélait parfois beaucoup plus délicat de ce à quoi était préparé son admirable encéphale. La noologie était fascinante à considérer, car elle permettait souvent de se référer à l’esprit pour y soustraire tous les renseignements utiles à une bonne cognition. Obtenir des données sur une personne légitimait l'obtention d'une avancée substantielle sur l'anticipation. Un avantage qu’il ne parvenait pas vraiment à acquérir de la part de Callidora. Elle était mystérieuse pour de nombreuses raisons, mais c’était surtout ses fluctuantes divagations qui lui compliquaient la tâche. « J’ignore ce que tu vas devenir, mais plusieurs voies s’ouvrent à toi. Tu pourrais être là femme d’un grand souverain, aussi réputé que bel homme. Quelqu’un qui saurait convenir à tous tes désirs. Ou alors tu pourrais être une femme de pouvoir, affranchie et adulée par tous. Ou que puisse t’amener ton destin, le bambou du démon ne sera jamais loin de la brèche. » Il ne cherchait pas à lui soulager le coeur. Leur relation dépassait largement ce concept. Ils avaient toujours été véraces et désopilants dans leurs échanges. Cela suffisait généralement toujours à ce qu’ils puissent se déchiffrer en toute circonstance, même avec certaines métaphores plus que douteuses. À l’intérieur de la forteresse, il ne s’était d’ailleurs pas fait prier pour se servir de l’ambiguïté en qualité d'espièglerie. Callidora était néanmoins prête à s’insinuer dans son jeu. Rien de surprenant. Elle était ainsi, ne reculant devant rien. Elle aimait l’insécurité. Un point commun qu’ils partageaient tous deux sans aucune concession. La jeune femme ôta alors son manteau pour lever le voile sur une magnifique robe. Pour un démon acclimaté à la luxure, il devait néanmoins concéder être indéfiniment subjugué par son apparence, aussi féroce que voluptueuse. Zane ne se priva pas pour inspecter ses formes dans les détails. La tête qu’il tirait révélait l’ébullition dans son regard.

Lorsqu’elle s’approcha de lui pour lui érafler la lèvre et qu’elle appliqua ses doigts sur son torse, le démon en profita pour lui friser la joue d’un revers de main, s’imprégnant ainsi de la douceur de son épiderme. Toutefois, un homme pratiquement aussi malsain que lui les interrompit. Il reconnaissait le camarade sorcier de Callidora. En revanche, il ne s’attendait pas du tout à sa troublante confidence. En temps normal, il aurait déconnecté la tête de son corps pour avoir eu l’audace d’une telle irréflexion en plus de couper court à son plaisir, mais par respect pour Callidora, il le laissa agir à sa guise tandis qu’il retirait -pour plus d’aisance- délicatement les gants qu’il avait endossés. Un éclair eut de toute façon tôt fait de causer son repliement, même si le comportement de ce dernier lui inspirait plus d’écœurement qu’autre chose. Suivant la piste de la brune qui s’éloignait de l’individu soupçonneux, il happa précipitamment son bras pour la drainer à lui en agglutinant son torse contre la chute de reins en partie découvert. Lentement, il infiltra ses lèvres en bordure de son oreille dont il frôla lascivement les lobes avant de susurrer « Ne crois pas avoir échappé à mes griffes. J’ai un tas de projets qui impliquent une certaine proximité entre nous. Tu ne sortiras pas indemne de ces remparts. » Il s’arrêta un instant, puis ferma en douceur les paupières afin de renifler son odeur. La flaveur qui résultait de son cou aurait pu rendre fou n’importe qui. Lui-même était à deux doigts de se laisser aller à une perte de contrôle, mais il se ressaisit à temps et éluda la blonde en survolant habilement sa main sur ses formes gracieuses conservées par le tissu qui constituait sa seule défense valable. Il lui adressa un sourire extasié avant d’emprunter les marches qui menaient à l’étage supérieur.

Longeant le bois de chêne qui confectionnait la rambarde avec ses doigts, le démon escalada lentement les marches qui crissaient à chacun de ses pas. Il observa dans toutes les directions imaginable dans l’intention de localiser leurs ombres, ou au moins de quelconques indices pouvant les aiguiller quant aux couloirs à suivre. Cependant, la forteresse était incommensurable, alors ce ne serait probablement pas aussi enfantin qu'une bête partie de cache-cache. « N’en profite pas pour contempler la perfection. Je me dois d’être aux premières loges pour te protéger des prédateurs. Crois-moi. Les ennemis dotés de membres interminables et rigides sont légions et pénibles à refouler. » Confiait -il en étant conscient qu’il était le seul véritable charognard de ces lieux. Callie devait davantage se méfier de son meilleur allié que de tout le reste. Elle était sa proie la plus précieuse, et rien que ça justifiait amplement la menace qu’il symbolisait. À peine fut-il néanmoins arrivé au sommet de ce dernier que le séducteur s’amusa à tâter la moindre parcelle des éléments du décor ; regarder derrière les tableaux, fouiller à l’intérieur des armures et des vitrines. Il n’omettait aucune cachette susceptible d’accueillir une ombre, et parfois même il disparaissait par une des diverses portes pour ressurgir n’importe où auprès de la brune, profitant de l’effet de surprise pour la frapper de son regard exubérant à outrance. À ne surtout pas omettre que la volatilisation était l’une de ses grandes disciplines.

Au bout d’un certain moment, justifiant d’une fausse lassitude des reconnaissances qu’ils avaient entamées depuis seulement quelques minutes, le son d’un clapotis résonna. L’homme venait de s’insérer dans l’eau attiédie d’une baignoire enchâssée à même le sol. Indubitablement, il ne portait déjà plus rien qui puisse être apparenté à des vêtements. Ceux-là même étaient disséminés aux quatre coins de la pièce. Il avait toujours cette incroyable facilité à se mettre à l’aise dans le plus simple appareil en battant tous les records. Sans doute avait-il hérité ça de sa race sans égard pour une tendance plus manifeste à le faire dans n’importe quelle situation.  Quand elle entra dans la pièce à son tour, le tentateur l’invita à le rejoindre en balayant l’air de son bras. Il était sereinement accoudé sur les rebords de la cuve « J’estime que nous courons depuis bien trop longtemps. Un peu de relâchement ne peut pas nous faire de mal. De plus, ma mémoire a oublié ce que dissimule cette robe. » Tous les prétextes étaient bons pour la voir sous son meilleur jour. L’audace. Voilà ce qui soulignait les traits de celui qui ne doutait jamais de rien. « S’il te faut une motivation supplémentaire, sache que j’ai un excellent doigté... pour le massage. » Prenait-il bon d’ajouter en mettant en avant l’un de ses autres arguments. Quoi qu'elle décide, il comptait bien profiter un moment de de la chaleur du liquide qui décontractait aussi bien ses muscles que son esprit. En attendant, il se distrayait à faire quelques cercles dans la masse aqueuse avec l’index.


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Défi réalisé:
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Sam 06 Fév 2016, 17:06

À dire vrai, la compagnie de Zane représentait une véritable chance pour la brune. Au-delà de la tournure surprenante que prenaient toujours leurs aventures et de l'étrangeté de leur relation, elle savait que sa présence se révélait aussi dangereuse pour elle que profitable. Quelle qu'en soit la raison, elle trouvait une force malsaine dans les blessures qu'il lui infligeait parfois. Aucun de leurs échanges ne se concluait sans que l'une de ses convictions ne soit systématiquement remise en question. Peut-être cela n'avait-il pas le moindre sens, mais elle appréciait ces incertitudes qui grandissaient en elle. La réponse du Démon à sa question lui arracha un sourire presque inquiétant pour quiconque ne la connaissait pas de la même manière que lui. « Aucune de ces propositions n'exclut les autres, mon cher. » L'intervention de Jacob avait perturbé leur petit jeu. Cela dit, le brun ne s'en formalisa pas, ne faisant même aucune mention de cette demande incongrue. Callidora ruminait de sombres pensées à l'égard du Sorcier, et il valait mieux pour ce dernier qu'il ne se trouve pas dans les parages lorsqu'elle en aurait terminé avec cette histoire. À moins qu'elle ne décide plus vraisemblablement de l'abandonner en ces lieux. La violence ne faisait pas partie de ses habitudes.

Zane surgissait toujours au moment où elle ne l'attendait pas. Se croyant tirée d'affaire après sa petite provocation et la demande de Jacob qui avait considérablement refroidi certains de ses sens, elle se trouva à nouveau en mauvaise posture. Oublier que le Démon maîtrisait davantage qu'elle le jeu auquel elle s'essayait représentait un risque colossal, et elle devait à tout prix se rappeler que le danger venait de lui, et viendrait toujours de lui. La méfiance n'était pas de mise entre eux, mais il lui fallait rester prudente dans ses agissements, sans quoi elle se retrouverait à sa merci sans aucune défense. Et n'était-ce pas déjà le cas ? Chassant cette pensée, elle profita de l'étreinte généreuse du brun et laissa pour une fois son coeur s'emballer. Malgré ce à quoi elle aspirait, céder en cet instant ne s'envisageait pas. Résister donnait aux événements une dimension beaucoup plus amusante, même si elle savait au fond d'elle-même qu'elle avait rendu les armes depuis longtemps. Pour échapper au tentateur, il aurait déjà fallu qu'elle le veuille, volonté qui lui faisait cruellement défaut à ce moment-là. Par chance, il s'éloigna finalement pour se consacrer à la nouvelle mission qui les attendait. « Figure-toi que j'ai une arme en réserve pour ce genre d'individus, et que je n'hésite pas à m'en servir s'ils approchent trop. » Un clin d'oeil complice plus tard, elle se mit à son tour en route.

Visiblement, parcourir la forteresse amusait follement le Démon qui empruntait des couloirs qu'elle remarquait à peine pour resurgir une seconde plus tard devant, lui arrachant quelques sursauts mémorables. La brune se contentait de louvoyer entre les meubles, son regard attentif toujours en mouvement. À la manière d'une enfant perdue ou d'un insecte volage, elle ne laissait pas ses pupilles s'attarder sur le moindre détail et se contentait de mémoriser ce qu'elle voyait d'une manière presque automatique. Visiter la bâtisse une fois leur tâche accomplie serait d'une facilité déconcertante. Par ailleurs, elle cherchait principalement à ne pas perdre de vue son camarade qui s'en donnait à coeur joie pour tenter de la semer et ainsi la prendre par surprise dès lors qu'elle relâchait son attention. Cela dit, elle devait avouer que leurs recherches prenaient de la sorte une tournure plus comique, même si le style tape-à-l’œil des pièces ne lui convenait guère et qu'elle se sentirait seulement soulagée lorsqu'elle aurait retrouvé son ombre farceuse. Ignorant les raisons d'une telle disparition, elle ne pouvait cependant douter que cette dernière ait un lien évident avec la présence de l'inquiétante demeure. Quoi qu'il en soit, les couloirs semblaient interminables, et la succession d'antichambres et autres salons en tout genre dans lesquels ils débouchaient ne les avançait en rien.

Mettant son exaspération de côté, la Rehla prit un instant pour réfléchir à l'endroit où pouvaient éventuellement se dissimuler les contours ténébreux. Tourner en rond dans la forteresse ne faisait que leur faire perdre un temps précieux, et bien que la compagnie dont elle bénéficiait fût plus qu'agréable, elle refusait de passer des jours en ces lieux. Puisque les recoins sombres ne cachaient pas les espiègles, elles se trouvaient forcément ailleurs, quelque part où elles ne pourraient être retrouvées qu'avec difficulté, à supposer qu'elles soient dotées d'une forme quelconque d'intelligence. « Peut-être qu'elles se trouvent à l'extérieur. Quelle meilleure cachette pour des ombres que l'obscurité ? » Cependant, sa remarque resta sans réponse puisque son partenaire venait à nouveau de disparaître sans prévenir. Alertée par le bruit de l'eau, elle aperçut un enfoncement dans le mur qu'elle n'avait pas remarqué et pénétra dans une salle de bains tout à fait charmante. D'une élégance sobre, le sol de celle-ci se retrouvait orné de vêtements qui s'étalaient un peu partout et qu'elle reconnaissait sans peine. Retenant un étouffement, elle prit soudain conscience du fait que Zane se trouvait dans la baignoire, tranquillement appuyé contre le bassin, se drapant simplement d'une proposition à la limite de l'indécence.

Cela dit, il en fallait davantage pour déconcerter la brune habituée aux élans fantasques du prince des tentations. Dissimulant son trouble sous le rose de ses joues, elle esquissa un sourire amusé. « Tu ne peux pas t'en empêcher, pas vrai ? Un massage aurait été bienvenu, mais mes épaules sont encore trop fragiles pour que quiconque puisse les toucher. » L'étirement moqueur de ses lèvres prit une tournure bien plus sournoise. Sans se formaliser de la tenue dans laquelle il se trouvait ni de la remarque qu'il lui avait lancé, elle s'approcha en prenant son temps et croisa les bras sur sa poitrine en arrivant au niveau de la cuve qui n'attendait plus qu'elle. « Navrée que tu aies oublié une telle merveille, il semble que ton cerveau ait quelques lacunes à combler. Malheureusement, je crains de ne pas pouvoir te rafraîchir la mémoire. J'aurais peur que tu deviennes aveugle. » En contradiction apparente avec ce qu'elle disait, elle enjamba la bordure avec aisance pour s'installer sur un rebord qui semblait fait pour elle. Quitte à se précipiter dans un piège, elle préférait garder un minimum de vêtements, idée qui l'empêcha d'ôter sa tenue comme elle l'avait d'abord voulu. D'un geste innocent, elle se contenta de relever sa robe jusqu'en haut des cuisses sans se presser pour éviter que le tissu ne se retrouve dans l'eau. « Où en étions-nous, déjà ? » Sans se départir de son sourire enjoué, elle se pencha vers Zane et promena quelques doigts le long de son torse, s'arrêtant juste avant d'atteindre son bas-ventre pour y laisser une légère griffure. « Ah oui, tu m'as parlé de relâchement, et de griffes si je ne m'abuse. » Son attitude était autant une invitation qu'une provocation. Laissant sa main glisser jusqu'à la chevelure majestueuse de son partenaire, elle enroula les boucles généreuses autour de ses phalanges, se perdant dans leur contemplation. Après tout, quelques minutes de repos ne pouvaient se révéler que profitables.


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Dim 07 Fév 2016, 14:01


Il s'avisait bien de remarquer qu’elle ne se sentait pas très à l’aise dans l’environnement intérieur, et sa théorie comme quoi les ombres se trouvaient probablement à l’extérieur était tout à fait concevable. Mieux, il était entièrement d’accord avec ça, mais quelque chose lui disait qu’ils ne perdaient pas leurs temps à arpenter un peu plus la forteresse. Son intuition le forçait à flâner ici dans une logique inéluctable. Ce que faisait Zane n’avait pas toujours de sens, mais ses pas menaient bien souvent au même résultat par un détournement flagrant au plan d’origine. « Tu devrais savoir que je ne fais rien comme tout le monde. C’est parce que tes allégations sont très plausibles que je préfère chercher ici. » Ou comment résumer l’aventure à ses côtés ? Les choix incontestables, la facilité… tout ça, il ne connaissait pas et préférait les conjurer, car c’est souvent l’imprévu qui amenait à pouvoir pronostiquer plus d'embranchements. De toute façon, il avait choisi de se reposer, et ce quel que soit les recommandations de son amie. La demeure pouvait révulser quiconque n’était pas coutumier aux séjours obscurs comme c'était son cas, mais elle était en présence de la cruauté en elle-même.

Elle ne craignait pas davantage que le danger auquel elle s’exposait actuellement. Si elle semblait plus prude que ce qu’il avait pu observer par le passé, ce n'est pas ça qui allait refroidir ses ardeurs, et encore moins son envie de profiter d'une bonne immersion pour se laisser imprégner d'une bonne dose de réflexion. Du moins, c’est ce que semblait noter sa conduite faussement infantile. Malgré son beau discours, elle s’installa expéditivement à ses côtés, certes toujours aussi vêtue, mais le premier pas était fait. « Tu manques de folie, chérie. Je me demande ce qui me vaut la partie la moins réjouissante de toi. » Depuis le temps, Zane avait effectivement eu l’habitude de voir une Callidora plus joueuse et téméraire. Quelle que soit l’affection qu’il portait envers elle, ce n'est pas ça qui entacherait ses rudes provocations. Bien au contraire, il cherchait à la faire sombre là où il l’avait décidé. Si ce n’était pas dans l’immédiat, cela arriverait tôt ou tard. Quand elle inaugura une entreprise presque malsaine en déployant de ses phalanges lestes, cela aurait pu facilement poursuivre sur cette lancée. Néanmoins, alors qu'il s'apprêta à appliquer sa paume sur une partie de son buste, il tourna subitement la tête lorsqu'il vit une ombre affluer derrière la porte. Il n'avait pas eu le temps de relever avec précision de quoi il s'agissait exactement, mais une chose lui était certaine, cette opportunité tombait à pic. En quelques secondes seulement, l’homme s’exonda de l’eau et se rhabilla en un temps record. Il en négligeait même sa partenaire, car c’est en consommant de sa vitesse accrue qu’il se dépêcha de se dégager de la pièce, ne laissant derrière lui que les flaques d’humidité qui s’étaient échappées de sa peau ruisselante.

Avec ce récent pouvoir qu’il contrôlait tout juste, le démon avait du mal à s’orienter dans les étroits couloirs, si bien qu'il tamponna à de nombreuses reprises les murs fortifiés de bois et les composants du décor. Sa trajectoire était trop douteuse et aléatoire, c’est pourquoi il déclencha énormément de dégâts sur son passage. Lors d'un franchissement un peu plus étroit, il heurta maladroitement un objet tombé au sol. Dans cette maladresse, il eut néanmoins de la chance et rattrapa sans vergogne la silhouette en question. Neutralisé avec une décontraction déroutante par une poigne de fer, ll se rendit compte qu’il s'agissait de l'organisme d'un homme et non d'une ombre. De plus, ce n'était pas n'importe quel homme. Il connaissait parfaitement l’individu en question puisqu'il s'agissait de Seth, alias son meilleur ami chez les démons. L’apparence de ce dernier était encore plus saisissante que celle de Zane. À bien des égards, il était plus grand, plus charismatique et la puissance se ressentait aisément à proximité. Il disposait lui aussi d’une longue chevelure d’argent et d’un regard à faire glacer ses ennemis. Sa tenue était composée intégralement de noir et de gris, constitué à la fois d’une matière très résistante et très souple. Nul besoin de mentionner qu’il était beaucoup plus puissant et brillant que lui. Lorsque Callidora le rejoignit après quelques minutes de retard, il ne se pria pas pour l’informer et la tenir à distance. « Callie. Je suis heureux de te présenter mon meilleur pote. Il est plus fidèle qu’un chien et plus loyal que les anges. C’est ce qui fait sa réputation, car malgré ça il est très admiré en enfer. » Seth était aussi un démon unique en son genre. Il suffisait de voir l’admiration qu’il portait en son confrère. Par-delà toutes les personnes qu’il avait rencontrées, il était sans nul doute le seul être qu’il vénérait profondément.

Le vil démon aux allures de princes empruntait désormais les traits d’un frère comblé. Le personnage à la longue crinière argenté se téléporta juste en face de Callidora dès l’instant où il planta les yeux sur elle. De sa dextre alerte et diligente, il renferma le front de cette dernière. Celle-ci devait présentement sentir son énergie être légèrement aspirée. Rien de très grave cela dit. Il regagna sa position d’origine en un éclair. « Je vois. » Prononça-t-il comme un murmure à peine audible. Zane aida sa partenaire à se stabiliser afin qu’elle récupère doucement. « Votre lien est plus fort que vous ne l'imaginez. » Il leva la tête vers son fidèle ami. D’abord intrigué, il trouvait bon d’expliquer ce qu’il venait de faire. « Seth a pour principe de lire dans le cœur des gens, et notamment dans leurs esprits. Il est capable de comprendre le passé avec un perfectionnement suprême. C’est une manière pour lui de faire confiance ou non à ceux qu’il rencontre. » L’instant d’après, un étrange animal tentaculaire grimpa sur l’épaule de son fidèle allié. Il s’agissait d’un poulpe à la physionomie surprenante. Roger de son nom disposait lui aussi de pouvoirs insoupçonnés. « De quoi tu parles au juste ? » Il interrompit son homologue en augmentant brièvement, mais intensément la pression de l'air. Il s'adressa spécifiquement à Callidora lors de son discours « J'ai pu constater une certaine fragilité en toi. Entre lumière et ténèbres, tu hésites. La disparition de ta mère est un grand trouble, mais il se pourrait que la famille de Zane ne soit pas étrangère à ton malheur » Le démon aux yeux sombres était un peu déstructuré par la révélation assez sanglante.

Ce qu'il disait n'avait aucun sens puisque sa famille était morte depuis des lustres, et ce de ses propres mains. Alors qu'il s’apprêtait à contester la révélation, Seth anticipa sa réaction. « Tu étais jeune. Tu ne sais pas à quel point tu t’es fourvoyé. Ton père est toujours vivant et plus encore, il tire les ficelles dans l’ombre. Votre rencontre n’est peut-être pas le fruit du hasard. Pour répondre à certaines questions, vous aurez besoin de votre moitié. Je vous mets néanmoins en garde. Rien ne sera jamais plus comme avant à la fin de cette journée. Tout dépendra de vos choix, ou sinon, il pourrait bien s’agir de votre dernière échappée ensemble. » Ses paroles étaient énigmatiques au possible. Il ne comprenait guère le message qu’il essayait de leur émettre. Qu’avait-il vu dans le passé pour que le puzzle soit si capricieux à assembler ? Ils devaient le découvrir en arpentant la forêt qu’il leur désignait d’un mouvement subtil de la tête. En bas de cette forteresse, immergé dans les ténèbres de la sylve se trouverait probablement la clé. Les questions et les réponses qu’il s’était forcé d’ignorer jusque-là, il allait peut-être devoir y répondre malgré lui. Il détestait devoir faire face à ce genre de chose, et pourtant. Zane obstrua à lui seul la lumière passant au travers des carreaux. En de multiples rotations des bras, il échauffait ses articulations pour la prochaine action « On va régler ça à vitesse grand V. J’ai jamais cru à ses c*nn*ries de destins ou autre. Aussi dérangé soit-elle pour trainer avec moi, je crois bien qu’elle a autant de style que je peux en avoir. T’es prête, mon amour ? » D’un ton ironique, il n’en oubliait pas le petit clin d’œil qui allait avec. Sans perdre une seconde de plus, il s’élança par la fenêtre, laissant derrière lui une trainée de bris de verre former leur propre symphonie. Derrière cette sauvagerie, il posa les deux pieds au sol dans un silence total. Balançant le visage sur le côté pour mouvoir sa belle chevelure, l’homme arrangea la disposition de ses manches. L’élégance avant tout.



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Lun 08 Fév 2016, 22:36

Rien ne se passait jamais comme elle le prévoyait. Une certaine retenue l'empêchait de se laisser aller à ses instincts. Se laisser guider par ses sens aurait été perdre le contrôle d'elle-même, et une telle possibilité ne s'envisageait pas. Au vu des tourments qui agitaient son esprit, mieux valait qu'elle se cache derrière une apparente rigidité. Se rapprocher autant de Zane, c'était prendre le risque d'être submergée par le désir, et elle ne pouvait pas réellement se le permettre. Seulement, comment aurait-elle pu lui résister ? Ainsi, la brune se retrouvait sans défense face à lui, et la moindre caresse qu'elle lui offrait embrasait ses propres perceptions. Rien n'existait plus que ses doigts blancs qu'elle promenait sur sa peau, et la douce chaleur qui envahissait son corps. Si on lui avait posé la question, elle aurait bien été incapable de dire si c'était la tiédeur de l'eau ou la proximité dangereuse de son partenaire qui la mettait dans cet état. Peut-être était-ce le subtil mélange des deux, il fallait l'espérer. Un effleurement léger éveilla davantage l'incendie qui tempêtait en elle. C'était lui qu'elle voulait, et personne d'autre. Le frisson de la tentation l'appelait.

Leur moment de détente s'interrompit brusquement. Avant d'avoir compris ce qu'il survenait, la Rehla se retrouva seule dans la baignoire, ayant juste le temps d'apercevoir le brun rhabillé se précipiter dans le couloir. Légèrement agacé de se voir privée de la sorte de sa présence chaleureuse, elle sortit à son tour sans se presser et partit à sa recherche tant bien que mal. Heureusement pour elle, le Démon laissait des signes évidents de son passage. Prenant conscience du fait que cet endroit lui donnait la chair de poule lorsqu'elle s'y retrouvait seule, elle accéléra et finit par rejoindre son camarade qui se trouvait en compagnie d'un parfait inconnu. Surprise, elle battit des cils un instant. Loin d'être rassurée par la déclaration du brun, elle recula de quelques pas par réflexe. Sa confiance envers les êtres démoniaques n'existait qu'à travers celle qu'elle accordait à Zane. Une complicité évidente liait les deux hommes. Il suffisait à Callidora de poser les yeux sur le nouveau venu pour qu'un léger frisson électrise sa peau. Définitivement, elle se méfiait de lui, méfiance qui s'amplifia démesurément lorsqu'il s'approcha d'elle pour poser une main sur son front. Une sensation fugace envahit son esprit. Malgré un mouvement de recul qu'elle voulait salvateur, elle se retrouva à sa merci instantanément. Cela dit, quelles chances aurait-elle eues de se dérober à son emprise ? Refrénant la panique qu'elle sentait monter en elle, la brune se contenta de respirer calmement.

Son partenaire tentait visiblement de la rassurer, tentative qui ne fonctionna qu'à moitié. L'impression fugitive qu'un morceau de son esprit qui lui échappait encore se dévoilait pourtant à lui. Sentant son corps osciller sous l'indésirable contact, elle faillit se laisser tomber sur le sol, mais par chance, le brun s'était placé derrière elle et la retenait, vraisemblablement habitué à ce genre de manoeuvre. En entendant sa déclaration, elle manqua s'étouffer et serra les poings. Comment pouvait-il juger leur relation d'une seule incursion dans ses pensées alors qu'elle-même n'y comprenait rien ? Lui dire qu'il s'agissait d'un charlatan la tenaillait, mais elle s'abstint une fois que Zane l'eut informée de ses étranges capacités. « Quelle charmante manière de dire bonjour que de s'inviter dans le cerveau des gens. » Son ton visiblement moqueur cachait en réalité une animosité certaine à son égard. Malgré le halo de puissance qui se dégageait et son envie de boire ses paroles, elle ne croyait pas un seul mot venant de sa bouche. Après tout, il restait un Démon, et ceux-ci ne brillaient pas franchement pour leur honnêteté. Cependant, la petite créature prenant place sur son épaule capta immédiatement l'attention de la Rehla qui ne prêta plus vraiment attention à la suite de l'échange, écoutant d'une oreille distraite les élucubrations de Seth. Évidemment, la croyance qu'elle voyait au Destin était bel et bien réelle, mais fonder celle-ci sur de pareils propos aurait été une pure folie. En dépit de ses raisonnements égarés et incompréhensibles et de sa crédulité parfois désarmante, la brune savait encore reconnaître les mensonges. « C'est absurde. Aucune rencontre n'est le fruit du hasard, pas même celle-ci. Et je sais parfaitement qui je suis. » Cela dit, elle devait avouer que certains points sonnaient cruellement vrai. Qu'on lui rappelle sa fragilité et ses incertitudes quant à sa propre nature n'était pas nécessaire. Pas le moins du monde perturbé, Zane passa à travers la fenêtre dans une pluie de verre spectaculaire pour quiconque ne le connaissait pas, l'invitant à le rejoindre d'un nouveau surnom.

Depuis le temps que des hurluberlus surgis de nulle part prétendaient que leur relation prendrait un tournant nouveau et immuable, elle avait renoncé à une telle idée. Un sourire moqueur naquit sur ses lèvres alors qu'elle élevait son regard jusqu'aux prunelles glacées du Démon. « J'ignore ce que tu as vu, mais je ne suis pas d'humeur à me laisser séparer de lui par des paroles mystérieuses. Et quoi que sa famille ait pu faire, je sais ce dont lui est capable. Mais merci pour les infos, ça faisait un moment que personne ne m'avait fait de prédiction tragique. » Faire preuve d'une arrogance pareille risquait de lui coûter cher, aussi sauta-t-elle de la fenêtre brisée pour se retrouver aux côtés de Zane. À dire vrai, la seule certitude qu'elle possédât encore véritablement était l'envie de se trouver à ses côtés, et si elle en connaissait les risques, elle n'hésitait pas. Voilà à quoi se résumait sa propre folie, à supposer qu'elle puisse se réduire à cette seule expression. Amusée par la situation, elle se mit en marche en direction de la forêt désignée par Seth. Celui-ci n'avait probablement pas menti au sujet de la sylve. « J'ai l'impression qu'on se balade toujours au milieu des bois. Quel fichu esprit de la nature as-tu offensé pour qu'on s'y retrouve encore ? » Lui donnant une tape affectueuse sur la tête, elle prit une légère avance et s'enfonça entre les arbres sans hésiter.

À mesure qu'ils progressaient, l'obscurité se faisait plus profonde, et ils finirent par ne plus voir grand-chose. Après avoir trébuché contre une racine légèrement vorace qui s'était révélée être une plante carnivore à l'appétit farouche, la Rehla avait dû se débrouiller tant bien que mal pour extirper sa cheville de la gueule de la créature. « Je m'en occupe. Est-ce que j'ai l'air si appétissante pour que ces satanés végétaux aient envie de me croquer ? Je ne suis pas une friandise. » Levant les yeux au ciel, elle avait jeté un éclair lumineux sur son assaillante qui relâcha aussitôt son emprise et se redressa brusquement, arrachant un pan de sa robe au passage et révélant une colonie tout aussi agréable qui sifflait allègrement, visiblement furieuse d'avoir été réveillée. Par réflexe, Callidora ne put résister à la tentation d'illuminer davantage l'endroit à l'aide de quelques sphères enflammées. « Charmantes bestioles… On ferait mieux de faire attention où on met les pieds et s'éloigner sans tarder. » Leurs ombres, à supposer qu'elles se fussent trouvées dans les parages, ce dont elle doutait éminemment, avaient probablement fui le faisceau de lumière. Ne restait plus qu'à progresser encore sous le couvert végétal en espérant qu'il ne recèle pas de monstres en tout genre. Ou peut-être fallait-il l'espérer, au contraire. La brune ne savait pas vraiment quoi penser.

Cependant, alors qu'elle s'apprêtait à reprendre la marche, elle remarqua un mouvement brusque à droite de Zane et se jeta sur lui pour le jeter au sol. Avant qu'il puisse réagir, elle se retrouva à moitié couchée sur lui. « Désolée chéri, mieux vaut être prudents. » Cette nouvelle proximité entre leurs corps lui mettait le feu aux joues, et elle se releva sans trop tarder pour épousseter sa tenue. La gêne n'était pas de mise entre eux, mais elle craignait de ne plus pouvoir s'empêcher d'entremêler leurs lèvres si jamais il s'approchait à nouveau. Cette simple pensée suffisait à répandre une chaleur à l'intérieur de son ventre qui se transformerait en brasier à la moindre étincelle. Un contact singulier sur son mollet la surprit. Ce n'était pas exactement ce qu'elle avait espéré. N'osant observer ce qui grimpait à l'assaut de ses jambes, elle sentit une masse informe remonter le long de son ventre pour venir prendre place d'une manière tout à fait imprévue sur sa poitrine. Fixant la Rehla de ses grands yeux ébahis, il émit une sorte de gargouillis incompréhensible. « Euh… Tu es mignon, mais les invités surprises, non merci. » Bien qu'attendrie par l'apparence flasque de la bestiole, elle l'attrapa entre ses doigts et se retourna vers son partenaire en éclatant de rien. « Tu veux adopter ? » Roger s'accrochait à ses phalanges avec fermeté et observait le Démon, ses prunelles de poulpe pleines d'espoir.


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Mar 09 Fév 2016, 20:06

Seth était remarquable pour une foule de raisons. Il avait d’innombrables qualités qu’un démon cherchait à affiner jusqu’à la perfection. Sa cruauté dans le monde des enfers n’avait pas d’égal. Il arrivait à dompter ses collègues par sa sagacité frappante. Il n’était pas seulement endurci dans ses poings, il l’était aussi dans ses mots. Pour Zane, il était probablement celui qui se rapprochait le plus de son idéal en tant que souverain. Il ne se contentait pas d’imposer sa loi par la pleine puissance puisqu’il était aussi très vif d'esprit, par conséquent il savait parfaitement de quelle façon s’entourer en limitant les risques autour de sa personne. Malgré ça, il restait un individu qu’il s’était juré de surpasser dans n’importe quel domaine. Enchérir un atout en escamotant ses lacunes n’était pas dans sa conceptualisation de la chose. Ce que voulait Zane, c’était dépasser ses propres limites avant de surpasser celle des autres. Il demeurait comme la plupart des démons, son principal ennemi, à la différence qu’il avait complètement acquis cette base. Ce qui était étrange, c’est qu’aucun des siens ne l’avait poussé à donner le meilleur de lui-même. Comme s’il s’agissait d’une anomalie de sa propre essence, il lui suffisait de tourner un regard vers sa fidèle partenaire pour savoir qu’elle l’encourageait malgré elle à devenir toujours de plus en plus fort. Chacune de leur rencontre avait eu son lot de surprises. Parfois bonnes et parfois mauvaises, le point commun se situait dans la conclusion de ces dernières : il en ressortait toujours grandi par les enseignements qu’il avait pu tirer. Une femme capable d’accroitre sa détermination n’était pas banale. Il le savait depuis fort longtemps. Lorsqu’il s’était jeté à la fenêtre, il n’avait rien entendu du restant de leur conversation à propos de celui qu’ils aimaient appeler destin, mais la conviction de la voir s’ébattre à son tour pour le rejoindre en disait suffisamment sur ses intentions.

Ne lui attribuant qu’un seul sourire en guise de réactions, les deux individus se lancèrent réciproquement en aval de la forêt. Il se souvenait assez aisément de leurs dernières incartades, et c’est pourquoi il s’était juré de ne plus foutre les pieds dans une zone végétative avant bien longtemps. « Si tu crois que je me souviens de tous ceux que j’offense. Ma mémoire n’est pas suffisamment étendue pour ça. Cela dit, il se pourrait que tu sois toi aussi fautive que moi. » En revanche, si elle croyait le semer aussi simplement, c’était mal le connaitre. D’un vif élan, le démon se projeta dans les airs pour circuler à l’aide des ramifications, choisissant ce poste haut perché pour son côté pratique qui laissait soin à ses yeux de contempler les alentours avec un angle plus large. Il retourna sur le sol après plusieurs acrobaties intrépides qui lui auraient garanti une place de choix dans le cirque. Lorsque la brune se fit agresser par l’un de ces végétaux carnivores, elle s’en occupa hâtivement en la fauchant d’un bref éclair. Seulement, voilà, elle n’était pas seule dans les parages. « Je suis obligé de te contredire. Il se trouve que pour certaines espèces, tu es très affriolante. Je suis presque peiné pour elles. » Qui d’autre que lui pouvait juger au mieux de cette succulence ? Par réflexe, Zane dégaina son katana dans le but d’en sectionner quelques-unes sur son passage. Ce que craignaient le plus les plantes, c’était de flamber sur place ou d’être taillé en pièces. Mariant parfaitement leurs deux méthodes respectives, le duo parvenait lucrativement à les mettre en déroute. Dans l’imprudence de ne pas anticiper tout ce qui pouvait survenir, l’homme en oubliait de surveiller ses arrières. Soudain, il se sentit comme brusquement happé par quelque chose avant de lourdement s’affaler sur la terre granuleuse. Ce quelque chose, c’était Callidora. Il se demandait quel drôle de danger elle avait cru voir pour trouver bon de le mettre dans cette posture, mais ce n’était pas pour déplaire au tentateur qui attendit qu’elle se dégage pour commenter son intervention. « Tu n’as pas besoin de légitimer tes attouchements sur mon corps. Je peux tout à fait envisager que l’atmosphère se prête aux ébats farouches. » Mais il fut contraint d’arrêter ses facéties à ce stade puisqu’un étrange invité leur faisait la surprise de les rejoindre. Il reconnut immédiatement la petite masse gluante scotchée aux doigts de la jeune femme. « Le petit vicieux. On dirait qu’il est tombé sous ton charme. C’est peut-être une chance. Il va pouvoir nous éclairer. »

Roger était le compagnon le plus ancien de Seth, et contrairement à ce que son apparence laissait présager, il était bien plus puissant que Krog ne pouvait l’être à titre d'exemple. Il devait son statut aux diverses habiletés liées à l’espionnage dont il était doté. Se rapprochant de la méduse qui ressemblait davantage à une crème glacée conformément à sa souplesse onctueuse, Zane se plaça intentionnellement derrière Callidora. Faisant mine de mettre en relation son corps au sien pour simplement rentrer en contact avec la bête, il agglutina pratiquement sa joue à la sienne. Ses cinq sens en éveil, il tapota ensuite à trois reprises sur le crâne -où ce qui s'y apparentait- en évoquant un dialecte étranger. Subitement, le poulpe s’élança dans la voute comme une flèche qui avait été décochée à pleine vitesse. Il s’effaça dans la pénombre. Apposant sa main à hauteur de la poitrine de sa partenaire qu'il effleura à peine, un tentacule gravit sur son majeur pour parvenir jusque dans le creux de sa main. Celle-ci d’abord statique et calme se tortilla au bout de plusieurs secondes. « Grâce à ce petit appendice, il va pouvoir nous indiquer la position exacte de nos ombres. Roger et sa petite taille font de lui un traqueur hors pair. » Et pour preuve. Très peu de temps après son départ, le membre du mollusque braqua une direction de son extrémité en tremblant à basse fréquence. Plus ils seraient proches, mieux il sentirait lesdites secousses. Avant de prendre la direction indiquée, le démon glissa volontairement sa main sur les hanches de la belle brune, allant à l’encontre du tissu qui faisait barrière au toucher de sa peau. « Fais attention à l’avenir. Je pourrais être beaucoup moins raisonnable. » Il avait beau avoir hérité de la rusticité des démons, son unicité faisait en sorte de pouvoir le contenir. Ce qu’il ignorait en revanche, c’est que seuls la violence et le sang pouvaient refréner ses pulsions, c’est pourquoi il devait d’urgence trouver quoi se mettre sous la dent.

Prenant les devants par le biais de son nouveau copilote, il se dispersa à travers les ombres pour écourter son trajet. Sachant que Callidora ne possédait pas des capacités de déplacements aussi sophistiqués, il se contenta d’épaissir la consistance de l’obscurité pour lui prêter conseil sur le chemin à suivre. S’ils voulaient retrouver leurs moitiés au plus vite, il devenait indispensable de procéder aussi promptement. Le tentacule les conduisit au centre d’une plaine dépourvu de bosquet, ce qui reflétait déjà un heureux évènement pour qui les avait en horreur. Néanmoins, il ne s’imaginait pas que retrouver les ombres n’était pas le réel souci de leurs mésaventures. Les silhouettes étaient bels et bien présentes, là n’était pas la question. Cependant, elles n’étaient pas recluses. Une quinzaine d’ombres se rythmaient en symbiose, parfois main dans la main, parfois à l’écart. Ils étaient manifestement tombés dans le repère de leurs fugues. Lorsque sa partenaire pointa le bout de son nez, le démon revêtait la paire de gants qu’on leur avait gentiment refourgués, mais il avait aussi le souffle court ainsi qu’une portion du bras écorché par la chaleur. « Fais attention, beauté fatale. Non seulement il faut dénicher l’ombre qui nous appartient, mais en plus ils détiennent les mêmes capacités offensives que leurs propriétaires. » Et vu leur nombre conséquent, il fallait être fou pour les affronter seul. De toute évidence, ce n’est pas ce facteur qui l’avait refoulé. Signant son sourire pour un ultime encouragement, l’homme ria aux éclats. « Si tu m’aides à tous les faire tomber, je te promets une fin de soirée inoubliable. » Gratifiant sa promesse d’un second rire, il perfora sa main d'un de ces couteaux de lancers. Se moquant de la moindre douleur, le sang qu’il venait de libérer se précipita vers les doubles nocturnes lors d’une locomotion aussi élégante que raffinée.


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Ven 12 Fév 2016, 00:07

La brune commençait sérieusement à revoir son affection pour les sylves à la baisse. En compagnie de Zane, celles-ci avaient une tendance fâcheuse à se révéler profondément hostiles, bien qu'il n'y eût cette fois pas l'ombre d'une illusion à l'horizon. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres lorsqu'il prétendit ne plus se souvenir qui il avait offensé. Cela dit, sa théorie tenait la route, à moins que le sort ne s'acharne sur eux. Quoi qu'il en soit, elle se promit intérieurement de ne plus s'aventurer avec lui sous un couvert végétal avant un bon moment. Quant au brun, il s'amusait visiblement de la situation davantage qu'elle et adopta une curieuse posture pour poursuivre leur chemin. Les charmantes bestioles qui avaient eu la mauvaise idée de s'en prendre à la Rehla se virent rapidement submergées par une avalanche de sphères de feu et des éclairs d'acier. S'occuper du massif vindicatif ne leur prit que quelques instants avant qu'un mouvement étrange ne la fasse se jeter sur lui. En d'autres circonstances, elle en serait venue à rougir comme une adolescente, mais la présence de l'animal eut le mérite de la distraire des pensées qui lui venaient à l'esprit. Sa remarque suivante n'arrangea pas les choses. Un défilé de scénarios s'improvisait sous ses yeux, et elle secoua la tête en riant pour les chasser. « Navrée de te détromper, mais il est infiniment moins vicieux que certains individus qui traînent dans les parages. » S'apprêtant à reprendre leur chemin, elle s'arrêta cependant pour observer le manège imprévu de son partenaire.

Du moins aurait-elle pu l'observer s'il n'était pas venu se placer derrière elle pour accomplir son ouvrage. Le simple contact de leurs joues suffit à accélérer les battements de son coeur. Se mordant la lèvre inférieure, elle se contenta de l'observer agir avec Roger. « Peut-être qu'il n'est pas le seul à être tombé sous mon charme. » Le sourire malicieux qui s'épanouit sur ses lèvres ne les quitta pas une seconde. En présence du brun, elle savait qu'elle ne s'ennuyait jamais, peu importe les aventures qui les amenaient à se rencontrer. Cependant, l'espèce de méduse aux capacités étonnantes s'élança à toute allure vers le ciel, à la manière brutale et ordonnée d'un météore retournant vers les étoiles. Battant des cils pour s'assurer qu'elle n'hallucinait pas, elle le vit s'effacer dans le plus parfait silence. En outre, Zane n'en avait pas terminé, comme le prouvait la main qu'il disposa devant ses yeux légèrement ébahis. Un mystérieux tentacule s'était invité sur l'extrémité de son doigt et s'agitait gaiement dans les airs. « Merveilleux. Te voilà doté d'un nouveau membre. » Cela dit, elle devait avouer que l'appendice l'intriguait. Qu'une créature à l'allure fragile puisse posséder une pareille habileté la déconcertait tout en la rassurant étrangement sur ses propres faiblesses. Une caresse surprenante et une déclaration presque menaçante plus tard, la brune sentit un frisson électriser sa peau. Levant les yeux au ciel face à une telle réaction de sa part, elle se morigéna intérieurement en se rappelant les risques inconsidérés qu'elle prenait en flirtant ainsi avec le danger.

Le temps de regarder à nouveau vers la terre, et son partenaire avait disparu. Un chemin inquiétant se traçait pourtant parmi les ombres, signe évident de son passage. Parfois, les étonnantes capacités dont il faisait preuve la laissaient admirative. À bien des égards, il possédait une force incroyable, et elle ne savait si cela l'effrayait ou la fascinait. À mesure que la Rehla progressait, elle voyait la sylve se réduire davantage, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Elle qui avait toujours apprécié grimper aux arbres et flâner dans les sous-bois se découvrait une tendance presque claustrophobe lorsqu'elle se retrouvait en forêt. Peut-être n'était-ce là qu'une manifestation de la peur qui grouillait en elle comme un immonde poison depuis leurs récentes aventures. Quoi qu'il en soit, lorsqu'elle aperçut enfin le brun, elle laissa échapper un soupir de soulagement. « Et toi, qu'est-ce que tu vas devenir ? » Ces derniers temps, la jeune femme se posait la question et n'y trouvait jamais de réponse. En dépit des pouvoirs accordés à son peuple, le Destin de son partenaire lui demeurait invisible et voilé de mystère. Aussi incertain que le sien. Haussant les épaules avec indifférence, elle s'approcha davantage. Le Démon avait enfilé les gants généreusement offerts par le majordome en qui elle ne plaçait aucune confiance et se trouvait visiblement en mauvaise posture. Sans prendre la moindre précaution, elle le rejoignit en quelques pas pour qu'il l'informe de la situation.

Retrouver des ombres vindicatives n'était pas vraiment ce à quoi elle s'attendait. Réprimant son agacement, elle se contenta de les observer en silence, laissant son partenaire récupérer. « Fais un peu attention. C'est imprudent de se frotter aux flammes lorsqu'on n'est pas habitué. Tu risquerais de t'embraser un peu trop vite. » S'autorisant un vague sourire à l'expression incertaine, elle continua à fixer les formes mouvantes qui dans le même temps n'hésitaient pas à attaquer. Un bloc de pierre d'une taille raisonnable apparut non loin d'elle, se précipitant à toute allure vers son ventre. Évitant le projectile d'un bond en arrière, elle vérifia par réflexe que celui ne pouvait atteindre Zane et décida de passer à l'action. Les silhouettes filiformes qui se découpaient dans l'obscurité ne la rassuraient guère, surtout qu'onze d'entre elles ne leur appartenaient pas et qu'ils ignoraient par conséquent leurs capacités. « De toute manière, les soirées ne sont jamais ennuyeuses avec toi. Le frisson du danger, sans doute. Cela dit, je m'assurerais que tu tiennes ta promesse. » Lui adressant un dernier clin d'oeil, la brune s'évanouit brusquement au regard de tous avant de remarquer que le brun passait lui aussi à l'attaque. Malgré les similitudes qu'il existait entre une ombre et son propriétaire, la sienne ne disposait pas d'une vision permettant de la trouver. Une occasion en or d'utiliser son invisibilité. Avec des gestes prudents, elle s'approcha et enfila à son tour les fameux gants, constatant avec surprise qu'ils se révélaient parfaitement confortables.

Choisissant le côté gauche de la flopée sombre, elle tira sa dague qu'elle couvrit de son pouvoir et plaça la lame entre ses doigts pour s'assurer que le manche soit entièrement libre. Blesser les ombres aurait été un risque inutile : les dégâts infligés pouvaient tout aussi bien se reporter sur eux. À sa grande surprise, les créatures immatérielles semblaient prendre forme, et elle-même sentait que quelque chose clochait à l'intérieur de son corps. Faisant abstraction de la sensation de manque qui montait en elle, elle se précipita vers ses cibles qui ne pouvaient toujours pas la voir et avaient reporté leur attention sur le Démon qui se démenait avec ingéniosité. D'un geste rapide, elle frappa brutalement l'une d'entre elles au niveau de la poitrine et celle-ci se mit à vaciller légèrement, cessant immédiatement l'attaque qu'elle préparait. Les pierres qui s'élevaient dans les airs retombèrent brusquement, et elle sembla se recroqueviller sur elle-même à la manière d'un enfant prostré. Deux autres tombèrent sous ses coups, et bénéficiant de l'effet de surprise, elle crut pouvoir en abattre une quatrième qui fut malheureusement plus maline que les autres. Attendant le dernier moment, l'instant précis où un souffle inhabituel l'approchait, elle envoya une magistrale projection de terre qui envoya Callidora valser quelques mètres plus loin. Le choc se traduisit par sa réapparition subite et par une vive douleur au niveau de ses épaules encore fragiles. Le souffle coupé, elle prit une seconde pour retrouver un rythme cardiaque normal.

Se relevant tant bien que mal, elle jeta un regard noir à l'ombre qui venait de la mettre dans un tel état. De la terre maculait ses cheveux et bien qu'elle secouât la tête pour l'en chasser, cela se révéla parfaitement superflu. La sombre créature semblait arborer un sourire sadique dont elle reconnaissait à coup sûr le propriétaire. Agacée, elle rejoignit Zane qui se débattait avec ses propres proies et attendit qu'il dispose d'un moment de repos pour l'interpeller. « La quatrième est suffisamment indomptable pour t'appartenir. De plus, il semblerait qu'elle ait hérité de certaines de tes passions. » Passant par réflexe une main sur ses épaules endolories, elle diffusa une légère chaleur sur son épiderme pour l'apaiser. Faute de mieux, elle devait se contenter de soulagements éphémères en attendant que son corps soit définitivement rétabli. Cela dit, l'expérience commençait à la mettre sur les nerfs. « Je pense qu'on devrait les mettre en laisse une fois qu'on les aura attrapées. Elles ne méritent pas qu'on les laisse libres. » Une moue contrariée sur les lèvres, elle pencha la tête sur le côté comme pour examiner le statut des ombres et imaginer une panoplie d'idées malsaines qu'elle ne réaliserait de toute manière jamais. Cependant, elle ressentait toujours cette impression diffuse d'une absence. S'examinant sous toutes les coutures, elle ne remarqua aucun changement avant de promener ses phalanges sur ses reins. La moitié de ceux-ci manquait à l'appel, et ses doigts ne rencontrèrent que le vide. « Qu'est-ce que… Oh, génial. Voilà qu'on commence à disparaître. » Portant une main à sa tempe pour s'éclaircir les idées, elle finit par reporter son attention sur la troupe farceuse qui leur faisait face, se demandant quel spécimen pouvait bien lui appartenir.


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Sam 13 Fév 2016, 23:13

La venue de Roger avait au moins eu le mérite de minorer les pensées néfastes qu’il suscitait de plus en plus à l’encontre de la brune. La seule vue du poulpe suffisait à retenir l'impureté qui était sienne. Callidora ignorait que la bête qui se réveillait de plus en plus deviendrait progressivement un ennemi plus cauchemaresque que toute la sylve qui l’entourait, ou encore de toutes les créatures étranges qu'ils croiseraient tout le long de leurs escapades. Lors de son apparition, sa remarque sur les vices était d'ailleurs pleine de bon sens. « Tu as fichtrement raison. Si tu savais à quel point ton charme me trouble, tu prendrais tes jambes à ton cou. » Ou pas. Ce qu’il avait découvert avec le temps, c'est qu’elle attirait autant les ennuis que lui, mais peut-être cela s’expliquait-il par le fait qu’elle adorait y être confrontée. Le danger exprimait la véritable existence, car c'est souvent en étant proche de la mort que les sens s’affutaient pour libérer l’adrénaline ; cette essence nécessaire au bon fonctionnement du corps et de l’esprit, qui en un jaillissement pouvait tout changer dans la façon de voir les choses. Le démon partageait plusieurs points communs avec les vampires. Mais paradoxalement, ces similitudes étaient aussi de grandes différences.

Premièrement, en dépit de sa passion pour le sang, l’homme n’était pas attiré par son odeur, du moins par sur les femmes. Ce qui l’attirait en profondeur, c'était l'exhalaison en elle-même qui lui informaient de certains savoirs. Deuxièmement, comme eux il aimait la chasse. Courir après sa proie se relatait en un jeu passionnant, et cela prenait souvent la forme de séduction. Pour autant, il permettait parfois volontairement à sa proie de fuir pour prolonger le plaisir jusqu'à l’instant clé. Enfin, pour terminer cette analyse approximative, il aimait à se fondre dans l’obscurité pour surgir au moment le plus propice. Pas au sens propre du terme, mais dans la lecture impossible de ses réactions. L’illisibilité de ses actes était, par défaut, sa force la plus troublante. Celle que l'on ne redoutait pas immédiatement, mais qui survenait tôt ou tard dans une incompréhension aussi totale que fatale. En y repensant, Callidora avait été à plusieurs fois victime de ce trait de caractère propre à sa personne, ce qui n'avait pas empêché cette dernière de s’associer une nouvelle fois à lui.

« Je vais devenir l’élu de ces terres. Il y aura un avant Zane, et un après. Ou alors je vais simplement mourir. » Accentua le sociopathe dans un rire criant de vérité. L'un comme l'autre de ces avenirs pouvait se trouver exaucé à un moment ou un autre. Derrière ces destins en parfaite opposition, il n’envisageait aucunement de perdre le sourire, même si de tristes vicissitudes s’abattaient immédiatement sur lui. Il prenait son évolution avec tellement de détachement qu’il se battait non pas pour la survie, mais simplement pour vivre. En la complétant d'une métaphore, le démon était simplement un enfant lâché dans un gigantesque terrain de jeu. Non soucieux de ce qui pouvait lui arriver, il se contentait alors d’être au plus proche de l’amusement, et cela à son paroxysme. Le groupe d’ombres qu'ils avaient trouvé semblait être proche de la même ambiance, prêt à s’égayer de la moindre victime pour leurs plaisirs personnels. Tant mieux. Ainsi le démon évitait de se frotter à la faiblesse, même s'il rencontrait quelques soucis dans la solitude. Heureusement que Callidora était survenu, sans quoi il n’aurait pas donné cher de sa peau. Grâce à sa présence, il pouvait à présent se concentrer sur une seule partie des ombres. « Je n'ai aucune crainte de me brûler les ailes, ma belle. Je suis déjà chaud comme la braise. » Cela pouvait être interprété de différentes façons. Les deux étaient conformes.

Lorsque sa partenaire s’effaça au milieu des silhouettes, Roger réintégra son poste d’observateur sur l'omoplate de Zane. Le petit être était toujours autant insonore dans ses approches. Son apparition pouvait lui confier quelques privilèges certains. Ne se préoccupant pas davantage de la situation de son amie, le prince des ténèbres orienta la course effrénée de son corps en direction des quelques silhouettes. Se dévoilant aux malices de leurs facéties, il s’approcha instantanément de l'un d'entre eux en frappant brutalement la terre de son pied gauche, ce qui en résulta un gain considérable d’élan pour poursuivre avec l’amplification de sa vitesse. Se servant du sang qu’il avait projeté, le tentateur le modela en une plaque consistante qui le protégea des angles morts. Alors qu’à gauche il en survenait deux d’entre eux, il passa sa main droite sous son bras gauche afin de projeter une décharge de magie noire. Résultat : la déflagration qui en résulta dégagea les deux ombres agressives. En demeurant le plus méthodique possible, il jeta un œil devant lui et déploya ses longues ailes pour congédier l’air d’un ample mouvement. Alerté par son sixième sens en la présence de Roger -qui avait pour faculté de prévenir le danger imminent d’un cri strident-, il planta également son katana profondément dans le sol pour brusquer le freinage. Une seconde plus tard, un éclair s’abattit à quelques centimètres de lui, brûlant la moindre végétation à portée de son impact.

Il avait raté l'occasion de localiser l’utilisatrice de cette technique, mais il ne faisait aucun doute qu’elle lui était familière. Les chances pour que l’ombre qui en est la détentrice appartienne à Callidora étaient élevées, mais c’était toujours insuffisant pour en être convaincu. Campé à côté de son épée implantée dans la terre, Zane l’abandonna le temps d’un instant. Le combat au corps à corps étant sa spécialité, il se servit des propriétés du gant pour adopter une toute nouvelle chorégraphie martiale. En mariant pas sautés et dérobades, le tortionnaire des enfers alterna toutes les techniques qu’il connaissait ; un bond sur la gauche, il plia les phalanges et frappa nerveusement avec la paume dans les clavicules d'un ennemi. Arquant agilement son dos vers l’avant, il décrocha une mâchoire par le biais d’un uppercut. Déviation d’un coup de poing en positionnant efficacement ses articulations, il en repoussa un troisième en joignant ses deux poings fermés en avant en attrait des côtes. Certes, il maitrisait assez bien la situation, du moins dans l’ensemble. Néanmoins, une ombre qui se destinait à être plus observatrice l’encercla grâce à diverses sphères de feu. Toutes élancé dans sa direction au même moment, Zane écarquilla les yeux. Il échappa de justesse à un barbecue grandeur nature. Il pouvait remercier sa grande réactivité, ainsi que le mollusque. Dégageant la sueur de son front d’un mouvement du poignet, il rejoignit la brune. « Je crois que j’ai également trouvé ta vicieuse d’ombre. Elle a essayé de me peloter, c’est pourquoi j’en suis si sûr. » Si ce n’était qu’une blague, il avait cependant facilement deviné le regard -inexistant- charnel qu’elle lui avait lancé. Il ne s’y trompait pas. C’était une vraie furieuse.

Durant la pause qu’ils s’étaient autorisée, le démon s’efforçait de tenir les assaillants à l’écart par divers stratagèmes, à commencer par la formation de silhouettes d’ombres qu’il consolidait par les illusions. Le délai serait court, mais suffisant. « En laisse, dis-tu ? J’ai bien peur de te décevoir, mais les laisses ont d’autres utilités que la préhension chez moi. Je te montrerais un jour. » Il gratifia sa remarque d’un large sourire d’où ses pleines dents blanches étaient contemplatives. Néanmoins, la remarque suivante de la jeune femme eut tôt fait de l’interrompre. Dans l’ordre des choses, leurs corps disparaissaient peu à peu. Voilà une belle information qu’on s’était bien gardé de leur révéler. Toutefois, ce n’était pas si surprenant que ça. Les ombres constituaient en elle seule la preuve de leurs existences dans le monde réel. Privés de leurs "lumières", ils s’éteignaient graduellement. « Inutile de paniquer. Cela signifie simplement que le temps nous est imparti. Il suffit de mettre les bouchées doubles. » À tout problème se destinait une solution. Qu’importe à quelle allure s’effectuait le gommage, qui avait jusqu’alors été rongé à hauteur de ses mollets, il trouverait quoi faire.

En unissant leurs forces, ils avaient largement de quoi en découdre. Après un bref examen, il plongea sereinement son regard sur Callidora. « J’ai une idée ! Donne-moi tes mains. » Non, ce n’était ni le moment de faire une promenade ni de se dire des mots doux. Sans attendre qu’elle médite à sa requête, il la brusqua considérablement en venant de lui-même les chercher, plaçant celles-ci l’une contre l’autre, les phalanges pliées. À son tour, il les colla aux siennes. Ses pupilles s’illuminèrent un instant, après quoi une douce chaleur naissait progressivement. « J’ai besoin que tu produises toute l’électricité que tu pourras. Qu’elle soit la plus impétueuse possible. Quant à moi, je vais l’amplifier grâce au contrôle de ma magie noire. Lorsqu’elle sera assez puissante, il faudra balancer la sauce. Nos ombres sont suffisamment futées pour s’en sortir. » C’était un gros risque à prendre. Et indéfiniment, il choisirait constamment cette voie semée d’embuches. Tandis qu’il lui serrait les mains dans le but de lui administrer la source de pouvoir, il profita de cette pause impromptue pour un nouveau trait d’humour. « Pendant que j’y suis. Roger m’a confié qu’il était en mesure de lire les émotions. J’ignorais que tu avais envie de moi à ce point. » Du bluff. Il profitait seulement de cet inconfort pour s’en amuser et dédramatiser le tout.



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Ven 19 Fév 2016, 11:50

Contre toute attente, le fichu névrosé avait entendu sa question et s'empressa d'y répondre avec toute la fougue qu'elle lui connaissait. À la différence des autres créatures de ces terres, il lui semblait que Zane ne manquait jamais d'énergie. Peut-être était-ce dû à la grande force qu'il maîtrisait, mais elle n'y croyait pas vraiment. Aux yeux de la brune, la puissance qui grandissait en lui provenait simplement d'une volonté à toute épreuve et d'une confiance surprenante. D'aucuns auraient certainement pris une réponse pareille pour preuve flagrante d'une prétention sans nom, et à dire vrai, cela ne correspondant en rien au comportement du Démon, ou du moins à l'idée qu'elle s'en faisait. L'arrogance, toujours au rendez-vous, s'appuyait sur la réalité, ni plus ni moins. À certains moments, elle en arrivait presque à envier cette certitude qui paraissait ancrée dans l'esprit de son partenaire et se délivrer du doute incessant qui la tenaillait, ne serait-ce que pour quelques instants. Et pourtant, elle savait que ce ne serait jamais le cas. C'était sûrement mieux ainsi ; de toute manière, elle ne se voyait pas vivre sans qu'un océan de questions muettes ne s'abatte sous ses paupières. Quoi qu'il en soit, de tels projets n'étonnaient guère la Rehla. Le voile de mystère qui entourant son avenir ne faisait que confirmer la possibilité d'un futur prometteur, élément qu'elle se garderait bien de lui dévoiler.

Cependant, une autre mission les attendait avant que le tentateur ne puisse continuer d'accomplir sa volonté. Les éclats d'obscurité ondulaient mollement face à eux comme une invitation au défi. Avant de se précipiter vers ses cibles, la brune lança un regard furtif à Zane. « Les phénix ne brûlent pas. Fais attention, tu te répètes. Je viens bientôt devoir t'envoyer à la retraite si tu continues sur ce chemin. » Son allusion aux animaux de légende renvoyait autant à l'une de leurs conversations précédentes qu'aux troublantes visions qui la saisissaient de temps à autre. Sans se préoccuper davantage des tribulations du Démon, elle se retourna vers les assaillants et se précipita à leur rencontre. Malgré le risque qu'elle prenait avec une approche qui devenait rapidement prévisible, elle parvint à mettre hors d'état quelques-unes des silhouettes et s'en tira merveilleusement bien, à l'exception du choc final qui la projeta plusieurs mètres plus loin. Légèrement sonnée, il lui fallut plusieurs secondes avant de prendre conscience de ce qui venait de se passer et qu'un certain agacement à l'encontre de l'ombre qui l'avait maltraitée de la sorte. En revanche, se rebeller contre cette dernière ne servait à rien. Laisser son propriétaire s'en charger l'intéressait bien davantage. Lorsque le brun la rejoignit après avoir échappé aux flammes, la remarque qu'il lui adressa manqua la faire éclater de rire et elle croisa les bras sur sa poitrine. « Si tu étais moins sexy, elle ne t'aurait pas touché. » Un tel scénario n'avait évidemment pas eu lieu, mais toute possibilité d'amusement était bonne à prendre.

La disparition progressive de ses reins la laissait perplexe malgré l'explication de son partenaire. C'était une évidence, et pourtant quelque chose en elle cherchait à comprendre, voulait en savoir davantage. La curiosité s'éveillait en elle à la moindre occasion, et rien ne l'apaisait jamais vraiment, comme un monstre affamé qui s'endormait de temps à autre pour rugir plus fort à chaque réveil. Quoi qu'il en soit, le Démon avait le don de la distraire quelle que soit la situation. « Tout dépend de la manière dont tu t'en sers. Cela dit, méfie-toi. Parfois, ce qu'on croit attacher est ce qui nous attache. » Un sourire malicieux aux lèvres, elle sursauta légèrement lorsqu'il attrapa ses mains pour concrétiser son idée. Battant des cils une seconde, elle écouta calmement son explication, espérant que leurs doigts ne s'effaceraient pas avant qu'ils aient pu terminer et en découdre avec ces satanées ombres. Lui faire confiance représenterait toujours un risque énorme, et pourtant elle savait au fond d'elle qu'elle n'hésiterait jamais. Un picotement étrange s'insinua dans sa chair blanche, signe que son partenaire était prêt. « Figure-toi que je suis une très mauvaise comédienne. Enfin, lorsqu'il le faut. » Sans perdre davantage de temps, elle inspira lentement pour faire affluer la magie au bout de ses phalanges, espérant que son corps fragile supporterait le choc. Aucune raison d'en douter ne lui venait à l'esprit, mais il fallait toujours qu'elle épluche chaque possibilité avec une minutie d'horloger. Un contact dérangeant le long de son mollet l'agaça mais elle préféra l'ignorer. Une légère décharge l'informa que ses limites approchaient et qu'elle devait faire attention. La prudence n'ayant jamais été son point fort, elle intensifia légèrement le courant qui parcourait ses mains. Ces dernières tressautaient à chaque nouvelle impulsion, et l'étrange sphère de lumière sombre qui s'apprêtait à dévorer leurs doigts enlacés en grésillant semblait sur le point d'exploser.

Attendant le dernier moment pour accomplir leur œuvre, la Rehla ne s'encombra pas de la moindre hésitation. Un seul regard en direction de Zane suffit à lui confirmer qu'elle pouvait y aller. D'un geste aussi brusque qu'elle le pouvait, elle fit pivoter ses mains en direction des silhouettes toujours ondulantes qui ne comprenaient visiblement rien à ce qui se passait et s'étaient rapprochées les unes des autres dans un mouvement naïf de défense. Sans hésiter, elle envoya la magie sur le petit groupe d'une impulsion des doigts. Pour renforcer la vitesse de l'énergie qui filait vers les ombres, elle la gratifia d'un dernier éclair qui vint la frapper à l'horizontal. Il fallut moins d'une seconde pour que l'impact se produise. Pourtant, la brune n'eut pas l'occasion de voir ce dernier. Une liane vicieuse s'était enroulée autour de sa cheville et venait de capturer sa proie avec un enthousiasme violent. Suspendue dans les airs, Callidora faisait face à une plante à l'allure charmante en dépit de ses monstrueux crochets qui la maintenaient à quelques mètres du sol. Nul doute que la végétation régnait ici en unique maîtresse, et le regain de magie avait dû réveiller cette invité imprévue. Malheureusement, la création de la sphère avait sapé une grande partie de l'énergie de la brune qui n'osait se servir de sa magie, sans quoi elle craignait l'évanouissement. « Tout va bien. » Prononcer ses paroles se révélait davantage une manière de se rassurer elle-même que de soulager le Démon qui devait de toute manière être parti à la poursuite de son double obscur.

Voyant la gueule de la créature se rapprocher d'une manière inquiétante, la brune se décida enfin à passer à l'action. Hors de question pour elle de terminer dans l'estomac d'une carnivore végétale un peu trop agressive. Il fallait lui apprendre les bonnes manières. « On se détend, saleté. J'en ai pour une seconde. » C'est ainsi qu'elle s'assura que sa lame prenait place dans sa main en utilisant un don qu'elle possédait depuis sa naissance. Des images étranges lui parvenaient de la zone où la sphère avait éclaté, mais elle ne parvenait à voir que de vagues mouvements informes et elle se rappela brusquement que sa robe n'était pas attachée très solidement lorsqu'elle sentit le tissu glisser sur son visage, lui masquant la vue au passage. Un courant d'air frais caressa son ventre dénudé. "J'ai une ombre à récupérer, je n'ai pas le temps pour ces enfantillages." Profondément agacée, elle se mit à gesticuler en tous sens pour tenter de se débarrasser du vêtement qui refusait toute coopération. En fin de compte, ce fut l'arrivée d'une liane près de sa joue qui la fit réagir. Alors que les mâchoires idiotes se refermaient sur un morceau de sa tenue, elle trancha d'un geste vif l'appendice. Le suc qui s'y trouvait éclaboussa malencontreusement son épiderme. Dégoûtée, elle n'eut pas le temps de l'enlever : elle chuta sans prévenir sur le sol. Se relevant tant bien que mal, elle constata que la plante fuyait à toute vitesse. Plus d'agressivité que de courage. Essuyant sa joue du revers de la main, elle se retourna vers Zane, ou du moins à l'emplacement où il aurait logiquement dû se trouver.

Son champ de vision fut soudain traversé par un éclair d'une noirceur fulgurante. Sans perdre de temps, elle se précipita à sa poursuite, manquant s'empêtrer dans sa robe. L'une des ombres tentait de filer, et par chance, il s'agissait de la sienne, reconnaissable sans le moindre doute aux fourbes éclats enflammés qu'elle semait sur son chemin pour tenter de ralentir sa poursuivante. "Viens par ici, ma belle." La fatigue commençait pourtant à gagner la Rehla qui savait qu'elle n'aurait pas d'autre occasion de la rattraper, surtout qu'une partie de son bras disparaissait. Prenant son élan, elle se jeta sur la silhouette et toutes deux roulèrent sur le sol pendant quelques secondes. La brune saisit la gorge de l'ombre d'une poigne de fer, aidée par les fameux gants. Contrariée, elle se releva en maintenant sa prise fermement _ du moins, aussi fermement qu'elle le pouvait au vu de sa force défaillante _ et s'avança en direction du Démon, rajustant sa tenue de l'autre main avec les moyens du bord. « Un peu d'exercice ne fait pas de mal. Cela dit, je déteste les forêts, c'est définitif. » Son aversion grandissait de la même manière qu'une étrange tâche violette qui s'étendait sur sa pommette. Tenant la fugitive obscure à bout de bras, elle lança un regard amusé à Zane qui avait également récupéré son dû. « Alors, prêt pour le baiser de ta vie, beau gosse ? » Un éclat de rire accueillit sa question avant qu'elle ne pose les lèvres sur ce qu'elle identifiait comme la joue de sa sombre propriété.


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Mar 23 Fév 2016, 00:58

Il sourit lorsqu’elle souleva sa potentielle retraite. Il n’était pas certain de comprendre le concept, d’autant plus qu’il faisait toujours les choses par plaisir et jamais par obligation. Son tempérament était celui d’une flamme qui brûlait en permanence à des degrés toujours transcendants. La particularité de cette flamme, c’est qu’elle ne pouvait à aucun moment diminuer de volume, car elle trouvait toujours de quoi s’embraser de plus belle. Son intensité était telle qu’il ne craignait jamais de la voir un jour disparaitre. À bien des niveaux, la jeune femme qui l’accompagnait était assez similaire que lui sur ce fondement. Callidora l’ignorait peut-être, mais chaque élément pouvait traduire en elle d’un trait évident. Le feu était sans doute ce qui la déterminait au mieux. Plus précisément encore, le phénix qu’elle souligna aurait pu être son totem en tant que bélua légendaire. Depuis qu’il la fréquentait, elle avait su se relever à chaque fois, telle la renaissance mythique de cet oiseau. Elle brûlait aussi d’une certaine passion, chose qui la rendait particulièrement désirable à ses yeux. Comme l’eau, elle était paisible et douce, un peu comme une transition. Mais derrière cette sagesse se cache aussi l'impétuosité des torrents. Ce qu’elle avait de la terre, c’était cette solide carapace, ni plus ni moins. Elle n’avait pas le corps d’un athlète -loin de là-, mais son moral était d’acier. Quant au vent, elle disposait de cette fraicheur gracieuse qu’il savait puissante contre les hommes. Au fond, il savait que la comparer à tout et n’importe quoi n’était qu’un moyen comme un autre de la dépeindre avec justesse. Quelque chose en elle était clairement fascinant pour un être de son espèce, et cela passait notamment par plusieurs facettes qu’il se ferait une joie de décortiquer avec plus d'avidité à l’avenir.

Ils avaient quelque chose à conclure. En l’occurrence, il s’agissait de mettre la main sur les ombres pour qu’elles reviennent à eux. Pour ça, il fallait manifestement faire preuve de ruse et de hâte afin de ne pas se laisser distancer par la dissolution évolutive de leurs corps. Fort heureusement, ce qui disparaissait n’était que visuel. Zane se dandinait actuellement avec la moitié d’un buste d’un côté, d’une seule jambe de l’autre et d’un visage en partie gommé -y compris ses cheveux-, ce qui donnait lieu à quelque chose d’assez spécial. « Je ne suis pas sûr d’être très sexy en version emmental. En revanche, je suis content de voir que ce qui disparaît chez toi est le plus sympathique à regarder. » Complimenter Callidora sur son physique était devenue une habitude détournée de lui dire ce qu’il pensait de son corps. Et surtout, cela entrainait des interactions verbales assez palpitantes dans le sens où elle avait suffisamment de répondants pour se ranger à lui. La brune était indéniablement la meilleure candidate à ce poste. Elle savait parfaitement employer les justes mots pour que chacune de ses répliques ait au moins un double sens. Il ne répondit rien quand elle fit évocation des attaches. Cela dit, son imagination débordante d’interprétations improbables lui fit sortir un son annonciateur à la délectation. Zane avait entrepris de mettre en place une idée -peut-être fausse- qui permettrait de se débarrasser des autres ombres ; la création d’une sphère titanesque en mode coopération. Celle-ci était longue à se mettre en place pour cause la concentration de magie qui prenait un certain temps. Elle dépouilla rapidement leur énergie en plus de les affaiblir physiquement, mais une fois qu’ils auraient tout mené dans l’assaut, ils n’auraient plus qu’à remettre la main sur leurs doubles pour terminer ce qu’ils avaient déclenché dans cette aventure. Lorsque Callidora la lança, le démon se déporta instantanément sur la droite, car il savait que c’était maintenant ou jamais. Les retombées de leurs associations étaient plutôt admirables tant elle causa d’immenses dégâts dans le camp adverse. Les ombres furent dispersées dans une lumière incandescente partagée à des éclairs obscurs. Désintégré sans commune mesure, le champ était à présent libre pour se charger des deux ombres les plus délurées : les leurs.

C’est seulement à cet instant qu’il releva la demoiselle en détresse, niché en l’air à cause des caprices d’une plante. Il s’approcha vigilamment en se positionnant juste en dessous. À partir de cet angle, la vue n’était pas désagréable, mais la situation burlesque ne prêtait à aucune sensualité. Callidora était ridiculement en train de se débattre. « Si tu savais à quel point tu perds de ton charme, ainsi humilié par dame nature. On dit que le ridicule ne tue pas. C’est vrai, mais il me fait beaucoup marrer. » Il s’éloigna ensuite, son rire machiavélique s’éteignant petit à petit au loin à l’endroit où un rendez-vous galant prenait racine. En attendant que la brune s’amuse à sa façon, le diable devait s'accabler des deux silhouettes à la fois. Lâchant un cri de guerre qui foudroya la zone, ils s’immobilisèrent tous sans entreprendre aucune action, comme s’ils se fixaient et se jaugeaient avant de prendre une décision. Puis Zane déclencha la première offensive en patinant sur le sol meurtri par la fulguration passée. Il n’avait plus beaucoup de magie, alors il devait se satisfaire de la stratégie frontale. Il échangea plusieurs coups avec ce qu’il identifiait comme étant son ombre. Le pugilat s’éternisa durant plusieurs minutes, mais ils avaient l’avantage d’être deux, c’est pourquoi il se fit soudainement assaillir par l’ombre féminine qui le plaqua au sol. Alors qu’elle opérait dans le seul but de l’entraver, son double se trémoussait d’une manière très étrange. Il le provoquait ? Quel drôle de procédure ! Elles avaient visiblement quelques libertés en plus de suivre les attitudes de leurs propriétaires, c’était la seule explication. D’un geste machinal, il flatta brièvement la poitrine de l’ombre qui se trouvait au-dessus de lui. Résultat, celle-ci fut comme offusquée en rayant sa poitrine de ses bras avant de prendre les jambes à son cou. Tiens, il se demandait si cette technique avait autant d’efficacité sur l’original. Il gardait cette approche invraisemblable dans un coin de sa tête.

Finalement, ils étaient à présent en nombre équitable. Le duo, dorénavant en tête à tête avec le double qu’il devait se réapproprier. Le démon n’avait plus grand-chose d’apparent sur lui, si ce n’est une parcelle de son côté droit du visage. Son unique oeil visible se tourna d’ailleurs sur le côté, lorsqu’il vit l’autre folle en train de se rouler au sol avec sa moitié. Drôle de comportement venant d’une personne qu’il n’avait jamais perçu comme étant une reine du cirque. « Dis-moi, marchande d'orgasmes, tu es aussi souple que ça en milieu literie ou bien c’est juste pour exhiber tes talents d’artistes ? » Il faisait le malin, mais il venait tout juste de se prendre un violent coup sur le flanc -à hauteur de ses abdominaux- qui étouffa la fin de sa phrase. Il n’en attendait pas moins de celui qui le suivait en permanence. Ce type qui le collait dans n'importe quelle situation, même lorsqu’il s’adonnait à des activités intimes. Ouais, ce type était le plus à même de le détruire. Mais l’inverse fonctionnait également. Zane pointa une direction de l’index. Le visage déconfit, il paraissait si terrorisé que la curiosité de son sosie fit volte-face pour voir de quoi il s’agissait. Profitant de ce bref instant d’inattention, le démon introduisit un essor éblouissant et le frappa de toutes ses forces au visage. Durant sa cascade, il s’élança sur lui et l’enserra de ses puissants bras. La vicieuse intervint à ce moment-là. « J’aurais préféré embrasser ton ombre à toi, mais quand faut y aller… » Il n’était pas confiant quant à la véracité des propos de celui qui leur avait confié les gants. Surtout, il ne voyait pas l’intérêt de cette mécanique. Toutefois, il devait s’y résoudre et l’accepter. Ni une, ni deux, il pencha sa tête en avant et embrassa divinement l’ombre, qui d’emblée au contact de ses lèvres fut comme aspiré à l’intérieur de son corps. Zane fut aspergé d’une source de magie harmonieuse. En retrouvant son ombre, il regagnait également tout le dynamisme qui s’était peu à peu évaporé durant sa partielle disparition. Ses traits, ses membres, tout était revenu à sa place, comme si dessinateur venait de peaufiner sa création d’un coup de crayon.

Il en était de même pour sa partenaire qui était -il devait l’avouer- beaucoup plus aphrodisiaque en étant complète. L’homme avait sans doute récupéré un trop-plein de vigueur puisqu’il se comportait comme un hyper actif. Il courait dans tous les sens, entamait la destruction d'un arbre ou deux avec ses seuls poings et venait même se coucher sur l’herbe en roulant comme un cylindre. D’un bond inattendu dans les ombres qui le reconduisit jusqu’à Callidora, il l’enlaça par-derrière, disparut puis refleurit en face. Cognant à deux reprises sur son torse, ce signal permit à Roger de surgir en dehors de sa cachette pour grimper sur la tête de Zane. Ses appendices étaient plus longs que la fois précédente. Ceux-ci recouvraient quasi intégralement le visage de son moyen de transport. « Je crois qu’il m’adore. Je vais peut-être le garder pour qu'il puisse m'aider à te maintenir pendant que... » Il s'interrompit en jetant son dévolu sur la forteresse qu'il apercevait au loin. Il ferma courtement les paupières et souffla. Quoi qu’il en soit, ils en avaient désormais terminé avec cette histoire. Restait à récupérer Krog qui avait dû s'égarer dans les couloirs, et puis également Seth pour lui rendre ce qui lui appartenait. Mais pas seulement. « Je crains devoir reporter ma promesse à plus tard. Je suis sûr que tu sauras être patiente jusque-là. » Il gratifia sa remarque d’un clin d’œil. Nul doute qu’elle était aussi pressée que lui de quitter cet endroit. Sans lui accorder plus de considération, il la contourna pour se diriger fièrement vers la forteresse qui l'appelait en son cœur.



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Sam 27 Fév 2016, 20:13

Retrouver leurs ombres avait en fin de compte été presque un jeu d'enfant. Malgré l'attitude vindicative des doubles obscurs, ils étaient tous deux tombés dans le piège. La capture de sa propre fugitive avait été presque aussi ridicule que sa récente aventure avec la plante, mais elle s'en fichait. En se relevant, la brune constata que le maudit végétal avait disparu du paysage. En revanche, plaquer la future captive au sol avait été une bonne idée : malgré la moquerie de Zane, elle ne pouvait plus s'échapper. « À défaut de pouvoir te montrer certains de mes talents, il faut bien que je compense avec d'autres. Et je suis ravie que tu reconnaisses mes dons. Je ne savais même pas que je pouvais donner des orgasmes sans rien faire. » Lui adressant un clin d'oeil amusé, elle observa tranquillement la dernière tentative de résistance que lui opposait son ombre. L'un comme l'autre semblaient aussi acharnés dans leur volonté, un trait de caractère commun qui ne l'étonnait en rien. Cela dit, elle devait avouer que le Démon était un comédien remarquable, comme le prouva la surprise qu'il réservait à son jumeau noir. Imiter la terreur d'une manière aussi frappante ne s'apprenait pas. Admirative, elle se surprit à battre des cils quelques instants pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas et qu'aucun monstre ne se trouvait dans les parages. Tombée dans le piège, l'ombre fut rapidement interceptée par son propriétaire qui accompagna sa capture d'une remarque tout aussi charmante que d'habitude. « Navrée de devoir la récupérer. Mais je me demande lequel de vous deux aurait sauté sur l'autre en premier. » Ce n'était pas une provocation particulière ou une invitation quelconque : ce genre de discussion était monnaie courante entre eux.

La réintégration de son ombre ne se passa pas exactement aussi bien que celle de Zane. Lui s'agitait comme un enfant et semblait regorger d'énergie alors qu'elle se sentait étrangement vide. Un picotement désagréable courrait le long de son corps, et elle eut l'espace d'un instant l'impression que le monde basculait à l'envers. Laissant son partenaire déborder d'enthousiasme, elle s'autorisa quelques secondes pour reprendre ses esprits. Nul doute que la situation allait revenir à la normale, et peut-être lui fallait-il simplement davantage de temps. La possibilité que le majordome ait menti l'effleura. C'était pourtant impossible au vu de l'état du brun qui batifolait en tous sens à la manière d'un homme qui retrouve l'usage de ses jambes perdu des années auparavant. Suivre ses déambulations lui demandait cependant une concentration intense qui la laissait encore plus troublée. Ainsi se contenta-t-elle d'attendre qu'il revienne sagement à ses côtés. Cependant, il la surprit une nouvelle fois en apparaissant derrière elle pour une étreinte impromptue avant de se retrouver presque instantanément devant la brune qui ne comprenait pas vraiment ce qu'il lui arrivait. Roger profita de l'occasion pour faire son grand retour, prenant place sur la tête du Démon. Sa phrase interrompue confirma à la Rehla qu'idées et envies surgissaient en lui à une vitesse effrénée, une sensation qu'elle ressentait lors de ses visions et qu'elle ne souhaitait à personne. Pourtant, il se portait comme un charme. « Je t'avais dit que tu finirais par l'adopter. Tu devrais reconnaître mes talents de voyante une bonne fois pour toutes. Et tenir tes promesses un jour ou l'autre. » Faisant mine d'adopter un air fâché, elle le suivit sans la moindre hésitation, heureuse de quitter enfin la sylve.

Le chemin ne se révéla pas de tout repos. Le Démon marchait à un rythme soutenu, probablement pour dissiper son surplus d'énergie, et elle peinait à rester à sa hauteur. Décidément, rien n'allait aujourd'hui. Entre son humiliation avec la satanée plante et son corps qui refusait de coopérer, elle cumulait. Comme à son habitude, elle ressentait une pointe de colère envers elle-même qu'un seul mot de travers de la part de son partenaire aurait suffi à embraser. Mais pour une raison mystérieuse, il restait relativement silencieux. Epuisée par l'aventure qui n'avait pourtant rien d'extraordinaire en comparaison de ce qu'ils avaient déjà vécus, elle ne cherchait pas davantage à rompre le silence, profitant du calme qui régnait pour se ressourcer. Au bout de quelques minutes, alors qu'ils approchaient du pont marquant l'entrée de la forteresse, elle décida de le rattraper et de gagner un peu d'avance pour repousser les limites de ce corps qui commençait sérieusement à l'encombrer. Sans qu'elle puisse comprendre pourquoi, son anatomie défaillait ces derniers temps, et cela l'agaçait de plus en plus. Ainsi se précipita-t-elle pour emboîter le pas au brun qui ne fit pas le moindre commentaire. Et quelle qu'eût été sa motivation, ce fut une erreur. Alors qu'elle se trouvait à plusieurs mètres devant son coéquipier, elle se sentit brusquement basculer en arrière, happée par un vertige inexplicable et ferma les yeux par réflexe, comme si ce simple geste suffisait à la dérobait toute entière au monde et à éviter sa chute. Lorsqu'elle les rouvrit enfin, la brune eut la surprise de voir le visage de Zane penché vers elle. « J'envisage sérieusement de changer de corps. Celui-là est un peu trop maladroit à mon goût. Merci pour le sauvetage. » Sachant qu'une nouvelle moquerie ne tarderait pas, elle se releva précipitamment. Pour la première fois depuis un bon moment, l'épiderme de ses joues s'était coloré de rouge, et une chaleur étrange pulsait à l'intérieur de ses veines.

Heureusement, l'entrée de la forteresse se dessinait clairement devant eux. Callidora remarqua avec soulagement la silhouette de Krog et celle d'un autre individu qu'elle identifia instantanément comme Seth. Quelque chose qu'elle ne parvenait pas à reconnaître la dérangeait chez lui, et elle ne l'appréciait pas. Le prétendu meilleur allié du Démon réveillait son instinct de méfiance. Quoi qu'il en soit, elle avait bien besoin de se détendre, et quelques heures de sommeil ne seraient pas de refus. « Regarde, ton prince charmant t'attend déjà, fidèle au rendez-vous. » Adressant un clin d'oeil complice à Zane, elle constata avec soulagement que le loup ne semblait pas porter la moindre trace de blessure et qu'il avait lui aussi retrouvé son ombre. S'approchant de lui, elle lui passa une main entre ses poils sombres avec un sourire chaleureux. « Contente de t'avoir revu, Krog. Fais attention à toi, ce sale type n'arrête pas une seconde de chercher les ennuis. » Sans savoir pour quelle raison, la brune éprouvait une affection sincère pour le loup dont le caractère différait en bien des points de celui de son propriétaire.

Cependant, elle se sentait incroyablement fatiguée, et ne sachant pas si le majordome reviendrait près de l'entrée avant qu'elle ne s'en aille, elle se servit de l'un de ses pouvoirs pour transporter les gants jusqu'à une sorte de buffet qui traînait dans la pièce avant de finalement se tourner vers Seth. « Pardon de contredire ta prédiction, mais il ne s'est rien passé d'exceptionnel ce soir. Et tout est comme avant entre nous. » La Rehla ne voyait absolument pas ce qui avait pu changer. Leur aventure avait été semblable à toutes les autres, à l'exception de la présence imprévue du poulpe et du ridicule de certaines de ses postures, et se terminait bien, une fois de plus. Pourtant, elle n'avait pas pu s'empêcher d'intervenir, comme pour se rassurer inconsciemment. D'un léger bond, elle se rapprocha de Zane et déposa un baiser sur sa joue. « Je regrette, mais je vais devoir vous laisser entre vieux amis. J'ai sérieusement besoin de me détendre et de me reposer, et il me semble qu'un bain m'attend. Tâchez de ne pas trop saccager la forteresse. » Ses lèvres s'étirèrent en un sourire satisfait alors qu'elle se hissait sur la pointe des pieds pour atteindre l'oreille du Démon. « Cela dit, je n'oublie pas ta promesse, chéri. » C'est ainsi qu'elle tourna les talons sans rien d'autre pour s'élancer à travers le hall d'entrée. Avant de disparaître derrière l'une des portes, elle laissa tomber ce qui restait de sa robe sur le sol et envoya un baiser à Zane à travers les airs.


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Mon ombre, mon autre [Quête feat. un fichu démon]

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