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 Arrêter les voleurs [Solo]

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Mer 29 Juin 2016, 19:45

L'agitation paisible qui régnait dans les rues de Lua Eyael à la nuit tombée n'avait rien de comparable avec les foules tumultueuses qui envahissaient les autres villes lorsque le soleil se couchait. C'était toute une cité qui s'éveillait aux merveilles dont elle regorgeait dès que les premières sphères lumineuses apparaissaient dans le ciel pour veiller sur les Rehlas d'un air bienveillant. Peu d'étrangers pénétraient en ces lieux, et parmi eux, on trouvait souvent des érudits en quête de savoir à qui on avait offert les clefs. Cependant, en ces temps troublés, il arrivait régulièrement que les échos du Spleen envahissent la somptueuse cité qui prenait alors des allures de ville fantôme. Une magie à laquelle presque tous succombaient, et Callidora ne faisait pas exception à la règle. Ses récentes découvertes sur l'histoire de sa famille et les révélations sur les événements à venir avaient réussi à lui plomber le moral d'une manière retentissante. Une tristesse profonde s'emparait d'elle, et elle ne parvenait pas à s'en affranchir, surtout que le Spleen qui pesait parfois sur la ville comme une chape de plomb ne la soulageait en rien. D'une humeur sombre, elle passait donc son temps enfermée chez elle à dévorer des manuscrits, acceptant à peine la compagnie de Kamal et de Jacob qu'elle envoyait régulièrement accomplir d'inutiles missions pour rester tranquille. Seul Syveth ne la dérangeait pas, et comme toujours, le Tiregan se tenait à ses côtés comme un frère silencieux.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas flâné autour des étals du Marché Fermé. À vrai dire, elle ne sortait que rarement de chez elle, préférant le silence joyeux de sa maison aux longues hésitations muettes de l'extérieur. C'était sur la demande de Kamal que les deux camarades avaient fini par sortir. Depuis plusieurs jours, les migraines épargnaient le Chaman, et il ne tenait plus à rester couché, pensant d'ailleurs qu'un bol d'air frais ferait le plus grand bien à la brune. Vivre éternellement au milieu de la poussière et des pages ne la rendrait pas heureuse. Connaissant son amour immodéré pour le voyage, il s'étonnait qu'elle n'ait pas encore émis la volonté de partir à nouveau sur les routes. Lorsqu'il l'avait interrogé à ce sujet, Callidora ne lui avait livré qu'une réponse pour le moins déconcertante. « Peut-être ai-je finalement trouvé ma place. » Malgré son absence manifeste de conviction, il s'était contenté de hocher la tête et de lui proposer une sortie qu'elle avait accepté de bon coeur. Conformément aux coutumes du peuple auprès duquel il s'invitait, Kamal portait des habits assez similaires à ceux que revêtaient les habitants de la Cité des Astres. En dépit de ses nombreuses protestations _ lui qui préférait de loin les pagnes amples et légers _, la Rehla l'avait affublé d'une tenue traditionnelle. Cela ne le rendait pas particulièrement fier, et dès qu'il croisait le regard de l'un d'entre eux, il baissait instinctivement la tête, préférant se plonger dans la contemplation des pavés. À dire vrai, sa peau brune couverte de tatouages d'un violet sombre suffisait à le distinguer de n'importe quel enfant des étoiles.

Sur les recommandations de Kamal, la brune avait choisi une somptueuse paire de boucles d'oreilles qu'elle ne porterait sans doute jamais. Peut-être parce qu'il s'agissait du seul souvenir de son passé, le Chaman appréciait plus que tout la couleur de l'or et restait de longues minutes à observer la lumière miroiter sur la précieuse surface. Ayant demandé une foule de renseignements au Rehla marchand qui lui répondait avec une patience exemplaire, il avait fini par la convaincre de prendre les bijoux ornés d'une étrange pierre laiteuse qui n'était pas sans rappeler les reflets opalescents et irisés qui s'étreignaient sur la surface de la Lune. Sans doute était-ce qui avait influencé sa décision, bien plus que les arguments de son compagnon. S'apprêtant à repartir, elle s'immobilisa en entendant les paroles du vendeur. « Ce ne sont pas les boucles qui t'ont attiré ici, n'est-ce pas ? » L'inconnu regardait le Chaman d'un air songeur et approcha sa main de l'oreille brune sans hésiter, se penchant au-dessus de son étal. Du bout de ses doigts pâles, il effleura le bijou qu'il portait en permanence sur lui, l'un des seuls souvenirs de son passé. « Puis-je l'examiner de plus près ? » À la grande surprise de la jeune femme, Kamal porta la main à son oreille et décrocha son bien le plus précieux pour le déposer dans celle du marchand. Jamais elle ne l'avait vu confier ce bijou à qui que ce soit, et elle savait qu'il gardait le second morceau dans l'un des tiroirs de sa chambre, tiroir dont la clé se trouvait en parfaite sécurité dans le métal glacé de sa hache.

Le Rehla faisait tourner le pendant entre ses doigts experts, l'examinant d'un œil attentif. « Manifestement, ce n'est pas un travail d'amateur. Où l'avez-vous eu ? » Une question qui ne manquait pas de décevoir le Chaman qui se retrouvait bien incapable de lui répondre et qui attendit un instant avant de parler, ne sachant ce qu'il pouvait dévoiler ou non. « Je ne m'en souviens plus, je suis navré. Vous pourriez m'en dire plus ? » D'un signe de tête affirmatif, il se mit à fouiller dans quelques fiches qui ne présentaient pourtant pas la moindre image et les parcourut d'un regard rapide, cherchant visiblement à identifier quelque chose. Sans succès. « C'est indéniablement un bijou en or. En revanche, je ne peux pas vous dire ce que signifient les inscriptions. Voulez-vous que je fasse de plus amples recherches ? » Le pendant atterrit à nouveau dans les mains du Chaman qui acquiesça en guise de remerciement. Le vendeur se saisit d'une plume et traça quelques traits sur un morceau de papier blanc. Le dessin se révélait d'un similitude troublante, et cela étonna légèrement Callidora. Ses semblables maniaient-ils tous le crayon d'une manière aussi splendide ? « Si cela ne vous dérange pas… J'en serais ravi. » La brune hésita une seconde à intervenir : si le bijou délivrait des informations sur les origines du Chaman, qu'arriverait-il ? Cependant, elle préféra se taire. Mieux valait laisser faire le destin, et espérer qu'un secret levé ne changerait rien.

Une fois que le marchand eut dessiné l'intégralité du pendant d'or, il inscrivit l'adresse des deux visiteurs au dos de la feuille et promit de leur rendre une visite dès qu'il aurait des renseignements à leur offrir. La brune ne s'attarda pas davantage, l'ennui effleurant ses yeux. Leur petite promenade finissait par la lasser. Cela faisait longtemps qu'elle avait cessé de ressentir un véritable intérêt pour le monde autour d'elle. Les événements se succédaient les uns après les autres comme un fil invisible qui se déroulait sans cesse sous ses yeux et à laquelle sa disparition ne changerait rien. Tout se passait exactement selon une volonté divine et hasardeuse que personne ne pouvait véritablement comprendre, peut-être à l'exception de son roi. Un jeu universel aux ficelles improbables et aux conséquences imprévisibles. Remarquant son air profondément songeur et sa démarche hésitante, Kamal finit par lui toucher le bras pour la faire revenir à la réalité et la soutenir légèrement. « Tu veux rentrer ? » Ces derniers temps, il s'inquiétait de plus en plus pour elle, et comptait bien l'aider du mieux qu'il le pouvait. Une lettre était arrivée quelques jours avant, et il ne savait pas s'il devait y répondre, hésitant encore sur ce qu'il fallait faire. « Non, pas encore. » D'une certaine manière, se balader entre les étals du Marché Fermé lui faisait un bien fou et lui permettait de fuir les horreurs de son esprit.

De temps à autre, Callidora s'arrêtait près d'un des stands, distraite par ce qui accrochait son regard. C'est ainsi qu'elle acheta quelques fruits d'une variété qu'elle ne connaissait pas encore : lorsque ceux-ci s'ouvraient, ils délivraient d'étranges sphères d'un noir lumineux qui captivaient son attention, comme s'ils reflétaient son propre regard. Ses prunelles dorées semblaient surgir de l'obscurité, et une telle vision lui arrachait un frisson d'effroi. Une telle sensation devenait presque obsédante. Et puis, la brune entendit un des marchands voisins parler d'un larcin ayant eu lieu quelques minutes auparavant. Tendant l'oreille, elle finit par se rapprocher du vendeur. « Vous avez besoin d'aide, monsieur ? » Le Rehla l'observa un instant d'un air méfiant, probablement pour savoir si elle était digne de confiance ou non. Une jeune femme à l'allure aussi fragile qu'elle ne devait pas représenter une chance assurée de récupérer son bien, et elle le savait parfaitement. Cependant, elle ne pouvait pas non plus rester les bras croisés à attendre que quelqu'un d'autre se charge du voleur. Si l'on exceptait les membres de la garde, rares étaient les individus de son peuple qui osaient intervenir sur le moindre petit événement, et déranger les soldats pour si peu serait une réaction démesurée. Faisant un signe de tête à une petite fille qui donnait un large morceau de coton à un client, elle fouilla dans sa poche avant d'en sortir un étrange tissu qu'elle tendit à la brune. « Ma fille vous aidera à trouver Jacob Elliasum, le propriétaire du Marché. Présentez-lui ce carré de coton, et proposez-lui vos services, si le coeur vous en dit. » C'est ainsi que la brune et le Chaman quittèrent l'étal pour se diriger vers une section du Marché Fermé qu'ils n'avaient pas encore eu l'occasion de visiter.

Louvoyant entre les promeneurs et les exposants, les trois compagnons se frayèrent un chemin à travers la foule. Malgré ses tentatives de conversation avec la fillette, Callidora ne parvint pas à lui décrocher le moindre mot et finit par abandonner ses efforts de sociabilisation en voyant l'allure soutenue qu'elle maintenait. Sans doute avait-elle hâte de retourner voir son père et vendre son coton. Kamal suivait les deux Rehlas en silence, se demandait ce que signifiait cette réaction imprévue de la part de la brune. En fin de compte, la gamine les laissa devant un homme qui pestait tout bas. Vêtu d'une tenue de marchand traditionnelle d'un rouge sombre, il se prenait régulièrement la tête entre les mains, s'arrêtait brusquement d'un air satisfait et plongeait à nouveau dans ce qui ressemblait fortement à une délibération avec lui-même. « Excusez-moi, monsieur... » La brune toussota légèrement pour l'interrompre sans qu'il ne prenne peur ou se méprenne sur ses intentions. Aussitôt, il s'arrêta et se tourna vers elle. « Que puis-je faire pour vous ? Ce n'est pas vraiment le moment. Si vous êtes perdue, demandez votre chemin à quelqu'un d'autre. » La courtoisie ne faisait manifestement pas partie de ses habitudes, à moins que ses préoccupations actuelles n'influent sur toute sa personne. La brune ne se démonta pas pour autant. « Je suis venue vous proposer mon aide. C'est un marchand de coton qui m'envoie. » Tendant le morceau de tissu précieusement gardé, elle recula d'un pas dès qu'il l'eut saisi. « Vous voulez aider, dites-vous ? » L'examinant un instant de haut en bas, il haussa les épaules avec indifférence. « Une gamine comme vous ne peut pas faire l'affaire. » Sans autre explication, il retourna à son surprenant monologue. Le convaincre n'allait pas être de tout repos.


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Mer 29 Juin 2016, 20:00

La brune n'hésita pas longtemps avant de l'interrompre de nouveau, sa curiosité ayant été éveillée par son comportement pour le moins désinvolte. « Permettez-moi d'insister. » Cela n'était pas vraiment dans ses habitudes, mais elle tenait à découvrir le fin de l'histoire. Reposant un carnet qu'il venait de saisir, il s'approcha d'elle pour l'examiner, tournant autour de son corps fragile comme un aigle autour de sa proie. Grommelant quelques paroles incompréhensibles, il lui arracha des mains le carré de tissu qu'elle portait toujours et le porta à hauteur de son visage. « Je suppose que vous avez de bonnes intentions. Après tout, vous n'avez pas l'air méchante. » Le Rehla invita les deux compagnons à le suivre vers ce qui ressemblait à s'y méprendre à un magasin. Callidora n'avait jamais rien vu ce genre d'échoppe au Marché Fermé. Cela dit, s'il en était le propriétaire _ ou du moins l'intendant _, qu'il possède un endroit où ranger et gérer ses affaires n'avait rien de si étonnant. Leur proposant un siège en bois clair, il s'affala quant à lui dans un gros fauteuil rouge et prit le temps de se servir à boire avant de prendre la parole. « Je préfère m'éloigner des oreilles indiscrètes. Simple précaution. » Ses deux interlocuteurs comprenaient parfaitement une telle mesure, et il ne tarda pas à leur proposer une boisson, cherchant manifestement de quelle manière il allait formuler sa proposition.

Pour une fois, Callidora ne s'impatienta pas et laissa tout le temps nécessaire à l'inconnu pour choisir ce qu'il souhaitait leur dévoiler ou non, et comment. C'était de plus en plus curieux. Sirotant un délicieux thé à la vanille, elle restait silencieuse tandis que Kamal observait l'intérieur de la bâtisse, fidèle à sa soif de découverte habituelle et son besoin de retenir tout ce qui passait sous son regard rougeoyant. « Cela fait plusieurs jours que des voleurs sévissent au sein du Marché. Beaucoup ont déjà tenté de les attraper, mais ils sont introuvables. Déranger la Tour pour si peu serait complètement absurde, c'est pourquoi nous essayons de nous débrouiller par nous-mêmes. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas dire que nos efforts aient été fructueux. » D'un air désespéré, il examina quelques feuilles avant de les balancer par terre, visiblement agacé de son impuissance à retrouver les coupables. Finalement, il secoua la tête et continua sa déclaration après avoir minutieusement observé la Rehla. « Puisque vous proposez votre aide, vous pourriez peut-être interroger les marchands. On ne sait jamais. Peut-être que cela donnera au moins une piste. Je m'occupe du reste. » Qu'on lui confie une mission aussi banale sembla pourtant réveiller la douce créature qui reposait sur la chaise en bois. Contrairement à ce que s'imaginait le Chaman, ce ne fut pourtant pas une protestation qui sortit de ses lèvres nacrées. « Quand puis-je commencer ? » Un surprenant éclat de rire lui répondit. Qu'y avait-il d'amusant dans sa question ?

Leur hôte se leva péniblement, sans doute lassé par les fourbes qui osaient s'inviter sur son territoire et mettaient en péril le Marché Fermé. Avec frénésie, il se mit à fouiller les tiroirs d'une commode de bois sombre. Respectant une règle élémentaire de politesse, la brune attendit sagement qu'il revienne vers eux, dégustant la fin de sa boisson. La touche sucrée qui accompagnait le fond de la tasse de porcelaine lui arracha un sourire, sourire qui s'effaça dès qu'elle vit Jacob entrer dans son champ de vision. Reposant le délicieux récipient sur la petite table qui se trouvait devant eux, elle saisit sans plus tarder l'insigne qu'il lui tendait. « C'est un objet que je donne à mes invités ou à ceux auxquels je délègue mes fonctions. Vous avez carte blanche, à condition de ne molester personne. » La brune observa une seconde le bijou. Il s'agissait d'un simple morceau de carton d'une solidité étonnante qui s'enroulait sur lui-même pour former un curieux escalier marron. Sans s'interroger outre mesure sur la signification d'un pareil symbole, elle se releva d'un bond déterminé, prête à jouer son rôle jusqu'à la fin. En fin de compte, le divertissement serait peut-être au rendez-vous, ce qui ne manquait pas de la réjouir. Ces derniers temps, rien ne l'ennuyait plus que les monologues interminables et inutiles, et elle était reconnaissante à leur commanditaire d'avoir été aussi concis. Remerciant l'intendant pour la confiance qu'il lui accordait, elle fit signe à Kamal, et c'est ensemble qu'ils franchirent la porte. Ne restait plus qu'à dénicher les voleurs.

Dès qu'ils furent dehors, la brune incita le Chaman à se mettre en route. Interroger les marchands se trouvant à proximité de la maison de Jacob Elliasum ne lui paraissait pas d'une grande pertinence. Quel genre de malfaiteur se risquerait à commettre son forfait si près du responsable du Marché ? Tapotant sa joue, en pleine réflexion, elle ne se rendit pas compte qu'elle parlait à voix haute. « Alors, par où commencer ? Assurément pas de ce côté, trop de surveillance. » Son peuple n'était pas connu pour sa force et sa vivacité physique, mais agir de la sorte aurait été pure folie. Repérant une fillette qui passait non loin d'eux, Callidora décida de la suivre. Parfois, le hasard menait sur des chemins déjà tracés. Et d'une certaine manière, même si la tâche qu'on lui avait confiée était infime, son coeur faisait de légers bonds à l'idée qu'elle fasse quelque chose pour sa communauté. Que ce soit volontaire ou non, _ elle-même l'ignorait _, la Rehla s'était coupée de ses congénères, laissant le destin décider de quelques rencontres fortuites qui ne s'étaient pas toujours révélées prometteuses. Qu'importait, ce n'était pas le moment d'y penser. Sans perdre de vue la petite blonde, la brune évitait soigneusement les passants pour ne déranger personne. Involontairement, elle bouscula quelqu'un. La femme se tourna vers elle d'un air courroucé avant que les traits de son visage ne s'apaisent. « Oh, excusez-moi, mademoiselle. Je ne sais pas pourquoi, mais il semblerait que ces derniers jours, j'ai la tête dans les étoiles. » Un mystérieux sourire aux lèvres, l'inconnue s'éloigna sans demander son reste, d'une démarche en tous points élégante. Comment avait-elle pu ne pas la voir ?

Le Chaman s'approcha d'elle et lui ébouriffa les cheveux d'un geste affectueux. « Alors, on ne fait pas attention où on va ? » Agacée, la brune se débattit un instant et s'écarta de lui par réflexe. Que les autres se permettent de la toucher avait le don de la mettre dans une rage insensée, et elle prit une légère inspiration pour se calmer. « Arrête, je ne suis pas une gamine. » Ce n'était pas le moment pour de tels enfantillages. Attentive au moindre mouvement suspect, elle slalomait entre les étals, prenant garde à ne rien renverser. Pour une raison mystérieuse, perdre la fillette de vue l'avait contrariée, et elle la cherchait du regard parmi la foule. La fraîcheur du crépuscule passa sur son visage comme pour l'inciter à la sérénité. Apercevant une vendeuse à l'air avenant, elle hésita à aller l'interroger. Pouvait-elle vraiment se permettre d'aller gâcher sa bonne humeur ? La joie se faisait rare chez les habitants de la Cité des Astres, et chaque instant de bonheur se savourait avec délectation. Son dilemme fut vite réglé puisqu'une cliente intervint juste à temps pour lui éviter de choix. Soulagée, elle poussa un léger soupir. Kamal posa la main sur son épaule. « Tu ne devrais pas te tracasser autant, Callie. C'est pour les aider que tu es là. » D'une pression réconfortante, il s'efforça de l'encourager. Cela faisait longtemps qu'il avait cessé d'essayer de comprendre les étranges mécanismes qui s'enclenchaient sous le crâne de sa sauveuse.

Enthousiasmée par un regain d'énergie, la brune décida de passer à l'action sans plus tarder et approcha de l'un des stands. Un autre marchand de coton qui proposait également de somptueuses teintures. Le sourire aux lèvres, elle attendit patiemment que l'un des clients termine ses petites affaires avant d'ouvrir la bouche, laissant délibérément Kamal en retrait. « Bonsoir, madame. Excusez-moi de vous déranger, mais l'intendant m'a chargée d'interroger les vendeurs à propos des vols récents. Auriez-vous vu quelque chose ? » La femme resserra sa prise sur la fiole colorante qu'elle tenait entre ses doigts pour se protéger d'une menace invisible. Manifestement, elle faisait partie des victimes. « Ne m'en parlez pas. Ces chenapans m'ont pris plusieurs flacons hier matin. Mais… Avez-vous une preuve que c'est bien l'intendant qui vous envoie ? » Compréhensive, Callidora se contenta de lui montrer l'insigne qu'elle gardait précieusement. « Navrée, ces voleurs me mettent sur les nerfs. Je ne suis pas la seule à avoir subi des pertes. Rika et Torek, qui sont là-bas, ont aussi eu des problèmes. Moi, je n'ai pas vu grand-chose. Je sais simplement qu'ils étaient deux, et que l'un me posait des questions sur mes produits pendant que l'autre se servait. C'est quand ils sont partis que j'ai remarqué qu'il manquait quelque chose. » Un procédé qui semblait suffisamment ingénieux pour qu'il s'agisse de Rehlas. Peut-être n'étaient-ce que des enfants qui s'amusaient. La brune remercia chaleureusement la marchande pour son aide et se dirigea d'un pas décidé vers ses collègues.

Les réponses obtenues furent sensiblement les mêmes. Rika lui ayant donné un carnet pour la remercier de s'occuper d'eux, la Rehla prit soin de noter ce qui avait été volé pour faciliter le travail de Jacob Elliasum et demanda quelques précisions à propos des malfaiteurs. « Tout ce que je peux vous dire, mademoiselle, c'est qu'ils volent les marchands et qu'ils détroussent les passants. Et ça, c'est mauvais pour les affaires. » Aucune description digne de ce nom ne lui fut faite, et elle dut se contenter de menus détails. Au moins, elle savait que l'un portait une cape bleue et que l'autre revêtait un large chapeau gris qui n'attirait pas l'oeil. Cela dit, arrêter tous les individus ainsi vêtus demeurait inenvisageable. Il fallait interroger d'autres de ses congénères. S'approchant d'un vieil homme qui possédait un étal de fruits colorés, elle se présenta brièvement à lui. Dès qu'il entendit le nom de l'intendant, la tête de l'inconnu vira au cramoisi. La brune hésita, se demandant si elle devait continuer ou non. « Est-ce que vous auriez vu quelque chose, monsieur ? » Pour toute réponse, un pomélo vola dans sa direction et s'écrasa sur sa tenue. Surprise, elle battit des cils, le temps de prendre conscience de son geste. « C'est vous la voleuse ! » Sans ménagement, il sortit une canne de sous son présentoir et lui asséna un coup sur l'épaule. Éberluée, elle ne réagit même pas. S'apprêtant à être molestée pour la deuxième fois, elle fut sauvée par Kamal qui la poussa sur le côté et interpella le belligérant. « Calmez-vous. On s'en va. » Sans se préoccuper davantage de lui, le Chaman conduisit la brune à l'écart pour qu'elle reprenne ses esprits. Incapable de croire ce qu'elle venait de voir, Callidora ne sentit pas une main se glisser à l'intérieur de sa poche.


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Jeu 30 Juin 2016, 10:49

Ce ne fut qu'un contact bref qui ne dura qu'une seconde et qu'elle ne sentit pas. Occupé à s'assurer qu'elle allait bien, Kamal ne remarqua pas non plus ce qui était en train d'arriver. Le malfaiteur subtilisa l'insigne de l'intendant et l'examina d'un air déçu. S'apprêtant à replonger les doigts dans la poche de Callidora, il se figea et prit le parti de s'en aller sans demander son reste. Un deuxième larcin serait trop risqué. La brune, n'ayant rien remarqué, finit par se ressaisir. « Tout va bien, tout va bien. Je ne savais simplement pas que mes congénères pouvaient faire preuve d'agressivité. » Passé le choc initial, elle décida de retourner à ses interrogatoires, se doutant que les malfaiteurs n'attendraient pas qu'elle se remette de cette désagréable découverte pour commettre un nouveau délit. Se reposer, c'était prendre le risque de voir de nouveaux vols être perpétrés et elle tenait à accomplir sa mission avant de rentrer chez elle. Lassée par la foule, elle préférait en terminer au plus vite. Interroger encore un ou deux marchands et faire son rapport à Jacob Elliasum, et elle pourrait enfin s'en retourner au milieu des livres et ne plus s'échapper des feuillets aux arabesques d'encre qui dévoraient son coeur.

S'approchant d'un nouvel étal, Callidora se présenta à la jeune femme qui vendait des épices d'une finesse remarquable et dont le parfum flottait aux alentours. Quasiment certaine que les voleurs ne s'en étaient pas pris à elle, elle espérait ainsi partir au plus vite. « Avez-vous une preuve de ce que vous avancez ? Qui me dit que vous n'êtes pas l'une des leurs ? » Dahlia. Elle s'appelait Dahlia et semblait suffisamment méfiante pour lui poser problème. Fouillant dans ses poches, la brune tenta d'attraper l'insigne et ne rencontra que le vide. Que se passait-il ? Prise de panique, elle la chercha de l'autre côté, sans plus de succès. « Je… Je suis désolée, je ne la retrouve pas. » Cela la rendait folle de rage. Où pouvait bien se trouver ce satané morceau de carton d'une simplicité enfantine et qui risquait pourtant de la faire passer pour une menteuse ? Un ricanement lui répondit. Manifestement, l'inconnue n'appartenait pas à son peuple, sans quoi elle aurait su qu'elle ne mentait pas et aurait accepté de répondre à ses questions. « Ce n'est pas pour vous vexer, mais vous avez l'air louche. » D'un air méfiant, elle lui demanda de s'éloigner légèrement de son stand et de vider ses poches. Retenant un soupir, elle obéit sans discuter pour tenter de lui prouver sa bonne foi, ce qui sembla parfaitement inutile. Restant en retrait, Kamal ne fut pas inquiété. Cependant, l'oeillade attentive que lui lançait de temps à autre la marchande n'annonçait rien de bon.

Et ce fut effectivement quelque chose de regrettable qui advint. Sans leur laisser le temps de réagir, la vendeuse se précipita vers l'un des gardes qui passait malheureusement dans les environs et leur désigna les deux visiteurs comme les malfaiteurs sévissant au Marché Fermé. Ne réfléchissant pas plus, il s'approcha d'eux et saisit le bras de Callidora avec fermeté tout en s'adressant au Chaman. « Suivez-moi, vous deux. Je dois vérifier que vous n'êtes pas des voleurs. Si vous vous avisez de protester ou de prendre la fuite, je n'hésiterais pas à me servir de la manière forte. » Son regard dur n'admettait pas de répartie. La brune aurait parfaitement pu l'envoyer aux roses, mais elle se retint de justesse. Après tout, il ne faisait que son travail, et dès qu'il se rendrait compte de son erreur, elle pourrait s'en aller. D'une certaine manière, ce semblant d'arrestation l'arrangeait en lui offrant un magnifique prétexte pour retourner chez elle. Faire un scandale ne faisait pas partie de ses habitudes, et pourtant, elle en avait assez de ces interrogatoires qui ne menaient à rien. L'intendant s'y prenait terriblement mal pour arrêter les malfrats. Les gardes envoyés par Chimaria devaient probablement être de nouvelles recrues dont la formation venait de commencer. La brune avait entendu parler d'étranges attaques à proximité des Plaines Rouges, et les soldats expérimentés avaient sans doute dû s'y rendre pour tenter de régler le problème, ce qui expliquait parfaitement sa situation actuelle. Il arrivait fréquemment que les jeunes Rehlas fassent erreur sur ce qu'ils croyaient, et elle ne lui en voulait pas, se souvenant qu'elle aussi, un jour, elle avait agi de cette façon là. Docile, elle prit donc le parti de le suivre en toute connaissance de cause.

À dire vrai, le Marché Fermé s'étalait comme une nappe de brume. Dès qu'on s'imaginait reconnaître une allée, on découvrait qu'il s'agissait d'un nouveau chemin à parcourir. S'y repérer relevait de la pure spéculation. « Où nous emmenez-vous ? » Les sections qu'ils traversèrent différaient de celles qu'ils avaient parcourues auparavant. La structure de bois d'un doré charmeur s'entrouvrait sur les cieux à intervalles réguliers pour laisser filtrer la lueur douce des étoiles dont la lumière luisait sur les fruits pour les parer d'un halo argenté rehaussant leurs formes délicieuses et pleines. Une telle vision émerveillait la brune qui n'attendait même plus la réponse de leur guide improvisé. « Nous allons à l'écart des marchands pour que je puisse vous fouiller, et ensuite, nous irons trouver l'intendant. » Sans véritable réaction, elle se contenta de hocher la tête. Toute cette aventure finissait par la lasser profondément, et la rudesse maladroite du soldat servait ses intérêts. Une moue désapprobatrice déforma ses lèvres l'espace d'une seconde : depuis combien de temps agissait-elle simplement pour obtenir ce qu'elle voulait ? Nul doute que les articulations mystérieuses de son esprit prenaient un malin plaisir à prendre une direction bien différente de celle qu'elle aurait aimé prendre. Et pourtant, elle adorait cette sensation. C'était comme approcher de très près la chaleur d'une flamme, en être si proche qu'elle parvenait à sentir le parfum et à en caresser la forme. En fin de compte, un jour, elle se brûlerait, elle le savait.

Ce fut un mouvement sur la gauche qui attira son attention. Un geste d'une fugacité extraordinaire qui s'évanouit aussitôt qu'elle l'eût remarqué. Pourtant, elle ne sentait aucune magie flotter dans les airs, si ce n'étaient les échos du Spleen. Les sens en alerte, elle se décala légèrement de leur chemin initial, soufflant à son compagnon de s'occuper de distraire le garde. Progressant à pas de loups, elle s'efforçait d'être la plus silencieuse et la moins inquiétante possible. Sa maladresse légendaire ne tarderait pas à se manifester. L'homme qui avait saisi quelque chose entre ses doigts avec une vélocité hors du commun devait sans doute être beaucoup plus habile qu'elle. Il faudrait ruser. Derrière elle, elle entendit les éclats de voix du soldat qui la cherchait. Le temps était compté. Accélérant le rythme, elle manqua renverser sa cible. « Oh, excusez-moi de vous avoir bousculé, monsieur, je… Je suis maladroite. » L'inconnu, qui avait maintenu son équilibre tant bien que mal, la foudroya du regard une seconde avant de reprendre un visage amène. « Ce n'est rien, ne vous en faites pas. » Malheureusement pour lui, la brune avait profité de ce contact imprévu pour s'accrocher à son bras et il ne pouvait se dégager sans se trahir ou la blesser. Un mince sourire effleura ses lèvres, sourire qu'elle réprima instantanément. Le malfrat remarqua qu'elle le tenait toujours. « Pourriez-vous me lâcher, s'il vous plaît ? » Ne semblant pas décidé à se libérer par la force, il optait pour la courtoisie. Callidora battit des cils d'un air innocent. « Je suis navrée, mais je vais devoir vous fouiller. C'est l'intendant qui m'envoie, et vous avez l'air suspect. » Certaine de ne pas se tromper, elle attendit qu'il réagisse.

Un déchirement caractéristique lui répondit. Choisissant la fuite, l'homme abandonna une bonne partie de sa tenue au passage et laissa le tissu pendre entre les doigts fermes de celle qui l'avait retrouvé. Quelques bibelots tombèrent sur le sol, parmi lesquels elle repéra plusieurs pièces en or qui ne laissaient pas de place au doute. La Rehla ramassa les preuves précipitamment et tendit le vêtement à la marchande. « Conservez-le précieusement. Je reviens tout de suite, j'ai un voleur à attraper ! » Enthousiasmée par cette perspective, elle se lança à sa poursuite sans plus attendre. Ce fut le commencement d'une course acharnée où elle repoussa les limites de son corps. Rester tranquille chez elle des semaines entières avait sérieusement entamé ses capacités, et elle ne tarda pas à être gagnée par un essoufflement douloureux. Vite. Elle devait faire vite. Une gorgée d'air. Un pas en avant. Oublier les détails et le monde. Un nouveau pas. Ne pas s'arrêter. Ouvrir ses poumons. Suivre le voleur. C'était comme un tambour qui rugissait en faisant battre son coeur. Sur la gauche. Une caisse de légumes qui vole dans les airs. La cape qui s'efface. Et resurgit. Sur la gauche, encore. Respirer. Tendre la main. Et le piège qui se referme. Enfin.

Un éclat de rire échappa à Callidora dès qu'elle mit la main sur le fameux voleur. À bout de souffle, elle héla l'un des marchands qui se trouvait à proximité pour lui demander de ramener un garde et d'aller prévenir Jacob Elliasum. Le malfrat, manifestement contrarié, évitait de croiser son regard. Ce n'était pas la honte qui le rongeait, elle en avait la certitude. Le voleur boudait à la manière d'un enfant pris la main dans un sac de friandises, à l'exception près qu'il devait avoir une quarantaine d'années. La brune pencha la tête sur le côté tout en l'observant. Un Rehla le maintenait fermement en attendant l'arrivée des autorités compétentes qui ne tarda pas. L'intendant posa un œil courroucé sur le malfaiteur. « Allons, bon, c'est donc toi ! Crapule ! Cette fois, tu ne m'échapperas pas. » Visiblement, le propriétaire des lieux connaissait celui qui prenait un malin plaisir à troubler la paix de son Marché. L'homme baissa les yeux. Callidora s'agenouilla devant lui, curieuse de découvrir ses intentions. « Mais dites-moi… Pourquoi le vol ? » Son complice avait disparu dans la nature, ce qui ne devait pas manquer de le décevoir. C'était le moment idéal pour savoir ce qu'elle désirait connaître. « L'ennui. » La réponse tomba en elle comme une promesse de néant. Hochant la tête en silence, elle se releva après une légère tape sur l'épaule, un simulacre de réconfort qui ne servirait à rien d'autre que lui renvoyer sa propre inutilité en plein visage. Callidora se rapprocha de Kamal sans prononcer la moindre parole, se contentant de recevoir la gratitude de Jacob qui arborait une tête d'enfant ayant retrouvé son jouet favori. C'en était presque accablant. Qu'importe le repas auquel il la conviait pour la remercier et les cadeaux qu'il lui proposait, il fallait rentrer. Une humeur noire ne tarderait pas à l'envahir. Au moins avait-elle aidé sa communauté. Et maintenant, le silence. Elle devait le retrouver.


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Arrêter les voleurs [Solo]

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