Pensive, Mancinia passa doucement ses doigts dans sa chevelure où le vent froid venait déposer son odeur salé pénétrante. Un instant de quiétude dans un océan déchaîné. Il lui était agréable de ne penser à rien d'autre que perdre son regard dans le ciel azuré, entrecoupé de quelques nuages blancs. Assise au fond de l'embarcation, elle n'émettait aucun sons pour ne déranger personne et qu'elle-même ne soit dérangée et, lorsque son cou émit quelques protestations, l'Humaine ramena ses jambes contre sa poitrine, les enroulant de ses bras avant de poser son front contre ses genoux. Bercée par le roulis des vagues, elle était plongée dans un demi-sommeil rempli de rêves. Il était difficile de croire qu'elle puisse se reposer en plein milieu de cette expédition, mais chacun gérait son stress à sa manière. Depuis plusieurs semaines, la situation sur les terres de Yin et du Yang s'était stabilisée et elle avait choisi de reprendre sa place sur les routes. Une chose que beaucoup lui avait recommandé de ne pas faire, mais pourtant, dès l'appel de l'aventure et sous les conseils de Shapûr, elle avait su ce qu'elle ferait une fois que tout serait rentrée dans l'ordre, sachant qu'elle ne resterait plus très longtemps à Utopia. Les chemins étaient dangereux, à peine remis des derniers événements, voire pas du tout à certains endroits et elle en avait fait l'amère expérience...

Entre les rencontres et les séparations de toute sorte, Mancinia n'avait pas eu à se plaindre ; elle avait eu besoin de cet espace pour retrouver ses marques. Un temps du moins. Être seule, ne penser à rien d'autre qu'à soi-même, cela lui faisait du bien. Bien entendu, elle n'était pas une solitaire errante, son compagnon aux plumes d'encre l'accompagnait dans son voyage. Et s'il ne l'avouerait jamais, Kamiya avait du mal à se remettre de ce qui s'était produit dans la nature dernièrement, les animaux en avaient soufferts tout autant que les autres races. Personne n'avait été épargné. Elle n'avait pas eu de crainte de quitter la protection de la Capitale, mais après sa première action dans le Désert, la jeune femme aurait sans doute dû choisir de revenir sur ses pas, mais un nouveau but s'était dessiné dans son esprit, mais était-ce le bon chemin ? Perdue dans ses songes, l'Humaine se questionnait. Pourquoi était-elle ici ? Elle ne le savait pas vraiment. Par fierté ? Pour réussir une quête insensée qui marquerait peut-être un tournant dans son existence, dans celui de toute sa race ? Car oui, il fallait l'admettre, une pierre magique qui n'était pas affectée par l'antimagie, ce n'était pas quelque chose de très courant. Est-ce que cela existait seulement ? Pouvait-elle fonder toute son expédition sur les quelques feuilles manuscrites retrouvées dans un livre jauni chez un vieux sénile à moitié fou ?

Face à son irrépressible envie d'en savoir plus sur ce mystérieux matériau à la puissance magique évidente, face à quelque chose qui ne subirait pas les affres de l'antimagie, rien ne semblait lui faire peur. Courir après des chimères n'était pas sa vocation, mais sa curiosité et les écrits qu'elle détenait avaient cette part de vérité qu'il lui fallait examiner. Avait-elle un si grand besoin de savoir ? Ou bien était-ce seulement le moyen pour elle de ressentir ce fameux sentiment de puissance, cette adrénaline qui la rendait vivante ? Un mélange de tout ceci, sans doute, mais l'heure n'était plus vraiment à l'analyse de ses sentiments. Le Soleil commençait à descendre à l'horizon, elle vit des lumières danser au loin. Elle ne passerait pas une nuit de plus sous la belle étoile, elle approchait du premier lieu à explorer. Oui, c'était le terme exact, car en aucun cas, Mancinia n'était venue visiter cet endroit qu'elle avait vu une seule et unique fois dans sa vie. Elle désirait ardemment éviter tout lieu hostile pour les êtres Humains, surtout suite aux actions incessantes de certaines races à leur encontre. Pourtant, elle n'avait guère le choix que d'y mettre les pieds. L'Humaine n'était pas ici pour la beauté du paysage, ni pour la tranquillité trompeuse des lieux. Elle désirait trouver cette pierre aux pouvoirs miraculeux qui, selon l'ouvrage qu'elle détenait, pouvait ramener un mort à la vie. Est-ce qu'elle croyait à cette affirmation ? Sans doute pas. Néanmoins, si elle avait la faculté de guérir n'importe quelle blessure, alors cette découverte valait tout autant l'investissement qu'elle y consacrerait.

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Il était évident que détenir un tel pouvoir ne la rendrait pas plus forte, mais si cette mystérieuse pierre demeurait insensible à son antimagie, elle pourrait devenir une source d'espoir pour sa race. Mancinia ne savait ni comment ni pourquoi, mais une Humaine capable d'utiliser de la magie ferait prendre conscience aux autres espèces que les siens n'étaient peut-être pas aussi faibles qu'ils le croyaient. Peut-être même que cela agrandirait la menace qu'ils représentaient ! Un sourire fourbe se dessina au coin de ses lèvres, elle se plaisait tant d'imaginer les Humains capable de maîtriser une nouvelle forme de magie, méconnue des autres, tout en anéantissant celle de leurs adversaires avec cet aura qui les caractérisait tant. C'était divertissant de l'imaginer, mais également très dangereux. Car une trop grande puissance ne pourrait qu'engendrer la peur, une peur qui était exacerbée en la présence de leur antimagie, qui engendrait à elle seule méfiance et dégoût. Et c'en était repartit pour une folie meurtrière. Mancinia n'était pas stupide au point de clamer au monde la trouvaille d'une telle magie détenue par une race auquel certains avaient encore trop de mal à se faire. Non. Elle serait prudente si cette découverte s'avérerait véridique et rien qu'à l'idée de mettre la main sur pareil objet : elle avait des frissons.

Et si ce n'était pas la vérité ? S'effondrerait-elle en pleurant ? Non, les Humains étaient forts d'eux-mêmes. Ils n'avaient guère besoin d'une aura colorée invoquant des choses superflues. Les épreuves qu'on leur avait faits subir les avaient rendus puissants à leur manière ; ils ne comptaient que sur la force de leur mental pour se sortir des pires situations. Ce n'était qu'à la sueur de leur front qu'ils avaient construits Utopia et chasser leurs ennemis ! Bien qu'ils aient des alliés en ces temps troubles, ces derniers ne seraient peut-être pas toujours présents. Les coassements de son compagnon résonnèrent tels des échos à travers l'étendue maritime, mais un silence froid lui répondit. Mancinia s'en imprégna dans l'espoir de laisser quelques pensées superflues quitter son esprit.

— Tu es certaine que nous n'allons pas perdre un temps qui serait mieux utilisé ailleurs ?
— Et bien, cela restera un mystère tant que nous n'aurons pas trouvé cet artefact.

Sa maîtresse sourit, c'était très amusant, en fait, de partir à l'aventure sans savoir ce qu'il y avait au bout du chemin. Être inactive sur le pont d'un navire ne pouvait que donner des frissons. Dans ses bras croisés où il avait élu domicile, Kamiya faisait office de petite bouillote, tandis que ses genoux recroquevillés lui servaient d'abri contre le vent. Elle ne se souvenait pas que ces récents voyages en mer fussent si pénibles, mais elle serrait les dents tout en se disant que ce n'était un mauvais moment à passer. Une fois parvenue au Sanctuaire, elle serait l'être vivant le plus heureux du monde ; car c'était là sa destination, le point qu'elle essayait d'atteindre depuis un temps qui lui semblait interminable. Ce temps, elle essayait de rassembler tous les souvenirs qu'elle avait de cet endroit, mais ces derniers étaient un peu confus. Quelques journées occupées à faire des recherches, voici plus de dix ans, n'étaient pas suffisantes pour s'habituer. C'était au cours de ses errances avec son père, lorsqu'ils recherchaient des indices sur le lieu où sa mère pouvait être retenue prisonnière, mais personne n'était parvenus à les renseigner. Un sourire éclaira son visage lorsqu'elle resongeait à ces moments passés avec ce dernier ; ils étaient merveilleux. Autant que la disparition de sa mère la faisait souffrir. Son rire prit une teinte ironique, car désormais, c'était l'inverse qui se produisait. Une fois qu'elle eut retrouvé sa parente en Utopia, c'était au tour de son père de se volatilisé...

Ce départ étant volontaire, Mancinia ne passait pas son temps à lui courir après. Bien qu'elle ignore la raison de ce brutal éloignement, il n'en demeurait pas moins qu'elle conservait l'espoir de le croiser une fois, sur les hasards des routes. Son souhait était de connaître la raison, mais sa mère refusait de le lui dire et pour avoir vécu autant de temps avec son père, elle ne parvenait pas à comprendre sa réaction. C'était bien trop nébuleux à son goût ! Ils venaient de retrouver sa mère et les retrouvailles avaient été si émouvantes qu'elle en tremblait encore ! Alors pourquoi s'enfuir comme un voleur ? Qu'est-ce qu'il lui avait fait peur ? Craignait-il la vie citadine au point d'abandonner sa famille qu'il chérissait tant ? Non, cela n'avait aucun sens...

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Aaaah, mais que ce froid lui transperçait les os ! Et avec le Soleil qui disparaissait à l'horizon, la température ne ferait que décroître au fil des heures, ce ne serait pas encore ce soir qu'elle atteindrait le Sanctuaire pour dormir au chaud et sur un sol stable. Non, cette nuit encore, Mancinia aurait droit à sa couchette à l'écart de tous. Serrant Kamiya dans ses bras, elle parvint à se redresser tant bien que mal pour se dégourdir les jambes et essayer de réchauffer son corps en marchant vers l'avant du bâtiment. Elle ne faisait pas grand cas de ceux qui l'observait d'un oeil curieux ou sceptique au fil de sa progression, c'était une habitude qu'elle avait acquise au fil des ans. Son aura caractéristique la trahissait encore plus depuis quelques temps, sans doute était-ce le contact de la magie qui faisait que son contraire se renforçait ? Ce serait une piste intéressante à creuser pour savoir l'origine du phénomène qui caractérisait les Humains et, peut-être qu'une partie de la réponse se trouvait au Sanctuaire ? Elle se prenait décidément bien trop l'esprit avec les mêmes interrogations, inlassablement. Mais les doutes qui l'assaillaient lui rongeaient son esprit sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit ! Elle avait tellement envie d'être utile aux siens. Elle avait tellement de faire tout ce qui était en son pouvoir pour y parvenir !

Son envie de s'illustrer s'accompagnait de tous ce qui était possible et inimaginable de craintes et d'angoisses : et si elle n'y arrivait pas ? Et si la chute était inévitable ? Et si elle échouait devant les plus grands ? Son coeur battait à la chamade. Elle avait beau avoir obtenu une honorable troisième place lors de la Coupe des Nations, avoir obtenu la reconnaissance des autres soldats Humains, ça ne valait rien si elle n'était pas capable d'en être digne. Qui croirait en elle alors ? Est-ce que Neah... ? Son coeur se serra au doux souvenir de son Ange Gardien. Celui qui l'était ? Elle l'ignorait. Mancinia ne savait pas comment fonctionnait ce lien qui l'unissait à l'Ange. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle avait quitté Utopia en compagnie de Neah, mais après leur mésaventure dans le Désert qui avait failli lui coûter la vie, elle avait chassé ce dernier de son entourage. Peut-être qu'elle s'y était mal prise ? Bien que son corps s'en veille de ces paroles malheureuse, il n'était pas sa priorité pour le moment : l'ouvrage qu'elle avait découvert chez Dâ l'avait lancée dans un périple de plusieurs semaines à la recherche de cette mystérieuse pierre. Elle avait en avait bavé pour parvenir à s'embarquer sur ce navire en direction du Continent du Matin Calme, avec la désagréable impression que cette tâche était impossible à réaliser seule.

Bien qu'elle n'était pas seule et que son compagnon se trouvait embarqué dans cette histoire bon gré, mal gré. Et puis, elle n'allait pas renoncer maintenant juste parce que quelques doutes l'assaillaient. Cela voulait seulement dire qu'elle ne se surestimait pas et que la prudence était de mise. Rien n'était acquis, tout était encore à faire. Mancinia n'avait aucune chance si elle se reposait sur ses lauriers, surtout qu'elle devrait utiliser ses méninges pour résoudre les épreuves qui ne manqueraient pas de se dresser devant eux. La nuit laissait doucement son voile sombrer sur l'océan, les alentours étaient de nouveau déserts et certains passagers s'étaient sans doute diriger vers modeste cantine pour lester leurs estomacs d'un plat ou deux. Mancinia lâcha un long soupir, se disant qu'elle devrait faire de même lorsque Kamiya redressa légèrement son cou et siffla entre son bec.

— J'ai entendu quelque chose, chuchota-t-il.
— Où ça ? s'étonna Mancinia. Il y a tellement de bruits sur ce navire que...
— Il vient de derrière nous. Soi prudente.

Est-ce que quelqu'un souhaitait l'attaquer en traître ? Même sur un navire, ce n'était pas très intelligent. Mancinia savait que sa disparition ne chagrinerait personne sur ce tas de bois flottant, mais elle ne se laisserait pas tuer pour autant, aussi proche de son but. Bien qu'ayant son corbeau dans les mains, un de ses bras se suréleva légèrement pour qu'elle puisse saisir sa dague, cachée dans sa manche. Son corbeau venait de gonfler son ventre, prêt à s'envoler et à arracher un oeil à quiconque s'en prendrait à sa maîtresse à revers. Bien que secouée par le roulis des vagues, l'Humaine laissa sa curiosité prendre le dessus sur ses autres sens et se retourna d'un coup.

Personne.

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Mancinia demeura surprise et ne sortit pas son arme dans l'instant. Elle était certaine que Kamiya n'avait pas commis d'erreurs, ce n'était pas dans ses habitudes : il avait les sens encore plus aiguisés que les siens. Bien que méfiante, l'Humaine fit quelques pas, scrutant dans la pénombre ambiante ce qui se tramait. C'est alors que son regard bleuté se posa sur un inconnu à la peau d'ébène, une haute stature et des traits austères. Un homme au physique si avantageux qui ne lui laissait guère de doute sur l'éventualité d'une défaite s'il en venait à s'en prendre à elle. Que devait-elle faire ? Sortir son arme et lui sauter dessus ? Si ça se trouve, cet homme ne tentait pas de dissimuler sa présence et se promenait sur le pont en réfléchissant ? Inutile de dire qu'elle était quelque peu secouée par cette rencontre nocturne, aussi soudaine que tout ce qui s'était produit récemment dans sa vie. Un nouveau message ou que Drejtësi savait-elle encore ! Pour autant, Mancinia essaya de ne pas laisser une sourde panique s'emparer de son esprit, malgré l'affolement de son coeur suite à la surprise et à l'incertitude qui lui faisait face. Elle détailla ses traits hâtivement pour voir si elle pouvait déceler une quelconque menace de cet immense gabarit : une main prompte à se saisir d'une arme ou quoi que ce soit d'autre, mais dans le doute, elle éleva légèrement la voix.

— Vous ! dit-elle. Que me voulez-vous ?
— N'ayez crainte, Dame Leenhardt. Je souhaitais seulement discuter avec vous.

Sa voix était claire, sans l'once d'une menace. L'homme leva ses deux mains devant lui, montrant à la jeune femme qu'il n'était pas armé et venait avec des intentions pacifistes. Mancinia demeura encore un moment suspicieuse, n'hésitant pas à lui montrer qu'elle avait de quoi se défendre au besoin.

— Qui êtes-vous ?
— Ah ! J'en oublie de me présenter correctement ! ...Je suis Bertolt. Seulement Bertolt. Je sais que c'est étrange de voir quelqu'un débarquer comme ça, mais...Comment vous dire ? Je suis un de vos admirateurs !
— Un de mes quoi ? demanda-t-elle, stupéfiée.
— Loin de moi l'idée de vous faire offense ! se reprit-il, embarrassé. J'ai vu vos exploits à la Coupe des Nations...
— Ah.

Sa réaction minimaliste eut de quoi surprendre l'homme. Il faut dire qu'elle-même était dubitative face aux manières de son interlocuteur : elle ne savait ni réfléchir, ni dire des phrases convenables tant sa politesse la désarmait. L'Humaine n'avait guère l'habitude d'être aussi bien traitée, même si depuis les épreuves, elle ne pouvait le nié, certains la reconnaissait. Non pas pour son exploit, mais pour sa nature raciale. Elle devait admettre être agacer de ces comportements, pour une fois que quelqu'un voulait lui seulement en parler sans lui faire de mal...Peut-être devrait-elle lui faire un peu confiance ? Elle remit sa dague dans sa manche pour enlever tout signe d'agressivité.

— Vous semblez me connaître, mais nous ne sommes plus en compétition. N'hésitez pas à m'appeler Mancinia, Bertolt. Je vous présente mon compagnon, Kamiya. C'est un corbeau très dégourdi.
— Kah, Korol !
— J'entends...Votre corbeau vient-il de parler ?!
— Évidemment que je parle !
— Prodigieux ! Vraiment...Prodigieux ! C'est incroyable !

Bertolt semblait des plus enthousiastes à cette découverte. Son regard était en train de fixer Kamiya qui le dévisageait en penchant son petit crâne vers la gauche, se demandant bien ce que cet énergumène leur voulait, à lui et sa maîtresse.

— Est-ce vous qui lui avez appris à parler ? Est-ce que ça vous a pris beaucoup de temps ? Ou peut-être a-t-il appris tout seul ? Depuis combien de temps vous vous connaissez ?

Quelle réaction devait-elle adoptée ? Celle de l'amie sympathique répondant à toutes les questions ou celle de la femme abordée par un inconnu qui la couvrait de questions ? Comment se faisait-il d'ailleurs qu'un être aussi grand et fort que lui parle d'une manière aussi enfantine ? Qu'avait-elle de spéciale pour le faire réagir de la sorte exactement ?

— Vous êtes fort surprenant, Bertolt ! lâcha-t-elle. Je peux savoir pourquoi vous êtes si curieux ?
— Je...Heu..., se mit-il à marmonner. C'est que…Les Humains sont tellement rares sur les marches de la Coupe des Nations...

Oh. Elle était devenue un phénomène qu'on qualifierait aisément de bête de foire ? Fronçant les sourcils, vexée de s'être laissé embobinée dans cette conversation, la jeune femme était sur le point de le rabrouer sèchement. A croire que toutes les fibres de son corps avertissent son interlocuteur, ce dernier la devançant :

— Non ! Attendez ma Dame, vous n'avez pas compris !
— Expliquez-moi dans ce cas !
— Je suis comme vous...Je suis un Humain.

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Défiante. Comment ne pas l'être dès que les Humains devenaient la risée de certains en ce monde ? Mancinia savait qu'il demeurait des exceptions chez certaines races, où certains représentants Humains avaient faits de fortes impressions, mais ils ne s'en tenaient pas moins à l'abri des remarques acerbes. Certains étaient effrayés, d'autres les maudissaient, voilà ce à quoi elle avait été habituée au sein des villes continentales. Si la condition des Humains allait en s'améliorant depuis quelques années, certaines pratiques avaient la dent dure. Si elle eut du mal à saisir l'impression d'aise de l'homme, Mancinia n'eut qu'à ouvrir ses oreilles pour comprendre. Ce qu'elle retient surtout de ce que ce dernier, c'est que son interlocuteur émit en dernier. Bertolt était donc Humain ? Mancinia fût foudroyée sur place devant cet éclaircissement. Comment aurait-elle pu le savoir alors qu'elle n'était pas une utilisatrice de la magie et ne souffrait pas de la perte de cette dernière ? Bien que certains signes ne mentent pas, elle n'aurait pas cru croiser un autre Humain sur ce navire marchand, transportant quelques passagers pour obtenir une compensation financière plus importante. Tout ceci expliquait son habitude à l'antimagie et ses réactions surprenantes. Rajustant une de ses mèches brune derrière son oreille, Mancinia garda pour elle le fait d'avoir jugée une personne trop vite. Cela l'agaçait quand les autres le faisaient, alors pourquoi devait-elle suivre ce mauvais exemple ?

— Je comprends. Pardonnez-moi ma méfiance.
— Votre réaction est légitime. Ce ne doit pas être facile d'être reconnue quasiment partout avec votre nouvelle notoriété !
— C'est rare de rencontrer des personnes qui se souviennent de moi. Je n'ai fini que troisième de mon épreuve...D'autres Humains ont faits mieux avant moi ! rit-elle.
— Vous êtes trop modeste, une troisième place, c’est tout de même un grand honneur ! Surtout que vous semblez être la seule à ne pas l'utiliser à outrance ! Je veux dire que les anciens candidats sont rarement visibles. Sans doute sont-ils bien trop occupés à se complaire dans leur argent pour voir le monde ou bien de se soucier du bien de leur peuple.

Mancinia écarquilla son regard devant cet homme à la voix devenu cassante. Sautillant sur son épaule, son compagnon à plumes semblait dégager plus d'appréciation que de méfiance envers Bertolt. La révélation de son statut d'Humain avait de quoi le rendre immédiatement agréable au regard des deux lurons. C'était sans doute mieux ainsi que de se retrouver face à un mur de méfiance absolue, mais un doute persistait dans son esprit :

— J'ai du mal à vous suivre. Qu'est-ce qu'il vous faire croire que ce n'est pas également mon cas ?
— Vous êtes sur un navire de seconde zone en direction du Continent Naturel, ce qui fait que vous êtes économe. Et vous avez obtenu un titre des mains mêmes des combattants de notre race. Sur ce dernier point, vous valez mieux que les autres. Ils ont tous disparus de la surface de ce monde et s'illustre à peine lors du conflit qui nous anime !

Il était difficile de lui donner tort sur ce dernier point. Rare était les anciens représentants à être encore présents au sein des murs de la Capitale. A vrai dire, Mancinia ne se souvenait pas d'en avoir croisé un seul ou de les avoir entendu proches des affaires de l'illustre cité. Peut-être était-elle la seule à avoir des ambitions peu communes ? Dans tous les cas, Bertolt semblait largement au courant des tumultes qu'avaient traversés Utopia. Venait-il de là-bas ? Elle ne se souvenait pas de lui. Pourtant, il avait une carrure si impressionnante qu'il lui semblait impossible de ne pas se souvenir de cette stature sombre qui dominait largement celle des autres hommes. Son franc parler, bien que parfois hésitant, ne devait pas s'oublier aussi facilement. Un frisson lui parcouru l'échine lorsque la noirceur de la nuit lançait son voile sur le ciel. Certains membres d'équipage venaient allumer les torches du pont pour éclairer l'eau aux alentours ainsi que le pont du navire.

— Le temps se rafraîchi, Dame Leenhardt. Nous ferions mieux de poursuivre cette conversation à l'intérieur...Si vous le souhaitez bien sûr !
— Évidemment. Il est tellement rare de croiser d'autres Humains ! Allons manger un bon repas chaud ! J'ai une faim de loup et la gorge sèche pour converser. Et, surtout, Bertolt, cesse de m'appeler Dame !

Son interlocuteur renversa sa tête en arrière et éclata d'un rire franc avant de la suivre vers l'intérieur du navire, pris encore d'une franche rigolade. Elle ne comprenait pas pourquoi il riait, qu'avait-elle dit de si amusant ?

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Bertolt eut du mal à retrouver son calme. Mancinia ne comprenait pas pourquoi il faisait ces grimaces uniquement car elle avait des besoins physiologiques naturels communs à tous. Qu'avait-elle bien pu dire de si amusant ? Avait-elle quelque chose sur le visage ? Elle commençait à être nerveuse pour un rien face à ce gars qui reprenait peu à peu contenance. L'Humaine claqua sa langue contre son palais ; il l'agaçait autant qu'il avait la conversation agréable. Il faut dire que ces nerfs étaient mis à rude épreuve sur l'eau, ces derniers voyages en navire ne s'étant pas bien déroulé. Marchant plus vite que son compagnon pour chercher quelque chose qui calerait son estomac, le laissant soin de se modérer tout seul. Dans ce minuscule restaurant marin, quelques personnes conversaient du voyage en les ignorants royalement. C'était eux aussi des voyageurs, les membres d'équipage mangeant avant eux, car les repas rythmant la vie à bord d'un navire : la cuisine est bien trop petite pour accueillir tout le monde. Ils mangent par bordées, scindé en petits groupes mangeant à heure fixe. Les voyageurs avaient deux heures puisqu'ils demeuraient les derniers et, c'est bien connu, les plus fainéants. Mancinia tendit au cuisinier un feuillet qu'il observa avec attention, sortit un crayon pour mettre une marque et lui rendit avec un grognement.

Ce petit feuillet était un moyen pour le cuisiner de savoir si la personne qui lui faisait face avait mangé ou non. On veillait aux vivres et quiconque trichait était prévenu : privé de repas durant toute la traversée. Personne ne désirait vivre un tel sort. En tout cas, elle n'avait croisé personne qui s'y était risqué. Le cuisinier avait préparé un pain quotidien avec un blé qui semblait encore consommable. Vu que les marins avaient fait une bonne prise durant l'après-midi, le repas du soir était une soupe de poisson grasse mise dans une écuelle. Une cuillère en bois et un couteau lui fut également remis, elle avait droit à deux verres d'eau pour son repas et pas un de plus. Kamiya aussi avait envie de grignoter quelque chose, mais la viande demeurait rarissime sur les navires : il se contentait de grignoter un morceau de pain où était mis un morceau de poisson rose. Difficile de stocker en quantité suffisante même si la vitesse d'un navire reliait deux Continents au plus vite, on y demeurait longtemps...En conséquence de quoi, la faim est la hantise permanente pour l'équipage ou les passagers. Sans mentionner les risques d'eau contaminée, d'où la présence d'un flibustier Élémental de l'eau qui rassurait tout le monde ici. Mancinia s'imaginait mal devoir boire de l'eau salée. De l'urine ? Elle avait subi dans le Désert. Une expérience qu'elle ne désirait pas réitérée.

L'Humaine adressa sa prière à Drejtësi qui l'aidait dans ses épreuves, mais aussi à Phoebe, pour ce poisson qui nourrirait sa carcasse. Ceci fait, elle goûta sans attendre cette mixture au goût plus qu'étrange. Nom de...Sa soupe était si salée ! Le poisson avait dû être cuit dans de l'eau récupérée dans l'océan. Bon. Elle ferait avec, cela ne la tuerait. Bertolt l'avait imité en prenant son repas et en venant s'asseoir devant sa personne en silence.

— Vous avez fini de rire ou vous en voulez encore ?
— Ne le prends pas mal ! C'est tellement rare que certaines femmes acceptent qu'on ne les appelle pas avec un titre élogieux !
— Bien sûûûr ! fit-elle en grimace. Je ne suis pas si vieille, sais-tu ? En tout cas pas suffisamment pour me faire appeler Madame.
— Et vous avez quel âge ?
— Vingt-trois ans et toi ?
— J'ai dix-sept ans. Et on m'a appris à m'adresser à mes aînés avec révérence.

Mancinia manqua d'avaler son eau de travers. Lui, il avait dix-sept ans ?! C'était une blague ? Il en faisait presque autant qu'elle avec son allure si mature. Il rit à nouveau devant la mine qu'elle faisait et elle ne pouvait que lui donner raison tant son visage devait être mémorable.

— Je sais. On me dit souvent que je bien trop précoce pour mon âge ! J'ai un corps bien pourvu, que voulez-vous ?
— Un être humain physiologiquement normal ?
— Je vois que vous ne manquez pas d'humour !
— Désolée de ne pas être la garce de service qui envoie tout le monde au Diable !
— Loin de moi l'idée de m'en plaindre. Ce qui m'amène au véritable but de cette conversation. Est-ce que vous voulez l'entendre ?

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Mancinia ne s'arrêta pas de manger et restait concentrer sur son repas bien que les appréhensions naissent à nouveau dans son esprit. Que lui réservait-il encore ? Elle avait l'impression que tout était possible avec son confrère Humain. Elle releva sa tête en sa direction, constatant qu'il attendait une répondre à laquelle la jeune femme répondit par l'affirmative en hochant la tête avec mollesse. Bertolt prit la parole, comme si la mer avait subitement eu une emprise apaisante sur son esprit. Qu'est-ce qu'il se passait là ? Pourquoi tout s'enchaînait de cette manière ? Mancinia n'aimait pas n'avoir aucun contrôle sur la situation. La surprise passé dans son regard, l'Humaine reprit son sérieux. Peut-être devait-elle seulement se laisser porter par les événements ?

— Je suis aventurier et ma passion est l'écriture.

Mancinia releva son regard vers lui, abasourdie. Voyant l'incompréhension sur le visage de son interlocutrice, Bertolt prit soin de lui expliquer.

— Je voyage sur les continents et j'écris sur la vie de personnes à travers le monde. Qu'ils soient connus ou non n'a guère d'importance, ce qui compte, c'est le message qu'il faut en tirer.
— Tu fais leur bibliographie, en somme.
— Pas exactement, la reprit-il avec embarra. Je prends une personne qui me plaît dans ses actions, dans ses manières...Et j'écris sur ce qu'elle est.
— Sa bibliographie, insista Mancinia.
— J'embellis un peu en agrémentant le texte de quelques petites choses.
— Pour mieux vendre, sourit la jeune femme. Tu vends des histoires que les gens veulent lire !
— C'est exact, mais cela dépend pourquoi. Certains n'aiment pas que leurs secrets soient publiés, voire même transmis de manière orale. De ce fait, les noms sont modifiés, les lieux ou les dates. Je suis très respectueux si c'est ce que la personne désire. Néanmoins, toutes les histoires ont des choses à transmettre, c'est là mon rôle.
— Tu inventes en prenant un modèle vivant selon ce que lui désire ?
— On peut le résumer vulgairement ainsi, oui !

L'Humaine retint un rire. Comment qualifier ce travail autrement ?

— Tu vois, en Avalon, il y avait cette demoiselle très charmante. Elle aime bien boire un bon verre d'alcool et elle m'a raconté que sa soeur avait fait la rencontre de la Bûche Sauvage ! Je parie que vous le connaissez de réputation ?

Mancinia écarquilla les yeux en avalant sa cuillère. Qu'est-ce que c'était que cette histoire encore ? N'était-il pas en train de la baratiner pour lui vendre sa camelote ? Réfléchissant un instant, elle n'hésitait pas dans sa réponse ;

— Non. Seulement les légendes de la Bûche Enchantée.
— Eh bien, c'est un homme très réputé dans les bordels de la Capitale Déchue.
— Si le but était de me convaincre, vous venez de lamentablement échouer.
— Je trouvais ça amusant de connaître un homme qui à rencontrer toutes les prostituées de la ville.
— Je trouve plus intéressant de manger que de connaître les maladies vénériennes des Luxurieuses.
— Vous avez du répondant. Je note.

Ce n'était pas des paroles en l'air, le garçon ôta un carnet de la poche de son pantalon et y nota quelques informations. Mancinia et Kamiya s'échangeaient un regard.

— Je pense que tu essaies de m'embobiner. Qui souhaiterait connaître les exploits de ce...Cette Bûche Sauvage ?
— N'en crois rien. Certains hommes aimeraient avoir ce genre d'exploit, certaines femmes aimeraient bien avoir un tel partenaire.
— Soit. Imaginons ! Et moi dans tout ceci ? Je suis votre future étude ?
— J'admet que si tu m'y autorise, Mancinia. Je te porterais au sommet !
— C'est une bien belle promesse, mais elle ne m'intéresse guère. Et même si je te disais oui, quoi ? Tu vas me poser des milliers de questions qui ont des réponses évidentes ?
— Ou vous pourriez vous présentez en détails et dire ce que vous faites ici.
— Que voulez-vous, Bertolt ? demanda-t-elle avec lassitude. Je suis une Humaine comme des dizaines d'autres que vous trouveriez à Utopia !
— Non, affirma-t-il fermement. Vous êtes Mancinia Leenhardt et rien que ceci fait de vous quelqu'un. Vous avez vingt-trois ans, vous avez obtenu une place dans l'Épreuve d'Intelligence et vous avez le titre d'une noble défenderesse de votre peuple. Vous avez une histoire et vous faites parfois rêver les plus jeunes, vous ne pouvez le niez. Vous avez des modèles, d'autres ont le leur et certains vous ont vous.

Bertolt marqua une pause, la dévisageant avant de reprendre une allure amicale.

— Ça te va ou tu souhaites une explication barbante sur le pourquoi du comment ?

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Mancinia demeurait interdite devant les manières aléatoires de Bertolt. Il pouvait se montrer tour à tour nerveux, timide ou avoir un parler franc. C'est qu'il savait diriger ses interlocuteurs vers ce qu'il souhaitait : une habitude certainement acquise avec l'aide de son travail de baratineur. L'Humaine ne parvenait pas le croire mauvais, seulement ingénu et téméraire en raison de son âge. Ou peut-être était-ce elle qui était crédule ? Ce ne serait pas la première fois qu'elle se laisse berner par quelqu'un prétendant être un de ses compatriotes, mais son interlocuteur en savait tant sur elle et sur des choses propres aux Humains que c'était peu probable. La jeune femme termina son repas en silence tandis que Bertolt l'observait, les bras croisés et, reposant son couvert, Mancinia déclara simplement :

— Je ne suis pas un modèle.
— Tu as la tête dure. Tout le monde suit les esprits forts. Et tu en es. Quoi que tu dises et quoi que tu fasses. C'est inscrit dans tes tripes.

Mancinia rit franc, poursuivant d'un ton qui se voulait rassurant :

— Cessons de parler de ma personne. Je ne connais rien de toi hormis ton nom, alors d'où viens-tu ?
— Je viens de plein d'endroits différents. Je suis né près de Bouton d'Or et vécu une partie de ma vie près de Cael. Et vous ?
— J'ai voyagé un peu partout avant de m'installer à Utopia.

Le regard de Bertolt se troubla. Son regard lui rappelait l'eau d'un lac transparent.

— Vous y vivez ?
— En effet. Tu n'y résides pas ?
— Je n'y suis jamais mis les pieds.
— Jamais ? s'étonna-t-elle.
— Non. Je sais c'est étrange.
— Comment se fait-il que tu connaisses si bien la ville ? Et mon titre qui n'est connu que des résidents de la ville ?
— Mon frère y vit. Il tient une boutique de tissus là-bas.
— Je comprends, tu as l'esprit le plus aventurier de ta famille.

Le ton de l'Humaine était doux. Bertolt était son cadet de quelques années et pourtant, il avait fait le choix de poursuivre ses errances sur les terres du Yin et du Yang. Était-il à la recherche de quelqu'un, de quelque chose ? Mancinia se demandait si elle pouvait l'aider en tant que membre de la même race, car certains Humains avaient encore du mal à trouver une place en ce monde, croyant que la vie citadine qu'une ville qui leur était propre les étoufferaient. Comme son père. Est-ce que Bertolt lui apporterait plus de réponses qu'elle ne l'escomptait ? Est-ce qu'elle pourrait comprendre le départ de cet être si cher à son coeur en demeurant avec ce garçon ? D'abord silencieux sur les raisons de sa solitude, il finit par se convaincre lui-même que son interlocutrice comprendrait : ils étaient Humains, leurs vies avaient été certainement similaire avant d'apprendre la construction d'Utopia.

— J'ai eu de la chance de revoir mon frère. Je croyais être l'unique survivant de ma famille, mais ce n'était pas le cas. J'étais heureux, mais également mélancolique. Être Humain vous change la vie sur certaines terres. Je comprenais bien mieux ce qui m'entourait, les bonnes choses comme les mauvaises. Je ne savais pas quoi faire ni comment agir. J'ai compris avec le temps. Je devais me trouver un travail stable, me sentir proche de la civilisation et en communication avec la nature. Un endroit où me mettre et qui serait à ma taille. Un peu comme toi.
— Comme moi ?

Il eut un sourire entendu là où Mancinia demeurait silencieuse. Bertolt imaginait, ou considérait, que la ville était un endroit où elle était à sa place ? Il est vrai qu'elle se sentait bien dans la cité humaine, mais elle y vivait depuis des années. Sans privations, sans vraiment de risques, sans contrainte envers son antimagie. Voyant qu'il ne disait rien de plus, la jeune femme ne fit rien de son côté pour relancer la conversation. Se dévisageant un peu avant de changer de sujet.

— Je me demande bien ce qu'une vaillante guerrière vient chercher sur le Continent du Matin Calme. Ce n'est pas l'endroit le plus palpitant de ce monde...
— J'avais besoin de voir comment se portait le monde, Bertolt, mentit-elle avec un sourire innocent. La Dévoreuse a ébranlée ses fondations et mis sur le devant de la scène les prémices de plusieurs guerres. Si cet endroit demeure inintéressant et vous ennuie, c'est à cause de son atmosphère paisible.

Bertolt inclina sa tête en avant en riant, sachant au fond de lui qu'il n'aurait pas les informations sur son compte aussi rapidement qu'il l'escomptait. Cette femme était une énigme que l'homme comptait bien mettre à jour.

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— Si tu vas au Sanctuaire, c'est bien pour faire des recherches ?
— Qui t'as dit que c'était là ma destination ? demanda-t-elle dans un sourire. Oh, il est vrai qu'il n'existe pas mille endroits à voir sur le Continent du Matin Calme. Je doute trouver la raison de mes recherches au Sanctuaire, mais ne pas essayer ne me permettra pas de le savoir.

Mancinia n'avait pas envie de trop en dire sur son but. Surtout qu'elle n'avait qu'un petit livret en sa possession, autrement dit, ce n'était qu'un petit grain de sable dans un océan de dunes. Peut-être même que le Magicien Zandalor était fou et qu'elle ne poursuivait qu'une chimère sortit de son esprit décati. Elle ne le saurait que le moment venu. Se préparant mentalement à subir une déception - ou le bonheur n'en serait que plus immense. Mais il était inutile de démentir certaines choses : Bertolt avait compris où son interlocutrice se rendait, tout autant qu'elle devinait la nullité à en deviner la véritable raison. Si elle n'avait rien à se reprocher ou à dissimuler qui soit d'important, sans doute la laisserait-il tranquille. Si Bertolt se montrait plus insistant, l'Humaine aviserait. Et après tout, elle ne manquait pas de se demander s'il ne pourrait l'aider dans sa tâche qu'était la recherche de ce Diamant miraculeux. A deux - ou trois en l'occurrence - les investigations ne seraient que plus faciles. Un oeil nouveau sur la question pourrait sans doute l'aider le moment venu. Peut-être que celui lui fournirait un début de réponse, a lui aussi ? Elle s'interrogeait sur ce qu'il convenait de faire, mais Bertolt lui coupa l'herbe sous le pied.

— J'aimerais vraiment t'accompagner. Je ne suis pas quelqu'un qui s'impose ou qui dérange la personne avec laquelle je suis, mais c'est pour mieux cerner le personnage. J'ai le don d'inventer des histoires palpitantes, mais si les personnages sont faux le lecteur n'appréciera pas mon travail. Je dirais même avec mon intelligence et ma force légendaire, tu es certaine d'avoir un allié de taille !
— Quel modestie.
— Mancinia m'a moi, cela lui suffit.

Son Humaine n'était pas à l'abri d'une erreur et Kamiya en était conscient. Il voulait rappeler à Bertolt que lui aussi était présent et qu'il remettrait les pendules à l'heure en cas de besoin.

— Ce que voulait dire mon charmant compagnon, c'est que nous sommes ensemble dans cet aventure. Et que nous avons de quoi faire.
— Mais encore... ?

Mancinia sourit pour l'avenir qui verrait naître une belle amitié entre lui et elle. S'il s'en montrait digne. Leur heure de table était terminé. Ils devaient à présent transmettre leurs places à l'autre groupe. Se redressant sans mot dire, elle rapporta ce qui devait l'être au cuistot en le remerciant une nouvelle fois. Bertolt la suivit en pressant le pas, la rattrapant pour l'interroger.

— Et quel est votre réponse à vous ?
— Bien ! dit-elle en mettant sa main sur son épaule. Pour l'instant, allons prendre du repos !

Sérieusement. Allait-elle le faire languir de sa réponse encore longtemps ? Il n'allait pas abandonner comme ça et la suivit dans le couloir, l'obligeant à s'arrêter pour l'écouter.

— Mancinia ! Dis-moi ce que tu en penses vraiment !
— Hum, fit-elle en fausse songeuse. Kamiya ?
— Avant de t'adresser toute notre confiance, je dois d'abord pour poser une question très importante avant. Je suis noir. Je deviens rouge. Je finis blanc. Qui suis-je ?

Le ton de Kamiya était des plus sérieux. C'était sa manière à lui de voir si les personnes qui accompagnaient sa maîtresse étaient dignes de confiance. Mancinia haussa les épaules avec un sourire sous la énième énigme de son compagnon. Bertolt n'était pas un idiot, il trouverait sans doute la solution en un clin d'oeil.

— Tu me donnes la nuit pour trouver ? Je ne suis pas très doué en énigmes.

Coassant d'un air approbateur, Bertolt eu un sourire envers Mancinia. Il savait. Et il avait conscience que faire plaisir au compagnon à plumes de sa nouvelle partenaire était tout aussi important...

— Si tu as la bonne réponse lorsque nous arriverons au port demain matin, nous ferons route ensemble.
— Et tu me diras aussi ce qui t'amènes dans ces terres reculées, bien que paisibles et charmantes pour une Humaine ?
— Ton métier est d'observer, non ? Si tu survis assez longtemps, tu comprendras en me regardant faire.

Dans un rire qui se voulait moqueur, Mancinia planta son potentiel futur compagnon de route dans le couloir. Elle saurait demain s'il avait toujours envie de l'accompagner. Après tout, la mort faisait partie de l'aventure.

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En prenant la clé de sa cabine, Mancinia ouvrit la porte tout en dévoilant son contenu : c'était un endroit relativement petit, avec un seul lit et une petite armoire cloué contre l'un des murs internes du navire. Tout le reste appartenait à l'Humaine. En commençant par sa lance, qui reposait sur les draps du lit et sa besace contenant des vêtements et autres besoins féminins, ou nécessaire de survie. Elle saisit entre ses doigts Nibelungen et se surprit à croire que son arme pulsait d'une énergie mystique. Depuis sa reconstruction au Temple de la Justice devant son regard ébahi, elle avait tendance à sa croire que son arme était doté de dons ou d'une volonté qui lui était propre. Ce qui pouvait être ridicule pour quelqu'un n'ayant pas vu le miracle qui lui avait été offert. Même Kamiya, douteux de l'existence des Aetheri, devait reconnaître que le tour de passe-passe avait été impressionnant. Son compagnon était souvent candide, mais pas sur cette question. Pourtant, malgré cette mésentente mutuelle, ils se supportaient. Ils s'aimaient de trop pour s'en vouloir longtemps. Kamiya, lui, vint se poser sur le dessus de la commode où se trouvait un peu de paille. Avec un regard en direction de Mancinia, signifiant qu'il dormirait là. Et qu'il avait une belle vue sur l'ensemble de la pièce si jamais quelqu'un tentait quoi que ce soit envers sa maîtresse.

— Kuit, Kahnsykah !
— Bonne nuit !

La jeune femme s'enroula dans la couverture bleu et rêche et se laissa tomber sur son matelas en tournant le dos à la porte. C'est un timide rayon éveilla le corbeau endormi. Ce dernier était encore plonger dans son sommeil et la douce chaleur de la cabine ne l'incitait pas à se réveiller, tant elle contrastait avec celle à bonne température qui régnait dans le Désert. Ce réveil aux aurores ne lui plaisait guère ; quand il ouvrit son oeil gauche en direction du lit, il émit un léger coassement. Il n'y avait rien. Mancinia n'était plus dans le lit. Ouvrant ses deux yeux blancs et bleus, Kamiya se redressa sur ses pattes en étant prêt à sévir. Rien. Sa maîtresse était debout. Elle nouait ses cheveux en regardant par la fenêtre. Son corbeau lui fit savoir qu'il était éveillé et elle se retourna vers lui avec un faible sourire. Kamiya détendit ses ailes en écoutant les paroles de sa maîtresse sur ses interrogations : devait-elle prendre Bertolt avec eux ? Ce genre de choses ne l'infectait guère. Seul lui importait le bien-être de sa maîtresse et les autres n'avaient que peu d'importance. Hormis Raphaël. Lui il l'aimait bien. Et Jil aussi. Et Neah. Quoique, peut-être moins. Et les autres, non. Après tant de temps sur les routes en sa compagnie, le corbeau était le seul à même de comprendre la souffrance des Humains. L'absence d'êtres magiques à ses côtés lui éviterait des ennuis, c'était sûr ! Autant prendre Bertolt ! Voyant Mancinia se masser l'épaule, il comprit que ses muscles étaient crispés.

— Tu les sens, les courbatures ? demanda-il d'un ton badin.
— Tu vas valser par le hublot, toi ! répondit-elle en souriant.

Un sourire de Kahnsykah était plus radieux que le Soleil. Elle l'avait bien voulu, n'est-il pas ?

— On fait quoi maintenant ?
— Nous allons nous amarrer dans un petit port qui se situe à quelques heures de marche du Sanctuaire. Nous irons et j'aviserais ensuite !
— On prend ce Kertorlt avec nous ?
— Il ne me dérangerait pas dans mes recherches, peut-être même pourrait-il m'aider. Cela me ferait plaisir d'être en compagnie d'un Humain pour changer, mais son envie d'écrire une histoire sur moi ne me plaît pas vraiment.
— C'est parce que tu es exceptionnelle et puis, s'il tente quoi que ce soit, il me suffira de le réduire au silence. Un coup de bec et hop.

Mancinia ne sut quoi répondre à une telle affirmation, se contentant d'ouvrir et de refermer la bouche, comme un poisson avant de remettre ses affaires dans son sac, de le mettre sur son épaule et de prendre Nibelungen dans sa main, s'appuyant dessus. Balayant une dernière fois sa cabine du regard.

— Est-ce qu'il y aura une forêt sur le trajet ? Je meurs de faim ! Croquer quelques vers me plairait assez après avoir mangé sauvagement du pain durant des jours entiers !
— Tu ne préfères pas déjeuner dans un restaurant local ? Je suis sûr qu'ils ont de quoi contenter un corbeau aussi mangeur que toi !

Mancinia rit sous le regard réprobateur de son compagnon.

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Ce genre de conversations matinales étaient une véritable coutume entre l'animal et sa maîtresse, cela servait à la mettre de bonne humeur ou de chasser les éventuelles tristesses qui lui étreignaient le coeur. Prenant Nibelungen bien en main - et visible pour expulser d'éventuels assaillants à sa sortie du navire - Mancinia émergea de sa cabine et remis la clé au marin qui attendait les derniers à débarquer. Ils avaient accostés le matin même sur le Continent du Matin Calme et tous se pressaient pour retrouver avec délice la terre ferme. Se trouvant près du bastingage en attendant que la passerelle ne soit dégagée de la cohorte de passagers qui la regardait en biais, Mancinia dominait l'étendue de ce village portuaire. Une vue magnifique. L'Humaine ne saurait dire depuis combien de temps elle n'avait pas vue ces terres, une éternité à n'en point douter. Pourtant, le climat demeurait similaire à ses souvenirs : le ciel bleu était parsemé de quelques nuages cotonneux, la brise froide se glissait dans ses cheveux en lui procurant un frisson. Il faisait tellement plus frais près de la mer ! Sans doute à cause du fait que rien ne pouvait le ralentir et le réchauffer. Pour se prémunie d'une éventuelle maladie, la jeune femme sortit un foulard et le noua autour de son cou, se pressant un peu pour remettre les pieds à terre et se protéger du vent avec l'aide des bâtiments.

Si elle donnait vaguement l'impression de ne pas aimer voyager sur les courants, c'était faux. Mancinia adorait les étendues d'eau aussi certainement qu'elle aimait voir les étendues sablonneuses près d'Utopia. Dommage que son peuple n'était pas en sa possession une ville portuaire. Ce genre d'atout permettrait de favoriser les échanges commerciaux et d'établir une route commerciale plus stable. Et des navires tenus par les Humains rassureraient les éventuels voyageurs de sa race. C'est vrai qu'ils n'étaient pas à l'abri d'une mauvaise rencontre avec la promiscuité que l'on pouvait avoir sur une embarcation. Il ne lui fallut pas longtemps avant que l'Humaine ne se sente observée et encore plus pour qu'une fois surprise crie son nom. Elle n'avait pas l'habitude d'être appelée aussi courtoisement et part un homme de surcroît. Bertolt. L'Humaine ne fit pas attention aux quelques paires d'yeux qui la regardaient et aux chuchotements dans son dos. Elle ne voulait pas savoir ce qu'ils se disaient. Kamiya bondissait d'une patte à l'autre sur l'épaule de sa maitresse, démonstration de son impatience.

— Tu as trouvé la réponse à mon énigme ?
— Je me dis que le charbon ferait une excellente réponse !
— Kah ! Il est malin !
— Je suis pris, alors ?

Mancinia rit avant de lui montrer la route de la main en l'invitant à la suivre.

— Nous allions manger quelque part avant de nous mettre en route. Tu viens ? Je vais t'expliquer ce qui m'amène sur le Continent. Et c'est moi qui offre.
— Je ne vais pas dire non vu le budget restreint que je possède.

Bertolt fit une grimace. Cela ne semblait pas lui plaire.

— Je présume qu'être un conteur itinérant ne rapporte pas grand-chose.
— Pas vraiment, reconnu-t-il. C'est par période. Et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie ? Je sais que tu travailles dans la Joaillerie, mais est-ce que tu as une boutique ?
— Je travaille au Lux'or à Utopia. Non, mais tu prends vraiment des notes ?!

Son ton semblait autant indigné que moqueur, mais Bertolt ne releva même pas la tête de son calepin.

— Bien sûr, c'est important !
— Précise-bien mon rang de Sertisseuse. Je n'ai pas encore fait toutes mes griffes dans ce domaine.
— Et c'est quoi votre travail exactement dans cette hiérarchie ?
— C'est moi qui apporte la beauté final au travail de confection.

Bertolt semblait songeur, réfléchissant à ce que pouvait bien vouloir dire ses paroles. Sans doute ferait-il quelques recherches pour approfondir son enquête ? Cette situation était vraiment étrange. Pourquoi vouloir faire une histoire la concernant ? Parce que c'était une Humaine ? Il y en avait plein des Humains reconnus en ce monde. Est-ce parce qu'elle était une femme ? Ou parce qu'elle était plus accessible ? Peut-être que les autres lui avaient claqués la porte au nez ? Comment être vraiment certaine ? Est-ce que cela lui importait au fond ? Arrivés devant une taverne, les trois camarades entrèrent et prirent une table ensemble. Bertolt reprit avec ses questions, bien qu'il y mette le ton adéquat vu la situation.

— Et donc, tu viens voir un membre de ta famille ? Quelqu'un de malade, sans doute ?
— Non. Je suis venue à titre personnel.

L'Humaine sourit.

— Je viens vivre une aventure !

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Mancinia eu un sourire en voyant que Bertolt eu la répercussion escompté. C'était un homme relativement prévisible sur certains aspects de son comportement, ce dernier eu d'abord le regard rond avant de renverser la tête en arrière et d'éclater d'un rire franc. Sa réaction ne manqua pas d'attirer sur eux quelques regards des autres clients de la taverne que l'Humaine eu tôt fait de chasser d'un regard, avant de reporter son attention sur son nouveau compagnon de voyage. Devait-elle lui confier son but maintenant ou bien lui faire la surprise ? Elle ne le connaissait que depuis la veille au soir et elle ne pouvait pas lui faire totalement confiance. Mieux valait éviter de tout lui dire en se contentant des grandes lignes, mais assez pour qu'il demeure à ses côtés sans avoir envie de la prendre à revers au moment le plus important. Reprenant son souffle, Bertolt ne cessait de la regarder en riant.

— On ne peut pas dire que vous ne savez pas faire rire les gens ! Et puis, vivre une aventure ? La vie entière est une aventure, Mancinia, ne trouvez-vous pas ?
— Un point sur lequel nous sommes d'accord.

Une ravissante serveuse vient poliment s'enquérir de ce qu'ils désiraient : de quoi tenir une marche vers le Sanctuaire, incluant Kamiya qui voulait un bon oeuf au plat pour se remettre d'aplomb. Son corbeau ne semblait pas contre le cannibalisme, mais c'était sa maîtresse qui l'avait habitué à cela. On ne changeait pas facilement de ses habitudes alimentaires après autant de temps. Lorsque la demoiselle fût repartit, Mancinia reprit la conversation avec un ton relativement sérieux.

— Tu avais raison. Je m'en vais vers le Sanctuaire. J'ai quelques recherches à effectuer là-bas. Je sais que ce n'est guère passionnant, mais c'est surtout les dires d'un Magicien qui m'intriguent. Figurez-vous qu'il est convaincu qu'une sorte de pierre précieuse est emplie d'une magie qui ne subit pas les affres de notre aura.

Bertolt redressa son visage vers elle, arrêtant d'écrire quelques instants, songeur face à ses paroles. Se moquait-elle de lui ou bien était-elle sérieuse ? Était-il étrange de croire aux fabulations écrites d'un être devenu fou ? Mancinia n'était pas de celles qui croient aux délires de certains êtres vivants, si les légendes méritaient d'être prises en considération - car elles restaient toutes des apprentissages où une morale découlait - ce qu'elle faisait là n'avait rien de bien sérieux. Est-ce qu'elle croyait réellement un Diamant Créateur qui guérissait tous les maux ? Non. Ou peut-être. Elle ne savait pas, mais ce n'était qu'un doute qui la poussait vraiment ; une gemme magique qui ne subissait pas les effets de l'antimagie. Peut-importe si les prodiges de ce caillou n'étaient que cette particularité quelconque, le simple fait d'imaginer cela possible lui donnait des ailes ! Si ce Diamant existait bel et bien et que sa légende était avérée, alors sans doute qu'il y aurait quelque chose à en tirer de plus important. Des leçons, une révélation, quoi que ce soit ! Si une Humaine était capable de se servir d'une pierre magique, alors cela voulait dire que la cohabitation entre sa race et les autres était plus que possible. Ou bien que ce n'était qu'une histoire d'ego. Ou bien encore que cela prouverait que les Humains sont encore plus redoutables qu'escomptés et que de plus grands malheurs s'abattraient.

— Je me disais que m'emparer de ce caillou permettrait à ma race d'avoir une puissance plus grande dans la guerre qui se prépare. Tu n'es pas sans savoir que les Démons frappent un peu partout et ils ne se limiteront certainement pas aux Humains et aux Anges.

Ses paroles restèrent dans les airs un moment.

— Si tu veux me suivre, c'est ton choix. Je ne te cacherais pas qu'il existe des risques aussi divers que potentiels.

Mais Mancinia savait très bien qu'elle ne pouvait pas trouver cette Pierre seule, sans l'aide d'un compagnon. Bien que Kamiya soit à ses côtés, cela ne voulait pas dire qu'il pourrait l'aider en tout temps.

— A titre personnel, les risques sont un détail. Plus c'est dangereux, plus le lectorat appréciera l'aventure. Je crois que c'est intéressant de vérifier les paroles de ce Magicien.
— En effet, mais il réside actuellement à Cael.

C'était un mensonge puisque le livret de Zandalor était fort ancien. Bien qu'elle ne doutait pas un seul instant qu'un être aussi savant n'est pas trouvé moyen de gruger la Mort elle-même...

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Sa remarque rendit Bertolt absent d'une réponse envisagée. La méfiance envers les Humains dont ils devaient tout deux être victimes depuis leur naissance ne permettait pas que les paroles de Mancinia soit prise aussi sérieusement. Songeur en l'observant aussi innocente, il mit quelques instants à se reprendre.

— A Cael ? Est-ce que tu as discuté avec lui de ses recherches ? Je crois quand même avoir le droit d'être surpris qu'un Magicien te fasse confiance au point de te dire un aussi grand secret. Tu as beau être reconnue et admirée par quelques personnes, tu demeures une Humaine qui, comme moi, ne comprends rien à cet art qu'est la magie...
— J'ai fait sa rencontre un peu au hasard dans les rues de la Capitale après avoir été nommée en tant qu'amie de la race.
— Tu es une amie des Magiciens ?! Mais c'est terriblement rare d'être reconnue en tant que tel !
— En effet, admit Mancinia avec une certaine fierté. J'ai aidé une Magicienne du nom de Dame Weidan à remporter un duel très important, ce qui m'a permis de me faire un nom chez eux.
— Je me souviens de cette histoire, réfléchit Bertolt. A mon souvenir, les crieurs avaient chantés les louages de l'un et de l'autre ! Soit que le Seigneur Lakus voulait épouser la Reine Mircella, ou bien que Dame Weidan désirait le déposséder de ses biens. Ce genre de choses loufoques auxquels personne ne croit !

Mancinia sourit pour confirmer l'une ou l'autre des légendes qui couraient sur l'un ou l'autre, c'est qu'elle savait utiliser la vérité pour mentir encore plus. Elle n'aurait bien entendu pas admis que ce duel opposait deux souverains rivaux, Edwina et Lord. Dans tous les cas, qui l'aurait cru ? D'autant que ce point devait demeurer secret au risque de s'attirer des ennuis un peu plus grave qu'une tape sur les doigts ou un rappel à l'ordre. Non. Il valait mieux se servir de l'annonce qui avait parcouru le monde plusieurs mois auparavant concernant ce Duel qui l'avait conduite à défendre les couleurs d'une inconnue, Dame Weidan, qui s'était révélée être la Reine Edwina. Son signe du corbeau lui avait portée chance. Elle aurait refusée d'avoir servi Lord, même à cause de la main du hasard. Drejtësi avait été de son côté et la Justice avait triomphée.

— Cette Dame Weidan et ce Seigneur Lakus existent bel et bien, confirma-t-elle. Bien que pour m'obtenir un tel titre, ce doit être une proche amie de la Reine.
— Tu ne l'a pas vue ?
— J'ai eu droit à un entretien en sa compagnie, mais c'est une femme mystérieuse. La pauvre est très fragile et remporter ce duel en son nom m'a permis d'avoir quelques avantages. Je suis néanmoins ravie de lui avoir épargnée un mariage effrayant avec le fils du Seigneur Lakus...
— Elle aura eu de la chance de t'avoir dans son équipe, dis-moi.

Bertolt était partagé entre son envie de la croire et son instinct de fouineur. Cette histoire était-elle vrai ou bien son interlocutrice lui mentait-elle ? Est-ce qu'elle n'était pas plutôt tenue au secret ? Si cela se trouve, cette Dame Weidan était son commanditaire pour rechercher cette Pierre fabuleuse résistant à l'antimagie. Car si une tel Pierre existait, c'était que la puissance renfermée à l'intérieur était incommensurable et les risques pour la trouvés était plus grand, laissant son compagnon y réfléchir. Mancinia prit plus de temps pour détailler cet endroit. La présence de son nouveau compagnon la rendait peu méfiante, hors cet endroit demeurait être imposant et la salle dans laquelle il se trouvait pouvait accueillir une foule de voyageurs, marchands ou ivrognes. Le Tavernier, qui semblait être un homme grand, bien portant et dont la calvitie menaçait les rares cheveux gris qui restait au sommet de son crâne, tentait d'essuyer un verre avec un torchon.

— Tu sais ce qui m'amène désormais. Est-ce que tu es toujours intéressée ?
— je dois reconnaître que je ne m'y attendais pas, mais c'est une aubaine de faire une pierre deux coups ! Et cette phrase n'est pas ironique.

La serveuse revient pour mettre un terme à cette conversation. Les deux Humains dégustèrent leur repas avec bon appétit et discutèrent de tout et de rien. Une fois terminé, Bertolt se redressa.

— Nous y allons ? L'aventure nous attend !

Avec un rire entendu, Mancinia se redressa et repris Nibelungen dans sa main et ouvrit la marche en sortant dans la taverne après y avoir laissé l'argent nécessaire.

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La senteur humide de l'herbe entourant ce chemin pavé saisissait les narines des deux Humains. Ils sentaient la rosée du matin aspergée la vie de la forêt environnante, si on pouvait appeler cet endroit une sylve. C'était difficile à dire, puisqu'il y avait plusieurs petits arbres, plantés à plusieurs endroits éparses du lieu, certains semblaient avoir été semés récemment et d'autres semblaient plus anciens. Des écureuils s'amusaient dans les branches, se poursuivant dans ce qui me semblait être une course poursuite. Les oiseaux venaient bercer leurs oreilles de leur douce mélodie et, Mancinia le sentait, une magie bienfaitrice entourait cet endroit. Ce devait être une impression. La jeune femme n'était pas capable de réellement le savoir puisqu'elle n'était pas née avec un don. La présence de Bertolt diminuait les tracas qu'elle se faisait concernant son antimagie. Bien que rien ne puisse contrôler leur aura et que celle-ci ne manquerait pas d'éroder la magie ambiante, mais la nature et les être y vivants semblaient n'en avoir cure. Ils étaient comme les Anges, échappant à cette dégradation dont les Humains se rendaient coupables au regard de certaines races. C'était l'un des grands mystères qui les entouraient : pourquoi étaient-ils immunisés ? Car cette race était purement bénéfique ? Car ils étaient proches des Humains ? Elle l'ignorait.

Il était bien plus plaisant de ne pas être considérée comme une créature mystérieuse qu'on avait envie de capturer et d'exposer sur une étagère comme trophée. Sa rencontre avait Neah avait laissé son empreinte dans un sens qui la dépassait, bien que sa rancoeur était encore ancré dans son corps, elle ne pouvait pas s'arrêter de penser à lui lorsque son esprit n'était pas accaparer par d'autres soucis. En ces temps troubles où la guerre s'instruisait dans leurs vies sans avertir, en sachant que la Citadelle Blanche avait autant subi la traitrise des Démons que sa ville, Mancinia avait surtout envie de savoir si son ami se portait bien. La guerrière n'avait pas envie de savoir qu'il était devenu un cadavre avant qu'elle ne puisse se réconcilier avec lui, ou du moins, lui présenter des excuses décentes. Il avait été dans l'erreur, mais la faute lui revenait d'autant. Est-ce qu'il méritait son titre d'Ange Gardien ? Comment pouvait-elle le savoir ? Elle n'en avait pas eu avant maintenant et le peu de ses connaissances évitaient de raconter ce qu'il se passait entre eux. Rien n'y faisait. Peut-être que son rôle d'Ange Gardien n'a aucun véritable sens ? Peut-être est-ce une illusion que l'on donne aux Humains pour leur faire croire qu'ils sont quelqu'un ? Que leur existence n'était pas vaine et qu'ils étaient soutenus ? Ce ne serait pas étonnant. Sa question résonna dans les airs.

— Est-ce que tu as un Ange Gardien, Bertolt ?
— Bien sûr, comme tous les Humains, non ?

Sa réponse avait été sans la moindre hésitation.

— Tu l'as depuis longtemps ?
— Oh, oui. Bien que sa rencontre avec moi me paraît floue. Laetia est dans ma vie depuis mon enfance. Pourquoi cette question, tu n'en a pas, toi ?
— Si, depuis quelques mois. C'est ce qui me surprend. Mon Ange Gardien est entré si tard dans mon existence que cela me paraît étrange...
— Peut-être que tu n'en avais pas besoin avant ? Qu'un événement dans ta vie l'a fait intervenir auprès de toi ?
— Tu as sans doute raison.
— Tu as donc un Ange Gardien, bien, bien.

Un silence s'en suivit. Mancinia était songeuse quant aux paroles de son ami, est-ce que Neah était intervenu aussi brusquement pour une raison particulière ? Était-ce le hasard ? Était-ce un signe particulier ? Car lors de leur première rencontre, ce n'était que pour retrouver la peluche enchantée de Sarivan. Elle n'aurait pas eu spécialement besoin de lui, bien que son aide fût inestimable. Ou peut-être était-ce son enfance qui se reflétait sur Sarivan ? Mais que pourrait-il y changer quoi que ce soit désormais ? L'Humaine lâcha un soupir, ne souhaitant pas rester sur cette conversation nébuleuse.

— Tu sais plus de choses sur le Sanctuaire que moi. Que peux-tu m'en dire ?
— On sait surtout que c'est là-bas que les Protecteurs du Bonheur tiennent leurs activités.

Mancinia le regarda, interloquée.

— Je sais, ce nom est horriblement pompeux ! grimaça Bertolt. Mais les personnes en ces lieux sont bonnes et s'évertue à chasser la misère de ce monde. On y sera bien accueillit.

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Mancinia ne soufflait mot, demeurant songeuse tout en poursuivant sa progression. Elle connaissait les Protecteurs du Bonheur de nom et de réputation : ils portaient d'ailleurs très bien leur patronyme, puisque leur but était de rendre la vie plus supportable à ceux ayant subi les aléas de l'existence, voire les aider à reconstruire leur individualité. Elle n'était plus vraiment certaine de ce dont elle avait entendu concernant cette communauté puisqu'elle n'avait jamais eu affaire à eux, mais savait également que Bertolt ne lui racontait pas de mensonges. Son compagnon de route n'essayait pas de l'embobiner. A moins qu'il ne tente d'endormir sa confiance, rien n'était moins sûr...

— Le Sanctuaire est gérer par Meredith, à qui l'on prête des pouvoirs admirables. C'est une Magicienne qui s'évertue à aider les autres quel qu'ils soient. Nous risquons bien de tomber sur elle si nos recherches nous conduisent dans les bâtiments...
— Si elle accepte de nous laisser entrer dans le Sanctuaire.
— Meredith accepte quiconque au sein pour peu qu'ils ne commettent aucun mal à l'intérieur de son enceinte.
— Nous ne ferons pas de grabuge ! dit Kamiya. Nous sommes des gens civilisés.

Bertolt regarda le corbeau avec un sourire.

— Et toi, Kamiya, comment as-tu rencontré Mancinia ?
— Kahnsykah est avec moi depuis que je suis né !
— Je l'ai connu à l'état d'oeuf, précisa-t-elle. J'avais le droit d'élever des corbeaux.
— Il paraît que les hommes n'aiment pas notre goût.
— Non, en effet. Vous êtes bien trop sournois et votre chair risquerait de nous empoissonnés !
— Kah quoi !

La réaction consternée de son corbeau déclencha un rire chez les deux Humains. A sa décharge, Kamiya avait le don suprême de savoir détendre l'atmosphère. Ressentait-il la nervosité de sa maîtresse ? Ou bien était-ce dans son tempérament ? Mancinia pencherait pour la seconde solution. Comment en douterait-elle après plus d'une décennie de camaraderie ? Néanmoins, bien que doté d'intelligence et d'une réflexion sensible, son meilleur ami demeurait un oiseau. C'est d'ailleurs avec un regard boudeur que ce dernier ouvrit ses ailes d'encre et relâcha sa prise sur ses épaules pour prendre son envol. Pour les laisser dans leur coin et, sans doute, chasser une nourriture plus plaisante dans les arbres environnants. C'est vrai que la dureté du voyage l'avait contraint à une sorte de régime.

— J'espère que nous ne l'avons pas vexé, dit Bertolt.
— Nooon. Il sait que ce n'est que de la taquinerie. Tu verras, il me le rendra à la première occasion venue.
— On dirait un frère et une soeur en pleine dispute. Ce serait moins bizarre si ce n'était pas un animal.
— Bah. Il y a tant de choses étranges en ce monde, au moins notre relation est unique.
— Intéressant.

Bertolt replongea le nez dans son carnet et sa camarade eu un sourire crispé, évitant un soupir bruyant en le voyant agir. Que pouvait-il bien écrire de tout ceci ? Fille furieuse en manqué de compagnie ? Peut-être, mais après tout, est-ce que l'avis des autres lui importait autant ? Si c'était le cas, voici depuis belle lurette qu'elle se serait suicidée. Un Humain était si souvent mal vu que leur disparition ne dérangerait personne. Qui sa disparition rendrait-elle triste ? Sa mère, Kamiya ? Peut-être Neah. Ou peut-être pas. Ce n'était pas le moment de songer à lui ! Elle allait encore le regretter amèrement et son esprit n'avait pas besoin de distractions inutiles. Et malgré tout, plus ils progressaient sur la route sinueuse, plus Mancinia était en train de se croire victime des évènements. Elle ne maîtrisait rien comme elle l'aurait tant voulu. Cette guerre qui se profilait, elle ne pourrait pas l'affronter seule. Si la reconnaissance de son peuple et sa modeste victoire lors de la Coupe des Nations étaient des aubaines, des coups de chance, l'Humaine avait l'impression d'être un pion sur un échiquier géant. D'abord comme guerrière contre les Démons, ensuite comme survivaliste dans les doigts crochus de la Dévoreuse, ou encore d'être un pantin désarticulé dans un conflit divin. Et cela ne lui plaisait guère. Mais qui était-elle pour contre des êtres plus haut qu'elle ?

Personne, justement. Une voix anonyme parmi des millions d'autres. Dès lors, pouvait-elle croire aux divagations du vieux fou qu'était Zandalor ? Elle s'était pourtant lancer à la poursuite de ce mirage qu'était ce Diamant Créateur aux riches vertus. Était-ce par défi, par soif de découvertes ? Ou bien était-ce pour obtenir un don unique qui la démarquerait des autres ? Qui ne lui donnerait plus l'impression de survivre, mais d'exister ?

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