Il y avait tant de choses à Avalon. La rivière éternité portait son nom merveilleusement. Elle possédait une éternité de magnifiques choses de gens et même... de mauvaises personnes. La débauche, la luxure, le mal parfois s'installait même dans ses rues si jolies et bien agencées. Il fallait dire que même si les années avait fait leur oeuvre au sein de la cité, celle-ci ne s'était jamais assombrie ou éteinte, au contraire, elle n'avait fait que s'étendre. C'était un véritable bijou au sein de ce continent naturel au final, probablement même l'une des cités préféré pour le vampire, tant par ses souvenirs de celle-ci que par la cité elle-même. Que pouvait-il rêver de mieux que s'y réveiller, en ce début de soirée ? Il s'éveilla dans un lit, parfaitement agréable, il fallait dire que les lieux étaient bondés, il jeta un œil autour de lui et ne vit aucune des femmes faciles de la veille: il n'avait pas exagéré, heureusement. Il avait préféré dormir seul, ou presque. Un coup d’œil rapide lui permis de voir une belle brune dormant à poing fermés à ses côtés, encore habillée. Visiblement, ils n'avaient rien fait de regrettable et c'était tant mieux, Dante n'aurait pas voulu le regretter ou avoir eu l'impression d'avoir exagéré. On lui avait fourni en douce du sang de vierge, il ne se souvenait même plus comment, il avait senti son corps toute chose. Mais le plus étrange était que depuis qu'il l'avait consommé, il ne faisait que penser au sang d'une certaine brune. Il reposait encore une fois son regard rubis sur elle, alors qu'elle dormait encore. Il glissa son index et son majeur le long de sa joue délicate, un visage presque angélique, adorable. Mais c'était probablement juste le charme de la jeune femme lorsqu'elle dormait.

Après tout, elle n'était pas toujours aussi adorable et douce que dans son sommeil. D'une certaine manière aussi, elle lui avait fait confiance ou peut-être s'était-elle endormie sans le vouloir ? Le vampire se leva, pour enfiler une chemise, reprenant une chemise noire qui traînait dans le coin. Il allait devoir se faire plus discret que d'habitude, mais pas pour autant changer ses mauvaises habitudes. Oui, l'habitude de s'habiller principalement de noir. Dans le temps, on lui reprochait souvent d'être vêtu comme s'il allait régulièrement à des enterrements, mais ce n'était pas toujours faux: parfois, il avait provoqué même certains de ceux-ci. Une fois le torse vêtu il revint auprès de la brune. Il se sentait un peu coupable de voir l'éveiller, mais il ne pouvait pas non plus quitter les lieux sans elle, il l'avait emmenée - ou plutôt elle n'avait laissé aucun choix à sa présence. D'un autre côté, c'était aussi cela, le charisme de la magicienne.

▬ Lynn. Réveilles-toi. fit-il, à peine au dessus d'elle.

Sa main s'était effacé de son visage, pour ne pas lui insinuer ou dire quoi que ce soit qu'il ne souhaitait pas. Il affectionnait cette proximité timide, sans explications ni questions de l'un ou de l'autre. Simplement le plaisir d'un moment partagé timidement et sans un mot à des moments dont ils en avaient la nécessité. Il ne lui rendait aucun compte et elle non plus, pas qu'il avait grand chose à raconter: Dante n'était pas un homme facile. Il ne s'affectionnait que rarement de femmes et de débauches, contrairement à certains de la cité, très probablement. Bien sûr, qu'il se rappelait de soirées où il avait été avec des femmes plus dénudés qu'à d'autres soirées, mais combien de fois avait-il été aussi déshabillé qu'elles ? Presque jamais. La séduction connaissait le vampire, les jeux aussi. Mais il n'y avait jamais plus que cela, de plus, il avait changé depuis ces années-là. Mais peut-être qu'Avalon n'allait pas juste retirer ce qu'il y avait de meilleur en lui, tout ce qu'il n'espérait pas y trouver en tout cas.

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Un froissement de drap et un gémissement ensommeillé salua l'éveil de Lynn qu'un rayon de soleil avait arraché à ses songes. Son épaule couleur crème à moitié dénudée par la bretelle de la robe qui avait tourné casaque, et la deuxième prête à se faire la malle, c'est ainsi que la jeune femme s'était endormie, épuisée par la navigation à bord de cet horrible rafiot. Quant à dormir au côté d'un homme, ça n'avait jamais vraiment inquiété sa vertu. Et il y avait une très bonne raison à cela, que Dante allait bientôt découvrir à ses dépends.

Quelques doigts cajoleurs tentaient de la hisser hors du coaltar, provoquant un sourire d'aise chez la magicienne que se doutait de la présence du vampire près d'elle. Ses yeux ne s'ouvrirent pas pour autant, dans l'espoir qu'il persévère et pousse ses caresses un peu plus loin. C'est alors que la main s'attarda un peu trop sur Lynn et que cette dernière sentit un corps écailleux glisser sur son flanc, la réveillant aussi promptement qu'un seau d'eau glacée. Un éclair blanc jaillit de sous les draps, frappa la main de Dante et s'enroula sur la nuque de la jeune fille en se redressant de tout son long pour impressionner son adversaire.

C'était Hémi bien sûr, le serpent le moins malin de toute l'histoire des reptiles. Des milliards d'années d'évolution pour arriver à ça ; un prédateur vif et au venin mortel, mais aussi intelligent qu'une brique de fumier. S'élevant sur plus d'une vingtaine de centimètres à la seule force de ses anneaux, il tentait vainement d'éloigner son adversaire en lui crachotant des menaces tout en montrant ses crocs aussi transparents que le verre d'où on pouvait voir gouter le venin. Cette main qui s'agitait près de son terrier et qui ressemblait à s'y méprendre à un petit rongeur avait été trop tentante pour le prédateur. Grande fut sa surprise en s'apercevant que cette main était rattachée à un gros mammifère qu'il serait bien en peine d'avaler tout rond.

-Imbécile, grogna Lynn en attrapant la tête écailleuse de la vipère.

Aussitôt plongée dans le noir, la vipère cessa de crachoter sa fureur, ne lâchant quelques coups de langue frénétique pour se repérer. La magicienne jeta le serpent au bout du lit, où il se mit à fureter benoitement, explorant son tout nouvel environnement comme un explorateur émerveillé de découvrir de nouveaux horizons.

-Je ne sais pas si les vampires craignent les poisons, mais au cas où...

Lynn attrapa l'index de Dante, là où la vipère avait mordue, et lui fit passer l'antre de ses lèvres. Elle se mit ensuite à suçoter consciencieusement le doigt tout en lui adressant un regard navrée. La salive avait le don de neutraliser complètement les effets du venin d'Hemi. Ce fut donc quelques minutes qui passèrent afin que Lynn annihile totalement le venin du serpent, temps qu'elle passa sans rompre une seul fois le contact visuel avec Dante, s'obstinant à planter son regard dans le sien sans qu'on sache vraiment pourquoi. Un léger plissement de paupière et un sourire laissait bien entrevoir un caractère un peu aguicheur, mais rien de très clair.

Une fois son ouvrage terminée, Lynn s'esquiva dans la salle d'eau et commença à jacasser, élevant le volume de sa voix déjà aigue afin que Dante l'attende à travers la tenture qui séparait les deux pièces. Elle semblait bien connaitre la ville car elle parlait des différents restaurants et autres activités qui valaient le détours, mais également de son histoire. En effet, à sa création Avalon n'était pas vraiment destinée à accueillir le summum de l'art et des plaisirs. C'était avant tout pour suivre la mode caractéristique du temps de Lynn et faire d'une race dispersée à travers le monde, une vraie patrie disposant de sa ville et de son territoire, à l'instar du Cœur bleu et du Lac de la Transparence. D'ailleurs, c'était non sans une pointe de fierté et de mauvaise foi qu'elle argumentait sur le fait que l'ancien Roi l'avait allègrement copié.

-Oh, et j'aurais sans doute quelques affaires à régler tant que je suis de passage dans cette ville, prévint-elle. Je dois récupérer un objet que j'ai commandé auprès des rebelles dans la Ville Basse... Tu pourras m'accompagner si tu es sage.

Lynn repoussa la tenture, libérant un épais nuage de vapeur qui se dispersa dans la chambre. Ses pommettes avaient rougi à cause de la chaleur et sa chevelure mouillée lui collait aux épaules comme une grosse toile d'araignée charbonneuse. Elle était vêtue de manière peu féminine avec une épaisse cape brune à lacets et des épaulières de cuir. Une grosse écharpe d'un rouge délavé entourait son cou et dissimulait à demi sa bouche derrière l'épaisse couche de laine. Des jambières de cuir, elles aussi, plaquaient un fin pantalon de lin marron contre ses cuisses galbées.

-Ce n'est pas urgent toutefois. J'avoue que je suis plutôt curieuse quant au mystère que tu fais de notre visite à Avalon.

La magicienne décocha un sourire intrigué au vampire. Il lui avait promis de lui révéler des choses et Lynn n'était pas vraiment du genre patiente ou douée pour savoir amener les sujets. Elle préférait largement les vérités crues et sans chichis.

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L'aventure jusqu'Avalon n'avait pas été des plus faciles ni des plus reposantes. Il fallait dire que pour Lynn comme Dante, dormir - du peu de temps qu'ils y étaient parvenus du moins - sur un rafiot de fortune, n'était pas des plus agréables. Bien qu'à ses dépens, Dante l'avait déjà appris lors de précédentes aventures, mais jamais à un point aussi "extrême". En effet, il n'avait encore jamais eu besoin d'avoir un tel navire sur les mers pour traverser les océans. C'était d'ailleurs un véritable miracle s'ils avaient réussi à arriver à bon port. Il fallait dire qu'après tout, le vampire avait assez payé les marins pour voyager jusqu'Avalon. Il avait volontairement payé des hommes connus pour le respect de leur métier et de leurs engagements, ils vouaient presque leurs vies à ceux-ci: une chose qu'ils avaient faite d'ailleurs pour une bonne partie d'entre-eux, malheureusement.

Mais plutôt que de se soucier de tels détails, mister D préféra largement se préparer lui-même, alors que "sa" belle se faisait "belle". Il fallait dire que niveau sensualité Lynn envoyait du lourd aujourd'hui, ce qui aurait pu valoir moqueries et taquineries aisées mais le vampire s'en empêcha, laissant un simple regard entendu à la magicienne. De toute façon, il la connaissait comme ça et ne critiquerait aucunement cela. Il imaginait assez bien Lynn dans de magnifiques atours pour la vouloir tout les jours ainsi: ils étaient bien trop aventureux tout les deux pour se risquer à des vêtements plus beaux que pratiques. Et puis, n'y avait-il pas là un certain charme tout de même ? Un charme type "sauvage" ou aventurier ? Peut-être. Mais de toute façon, ils n'étaient pas là pour aller à un bal non plus !

Se contentant du mince sourire offert par la brune, il ne se dérogea pas: il n'allait pas dévoiler tout ce qu'il comptait faire tout de suite. Ce serait une forme de surprise, peut-être pas appréciée à sa juste valeur, mais il eut un air rebelle un instant avant de simplement décider de lui expliquer quelques petits détails...

▬ Nous allons à un bal de la haute société vois-tu, jeune fille. fit-il avec toute l'ironie du monde possible.
▬ J'ai quelqu'un à te présenter, puis on pourra aller à la Ville-basse si tu le souhaites faire ta petite course, nous sommes là pour quelques jours, on aura le temps de faire assez d'activités pour te dégourdir les jambes. fit le vampire.

Il n'attendait pas sa réponse pour faire craquer ses cervicales, comme d'un réflexe. Il avisa ses armes pour vérifier leur portée à sa ceinture. Ce fut à ce moment qu'il se décida simplement de saisir la main de Lynn et de s'extirper de leur chambre. Il était peut-être un peu avenant envers elle, brièvement, mais après tout, ne s'amusait-elle pas à jouer avec lui aussi ? Après tout, il repensait à cet instant, où elle le regardait fixement, son doigt dans sa bouche. Cela avait eu un petit aspect érotique, intriguant, mais amusant. Lynn avait réussi à finalement dérouiller un peu Dante. Il avait de l'amusement, quand elle se trouvait à ses côtés, même lors de leurs aventures, il ne s'était pas ennuyé, ou senti gêné par sa présence. Il ne la pensait pas comme un boulet, malgré qu'elle ait encore beaucoup de progrès à faire avant d'espérer retrouver la moitié de sa grande puissance d'Ultimage. Mais même cela au final, il s'en fichait.

L'intérêt n'était pas sa puissance ou son utilité pour lui. Il avait même préféré sa simple présence. Lynn était bonne vivante et pleine de vie. Elle était assez sauvage malgré ses airs de fille de haute société. Pour Dante, cela cachait un passé qui était totalement trompeur sur les apparences qu'elle pouvait laisser penser.

▬ Tu sais qu'à force de frôler les flammes, tu t'y brûleras, petit papillon ? demanda-t-il d'un air peu convaincu.

Il était vrai que Lynn était comme un papillon, jouant parfois avec le feu, le danger, même avec sa propre vie comme si elle s'en fichait. Elle s'était mise en danger, avait provoqué et rit au nez de la mort. Se pourrait-il qu'elle soit aussi folle que lui ? Il y avait fort à parier que oui. Débouchant simplement en dehors de l'auberge, le duo se trouvait désormais dans la rue, les quelques derniers rayons de soleils illuminant encore la cité d'Avalon.

779 mots.

Un papillon ? Un jour une vieille maquerelle lui avait dit que les femmes sont des fleurs et que les hommes des papillons. Ce sont les papillons qui cherchent les fleurs pour les butiner. Les fleurs, elles, n'ont rien d'autre à faire que rayonner de beauté pour les attirer. Cette p*te se prenait un peu trop pour une grande dame. C'est l'apanage des bourgeoises que de glousser derrière leur éventail en battant de leurs longs cils pour attirer l'attention des hommes. La barbe de leurs manières de poules précieuses et de leur passivité végétative ! Lynn n'était plus Ultimage et n'avait plus à agir comme telle. C'était une voleuse, une aventurière et elle ne s'embarrassait pas des codes de la société. Elle séduisait qui elle voulait et n'attendait surement pas de se faire cueillir. Si un jour, elle décidait de passer à la vitesse supérieur avec Dante, ce ne serait pas par le biais d'un regard à la dérobé ou d'un petit rire minaudé. Qu'on se le dise.

-Si c'est toi les flammes, je te laisserais peut-être me bruler, lui rétorqua-t-elle avec un sérieux de rhéteur.

En sortant de l'hôtel, le crépuscule arrivait presque à son terme. Les ombres noirs des bâtiments s'étendaient sur le sol à l'infini, en de grosse zébrures qui finiraient bientôt par s'effacer tant le soleil rouge peinait à éclairer ce qui restait de la journée. Un temps idéal pour le vampire qui avait de nombreuses heures d'obscurité devant lui. Lynn n'avait qu'une très vague idée de la puissance que pouvait déployer son maitre. Il ne l'avait vu s'énerver qu'une seule fois mais il était assoiffé. Elle ne l'avait vu se battre qu'une fois mais c'était en pleine journée. Elle le verrait peut-être à son plein potentiel.

Dante attrapa la fille par la main et l'entraina à sa suite. C'était une manie décidemment, mais elle ne s'en lassait guère, se laissant trimballer à sa guise. Certes, la réponse ironique de Dante lui fit soulever un sourire mais elle n'était pas plus avancée pour autant. Elle ne savait toujours pas qui ils allaient rencontrer, ni où.

-On va voir Alexeï ? Tenta Lynn au hasard qui ne dissimulait guère son anxiété.

Lynn n'aimait pas trop les surprises. Face à l'inconnue les méninges se mettaient à tourner à toute allure, analysant le moindre scénario et se focalisant sur les plus pessimistes. Dante voulait peut-être exploiter la magicienne comme un maitre le fait avec son élève en guise de rétribution pour son enseignement. Ou bien peut-être que ses avertissements concernant le danger d'être sous sa tutelle allaient se vérifier.

La jeune fille se tendait imperceptiblement, toujours détachée et badine dans ses manières, mais vigilante dans son for intérieur, voir même méfiante. Sa vigilance se muait en méditation alors qu'elle évoluait aux côtés de Dante vers l'endroit qu'il avait choisi. Ses sens aux aguets semblaient étirer la sphère de leur influence respective, puis s'en détachaient totalement. Lynn percevait chaque once de vie dans les environs, du plus humble des rats grattant les ordures à la recherche de nourriture, jusqu'au plus grand des bourgeois grattant ses parchemins à la recherche de profit. Elle en percevait même le genre. De la misérable touffe d'herbe entre les pavés de la chaussée, jusqu'aux arbres majestueux entre les blocs d'immeuble.

Lynn s'émerveillait du fleurissement de ses pouvoirs à un moment qui ne s'y prêtait pourtant pas. Elle suivait Dante en silence sans lui toucher un mot de sa découverte. Son attention était rivé sur la contemplation de cette nouvelle magie, comme une gamine absorbée par la découverte d'un nouveau jouet.

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Il écoutait presque inlassablement le plaisir d'être à nouveau dans une ville. Avalon avait ses charmes et souvent des mauvais côtés, mais pourtant, Dante affectionnait cette cité. Celle-ci était probablement l'une de ses favorites pour une raison obscure. Lui-même ne savait l'expliquer, ses charmes multiples peut-être ? Le côté romantique au fin fond du vampire aurait pu prétendre à s'y excuser par la présence de la "douce" magicienne. Docile, elle avait accepté de le suivre à pas peu rassurés pour autant, inquiète probablement de l'inconnu qui se dressait devant eux. Mais bien loin de son camarade de l'inquiéter, il espérait plutôt la surprendre par cette aventure qui se dressait devant eux. Il ne l'attendit pas pour l'entraîner dans les ruelles, passant une à une chacune des boutiques qui s'y dressaient. Certaines avec de beaux atours, de véritables bijoux dont les femmes tomberaient dingues. Puis ils débouchèrent sur une autre rue, plus mal famée, avec des hommes aux regards plus lubriques que d'autres. Certains crachaient même au sol à l'attention du "couple", comme s'ils n'étaient que deux mendiants.

Dante se fichait bien de ces hommes. Il avança sans crier gare. Lynn tenta de lui faire dire la direction qu'il prenait, mais rien n'y fit. Pensif, il restait sur cette phrase qu'elle lui avait laissé en tête. Il méditait sur celle-ci, alors qu'il avançait, en silence, sa main tenant celle de la magicienne, avec une sorte de douceur malgré sa fermeté dans sa prise. Il ne la serrait pas pour lui faire mal, ni assez peu pour la perdre. D'ailleurs, cette pensée le troubla: qu'adviendrait-il lorsque leur périple s'interromprait et qu'ils se sépareraient temporairement... voudrait-elle le revoir ? Ou n'était-ce là qu'un amusement temporaire et une fois ses forces retrouvées, elle s'éloignerait de lui ? Il avait du mal à poser les mots sur ses propres désirs, que voulait-il lui-même de cet échange de bons procédés, parfois ambiguës ?

Plus les secondes passaient et plus il restait sceptique. Il ne s'était que rarement posé ce genre de questions et peut-être qu'à terme de leur présence en Avalon, il y trouverait une réponse. Alors qu'ils franchissaient un ponton, un homme s'arrêta, bloquant le chemin au duo.

▬ Hm ? s'étonna Dante, remarquant que l'homme ne s'écartait pas, bloquant franchement le passage.
▬ Pas si vite. Où trimballes-tu cette jolie princesse ? Avec un tel homme, oh, quelle bassesse. fit l'homme, se prétendant probablement être le chevalier en armure scintillante de sa princesse improvisée.
▬ Tout me semble montrer que cette dame nécessite de l'aide immédiate. Un homme armé, avec un tel regard... cela n'est que mauvais présage pour cette gente dame, hé, hé... fit le prétendu sauveur.
▬ Écartes-toi, manant. répondit Dante, maintenant le lien physique entre Lynn et lui plus sûr, comme s'il voulait s'assurer qu'elle ne partait pas.
▬ Oh quelle insolence, je suis Basil Von Montrégar. Digne chevalier de...
▬ Pas le temps pour tes c*nn*ries. soupira Dante.

D'un geste ample, Dante envoya un coup d'avant bras gauche à l'homme qui tirait déjà sa lame du fourreau. Le coup était puissant, assez pour faire tomber du ponton l'homme qui se dressait sur leur chemin. Basculant et perdant aussi l'équilibre, il tomba derrière ce dernier, dans le ruisseau qui passait en dessous. Trempé et grommelant dans sa barbe, il grogna encore avant de voir finalement le vampire s'éloigner avec celle qu'il venait de "kidnapper". Dante arriva enfin sur une grande place, avec un bâtiment trônant autour d'eux, celui-ci sortait du lot. Il portait plusieurs graffitis, mais surtout, une couleur sombre et une aura qui en sortait.

▬ C'est ici, mais avant d'entrer, je veux que tu saches que quoi que tu entendes, ne crois pas tout ce que tu entends. Enfin, si ça ne viens pas de moi. Ah et si tu vois des choses inattendus ou étranges, c'est... enfin tu comprendras de toi-même je pense. Fais juste attention à toi. fit-il en passant une main dans les cheveux de Lynn pour l'embêter un instant.

722 mots.

Les deux protagonistes s'enfonçaient dans les tréfonds de la ville plongés dans l'obscurité, si ce n'est la myriade de lampes à huile au garde-à-vous le long de la chaussée. Le ciel était noir mais le halo de lumière orangée masquait la plupart des étoiles. En quittant les grands axes, les éclats joyeux des noctambules n'étaient plus qu'un lointain écho. L'atmosphère de fête insouciante laissait la place à l'ambiance ténébreuse et claustrophobique des ruelles malfamées. Les regards enivrés se muaient en œillades envieuses et malsaines.

-Hééé ! S'offusqua Lynn alors qu'une expectoration glaireuse venait de lui frôler les chevilles.

Le coupable lui décocha un regard méprisant qu'elle lui renvoya volontiers. Ces gens ne lui faisaient pas peur. D'abord parce qu'elle était accompagnée et ensuite parce qu'elle avait l'habitude de ces milieux sordides. La plupart des gros durs autoproclamés n'étaient que des fanfarons et apprentis intimidateurs qui essayaient d'obtenir un semblant de respect en menaces vides. Et bien qu'il y ait bien une importante population de meurtrier qui n'hésite pas à mener ces menaces à exécution, on avait tôt fait de reconnaitre les plus dangereux avec un peu d'habitude. Ceux-là s'évitaient autant que faire ce peut.

L'homme qui bloquait l'accès au ponton en faisait partie. Inutile de l'ignorer celui-là. Des yeux pétillants au-dessus d'un groin rougeâtre - signe de son amour pour le vin - un sourire goguenard et une bouche entrouverte prête à cracher ses menaces. Il ne se contenterait pas de les laisser passer sans rien dire. Lynn aurait déjà tournée les talons si elle avait encore le choix de la direction, mais Dante n'avait aucune considération pour le commun des mortels qui croisait sa route.

L'homme ne manqua pas de les interpeller, se disant chevalier. Tu parles ! Surement un soldat en manque d'émoluments pour se payer les services d'une femme et qui cherche donc à ravir son plaisir d'un soir. Aussitôt, Dante prit la défense de la magicienne qui ne pouvait que se renfrogner pour échapper aux regards lubriques du bonhomme.

Pas le temps...

D'un coup de manche, l'homme perdit l'équilibre et tomba dans l'eau. Lynn esquissa l'intention d'écraser les doigts patauds qui tentaient de trouver une prise sur le caniveau glissant, mais Dante reprit son chemin en emportant la "princesse" avec lui. Tant d'impatience de la part du vampire ! Il était sans doute aussi pressé qu'elle d'en venir à l'essentiel.

Lynn jeta un regard neutre au grand bâtiment vandalisé qui semblait être le point central de cette petite place. C'était visiblement leur destination et avant d'entrer, Dante lui indiqua quelques précautions à prendre. Précautions dont elle accusa réception en hochant mollement du chef.

-Etrange ? Fit-elle en jaugeant une nouvelle fois le bâtiment. Avec toi, c'est rester dans l'ordinaire qui est étrange.

Malgré un fin sourire, Lynn n'en restait pas moins circonspecte, s'attendant à découvrir un horrible et honteux secret du vampire. Allait-il lui confesser qu'il prenait son pied en strangulant des chatons à mains nues ? Allait-il enfin avoir le courage d'avouer que les yeux blancs de la magicienne lui rappelaient ceux de sa grande tante aveugle de la cataracte ? Ou bien il voulait faire goûter son sang de vierge à son club de vampire gourmet ? Ou pire, il ne se lavait pas toujours les dents après avoir mordu un diabétique !? Plus sérieusement, Lynn ne s'attendait à rien de bien méchant. Elle-même ayant un sens de l'éthique très libéral, elle n'était pas vraiment en bonne position pour juger qui que ce soit. Au contraire, elle se réjouissait à l'avance de ne pas être la plus vicieuse du couple...

635 mots

Finalement tout s'était bien passé jusqu'au quartier tant attendu. L'arrivée de Dante en Avalon allait probablement éveiller des oreilles. Des oreilles qu'il valait mieux immédiatement manifester avant que quelque chose ne soit trop tard. Et ayant prévenu sa belle, Dante se contenta de simplement un regard sur celle-ci, avant de s'y engouffrer. Quel terrible monstre allait-ils rencontrer ? C'était là toute la question pour la magicienne. Glissant cette fois-ci ses doigts entrelacés avec ceux de Lynn, c'était presque inhabituel. Une situation presque digne d'un couple, pourtant, il s'enfonça dans la porte brune, mi-vitrée. L'intérieur fut ce qui était des plus improbable. Si d'extérieur il semblait être une boutique d'alchimiste l'intérieur fut cocasse. C'était le moins qu'on puisse dire. Différentes parties de corps étaient exposées, des membres découpés, des parties d'animaux, des concoctions plus que suspectes. Mais surtout, le plus intimidant, quelques trophées de monstres empaillés plus vrais que natures.

Mais comme si l'endroit n'était pas assez glauque, une voix féminine se fit entendre, le voix d'une jeune femme. Puis enfin, s'élevant du fond de sa boutique, la jeune femme s'approcha. Un masque bordant le bas du visage, des yeux jaunâtres-orangés et de longs cheveux blancs qui tombaient sur le côté avec quelques mèches d'un léger blond platine presque délavé. Elle s'approcha, d'un visage qui semblait jeune, presque enfantin. Elle alla renifler Dante sans aucune gêne, puis Lynn.

▬ De la chair fraîche dans mon humble demeure ? Parfait ton visage collerait bien à ma collection, je couperai bien les extrémités et...
▬ Elle est mienne.
▬ Oh, elle est tienne ? Je vois, ta femme ? Je suppose que je peux passer sur ça. Mais tu me dois toujours deux tu sais. Ou alors, tu peux enfin me donner ton précieux petit corps. fit-elle dans un claquement de langue qui semblait presque appeler à un intérêt sexuel distordu.
▬ Aucune envie. fit-il simplement, ferme, mais presque de manière infime, il aurait pu croire qu'il avait serré ses poings un court instant, comme si cette femme l'énervait.
▬ Je vois ! Je vois ! Quelle rabat-joie. Bon... Lynn. Je suis Tessa. fit-elle, comme si elle connaissait déjà la magicienne.
▬ Oh inutile de te poser la question s'il m'a parlé de toi ou s'il avait prévu de te rencontrer, rien de tel. Disons juste que je suis très forte. fit-elle par étouffer sous un léger rire.

Dante jeta un œil sur les alentours comme s'il inspectait tout ce qui était présent dans la pièce.

▬ Oh il n'y a personne pas de plan pourri ! Je te promets Dante.
▬ Tu as essayé de me tuer.
▬ Mais allons, ce n'était que trois petites tentatives de rien du tout, on est amis maintenant pas vrai ? fit-elle en tapotant le dos du vampire en se téléportant.
▬ Tu es une menteuse, une manipulatrice et une ...
▬ Garce, "je déteste quand tu fais ça." ▬ Je déteste quand tu fais ça. dit-il au même moment, avant de la fixer d'un air qui voulait en dire long.

Dante et Tessa se fixèrent un long moment, comme deux anciens amants qui se faisait bonne guerre. Mais en vérité, c'était totalement différent.

▬ Tu peux le faire ou non ? demanda le vampire finalement.
▬ Hmm... se demanda-t-elle, en se téléportant ensuite face à Lynn, la fixant longuement, la jaugeant du regard comme si elle voyait tout à travers ses yeux inhabituels. ... Possible. Oui c'est faisable. Mais vraiment parce que c'est pour toi, mon chéri. fit-elle avant de rire à belle voix.
▬ ... fit-il, alors qu'elle tirait déjà la langue, sachant ce qu'il allait dire.

Elle se téléporta ensuite dans l'arrière boutique en faisant un simple signe de la main qui aurait voulu dire "quelques minutes". Laissant finalement quelques instants à Lynn et Dante de reprendre leurs idées et se remettre à l'ordre du jour. Sceptique, le vampire se demandait comment allait réagir la magicienne si elle savait son petit manège... après tout quel était son petit plan ?

709 mots.

Lynn jetait des regards embarrassés à la décoration. Il fallait avoir une sanité d'esprit approximative pour égayer ainsi sa maisonnée. Des morceaux de chair à l'aspect vitreux baignant dans le jus servant à leur conservation. La petite magicienne avait même l'impression de reconnaitre des organes humain. Et puis il y avait ces animaux empaillés, le comble du mauvais goût à son humble avis. C'était forcement l'antre d'une sorcière pour que Lynn déteste le maitre des lieux avant même de l'avoir rencontré. De plus, il n'y avait que cette race de dégénérés pour savoir que faire de morceaux de corps charcutés. Déjà que Lynn avait une tolérance assez limitée pour tout ce qui n'est pas magicien, mais les sorciers décrochaient allègrement la palme...

C'est donc avec son air le plus renfrogné que Lynn accueillait la maitresse de maison car effectivement il s'agissait d'une femme, et son antre des horreurs étaient en fait une boutique. Comme si qui que ce soit dépenserait le moindre centime pour acheter un seul article de cette décharge nécromantique. Bon, Lynn était d'humeur fielleuse mais le comportement de cette sorcière l'y encourageait. La dénommée Tessa se mit à lui tourner autour tout en la reniflant avec appétit, faisant disparaitre petit à petit la magicienne sous sa grosse écharpe rouge dans un effort de se soustraire à son attention. "Pas une sorcière... Une vampire, encore..." convint-elle pour elle-même.

Elle n'en émergea que pour administrer un regard assassin à son maitre. Il n'en méritait pas tant mais le fait que Dante soit aussi complice avec cette femme semblait déplaire fortement à la magicienne qui faisait preuve d'une jalousie rare chez elle. En effet, en aucun cas elle ne considérait que Dante ne lui appartenait mais c'était bien malgré elle que la flamme de la rivalité s'éveillait.

-Dites-moi si je gène, grogna-t-elle suite à leur échange.

Cette femme semblait lire dans les esprits et ce n'était pas un sensation agréable. L'esprit de Lynn n'était qu'une succession de défiances, envers Dante, envers ce lieu et surtout envers la dite Tessa. Lynn était une grande peureuse qui masquait son inquiétude derrière une épaisse couche de mauvaise humeur. Que quelqu'un puisse percer cette carapace l'agaçait au plus haut point.

-Prothèse... Cache-nez... Silure... Poivre en grain... lança Lynn au hasard en ce demandant si la voyante allait deviner ces mots avant même qu'elle ne les prononce. Aller, maintenant ça suffit les secrets. Dites moi ce que vous comptez faire sinon je risque de ne pas me montrer très coopérative par la suite.

Pour preuve, Lynn poussa négligemment un bocal d'une pichenette télékinétique. Le verre se brisa et répandit son horrible contenu sur le sol qui, de toute façon, avait vu des jours meilleurs.

-Pardon... s'excusa-t-elle sans en penser un mot. Les cachotteries me rendent peu précautionneuse.

En attendant qu'on lui révèle enfin ce qu'on lui voulait, Lynn s'amusait à faire léviter ce qui ressemblait à un cœur humain, puis le malaxant pour faire gicler le formol qu'il contenait encore. Quelle sorte de barjot peut vendre de telle horreur ? Et surtout quel genre d'irresponsables le laisse faire ?! Avalon est vraiment une zone de non-droit où toute absurdité est possible.

Mais qu'importe, Lynn arrivait à bout d'une patience qui lui faisait généralement défaut, comme Dante a eu le plaisir de le constater en côtoyant la magicienne. Elle inclina donc la tête vers le vampire, la main toujours tendue devant elle pour manipuler l'organe mort.

-Si les prochains mots qui sortent de ta bouche ne sont pas des explications exhaustives je te la remplie avec cette immondice, l'avertit-elle dans un calme olympien.

Lynn ne pouvait peut-être pas forcer Dante à quoique ce soit mais elle pouvait le menacer de lui fourrer des pourritures dans le gosier jusqu'à ce qu'il coopère. Ca, elle en était capable, les munitions étant légion ici...

Alors que Tessa s'était éloignée pour travailler dans son arrière-boutique, ce fut Lynn qui fut la plus surprenante. Jamais Dante n'aurait pensé deviner une once de jalousie de la part de la magicienne, ce fut d'ailleurs ce qui le toucha le plus depuis bien des mois. Ou en fait, depuis qu'ils avaient manqué de s'embrasser par erreur, ou en était-ce seulement une ? Comme par simple réaction naturelle, elle laissa déverser cette impatience et douce furie qu'elle possédait en elle. C'était une chose qui pouvait en énerver plus d'un, mais pour le vampire, c'était quelque chose qui faisait le charme de la belle. Il aurait pu rire, s'amuser ou se moquer d'elle, mais il savait très bien que cela n'aurait été vécu que d'un mauvais pied pour elle, elle l'aurait mal pris et se serait peut-être offusqué voir blessée de la réaction de Dante. Il n'en fit rien, ne laissant qu'un rictus à ses lèvres suite aux menaces de cette dernière.

▬ Tu n'es pas très patiente hein ? Bon très bien. Tessa est une Tzimisces, d'où ses goûts étranges et prononcés pour des choses... bon évitons ce sujet. Malgré sa personnalité étrange et excentrique, elle possède des pouvoirs assez, surprenants disons. De plus, elle est télépathe et télékinésiste... Le problème étant qu'elle est haut-vampire et bref... Elle fait parfois cavalier seule. Mais malgré ses défauts et ses idées étranges, elle est une couturière redoutable... c'est aussi ce qui fait surtout son principal succès ici, à Avalon... expliqua Dante.

Le vampire reporta son attention dans les yeux de Lynn, il avait bien entendu une idée derrière la tête et ce n'était pas n'importe laquelle, après tout s'il agissait de telle manière, ce n'était jamais pour rien.

▬ Elle sait et doit être déjà en train de te confectionner une robe. Je compte t'emmener quelque part qui te surprendra. Je me suis dis que tu le méritais après nos dernières épopées, de passer un agréable moment. Tu sais, je ne manque pas spécialement d'argent, mais disons que j'avais envie de passer un simple moment avec toi, en laissant de côté pour une soirée ce monde. Juste toi et moi. avoua-t-il simplement, un peu déçu de devoir déjà gâcher la surprise de Lynn, mais elle n'avait aucun intérêt si après tout, elle le prenait mal.

Jetant un œil à la mixture qui était au sol, Dante soupira doucement. Lynn avait perdu patience bien trop tôt et il aurait été préférable qu'elle lui fasse simplement confiance. Presque pour lui-même il s'en voulut qu'elle n'ait pas plus confiance en lui. Il la pensait bien impatiente bien entendu, mais jamais autant. Tout ce qu'il pouvait désormais espérer était qu'une fois le retour de Tessa et sa robe fini d'être confectionnée grâce à ses qualités de couturière et sa magie, Dante espérait que cette robe plairait ainsi à la magicienne. Pour lui, il se fichait aujourd'hui des problèmes du monde, il voulait apprécier un moment agréable avec elle, sans penser à ses problèmes, ni aux siens. Qu'ils apprennent mieux à se connaitre. Il fallait dire qu'il n'était pas ainsi avec toutes les femmes et après tout, quand était la dernière fois qu'il avait pris un tel temps pour quelqu'un ou avait agi comme cela ? En y pensant bien il y trouva sa réponse: jamais.

Passant une main dans ses cheveux d'ébènes, le vampire entendit alors Tessa chantonner dans l'arrière boutique, elle devait presque avoir fini de faire la robe, elle avait toujours eu un don pour faire ce genre de choses en un temps éclair. Enfin, ils auraient encore un peu le temps de parler avant que le moment fatidique du retour de Tessa n'arrive. Il était évident d'ailleurs que Lynn la détestait déjà, il fallait dire que sa personnalité singulière était difficile à supporter après tout. Mais tout ce qu'espérait Dante était qu'elle pourrait la supporter un peu plus longtemps jusqu'à leur départ, d'ailleurs, il espérait également que ses idées lui fasse plaisir, si elle se sentait forcée, il annulerait probablement cette soirée... après tout, si ce n'était pas de la jalousie qu'il avait cru voir, peut-être n'était-ce au final que de l'indifférence ? Et s'il s'était trompé et n'était en vérité qu'un professeur pour elle, un maître d'armes et une source de pouvoir à ses yeux ? Ils n'avaient jamais posé les mots sur leur relation en dehors de ce qu'ils s'étaient mis d'accord et depuis, ils avaient vécu des aventures. Peut-être que depuis le début, ses impressions étaient mauvaises, après tout, il n'avait jamais connu intimement une femme, que pouvait-il savoir des mystérieuses femmes !

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Les paroles de Dante déliaient peu à peu la trame de suspicion que Lynn s'était tissée depuis qu'ils avaient quitté l'hôtel. La peur qui maintenait ses traits tendue se dissipa pour laisser successivement la place à la surprise, et enfin à la honte. Dire qu'elle avait douté de Dante au point qu'elle avait même pensé se faire livrer en pâture à ses congénères. C'était peut-être exagéré ? Peut-être bien. Lynn n'était pas assez intelligente pour se montrer confiante de toute façon. Etre constamment en alerte compensait efficacement sa naïveté naturelle. Cependant, pour cette fois, Lynn avait fait assez de dégât avec cette mauvaise manie et consentait à lâcher un peu la pression afin de ne pas blessé son compère davantage. Oh ! Et cela ne la dispensait en aucune manière de présenter des excuses sincères... Allons ! Et que ça saute, jeune fille !

- Je suis Vraiment désolé, fit-elle en courbant légèrement l'échine en guise de pénitence. Mais bon... la confiance viens avec le temps aussi...

On avait dit 'sincère' !

- Enfin... J'ai exagéré. Je n'aurais pas dû, poursuivit-elle

Bien ! Ceci fait, Lynn posa le cœur aux ventricules épuisés sur le comptoir, espérant ne pas l'avoir trop abimé. Elle prit même le temps de cacher les éclats de verre afin de ne pas subir les foudres de la vampire adepte de potion. Vraiment, elle ne ressemblait absolument pas à une couturière et malgré que Lynn se doive d'être optimiste malgré son caractère de cochon, elle avait un peu peur du rendu final. Et pour cause, ce qui l'entourait ne présageait rien de bon quant aux goûts esthétiques de leur hôte.

Finalement, celle-ci revint avec la robe sous le bras, prête à être essayée. Pour l'instant elle ne ressemblait à rien de particulier. On pouvait seulement apprécier les couleur et les matières ; divers nuances de blanc, quelques éclats de nacres et de l'argent. La voleuse, qui avait l'œil, voyait immédiatement que cette pièce avait de la valeur. Les matières étaient riches et les coutures soignées. Nul doute qu'elle pourrait en tirer un bon prix si seulement elle réussissait à la voler pendant que personne ne reg... Comment ? Cette robe est pour elle ?

Lynn jeta un coup d'œil intrigué à Dante, se demandant bien ce qu'elle avait pu faire pour mériter un tel cadeau. Pas grand chose, à son humble avis. C'était même plutôt le contraire. Quoiqu'il en soit, elle lui fit honneur en s'approchant de la vampire d'un air guindé ; l'impression que celle-ci pouvait lire chacune de ses pensées lui donnait la sensation de marcher avec des cactus dans le creux de ses reins.

- Où es... s'apprêta-t-elle à demander avant que la vampire ne lui désigne une porte derrière laquelle elle pourrait se changer en toute intimité.

Lynn se gonfla d'exaspération en s'apercevant qu'elle avait lu dans ses pensées et s'enfuit dans le vestibule sous les ricanements de la voyante. Elle s'y enferma à double tour. Il y eut ensuite un très long silence... puis quelques coups distribués dans les murs suivis de jurons de plus en plus fleuris et de plus en plus forts. Finalement, il y eut un ultime "BLAM!" contre la porte qui s'ouvrit dans un timide grincement.

- Vous pouvez venir m'aider ? Demanda Lynn à la couturière.

Son minois et une épaule dénudée dépassait à demi de l'embrasure de la porte, un pan de robe lui passant par-dessus la nuque qui visiblement n'était pas du tout à sa place. En vérité, Lynn ne comprenait absolument pas comment cette fichue robe était construite. Peu importe de quel côté elle l'enfilait, elle se retrouvait toujours avec au moins un atout non couvert. Ce qui, connaissant Dante avec sa lubricité quasi-nulle, n'était pas vraiment voulu. Ces vampires... Il était plus facile de les aguicher avec la courbure gracile d'une nuque dégagée, plutôt qu'avec le galbe rebondi d'un haut de cuisse. Ca, Lynn en avait conscience. C'est donc sans innocence qu'elle s'était relevée les cheveux. Son cou qu'elle avait particulièrement gracile se révélait ainsi débarrassée de son écran cendreux ainsi que de son éternelle écharpe délavée dont elle se séparait rarement. Le but était de plaire à Dante, évidemment. il fallait rendre honneur à son présent.

Il fallut quelques minutes à la couturière pour aider Lynn à enfiler la robe, ce qui la confortait dans son idée qu'elle n'était pas une sombre imbécile incapable de mettre une manche l'une après l'autre. C'était une robe complexe comme elle en avait déjà porté il y a fort longtemps. Impossible à mettre seule, c'était normalement les femmes de chambres qui aidaient les dames de hautes naissance à mettre ce genre d'atours. Presque trop habituée, Lynn ne broncha même pas quand la vampire se mit aussi à farfouiller dans ses cheveux avec un "t-t-t" de désapprobation. Lorsque son ouvrage fut terminée, elle poussa Lynn hors de cagibi la révélant enfin à son client.

Sa coiffure s'enroulait sur elle-même en un cyclone figé, dont l'œil était piqueté d’un unique lys moucheté d'ocre. Tout autour de cette fleur, des jets cendreux s'éparpillaient en une corolle de mèches solitaires qui s'élançaient toutes bravement vers le ciel avant de plier face à la gravité. A chaque mouvement de la magicienne, ces dernières oscillaient paresseusement tel des antennes branlantes attachées à la tempête de suie qui leur servait de support. Encore plus bas trônait un visage de porcelaine parfait, figé dans le temps comme dans l’espace, tant on aurait dit que cette œuvre serait bien en peine de survivre au moindre mouvement. Des lippes cerise étirées en un fin sourire, chaud et accueillant, apportaient le contraste avec la peau lactée et allant de concert avec des mires de vif-argent.

Elle portait une longue robe de cachemire blanc vaporeuse se déployant comme les pétales d’une fleur. Une fleur dont les deux pistils d’ivoire qu'étaient ses jambes se balançaient d’avant en arrière avec une langueur purement féminine. Seule une large ceinture de cuir sculptée en brisait la monotonie pour souligner les formes de la dame, pas avare en courbes. Un liséré d’argent et de nacre bordait la robe en bas puis passait par la longue fente qui coupait l’étoffe en deux, du ventre jusqu’au cou ; les pans n’étaient retenus que par un fin ruban de soie bleu ciel. Les longues manches évasées à leur bout s’étiraient pour recouvrir entièrement les fines mains de la magicienne.

Lynn hochant du chef en direction de la couturière, prenant une de ces expressions insolentes.

- Je déteste les fleurs, mentit-elle de manière éhontée. Vous n'êtes pas aussi forte que je me le figurais.

En fait, Lynn portait exactement ce qu'elle voulait porter. Comme si elle s'était concertée avec elle-même pendant des années pour sortir ce chef d'œuvre d'artisanat. La parure rivalisait largement avec sa garde-robe d'Ultimage, et les surpassait même. Rien de plus facile lorsque ces robes ne servaient qu'à faire rutiler la richesse et le pouvoir alors que celle-ci était un cadeau d'une personne qui lui était cher. Lynn se tourna enfin vers Dante pour s'enquérir de son avis.

- Et toi ?! L'interpella-t-elle. Tu en penses quoi ?

Elle leva légèrement les bras pour lui montrer tous les détails, accompagné d'un sourire pincé qui en plus d'exprimer quelque peu sa gêne d'être dans un si joli accoutrement avait aussi un côté mignon non négligeable.

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Le jeu du mystère était un fruit défendu, particulièrement gardé par le vampire, en effet, il n'avait voulu que surprendre Lynn au dernier moment. Malheureusement il avait dû révéler une partie de son stratagème, suite au mécontentement de cette dernière. Elle n'avait pas la patience qu'il aurait imaginé, mais il n'en fut pas surpris non plus. Il fallait dire qu'elle s'était montrée avec tant de franchise et de manque de tact, qu'il n'aurait su être désagréablement surpris de cette réaction, bien que peu habitué à ce genre de choses d'ordinaire. S'ils étaient seuls, sans Riwale, sans Alexeï, dans une cité qui n'était pas des plus familières ni des plus hostiles envers eux, il fallait dire que c'était dans un but bien précis: Dante avait l'intention de profiter de la présence de Lynn et d'en tirer le meilleur. Il l'avait emmené aussi loin que le peut l'océan, pour venir ici. Ils s'étaient échoués, étaient venus enfin en Avalon et leur périple n'avait fait que commencé. Elle avait commencé à prendre quelques cours avec lui, mais il fallait dire qu'en dehors de ses ponctuels entraînements, il ne lui enseignait que peu de choses. Dante était un homme d'action et cela se dépeignait malheureusement dans son affiliation aux brujahs, le fameux clan de guerriers. S'il n'avait pas le désir de devenir le plus puissant magicien qui soit, il était clair qu'il affectionnait plus particulièrement les combats à l'arme. Futur maître d'arme en devenir, il s'entraînait durement à cette tâche, tentant parfois d'initier la jeune magicienne, pourtant maladroite.

Mais bien qu'il n'était pas là pour l'entraînement, il comptait bien d'ici quelque jours la présenter à un entraînement plus rigoureux qu'elle devrait suivre. Mais sa priorité première dans l'actuel était de surtout la préparer à un moment festif, un moment de repos, sans combats, sans problèmes et surtout, rien qu'à eux deux. Cela était d'un romantique qu'il n'accédait et ne concédait que rarement, pour ne pas dire jamais. Un plaisir que Lynn ignorait peut-être, un honneur qu'elle ne pensait guère commun pour lui qui sait ? Mais c'était le cas: il ne participait que rarement à des soirées, ou finissait souvent à s'égarer pour s'éloigner seul de tels moments.

Tessa fit un travail remarquable, digne de ses qualités de couturières. Ce que n'avait pas avoué Dante à la magicienne était qu'en vérité, cette dernière avait tissé ses dons de couturières sur des organes et ce genre de choses. Mais il n'était pas utile de préciser ce genre de détails à la belle brune. Bien au contraire, il préférait largement noyer le poisson pour éviter ce genre de désagréments ou situations gênantes. Tessa devait l'avoir bien compris, car si elle avait offert un sourire entendu lorsque Lynn s'était éloignée pour essayer la robe après des excuses presque ratées - mais c'était du Lynn tout craché - il avait deviné qu'elle ne dirait rien. Entre vampires, la collaboration et la solidarité était souvent présente. Alors que les femmes s'affairaient à ajuster la robe de l'ancienne ultimage, Dante lui, se contenta de patienter en arpentant du regard les nouvelles acquisitions de Tessa. Cette dernière n'était que rarement collectionneuse inutile, souvent prélevé sur des victimes ou des prisonniers torturés, parfois même, elle s'amusait à effectuer des transplantations pour expérimenter. Avec une telle histoire, il était naturel que le brujah ne ressentait qu'un dégoût pour cette pratique, bien qu'il respectait celle-ci. Il fallait dire que Tessa était également celle qui avait confectionné son équipement sur mesure, cette garde-robe qu'il s'était confectionné était grâce à elle, ses manteaux, ses hauts, tout ses vêtements étaient d'elle. En plus d'être douée de ses mains, elle pouvait forger de belles pièces, comme les boutons, les bottes, ce genre de choses. Il était toujours intriguant de retrouver ce genre de femmes dans leur milieu naturel: la torture de prisonniers. Elle avait également un passé d'assassin, mais elle avait vite pris ses dispositions en tant que tortionnaire, y prenant bien plus d'amusement. Un plaisir vicieux.

Finalement, les deux femmes revinrent et ce fut sur Lynn que les deux rubis de Dante se posèrent et il n'eut aucun mot qui s'extirpa de sa bouche. Il resta presque bouche bée, devant le sublime de la charmante créature qui portait une robe qui lui allait à ravir. Elle était exquise, de quoi rendre les plus récalcitrants des vampires enivrés d'un désir de la posséder. Comme par instinct, alors que cette idée le traversait, un sentiment de possessivité arrêta immédiatement d'imager cette possibilité. Il fit quelques pas, arrivant finalement devant Lynn, alors qu'elle s'était amusée à lui faire voir sous toutes ses coutures la tenue qu'elle portait, sous sa mine curieuse, elle se demandait sa réponse, si elle lui plaisait, s'il appréciait ou non, peut-être que désormais, elle craignait un refus. Mais comme pour lui répondre, une main vint se poser sur sa joue, alors que Tessa se mit à sourire plus loin, elle ressentait et savait déjà les intentions de Dante, mais comme pour ne rien ruiner, ne fit mot ni moqueries, s'éloignant un peu, faisant mine de s'occuper, dos au duo. Dante ne serra pas sa prise sur la joue délicate de la petite princesse aux cheveux d'ébènes, il se pencha simplement, offrant un baiser sur la joue de Lynn.

« Tu es sublime. » offrit-il comme réponse au creux de son oreille. Comme si c'était intime de le lui confier. Il s'éloigna alors de deux pas, la contemplant encore, retirant délicatement - presque amèrement - sa main de la joue de cette nouvelle poupée-princesse qu'elle était ainsi. Cela lui changeait beaucoup de son habituel barda sur le dos. Il y voyait là une toute différente femme. Qui ne lui déplaisait pas moins. Il aimait son naturel, son naturel en toute situation, toute tenue et toute possibilité. Jamais, elle ne se mentait. Alors qu'il s'arrêta de la détailler, il posa enfin son regard dans celui de la magicienne, offrant un délicat et timide sourire sincère, si rare sur son visage.

« Je ne me lasse pas de te regarder. » fit-il d'un air souriant. Même lui, semblait devenir plus naturel au contact de la magicienne. Il était pourtant son mentor, il était censé lui apprendre toutes les choses de la vie et pourtant, il y avait certaines choses qui semblait peu à peu se décoincer en lui, grâce à elle. Peut-être que sa présence n'était pas si négative que ça, elle était même positive. Lui qui n'avait connu les combats, n'avait jamais su apprécier la beauté d'une femme, il n'avait jamais pris le temps de trouver une femme belle: c'était désormais le cas en la présence de Lynn Dae, son élève. Mais peut-être qu'elle commençait également à compter un petit peu plus, qu'une simple élève... Dante s'ouvrirait-il finalement ?

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