Tandis que la silhouette chancelante de la lancière s'interposait entre les lames qui menaçaient, rejoignant toutes ce point d'origine qu'étaient ces trois individus, les assaillants semblaient troublés par les actions de la jeune femme, qui n'était pas des plus prudentes, il fallait le dire. En effet, en s'exposant ainsi, son unique chance qu'incarnait l'effet de surprise qui était en soi un excellent atout sur tout champs de bataille, venait tout simplement de s'estomper, de passer à la trappe. Soudain, une voix s'éleva, brisant ainsi ce silence aussi poignant que pesant. Les mirettes écarlates de la bélua ne daignèrent pas se détacher de ses opposant tandis que la blonde montrait certains symptômes précédant l’inquiétude quant à la blessure de Jaagd. La jeune femme savait pertinemment que cette voix appartenait à cette jeune inconnue. Les mots sonnaient clairs et limpides pour toute personne qui faisait don de leur présence en ce lieu où l'on pouvait entendre ce seul son résonner. La lancière avait beau en comprendre le sens, les sons qui en ressortaient s'en retrouvaient déformés. Ce phénomène était assurément dû au fait que la conscience de la bélua semblait vouloir fuir toutes contraintes d'une quelconque enveloppe charnelle, tandis que sa légitime propriétaire se débattait, s'entêtait à vouloir la conserver. La privant dès lors de toute liberté, ne serait-ce au moins que pour ce seul et unique instant.


Alors que Jaagd se démenait à poursuivre ce combat acharné contre l'appel des bras de Morphée et l'ivresse du sommeil, la blonde semblait perdre tout contrôle qu'elle exerçait jusqu'alors sur ses émotions, laissant place à toute la colère qui pouvait l'envahir quant aux accomplissements de ces hommes démuni de toute rationalité ou bienveillance. Les lèvres de l'inconnue articulèrent quelques mots inintelligible avant que la végétation alentours ne prenne vie afin d'abattre leur courroux sur les méfaits de ces monstres à visage humain. Rapidement, Orchidée s'approcha de Jaagd avant de lui saisir la main avant de se diriger vers la seule issue qui se présentait à eux. Tandis que le trio traversait ce qui semblait être un champs de bataille à toutes jambes, la jeune femme ne pu s'empêcher de remarquer les difficultés qui amputaient les capacités physiques de la blonde. Cela n'avait rien de surprenant en soi, après tout, cette femme ne semblait pas être des plus athlétiques, ce à quoi venait s'ajouter le fait qu'elle ne possédait aucune expérience offensive, et ce à tel point que l'on ne pouvait se faire à l'idée que ce soit la violence des combats qui la rejette. Il était tout simplement inconcevable qu'une femme de cet acabit puisse cautionner cela, les affrontements ne pouvaient guère s'assimiler à sa personne.


Cependant, celle-ci n'était pas pour autant démunie de courage. Bien au contraire. Cette femme luttait et ce malgré que cela soit contre-nature. Elle ne lâchait pas l'emprise que ses doigts exercaient sur la main gantée de la lancière, poursuivant sa course folle malgré la douleur qui semblait tirailler ses jambes. La situation avait beau ne pas s'y prêter, la sensation de chaleur qui s’apposait sur la main de la bélua était bien présente, elle ne pouvait que venir conforter cette bienveillance qui lui avait été offerte depuis cette étrange rencontre, dans cette sombre rue où sa seule présence chassait la moindre zone d'ombre. Alors que le groupe poursuivait sa fuite à grandes enjambées, la jeune femme s'arrêta soudainement. Son regard ardent parcourait les jambes de la blonde avant de remonter jusqu'à son visage et de se plonger dans ses yeux. L'espace de quelques instants, l'on aurait pu croire que le temps s'était tout bonnement arrêté. Cependant, celui-ci ne semblait pas vouloir coopérer pour autant et leur d'ores et déjà défaut. La bélua s'avança de quelques pas, avec une certaine difficulté il fallait dire, se positionnant devant Orchidée, lui tournant le dos avant de mettre un genoux à terre.


Elle s’efforçait d'enlever la main qu'elle maintenait jusqu'à présent sur sa blessure avant de l'essuyer contre ses vêtements afin d'enlever le sang qui la souillait et de placer chacun de ses membres de façon à accueillir les jambes de la blonde, l'invitant ainsi à monter sur son dos. Cela pourrait en effet paraître étrange de la part de la lancière, sachant qu'elle aurait tout aussi pu demander à la bête d'endosser ce fardeau. Cependant, la liberté qu'elle lui avait promise était tout aussi importante que la protection de cette inconnue, et ce malgré le fait qu'aucun lien ne subsistait entre elles. Il s'agissait d'une promesse qu'elle s'était faite à elle-même. Ainsi, leur course infernale reprit son cours. Le trio se dirigea rapidement vers le port, qui était un lieu de choix pour une fuite semblait-il. Après tout, quitter le continent était probablement la seule option qui demeurait envisageable. Il ne leur fallut pas très longtemps pour atteindre leur destination et ce qui incarnait le seul espoir de survie pour cet homme qui était jusqu'alors considéré comme étant une bête féroce, bien que cela ne pouvait être en réalité qu'une incarnation de l'injustice qui semblait parfois régir ce monde, pour d'autres, cet acte été considéré à juste titre. Le bateau dans lequel l'étrange groupe avait embarqué avait pour destination le continent naturel, de ce fait, il serait rendu à ses terres, l'homme pouvait enfin rentrer chez lui. Cette idée ne pouvait que le ravir, lui, ainsi que ses bienfaitrices.

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