Le soleil était haut perché dans le ciel et ses reflets donnaient aux cascades cristallines ces couleurs uniques et merveilleuses. Un spectacle sur lequel posé ces yeux, provoquait un sentiment d’émerveillement profond. Pour le fäe qui observait ce tableau idyllique c’était un second souffle de vie. Affalé sur le ventre contre un large rocher, le menton dans le creux de ses paumes et ses jambes qui balançaient au rythme de son sifflement Aubéron rêvassait.  La roche encastrée à même l’eau émergeait en haut des Cascades Cristallines en bordure du lit de la rivière qui produisait les chutes d’eau magnifique. Les rayons chauds et bienfaiteurs du soleil l’apaisaient au plus profond de son être et la Nature environnante respirait avec légèreté accentuant plus encore l’état rêveur d’Aubéron. Sylvag était assis confortablement sur le dos de son compagnon émettant un grognement bizarre en guise de ronflement. Vous croyez peut-être que les êtres de cet acabit ne dorment pas ? Sottise. C’était un tableau relativement drôle, cet être de bois endormi sur un fäe à moitié endormi lui aussi. Après plusieurs minutes, le balancement des jambes d’Aubéron cessa et peu à peu la gravité reprit son pouvoir aider par le sommeil, le menton qui était soutenu par ses mains baissa lui aussi pour se poser délicatement sur la pierre. Le soleil descendit un peu dans le ciel et au cours de cette descente, perché en haut des Cascades Cristallines il y avait un fäe endormi avec un sourire béat sur le visage et une petite créature de bois sur le dos…

Sentant la chaleur diminuée légèrement et l’air se faire plus frais et plus humide, Aubéron émergea doucement en papillonnant des paupières. Il se releva avec délicatesse faisant par la même occasion glisser son compagnon en un roulé boulé léger. Etirant ses bras en baillant de manière sonore des perles d’un sommeil bien heureux apparurent aux coins de ses yeux. Son regard s’éleva pour observer la position du soleil dans le ciel. Ce n’était ni trop tôt ni trop tard. Qu’allait-il faire maintenant ? Alors qu’il mettait de l’ordre dans son esprit embrumé, il remarqua le petit tréant qui lui faisait les gros yeux. Aubéron le regarda un moment et sourit à pleine dent. Il ne dit rien et son compagnon lui répondit en croisant les bras au-dessus de la sphère bleue qui lui servait de buste avant de tourner le dos à son ami. Aubéron riait d’un rire chantant. « Ne boude pas, ce n’est pas de ma faute si tu étais sur mon dos. »  Le tréant émit un grognement doux en signe de réponse. Le fäe se gratta le menton en ayant une mimique interrogatrice. Sylvag aimait dormir et n’aimait pas vraiment être réveillé, trouver quelque chose pour qu’il arrête de rechigner n’était pas chose facile. Une idée saugrenue et soudaine émergea dans l’esprit du Fäe. « Dis Syl, on n’a pas encore plongé à partir d’ici, non ? » Aubéron avait dit ça sur un ton amusé, un sourire fendait son visage. Le tréant se retourna immédiatement une expression d’inquiétude sur le visage. Secouant vivement la tête il démontra sa complète désapprobation face à cette idée folle. Sans vraiment prendre en considération l’avis de Sylvag, son ami le saisit dans ses bras et le serra contre lui. Et sans plus attendre il sauta dans le vide. « YOUHOU » Son hurlement se répercuta dans les cascades, couvert par le bruit de l’eau qui se déversait en contre bas. Aubéron riait, il s’amusait comme un fou. Ils prirent de la vitesse, l’eau qui avait un débit rapide éclatait autour d’eux au travers de ces chutes vertigineuses les arrosant à tout va et grognant dans un fracas assourdissant. Les reflets de couleurs se firent plus beau encore. Et Aubéron riait de plus belle alors que le tréant faisait les yeux ronds. Avec l’habitude de la pratique son corps prit une forme naturelle pour gagner en vitesse, le sifflement de l’air se fit plus strident encore. Le bonheur tirait les traits du visage d’Aubéron, qu’est-ce qu’il aimait ça. Fendant l’air avec vitesse, le bassin en dessous d’eux s’approchait hâtivement. Le rire d’Aubéron diminua et bientôt ce ne fut plus qu’un sourire. Il fallait se concentrer un minimum pour ne pas finir mal. Prenant une profonde inspiration le fäe déplia ses ailes au dernier moment, à la surface du bassin un impact prit forme quelques secondes alors que le fäe reprenait de l’altitude son compagnon toujours dans les bras. Deux ailes à la blancheur nacrée, presque transparente étaient apparues. Elles étaient striées de plusieurs lignes d’un bleu doré et semblaient entre la réalité et l’éphémère. L’effort pour arrêter la chute avait été tel qu’Aubéron se retrouva propulser sur le côté et heurta les fourrés qui étaient en bordure du bassin dans une roulade magistrale. Sylvag semblait choqué alors que le fäe le tenant toujours fermement dans ses bras il éclata d’un rire grave et sonore. Ses cheveux d’ébènes pleins de branches et de feuilles, sa chemise blanche et son pantalon vert déchirés. Assis à même un gros amas de fougères, Aubéron riait à tue-tête alors qu’il avait failli se tuer.