« Bonsoir. ». La tête de Maître To bougea brusquement. Le chat était irascible en ce moment alors savoir qu'un individu venait de s'introduire dans la pièce sans qu'il ne l'ait au préalable entendu l'agaçait d'autant plus. Heureusement qu'il avait cette apparence animale collée à la peau du fait de sa malédiction car, après tout, un sorcier résidant au milieu de Magiciens avait de quoi hérisser le poil de plus d'un. Normalement, même avec la plus haute discrétion, même si l'individu était invisible, Maître To était capable de discerner ses mouvements. Là, rien, comme si cet homme n'avait eu, auparavant, aucun lien avec la matérialité. C'était le cas et lorsqu'il reconnut l'ancien Empereur Noir, il baissa de nouveau la tête, gardant les yeux ouverts pour suivre les événements qui allaient se dérouler. Jun Taiji n'était normalement pas de ceux qui venaient prêter main forte ou annoncer les bonnes nouvelles. Que voulait-il au juste ? Si les Archimages savaient qu'il venait rendre des visites nocturnes à leur reine, cela en ferait jaser plus d'un. La jeune femme était au préalable assise à sa fenêtre, fixant le paysage en brossant ses longs cheveux. Elle était, bien sûr, en chemise de nuit, comme les usages le voulaient. Son régime de vie lui imposait de se coucher tôt pour avoir le temps de lire dans son lit, quelques ouvrages sensés éveiller sa curiosité et ses horizons. Seulement, pour tout avouer, elle ne se prêtait à l'exercice que quelques courtes minutes, n'arrivant pas à suivre les dires des écrivains un peu trop soucieux d'employer un vocabulaire que peu comprendraient. Au mieux, elle arrivait à finir sa page avant de soupirer bruyamment, au pire, elle s'endormait sans demander son reste, le vieux livre dans les mains.

Lorsque le Chaman l'avait salué, elle avait sursauté. Personne ne rentrait jamais dans sa chambre sans frapper. Et même, vu l'heure, ce n'était pas d'usage, sauf urgence. Elle le dévisagea un moment avant de rougir comme une tomate trop mûre. Elle ne l'avait pas revu depuis la création de Caelum et, à vrai dire, ce qu'il s'était passé durant ce moment n'avait cessé de la hanter. Non seulement il l'avait embrassé mais en plus il l'avait vu nue. A croire que chaque homme restant avec elle un temps certain devait un jour apercevoir sa silhouette sans le moindre vêtement et goûter à ses lèvres. Et puis, il l'avait ramené dans cette même chambre, l'avait déposé dans son lit et lui avait laissé une lettre lui disant qu'il se chargeait de répandre la nouvelle de la création de Caelum par la grande souveraine des Magicien, maîtresse des Terres du Lac de la Transparence, du Cœur Bleu et de ce nouvel endroit. Cela n'avait pas tardé. De partout, la nouvelle s'était répandue et les Magiciens lui avaient demandé quoi faire, comment se positionner. Elle avait été surchargée de travail et la fatigue s'était accumulée. Caelum était à présent une ville dynamique, regorgeant de plusieurs secrets, forte de ses défenses et de son système de fonctionnement. A vrai dire, Edwina n'avait jamais envisagé pouvoir un jour prendre des décisions de ce genre, presque seule. Nylmord l'avait aidé, une fois qu'il avait cru en la nouvelle. Le Cœur Bleu était une chose, mais Caelum en plus, c'était totalement imprévu. Les Terres du Magiciens avaient doublé de surface et le peuple disposait à présent de bien des choses, de bien des infrastructures et lieux de vie. Lui-même était ravi de pouvoir regrouper la majeure partie de l'armée en Caelum. Les entraînements n'en étaient que plus intéressants. Seulement, depuis la naissance de l'île entre ciel et mer, l'Ultimage était priée de ne pas faire de nouvelles vagues car, à chaque fois, son mariage avec Gaston devait être retardé. D'ailleurs, la date serait choisie à la prochaine réunion qui avait lieu le lendemain. C'était peut-être pour cela que Jun était ici.

« Bonsoir » finit par répondre la concernée. Il la rendait mal à l'aise. La création de Caelum avait été spéciale car elle n'était pas dans son état normal, mais à présent, tout était différent. « Que faites-vous ici ? » demanda-t-elle. Il ne lui avait pas rendu visite depuis longtemps. « Vous vous souvenez de notre discussion ? Lorsque je vous disais que vos Archimages vous imposaient bien des choses et ne vous laissaient guère décider. Depuis que Caelum a été créée, vous êtes tenue de vous montrer discrète, demain se décide la date de votre mariage avec un homme que vous n'aimez pas et vous êtes là, à vous forcer à répondre à des exigences que vous ne trouvez même pas légitimes. ».

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Edwina baissa les yeux. Elle savait que tout ce que le Roi des Chamans disait était que pure vérité. Seulement, elle n'arrivait pas à imposer son point de vue, elle n'arrivait pas à s'affirmer suffisamment pour aller à l'encontre des décisions qu'ils prenaient pour elle. Jun s'approcha, s'asseyant sur le rebord de la fenêtre à ses côtés. « Il n'y aucun avenir dans la direction que vous prenez. Le peuple attend beaucoup de vous, de vous et de vous seule. Les Archimages sont là pour vous servir, pour guider vos choix mais cela uniquement lorsque vous requérez leur avis. Ils n'ont pas à vous imposer quoi que ce soit. ». Il désigna du regard la pile de livres qui trônait fièrement à côté du lit de la reine. « Les livres ne sont que des théories. Vous ne pourrez les comprendre, elles n'auront aucun sens tant que vous ne les mettrez pas en pratique. ». « Oui... ». « Ne me dîtes pas oui ! ». Le regard de Jun devint perçant alors qu'il rencontrait de nouveau le regard de l'Ultimage. « Vous êtes reine bon sang, un peu de contrôle ! Si ce que je vous dis ne vous plaît pas, pourquoi ne me chassez vous pas ? Vous en avez le droit. ». Voulait-il réellement une réponse ? Elle ne le chassait pas parce qu'il était trop puissant pour elle. « Vous ne partiriez pas. ». « Vous ne le saurez pas tant que vous n'aurez pas essayé. Vous basez votre comportement sur des suppositions. Vous ne me bannissez pas des Terres Magiciennes parce que vous pensez que jamais vous n'en serez capable. Vous laissez vos Archimages faire les lois parce que vous vous pensez plus sotte qu'eux et non digne de régner. Pourtant, c'est vous que le peuple réclame, c'est vous qui êtes leur reine, vous seule qui leur avez donné Caelum et le Cœur Bleu ! ». « Il suffit ! ». Elle s'était levée d'un bond, furieuse qu'il lui parle de la sorte. Pourtant, le sentiment primaire retomba bien vite et elle se mit de nouveau à rougir. « Excusez-moi. ». Jun leva les yeux au ciel. Cette femme ne comprenait rien et ne comprendrait jamais rien, probablement. Il perdait son temps à venir ici. Il ne savait même pas ce qui le poussait réellement à l'aider d'une quelconque manière. Ce n'était pas son rôle de garder les gamines et de leur apprendre la vie. Il avait déjà fait l'expérience avec Erza et l'une comme l'autre se valaient sur bien des aspects. Peut-être que les faire se rencontrer ne serait pas une mauvaise idée, histoire de donner un peu de tempérament à l'une et de diminuer celui de l'autre. Enfin, s'il faisait cela, il courait à la catastrophe. « Si vous ne faites rien demain, d'ici la prochaine lune, vous serez mariée à un homme que vous n'aimez pas. La suite des événements est encore plus mauvaise. Gaston finira par essayer de vous toucher, il mourra à cause du souhait que vous avez formulé. Certains de vos Archimages vous accuseront d'assassinat. Vous serez démise de vos fonctions et enfermée. Il se pourrait même que votre garde du corps, en essayant de vous sauver la vie, soit lui aussi tué. Après tout, sa protection ne tient qu'à votre règne. Je vous conseille donc de m'écouter et de vous réveiller. ». On ne pouvait pas savoir s'il mentait ou s'il disait la vérité. C'était le dernier recourt qu'il possédait. « Ne dîtes pas ce genre de choses ! » supplia-t-elle. « Je ne suis pas ici pour jouer. Si votre sottise et votre manque de confiance en vous continuent de mener la danse, votre destin sera très peu glorieux. Est-ce que vous pensez que votre frère, en tant que roi, resterait là à obéir ? Est-ce que vous pensez qu'un seul souverain de ces Terres obéit à ses conseillers ? Non ! Vous êtes la seule dans ce cas. Alors demain, vous allez annoncer à vos conseillers deux choses. ». Jun fit une pause, un petit sourire apparaissant sur son visage. « Vous allez leur annoncer, premièrement, que vous ne comptez pas épouser Gaston et que l'histoire n'est pas discutable. Dîtes leur que votre cœur saura lui seul choisir votre époux et que c'est d'ailleurs chose faite. Ne leur dîtes pas qui, laissez les deviner, ça leur fera une occupation. Et puisque la devinette n'a pas de réponse, ils chercheront encore plus longtemps. ». Elle en avait sans doute une, mais Jun n'avait pas envie d'entrer dans les détails. Il fallait partir du principe d'un mensonge. « Deuxièmement, vous allez leur annoncer que vous partez dès la prochaine lune pour annexer l'université de magie qui était à votre peuple par le passé. Ne leur dîtes pas comment cette information vous a été fournie. Là encore, ils se poseront des questions, se remettront en question, et cela ne sera que plus bénéfique pour vous. Là non plus, ce n'est pas négociable. Vous entendez redonner son prestige intellectuel à votre race en y érigeant à nouveau une université. Après cela, vous partez, décidant que la séance est close. Ensuite, nous nous reverrons pour discuter plus amplement. Mais si vous ne le faites pas, ne comptez pas me revoir un jour. Ma patience est très réduite. ». Il ouvrit la fenêtre, montant sur le rebord de celle-ci. « Pourquoi faites-vous cela ? ». « Vous ne vous souvenez pas ? Je n'ai aucune raison de ne pas le faire. ». Il sauta, disparaissant dans le néant de l'immatérialité de sa forme d'esprit.

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« Archimages. ». Le son avait été un peu faible mais tout de même décidé. Edwina avait obéit à Jun, ordonnant à ses conseillers de se rendre dans la grande salle de réunion. Ils étaient tous présents, tous sauf Eoranne mais la chose était normale. L'Archimage maîtresse de l'espionnage ne se montrait jamais à autrui, même à ses semblables. Seule la reine connaissait son existence et, pour cause, elle était la souveraine dans un sens, enfin, elle se faisait passer pour elle dans certaines occasions. « Si je vous ai réuni aujourd'hui c'est pour... ». La voix de la jeune femme s'arrêta un moment alors que son regard s'était posé sur la silhouette de Jun qui se tenait dans un coin de la pièce, l'homme appuyé contre un mur, semblant paisible. Ses bras étaient croisés sur son torse alors que ses yeux l'observaient avec un sentiment qui lui semblait mitigé. L'encourageait-il ou était-il là pour se gausser des dégâts qu'occasionnerait son discours ? L'Archimage Iten tourna la tête vers la direction du Roi des Chamans, ne voyant rien. Ce dernier devait être sous la forme d'un esprit, inatteignable, invisible pour la plupart des êtres. Nylmord tourna également la tête mais, à sa réaction, même subtile, Jun sut qu'il le voyait. Alors, d'un geste lent, il porta son index à ses lèvres pour lui faire signe de se taire, lui montrant ensuite la reine d'une main. C'était véritablement à elle, elle ne pouvait se dégonfler à présent. « Pour deux raisons. ». Elle inspira doucement avant d'expirer pour se donner du courage. Ses mains se posèrent sur la table, paume à plat sur celle-ci. « La première est l'annonce d'un choix que j'ai arrêté il y a quelques jours. Depuis des siècles notre territoire ne se mouvait plus. Nous étions le peuple du Lac de la Transparence. J'ai su l'étendre avec l'apparition du Cœur Bleu et de Caelum. Seulement, en étudiant les livres que vous m'avez confié, je me suis aperçue que l'Université de Magie était jadis notre avant qu'une catastrophe n'y éclate. ». « Certes, nous ne pouvions pas décemment rester dans ce vieux bâtiment bien plus dangereux que bénéfique à notre communauté. Je ne vois pas très bien où vous souhaitez en venir... » commença Kirak, l'Archimage en charge des questions contemporaines relatives à la race. Darin allait venir en aide à son collègue, mais, curieusement, il ne put ouvrir la bouche, le premier continuant sur un ton plus doux, comme s'il n'était pas réellement lui-même. « Cependant, j'ai hâte d'entendre ce que vous avez à dire. Continuez je vous prie. ». Jun semblait satisfait et bien plus visible qu'auparavant, bien que cela ne dura pas. Il n'aimait pas beaucoup la vermine au sein du conseil des Magiciens. Oh, il n'avait pas craché dessus à une époque, il ne fallait pas se leurrer. C'était d'ailleurs grâce à la présence de plusieurs Sorciers que l'annexion du Lac de la Transparence avait été si facile. Il était un peu chez lui dès le départ en quelque sorte. Edwina se racla la gorge. Elle n'était pas dupe. En temps normal, elle n'aurait pu placer un mot. Cependant, elle comprenait l'avantage qui lui était conféré à cet instant et comptait bien en profiter. « Merci Archimage Kirak. Je pense cependant qu'en tant que Magiciens, nous avons les pouvoirs nécessaires pour désinfecter l'endroit. Je vais donc annexer l'Université de nouveau et je compte lui redonner sa gloire passée. ». Elle marqua une pause. « Nous avons bien quelques écoles sur nos terres et, bien entendu, Baphel prodigue un enseignement de choix pour nos enfants et adolescents. Mais je crois qu'il est temps de montrer que nous ne sommes pas que des érudits qui gardons notre savoir pour nous. Si nous récupérons l'université, nous pourrons former des chercheurs, des professeurs et instruire ceux qui le désirent, quelle que soit leur race. ». Le dernier morceau de phrase était sans doute à relativiser mais Edwina avait bon espoir quelque part. Les Sorciers ne viendraient sans doute pas, tout comme les Elémentals. Cependant, le but de la reine était claire : elle ne souhaitait pas que son peuple tourne en rond, que la race des Magiciens soit vu comme pacifique et bien gentille, une race sans mordant et sans réelle ambition que celle de rester dans leur coin. Elle n'en oubliait pas pour autant la mission première des siens mais en formant des chercheurs, elle espérait aussi trouver bien des reliques dispersées au grès du vent et perdues depuis bien longtemps.

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Les Archimages se tenaient pour le moment tranquille mais elle ajouta, au cas où l'un d'eux souhaite l'interrompre. « C'est déjà décidé. Je ne fais que vous tenir au courant. ». Jun lui avait rappelé un fait important la veille : elle était reine, elle pouvait prendre certaines décisions seule et il était temps de le faire comprendre aux Archimages. Elle n'aimait pas agir de la sorte, sans demander l'avis d'autrui mais le conseil d'aujourd'hui devait servir d'exemple afin de restaurer un certain équilibre si cela était encore possible. « Il y a autre chose. ». C'était ce qui était plus délicat à faire passer. « Gaston a été désigné comme mon époux dans un temps de troubles. La raison que vous m'aviez jadis donné était le fait que le peuple avait besoin d'être rassuré par un mariage et la venue d'un héritier. Depuis, la paix est revenue et bien des événements ont pu jouer ce rôle. Je pense avoir fait en sorte que le chaos passé soit effacé des mémoires. Les Magiciens ont aujourd'hui deux nouveaux territoires et, bientôt, pourront récupérer l'université qui était leur jadis. Un mariage serait de trop. ». Il fallait qu'elle le dise, qu'elle continue sur ce qu'elle ressentait. « De plus, je n'éprouve pour Gaston aucun sentiment. Je n'accepterai donc pas de l'épouser, pour le moment. ». Pourquoi avait-elle prononcé la dernière partie ? Elle l'ignorait mais intérieurement elle se maudissait. « Je suppose que vous n'avez rien à ajouter ? » demanda-t-elle en question rhétorique. Le silence s'installa quelques secondes et elle ne laissa pas le loisir à quiconque d'ouvrir la bouche. « Bien, bonne journée. ». Elle attrapa le parchemin qu'elle avait amené pour toute décoration et quitta la pièce, laissant une assemblée de vieillards pantois. Nylmord sourit doucement, brièvement avant qu'il ne reprenne une expression neutre. Si la reine commençait à devenir ferme, les choses allaient sans doute changer de ton. Ceux qui manipulaient dans l'ombre n'auraient d'autre choix que celui de se montrer plus persuasifs et il comptait bien découvrir qui manigançait.

Derrière la porte qu'elle avait refermé derrière elle, Edwina fit une pause. Elle ne savait pas ce qui se tramait en elle, mais elle se sentait étrangement soulagée et bien. Elle avait réussi à se faire entendre pour la première fois depuis qu'elle était souveraine. Au début dans l'euphorie, elle finit par en être effrayée. Et si elle avait pris les mauvaises décisions ? Et si ce n'était pas bien ? Après tout, c'était Jun qui lui avait soufflé ce qu'elle devait faire. Peut-être manigançait-il quelque chose ? Elle se mit à trembler des doigts avant de se reprendre un peu. Non, non et non. Annexer un lieu ne pouvait pas porter atteinte à son peuple, ni refuser des noces. Dans le premier cas, la seule chose qui risquait d'être compliquée était de rendre saine l'université. Dans le deuxième cas, ce serait de rester ferme quant à son refus, surtout qu'elle était à peu près sûre que son « pour le moment » lui porterait préjudice pour plus tard. En attendant, elle ne devait pas y penser. Elle allait de ce pas se renseigner sur la marche à suivre pour se rendre dans le monument enterré et, surtout, sur ce qui l'attendrait à l'intérieur de ce dernier. Il semblait que, jadis, un savant fou ait fabriqué des créatures du nom de Shimis au sein du bâtiment et que certains d'entre eux seraient toujours à l'intérieur... Edwina ne le savait pas mais ils étaient bien loin d'être une menace, pas par rapport à ce qui se faufilait dans les murs de l'édifice. La magie n'avait pas cessé d'être totalement incontrôlable là bas et elle devrait réfléchir à ce qu'il serait judicieux d'amener sur place pour palier à toute éventualité ; Beaucoup d'individus à voir en somme. « Vous avez fait du bon travail jusqu'ici. » souffla Jun. La Reine sursauta avant de se calmer. « Merci, mais par pitié, arrêtez d'apparaître comme par magie, je vais finir par en mourir. ». Elle rit. « Vous vous permettez de l'humour maintenant ? Intéressant. ». Il ne l'avait jamais vu aussi détendue mais il savait ce qu'elle avait sans doute ressenti. Le pouvoir était grisant parfois, sentir que l'on maîtrisait son sujet et ses sujets. « Faîtes attention. Maintenant que vous êtes enfin une reine à peu près convenable, vous allez vous faire des ennemis. Regardez derrière vous quand vous marcherez dans les couloirs... c'est un conseil d'ami. ». Il disparut.

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« C'est inadmissible ! » s'insurgea Kirak. C'était trop tard pour montrer son mécontentement en réalité car cela faisait plusieurs heures que la réunion avait eu lieu. Pourtant, quatre Archimages étaient à présent réunis dans un petit amphithéâtre à l'abandon. Aucun n'avait rien dit quand ils s'étaient retrouvés devant la reine et c'était justement le problème. Sirigon réfléchissait depuis un moment alors que Kirak continuait à s'énerver seul. « Peut-être que la Reine est bien plus assurée que nous l'avions cru ? Et si elle nous manipulait depuis le début ? » avança l'homme. « C'est impensable, cette femme est la plus niaise qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie entière ! C'est pour cela qu'elle est reine ! Nous l'avons choisi parce que nous étions sûrs qu'elle ne pourrait assurer un règne convenable, parce que la mettre sur le trône nous donnait un avantage stratégique considérable ! » cracha Kirak dont les traits n'avaient plus rien de bénéfiques à cet instant. « Certes. » admit Sirigon. Seulement les choses avaient évolué, tout comme les fréquentations d'Edwina. Et puis, elle était d'une puissance considérable, si bien qu'il était pratiquement impossible de lire en elle. Ils ne pouvaient savoir ce qu'il se tramait dans son esprit car sa magie bloquait toute tentative de compréhension de ses pensées ou de ses intentions. Il lui avait toujours semblé qu'elle n'en était pas consciente mais aujourd'hui il doutait fortement. Ils n'avaient rien si ce n'était le temps considérable qu'ils avaient passé à ses côtés sans qu'elle ne semble se rendre compte de leurs véritables desseins. « Cependant, nous ne pouvons pas écarter la piste qui irait dans le sens où elle nous manipule depuis le début. Nous le faisons bien avec elle depuis le début de son règne, comme nous l'avons fait avec ses prédécesseurs avant elle. Il se peut qu'elle excelle dans la manipulation et les faux-semblants. Mais si c'est le cas, pourquoi aurait-elle agit de la sorte ? Hum... ». Il songeait. « Peut-être attend-elle simplement le bon moment pour nous éjecter de nos places. Il lui faut des preuves et elles ne sont pas faciles à trouver vu notre minutie. ». « Non ! Je n'en crois rien ! Elle a simplement eu un moment de force qu'il va falloir vite écraser si nous voulons garder la main. Certains Archimages commencent à tomber dans les bras du mal, doucement mais sûrement, cela dit nous sommes en minorité encore dans le conseil. Et puis... il y a ces chiens, comme Nylmord, qui ne peuvent pas être corrompus. Ceux là, il faudra les éliminer, et au plus vite ! ». « Ne nous emportons pas. Cela ne servirait à rien hormis à nous révéler au grand jour. Nous n'avons aucune certitude sur ce que sait ou non la reine et sur ce qu'elle espère obtenir en se comportant ainsi. Si cela se trouve, la Taiji lui a simplement monté la tête et sa prise de pouvoir s'effondrera tel un soufflet dans les jours à venir dès qu'elle rencontrera une difficulté. ». Les quatre Archimages présents s'étaient montrés patients jusqu'ici. Cela faisait des siècles qu'ils étaient en place avec un objectif bien précis en tête. Cela prenait du temps mais ils avaient l'éternité devant eux pour accomplir ce qu'un ancien souverain Sorcier leur avait demandé de faire. « Un jour nous prendrons le contrôle du conseil et, ce jour là, quand tous les Archimages seront corrompus, nous pourrons tuer l'Ultimage sans vergogne. En attendant, nous ne pouvons pas nous le permettre. ». Un conseil pourri jusqu'à la moelle signifiait le pouvoir absolu sur le peuple. Les artefacts que gardaient les Magiciens seraient à eux s'ils se montraient stratèges et, ensuite, une fois que les Sorciers les auraient entre les mains, nul ne pouvait prédire ce qu'il arriverait. C'était une entreprise de longue haleine, difficile, mais les quatre hommes présents y croyaient encore. Le fait qu'Edwina semble se rebeller venait ternir leur ciel ensoleillé. Ils allaient devoir agir, et vite. « Oui, c'est ce que j'ai dit. Rien ne sert de s'emporter. Pour l'Université de Magie, montrons nous sous un bon jour. Pour Gaston, je pense qu'il y a encore une carte à jouer. Une fois sous l'emprise de cet homme, elle se montrera docile. Il frôle la limite mais reste un Magicien... mais un Magicien aux mœurs quelques peu décalées et bien sexiste. Il saura la dresser. ». Un seul était resté silencieux. Celui-ci avait bien d'autres chats à fouetter en réalité, quelque chose qui le fascinait depuis qu'il l'avait récupéré.

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« Ce qui m'interpelle c'est le fait que nous soyons tous restés silencieux durant son discours. C'est... étrange. ». « Oui. J'ai commencé à m'exprimer. Je voulais la convaincre du fait qu'annexer l'Université n'était pas une bonne idée mais j'ai changé d'avis entre temps, comme si sa proposition, tout à coup, me plaisait. ». Kirak avait senti ce changement. Cela n'avait pas été caché par celui ou celle qui avait usé de maléfice sur lui. « La Reine ou un Archimage qui nous a démasqué ? » proposa Darin. « Si cela vient de la Reine, cela confirme ce que je disais. Peut-être est-elle plus puissante que ce qu'elle a bien voulu montrer jusqu'ici ? Mais pourquoi avoir laissé Kirak commencé à parler si c'était pour lui couper la parole par la suite ? Ce n'est pas logique. ». « Et un Archimage... c'est possible, même dans le cas où il ne saurait rien. Un Archimage qui serait pour les idées de la Reine ou qui en aurait simplement marre que nous remettions toujours en cause ses dires ? Mais là encore, nous nous en serions rendus compte je pense... ». Ils parlaient à découvert sans avoir peur d'être espionnés et, pour cause : l'amphithéâtre dans lequel ils se trouvaient était totalement hermétique, un puissant sort magique protégeant ses occupants de tous curieux indésirables. « Il manque quelque chose... » finit par couper Sirigon. « Il y a un élément que nous n'avons pas sous la main. Nous nous focalisons sans doute trop sur la Reine et sur nos semblables... Comme nous l'avons dit plus tôt, elle fréquente un certain nombre d'individus. Peut-être que l'un d'eux est assez puissant pour nous réduire au silence et faire régner les propos d'Edwina ? ». « Mitsuko Taiji ? ». « Je ne crois pas. Cette femme a un orgueil élevé qui empêche quiconque est influençable de savoir jusqu'où s'étend sa puissance mais elle me semble trop faible pour pouvoir nous manipuler sans vergogne. ». « Un autre souverain ? ». Sirigon serra la mâchoire. Il n'aimait pas ne pas savoir, être pris de court. Le problème restait entier. « Tout ce que nous savons c'est que malgré notre volonté d'objecter, nous en avons été incapables. C'est la première fois que nous nous retrouvons réduits au silence. Il faudrait enquêter, voir si cela se reproduit en présence de la Reine ou d'un Archimage. ». Aucun ne répondit jusqu'à ce que celui qui était resté silencieux jusqu'ici ne murmure : « Ou regarder la scène de nouveau, pour voir si nous avons raté quelque chose ou non. ». Les autres le fixèrent un instant. « Tu es le seul à pouvoir le faire alors ne te gênes pas surtout ! » dit Kirak, au bord de l'énervement. Son comparse était définitivement étrange. Un Sorcier, certes, mais étrange. Il pouvait voir la scène depuis le début mais il les avait laissé parler dans le vent, se poser des questions inutiles sans leur proposer son aide. Et puis, depuis quelques temps, il était distant. Déjà que les autres Archimages ne connaissaient pas son existence... « Je n'étais malheureusement pas là au moment des faits... » précisa l'intéressé. « Ma vision risque d'être partielle... ». « Essaye toujours, nous n'avons rien à perdre. » murmura Sirigon. « Bien. ».

L'homme ferma les yeux un moment. Il n'avait pas besoin de se concentrer comme il l'avait laissé entendre à ses semblables. Il pouvait voir la scène aussi clairement que de l'eau de roche et ce qu'il y trouva l'amusa fortement. Jun avait fait une apparition à un moment, un court moment, celui-là même où Kirak avait changé de bord. Mais ce n'était pas tout car l'ancien Empereur Noir fixait à présent celui qui avait la curiosité de revivre la scène. Sa main se leva dans une salutation amusée. Il l'avait prévu, ce qui eut le don de faire rire le spectateur qui déclara par la suite : « Hé bien, je ne vois rien de spécial. ». « Cela n'arrange pas nos affaires. » grogna Kirak. Sirigon était songeur, comme toujours. Il était sans doute le plus stratège des quatre, du moins, le paraissait. « Kirak, j'aimerai que tu ailles à l'Université de magie pour voir comment ça se passe et que tu fasses preuve de bonnes volontés apparentes quant à l'annexion du lieu. Je vais essayer de trouver la source de notre trouble et contacter nos supérieurs. Quant à toi, Darin, j'aimerai que tu fasses le tour des fréquentations d'Edwina afin d'en savoir plus, discrètement. Si tu pouvais discuter avec Gaston... ». « J'ai des choses à faire en ce qui me concerne. » coupa le dernier. De toute façon, il ne voyait pas pourquoi il devrait obéir à un homme qui trouverait bientôt le trépas. Les trois autres allaient être découverts, lui non.

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