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 Spleen | Niveau III

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Mer 16 Déc 2015, 07:30

Le noir. La pièce était plongée dans l’obscurité, c’était à peine si Mickey arrivait à distinguer la forme de son corps, dessinée par les draps blancs du lit. Il haletait, en sueur, ses yeux grands ouverts sur le vide. Sa peau se hérissait à intervalles régulier d’un frisson glacial. Il n’entendait que le son de sa respiration rauque, irrégulière. Un bourdonnement sourd couvrait tout le reste, comme une barre de métal plaquée contre ses tempes et qui accentuait sa pression à chaque nouveau battement de cœur. Pendant de longues minutes, il resta assis, les mains crispées sur sa couverture, sans parvenir à reprendre son souffle. Il n’arrivait pas à penser, à raisonner, tout ce qu’il ressentait, c’était cette angoisse, grandissante, écrasante ; sans qu’il parvienne à mettre un mot sur ce qui le terrifiait, c’était là, et ça s’agrippait à son cœur comme un oiseau à sa proie. Ses membres ne répondaient plus, tétanisés. Et la douleur ; la douleur elle, ne faisait que s’intensifier. Elle migrait parfois, de l’arrière de son crâne à l’arrête de son nez, à l’instar d’une machinerie infernale dévastant méthodiquement son esprit. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait. Depuis qu’il était à Basphel, ces crises d’angoisse nocturne s’étaient faites plus régulières, à un tel point qu’il lui arrivait d’appréhender le moment où chacun rejoignait sa chambre pour la nuit. Bien sûr, il n’en avait parlé à personne. Hors de question de passer pour un moins-que-rien. Mitsuko n’aurait certainement pas approuvé ce genre de faiblesse. C’est pourquoi il ne lui en avait pas parlé non plus. Elle avait autre chose à faire que de s’occuper de ses petits problèmes. Tandis qu’il reprenait petit à petit le cours de ses pensées, la douleur diminuait. Sans qu’il s’en rende compte immédiatement, la crise passa. Il était trempé de sueur, grelottant et reniflant, mais c’était passé. Il demeura assis quelques minutes encore, songeant à la Dame Rouge, celle façon qu’elle avait de lui manquer, et ce sentiment contraire qui lui faisait apprécier sa toute nouvelle indépendance. Qu’aurait-elle pensé si elle l’avait vu ainsi ? Rien de bon. Son regard s’assombrit, et il attrapa une serviette pour éponger son front. Il jeta un coup d’œil à son lit défait ; il n’avait pas envie d’y retourner, et de chuter à nouveau. Après un instant d’hésitation, il alla s’habiller.

La température et la neige étaient tombées quelques jours plus tôt sur Basphel, si bien qu’il enfila un pantalon ample et une paire de bottes de fourrure, avant de passer un haut chaud et son manteau. En sortant de sa chambre, il vérifia rapidement qu’aucun adulte ne faisait sa ronde dans le couloir, et glissa en direction de la sortie, longeant les murs comme une ombre. Il était tard, et il ne croisa personne. Dehors, les flocons chutaient mollement, et le froid donnait à l’atmosphère ce halo bleuté si caractéristique. Le ciel sans nuage scintillait, et la lune éclairait ce qu’on pouvait encore distinguer du sentier en direction du parc. Le garçon s’y engagea, mains dans les poches, et le nez caché sous son écharpe. Ces rares moments de solitude lui rappelait combien il tenait à sa vie de nomade ; un vrai Héros, il le savait, était sans famille et sans attache, il n’avait besoin pour seule compagnie que du ruisseau et du feu de camp. Sous ses pas, la neige craquait doucement, et il savourait ce sentiment si particulier que d’être le premier à laisser ses empreintes dans la nouvelle nappe blanche. Pas âme qui vive. Tant mieux. Ses grandes prunelles mauves apparaissaient fatiguées, mais il se sentait bien. Pas d’angoisse ou de douleur sourde. Il avisa un banc et en ôta la neige, avant de s’y laisser tomber lourdement. Là, il inspira profondément, et laissa lentement l’air s’échapper de ses poumons en un long filet de buée blanche. Le Démon songea à Violette, qui devait être assoupie, non loin de là, dans le dortoir de son département. Il y avait fort à parier qu’elle ne connaissait pas les mêmes difficultés que lui à fermer l’œil. Un sourire se dessina malgré lui sur son visage, lorsqu’il se remémora quelques souvenirs de la jeune fille et de sa bonne humeur inébranlable. Car plus le temps passait et plus il peinait à la voir comme la Taiji qu’elle était. Il ignorait s’il s’agissait là d’un effet de bord de son jeu d’actrice, ou si elle était réellement telle qu’elle semblait être, et peu importe, son avis importait peu. Du moment qu’il était là pour la protéger et la seconder. Mickey se frotta le nez, et renifla. Puis il l’aimait bien. Pas seulement en tant que Taiji, mais aussi en tant que Violette. Enfin, c’est ce qu’il ressentait parfois en la regardant, sans tout à fait comprendre ce que ça voulait dire. Le froid l’engourdissait de plus en plus, et ses paupières papillonnaient de temps à autre. Son sourire s’élargit. Il était bien, sur ce banc. Ses paupières se fermèrent d’elles-mêmes, et bientôt, il s’assoupit, emmitouflé dans sa veste, ses cheveux battant doucement au vent.

« Hé ! Réveille-toi ! ». Mickey sursauta, et arqua sa main en une serre prête à frapper ; mais quand il ouvrit les yeux, il ne vit que le visage rougeaud d’un des gardes de l'école, penché sur lui. L’homme en question était un Bélua Éléphant, qu’il avait vu plus d’une fois en action, et que très peu d’élèves avaient envie de déranger. Son visage était froncé dans une expression mécontente et ses mains gantées étaient crispées sur la hampe de sa lance. Il grelottait de froid. C’est en le voyant frissonner que le Démon prit conscience de la température ambiante ; lui aussi était frigorifié. Il devait avoir dormi un peu plus d’une heure, car une fine couche de neige l’avait presque recouvert. Le garçon s’ébroua violemment en éternuant, et glapit en sentant quelques flocons tomber dans son col. « Je peux savoir ce que tu fais dehors, à cette heure-ci ? Et par ce temps ! Tu comptais attraper la mort, c’est ça ? ». Mickey claqua des dents et répondit d’une voix fatiguée : « ‘rrive pas à dormir dans ma chambre. ». Sceptique, son interlocuteur le toisa de plus belle, semblant hésiter. Puis une lueur s’alluma dans son regard. Il venait de reconnaitre le garçon. « T’es le petit… Maester, c’est ça ? ». « ‘uis pas p’tit. ». Un court silence. « Un Démon, hein ? ». Mickey releva les yeux, alerte. Personne ne faisait jamais cette constatation sans arrière-pensée. Parfois, c’était pour l’insulter, l’attaquer ; d’autre fois, pour le maudire et prédire sa chute. Sa race était haïe, alors qu’il ne leur accordait pas plus de crédit qu’aux Humains et autres parasites. Mais force était de constater qu’il allait devoir composer avec les aprioris raciaux tant qu’il habiterait Basphel. « Et ? ». S’il tentait quoi que ce soit, Mickey se sentait capable de lui arracher la gorge avant qu’il ne pense à se transformer. Le froid lui creusait l’appétit… Le Garde le considéra, songeur. Le Démon le scrutait d’un regard acéré, vif. Son cœur battait un peu plus vite que d’ordinaire. « Écoute… Ça fait longtemps que j’y pense, et je voudrais passer un pacte. ». Aucune réaction de la part du garçon, si ce n’est un reniflement peu concerné. « Et c’est pas la peine de me juger, sale mioche. C’est ça ou je t’envoie directement dans le bureau de la directrice. ». Le pacte. Mitsuko lui en avait touché quelques mots, et il connaissait plus ou moins la procédure, mais c’était bien la première fois que quelqu’un lui demandait d’en passer un. La Dame Rouge ne s’était pas étendue sur le sujet, et à vrai dire, il lui avait semblé qu’elle n’en avait cure. Le jeune homme toisa quelques instants de plus le Bélua, hésitant, avant de demander : « Vous voulez quoi ? ».

De façon bien trop détaillée et personnelle, le Garde lui expliqua à grand renfort d’anecdotes pourquoi il était difficile dans sa condition d’assumer son propre totem, puisque celui-ci influençait largement sa forme humaine, notamment en lui infligeant une masse corporelle bien supérieure à la moyenne. « Je ne veux pas simplement perdre ce poids, je veux qu’il n’existe plus. Je ne veux plus jamais être gros, et je veux pouvoir manger ce que je veux sans jamais prendre du poids. Je n’ai trouvé aucun mage capable de faire ça contre de l’argent, et trouvé aucun génie pour s’en occuper. Alors… ». Alors il s’était rabattu sur la pire des solutions. Cela, Mickey l’avait bien compris. Ce qu’il saisissait moins, en revanche, c’était la contrepartie qu’il était censé demander au signataire du pacte. Dans les grandes lignes, il se doutait qu’il s’agissait d’asservissement, mais il ne voyait pas l’intérêt d’avoir un Bélua Éléphant à son service. Dans le meilleur des cas, c’était un repas copieux. « Et pour… ». L’homme lui coupa la parole, empressé : « Pour la contrepartie, on a qu’à dire que tu te servira à ma mort. ». Cette fois-ci, le garçon ne comprenait plus rien. Mais il était fatigué, il avait froid, et ne voulait pas se retrouver une nouvelle fois devant la vieille aveugle acariâtre. S’il se faisait expulser de Basphel, Mitsuko serait déçue, et il préférait mourir que ça. « D’accord. ». L’homme ôta le gant de sa main droite, et la tendit au Démon. Celui-ci la considéra un instant, et fit de même. Lorsque leurs paumes se touchèrent, une lueur sombre et rougeâtre s’en dégagea, et il sentit son énergie diminuer rapidement, à un tel point qu’il sentit ses paupières fléchir d’elles-mêmes. Mais il tint bon, resta éveillé. Le Garde, de son côté, fut enveloppé quelques instants par un ruban lumineux, pulsant tel un cœur. Quand la lumière retomba, il avait visiblement diminué de volume, et il poussa un cri de soulagement. « Ça a marché ! Ça a marché ! ». Un sentiment étrange s’empara de Mickey, comme s’il ressentait une forme de culpabilité à voir cet homme plus heureux que lorsqu’il l’avait rencontré. Ce n’est pas comme ça que Mitsuko l’avait élevé.

Le Bélua sautilla un instant sur lui-même, éprouvant son nouveau corps, ravi, puis se calma, et se retourna vers le garçon. Il demanda, d’une voix plus froide que la neige. « Est-ce qu’on t’a déjà appris comment est-ce qu’un pacte démoniaque est brisé ? ». Mickey le regarda sans comprendre. L’instant d’après, la lance sifflait dans l’air, en direction de son poitrail. Il ne dut son salut qu’à un réflexe incontrôlé. Du dos de la main, il frappa l’arme au moment où elle menaçait de le transpercer, et elle alla se ficher dans le bois du banc. L’espace d’une seconde, il ressentit un sentiment si fort, si plaisant, qu’un sourire naquit naturellement sur ses lèvres, dévoilant ses canines acérées. Enfin. Enfin, il avait l’occasion de manger. Il passa à l’attaque, sans réfléchir. Le froid les avaient tous deux engourdis, mais Mickey tuait depuis sa naissance, et il avait faim. Il bondit sur l’homme, visant directement la gorge. Il vit la peau muter, prendre un teint grisâtre et se rigidifier, mais il ne laissa pas le temps au garde de terminer sa transformation. Ce fut fini en quelques coups de mâchoire. Les vertèbres craquèrent d’abord, puis il resserra l’étau de ses dents, et la peau se rompit. Les muscles protestèrent un instant, puis se fendirent. Mickey posa ses mains de part et d’autre de la gorge de sa victime, l’une plaquée sur son visage déformé par la peur, et l’autre sur sa poitrine, où son cœur battait la chamade ; puis il jeta la tête en arrière, emportant os, chair et tissus. Le corps du Bélua tressauta, ses mains s’agitèrent dans le vide, et le garçon aux yeux prunes reçu un violent coup aux côtes. Mais ça n’avait aucune importance, il ne sentait rien ; rien d’autre que la saveur du sang chaud coulant dans sa gorge, de la peau déchirée contre sa langue, et le craquement du calcaire sous ses molaires. Tant de temps, tant de temps avait passé sans qu’il puisse éprouver cette sensation. Il tremblait, non plus de froid, mais de plaisir et d’excitation. Pendant que son agresseur rendait son dernier souffle dans un gargouillis d’hémoglobine projetée par courts jets puissants, il savoura un instant de plus le gout incomparable de la chair humaine, puis déglutit. Voir qu’il lui restait encore tant de chair à déguster était presque aussi bon que de la dévorer. Heureusement pour lui, le Bélua était d’ores et déjà mort quand Mickey commença à fouiller ses entrailles à la recherche des morceaux de choix. Chaque fois qu’il plongeait la tête et les mains dans l’amalgame de viande brûlante que représentait ce cadavre dans le froid, sa tenue était un peu plus tâchée par le sang, son visage un peu plus crasseux de cruor. La vie du garde coulait abondamment de son menton et entre ses doigts, semblant ne jamais vouloir s’arrêter. L’espace d’un instant, il regretta d’avoir accepté le pacte de sa victime ; il ne restait plus beaucoup de graisse pour accompagner le tout. Autour d’eux, la neige rougissait un peu plus à chaque instant.

Ce n’est que bien plus tard que sa frénésie diminua d’ampleur, et qu’il retrouva un certain contrôle sur ses actions. Il était repu, ravi, et se sentait plus revigoré que jamais. Le froid n’avait plus prise sur lui. Insouciant des conséquences, il s’en retourna à son dortoir, abandonnant sur place les quelques restes qu’il n’avait pas ingéré. Nul n’aurait pu douter qu’il s’agisse encore là d’un cadavre d’homme. Le sourire gravé sur le visage, il rentra, couvert de sang. En passant, il croisa deux bambins se rendant aux latrines. Figés, ceux-ci le regardèrent passer, tétanisés, et plus tard, ils jurèrent n’avoir fait qu’un horrible cauchemar. En entrant dans sa chambre, il se déshabilla, fourra les vêtements tâchés dans un sac, se débarbouilla rapidement, et se glissa dans son lit. Rien ne vint troubler son sommeil, et il dormit le sourire aux lèvres jusqu’à tard dans la matinée. Ce qui restait du corps du garde fut découvert le lendemain matin, et nettoyé avant que les élèves ne le voient. On imputa la faute à une des créatures qui rôdait de l’autre côté de l’île, bien qu’aucune n’ait encore fait preuve de tant de violence et de bestialité.
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